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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 22 mai 2025, n° 22/08280

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun Lallemand

Conseillers :

Mme Dupont, Mme Girousse

Avocats :

Me Rigal, Me Moisan, Me Lemaire

TJ Créteil, 3e ch. civ., du 14 déc. 2021…

14 décembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 28 mai 2019, M. [V] [U] a donné à bail commercial à la société Hasmur en cours de formation, à M. [R] [T] 'agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'associé fondateur de la société Hasmur en cours de formation' et à Mme [E] [B] 'agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'associé fondateur de la société Hasmur en cours de formation', à compter du 28 mai 2019 et pour une durée de 9 ans, des locaux dans un immeuble situé à [Localité 7], [Adresse 3], pour un usage de bar - brasserie - restauration sur place et à emporter, moyennant un loyer annuel de 47.400 euros hors charges et hors taxes, soit un loyer trimestriel de 11.850 euros hors charges et hors taxes, payable d'avance.

Les locaux sont désignés comme suit :

au rez de chaussée, un local commercial sur la [Adresse 9], correspondant au lot n° 5 de la copropriété, communiquant avec le lot n° 3 et donnant accès au lot n° 6 du niveau

lot n° 74 : Au premier sous-sol, un emplacement de voiture n°16

lot n° 75 : Au premier sous-sol, un emplacement de voiture n°17

lot n° 76 : Au premier sous-sol, un emplacement de voiture n°18,

Les lots n°s 74, 75 et 76 sont réunis entre eux et accessibles directement par le commerce, formant à eux trois, une grande cave, utilisée à usage de réserve et chambre froide.

Le contrat de bail prévoit une franchise du loyer courant d'un mois et demi (45 jours) à compter de la date d'effet du bail ainsi que le versement d'un dépôt de garantie représentant deux termes du loyer trimestriel hors charges et hors taxes, soit 23.700 euros, payable en 4 termes, 10.000 euros à la signature du bail puis 3 échéances mensuelles de 4.600 euros le 1er juillet, de 4.550 euros le 1er août et de 4.550 euros le 1er septembre 2019.

La société Hasmur a été immatriculée après la conclusion du bail, le 14 juin 2019. Ses associés étaient M. [R] [T] et Mme [E] [B].

Par acte d'huissier de justice du 18 octobre 2019, le bailleur a fait délivrer à la société Hasmur un premier commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur un arriéré locatif de 22.018,23 euros, le solde du dépôt de garantie de 13.700 euros outre les frais d'acte de 274,93 euros.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 janvier 2020, M. [V] [U] a adressé à la société Hasmur une mise en demeure de payer la somme de 51.910,23 euros .

Par actes d'huissier de justice des 12 mai 2020 et 19 mai 2020, M. [V] [U] a fait délivrer à la société Hasmur, Mme [E] [B] et M. [R] [T] de nouveaux commandements de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme totale de 69.321,25 euros, représentant le solde du dépôt de garantie (13.700 euros), le loyer du mois de septembre 2019 (4.400 euros), les loyers des 4ème trimestre 2019, 1er et 2ème trimestres 2020, le remboursement du prorata de la taxe foncière (1954,23 euros) outre des pénalités, intérêts de retard, honoraires d'avocat et frais d'acte.

Par l'intermédiaire de son avocat, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 29 juillet 2020, M. [V] [U] a adressée à la société Hasmur, Mme [E] [B] et M. [R] [T] une nouvelle mise en demeure de payer la somme de 82.918,59 euros.

C'est dans ce contexte que M. [V] [U], autorisé par ordonnance du 6 août 2021, a fait assigner à jour fixe Mme [E] [B], M. [R] [T] et la société Hasmur devant le tribunal judiciaire de Créteil sollicitant à titre principal la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion du preneur et la condamnation solidaire des défendeurs au paiement des arriérés dus au titre des loyers, charges, solde du dépôt de garantie et indemnités d'occupation ainsi qu'au paiement des pénalités, intérêts de retard et frais.

Par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2021, rendu en l'absence de M.[R] [T] et de la société Hasmur,le tribunal judiciaire de Créteil a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant M. [V] [U] à Mme [E] [B], M. [R] [T] et la société Hasmur avec effet au 19 juin 2020 ;

ordonné en conséquence l'expulsion de Mme [E] [B], M. [R] [T] et la société Hasmur, ou de tout occupant de leur chef, des locaux loués situés à [Localité 7], [Adresse 3], à défaut de départ volontaire passé le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

rejeté la demande d'astreinte de M. [V] [U] ;

rappelé qu'en application de l'article L; 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ; qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire ;

condamné in solidum Mme [E] [B], M. [R] [T] et la société Hasmur à payer à M. [V] [U] :

la somme de 136.646,23 euros hors TVA représentant la créance de loyers, charges, taxes, solde de dépôt de garantie et indemnités d'occupation dues courues depuis l'acquisition de la clause résolutoire, selon décompte arrêté au mois d'octobre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2020 sur la somme de 69.718,59 euros et à compter du présent jugement pour le surplus ;

la somme de 1000 euros au titre des pénalités contractuelles avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

une indemnité d'occupation mensuelle fixée au montant du dernier loyer contractuel outre les charges, due depuis le 1er novembre 2021 jusqu'au présent jugement, et fixée au montant du dernier loyer contractuel majoré de 50 % outre les charges, due à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ;

débouté M. [V] [U] du surplus de ses demandes ;

condamné in solidum M. [R] [T] et la société Hasmur à payer à M. [V] [U] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum Mme [E] [B], M. [R] [T] et la société Hasmur aux dépens incluant notamment le coût des commandements de payer, de la délivrance de la présente assignation, de sa notification aux créanciers inscrits et de la signification de la présente décision et qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle concernant Mme [E] [B] ;

rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration du 21 avril 2022, Mme [E] [B] et M. [R] [T] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

condamné in solidum Mme [E] [B] et M. [R] [T] au paiement des sommes de :

136.646,23 euros hors TVA et intérêts aux taux légal à compter du 19 mai 2020 sur la somme de 69.718,59 euros ;

1000 euros au titre des pénalités contractuelles ;

une indemnité d'occupation mensuelle fixée au montant du dernier loyer contractuel du 1er novembre 2021 au jugement puis au montant du dernier loyer contractuel majoré de 50 % à compter du jugement jusqu'à la libération des lieux ;

1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] [U] a constitué avocat le 30 août 2022.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 décembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans leurs dernières conclusions déposées le 29 juin 2022, Mme [E] [B] et M. [R] [T] demandent à la cour de :

accueillir Mme [E] [B], M. [R] [T] en leur appel,

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que Mme [E] [B], M. [R] [T] étaient solidairement tenus des dettes de la société Hasmur et a condamné in solidum Mme [E] [B], M. [R] [T] et la SARL Hasmur à payer à M. [V] [U] :

la somme de 136.646,23 euros hors TVA représentant la créance de loyers, charges, taxes, solde de dépôt de garantie et indemnités d'occupation dues courues depuis l'acquisition de la clause résolutoire, selon décompte arrêté au mois d'octobre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2020 sur la somme de 69.718,59 euros et à compter du présent jugement pour le surplus ;

la somme de 1000 euros au titre des pénalités contractuelles avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

une indemnité d'occupation mensuelle fixée au montant du dernier loyer contractuel outre les charges, due depuis le 1er novembre 2021 jusqu'au présent jugement, et fixée au montant du dernier loyer contractuel majoré de 50 % outre les charges, due à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ;

la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Statuant de nouveau,

dire et juger que Mme [E] [B] et M. [R] [T] ne peuvent être solidairement tenus des engagements de la société Hasmur,

débouter M. [V] [U] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme [E] [B] et M. [R] [T].

condamner M. [V] [U] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Mme [E] [B] et M. [R] [T] font valoir que :

- ils ne peuvent pas avoir la qualité de copreneurs du bail commercial conclu le 28 mai 2019 car ils ne sont pas immatriculés au RCS, et ne peuvent d'ailleurs pas l'être, en application de l'article L. 145-13 du code de commerce, en qualité de ressortissants turcs, alors que le code de commerce impose au preneur d'un local commercial d'être immatriculé au RCS ou au RM ;

- qu'en application de l'article L. 210-6 du code de commerce et des statuts de la société Hasmur, la société Hasmur a repris l'intégralité des engagements de Mme [E] [B] et de M. [R] [T] qui sont intervenus lors de la conclusion du bail au nom de la société Hasmur en cours de formation ;

- que la clause du bail stipulant la solidarité des preneurs ne s'applique pas dès lors que Mme [E] [B] et M. [R] [T] n'ont pas la qualité de copreneurs.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 novembre 2024, M. [V] [U] demande à la cour de :

écarter des débats les pièces numérotées 1 à 4 listées au bordereau annexé aux conclusions signifiées le 12 septembre 2022 par Mme [E] [B] et M. [R] [T]

déclarer mal fondés Mme [E] [B] et M. [R] [T] en leur appel, les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes,

confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

condamner in solidum Mme [E] [B] et M. [R] [T] au paiement de la somme de 15.000 euros pour indemnisation des préjudices causés à Monsieur [V] [U] par leur comportement procédural, leur résistance abusive et leur intention de lui nuire ;

condamner in solidum Mme [E] [B] et M. [R] [T] au paiement à Monsieur [V] [U], en cause d'appel, de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers dépens.

M. [V] [U] fait valoir :

- à titre liminaire et en application de l'article 915-1 du code de procédure civile (anciennement 906 du code de procédure civile) que les appelants ne lui ont jamais communiquées leurs pièces ;

Sur la confirmation du jugement entrepris,

- qu'aux termes du bail, Mme [B] et M. [T] se sont engagés solidairement aux côtés de la société Hasmur alors en formation en tant que copreneurs tenus personnellement au-delà de leur qualité d'associé de la société en formation ; que la résolution 3 du procès-verbal de l'assemblée générale du 15 mai 2019 de la société Hasmur le confirme en désignant explicitement Mme [B] et M. [T] comme les « copreneurs » du bail commercial avec la société Hasmur ;

- que l'article L. 145-13 du code de commerce qui excluait les commerçants étrangers du droit au renouvellement du bail commercial a été abrogé par la loi Pinel de 2014 ; qu'aucune disposition légale n'empêche l'immatriculation des ressortissants étrangers au registre du commerce et des sociétés ;

- que le défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés lors de la conclusion du bail n'a jamais été de nature à mettre en cause la validité de l'engagement du preneur à bail ;

- que l'article L. 145-1 du code de commerce dipose que 'si le bail est consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires, l'exploitant du fonds de commerce ou du fonds artisanal bénéficie des dispositions du présent chapitre, même en l'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers de ses copreneurs ou coindivisaires non exploitants du fonds' ;

- que la société Hasmur n'a repris que les engagements qui avaient été pris en son nom alors qu'elle était en formation ; qu'elle n'a pas repris les engagements pris par Mme [E] [B] et M. [R] [T] en leur nom personnel ;

Sur sa demande de dommages et intérêts,

- que l'attitude et la résistance de Mme [E] [B] et de M. [R] [T] caractérisent un abus de procédure et une intention de lui nuire ;

- que l'appel de Mme [E] [B] et M. [R] [T] procède de la mauvaise foi dans le but de chercher à se soustraire par tous moyens et aussi longtemps que possible à leurs engagements ;

- que le comportement fautif de Mme [E] [B] et de M. [R] [T] est établi par le fait d'avoir interjeté appel sans avoir exécuté préalablement les condamnations prononcées contre eux en première instance, d'avoir paralysé l'apurement de la dette due au bailleur, de s'être faussement déclarés sans revenu dans leur demande d'aide juridictionnelle, de ne pas avoir restitué les locaux après le jugement du 14 décembre 2021, d'avoir demandé l'ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la société Hasmur pour arrêter l'exécution de la décision de première instance contre elle, d'avoir caché au tribunal judiciaire l'état de cessation des paiements de la société Hasmur, d'avoir caché au tribunal de commerce le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 14 décembre 2021 lors de l'ouverture de la procédure collective ainsi que les modalités de l'exploitation de la société Hasmur (absence de comptabilité, sous-location, travail dissimulé), d'avoir irrégulièrement introduit dans les locaux loués des tiers qui y ont exploité un commerce.

Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

1- Sur la demande de M. [V] [U] tendant à voir écarter les pièces n° 1 à n° 4 des appelants

En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

L'article 906 du code civil, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 applicable à la présente instance, précise que les pièces sont communiquées par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie.

En l'espèce, les pièces n°1 à 4 des appelants sont :

- pièce n° 1 : bail commercial

- pièce n° 2 : extrait Kbis

- pièce n° 3 : statuts

- pièce n° 4 : jugement rendu le 14/12/2021.

Ces pièces sont également produites aux débats par M. [V] [U] selon le bordereau de pièces annexé à ses dernières conclusions :

- pièce n° 2 : bail commercial du 28 mai 2019

- pièce n° 3-2 : statuts Hasmur

- pièces n° 3-3 et 3-4 : extrait K bis de la société Hasmur au 21 juin 2019 et au 7 octobre 2021

- pièce n° 43 : jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 14 décembre 2021.

Il s'en déduit que l'intimé a été à même de débattre contradictoirement des pièces énumérées par les appelants dans leur bordereau en dépit de l'absence de communication de ces pièces.

En conséquence, la demande de M. [V] [U] est rejetée.

2- Sur les condamnations à paiement prononcées par le jugement entrepris contre Mme [E] [B] et M. [R] [T]

2-1 Sur le moyen tiré du défaut d'immatriculation de Mme [E] [B] et de M. [R] [T] au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers

L'article 1128 du code civil dispose que sont nécessaires à la validité d'un contrat :

1° le consentement des parties ;

2° leur capacité de contracter ;

3° un contenu licite et certain.

En vertu de l'article 1709 du code civil, le bail est le contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'un local pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à payer.

Par ailleurs, il résulte du I de l'article L. 145-1 du code de commerce que les dispositions du chapitre V du titre IV du livre I du code de commerce sur le bail commercial 's'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat immatriculée au registre national des entreprises, accomplissant ou non des actes de commerce'.

Quant au III de l'article L. 145-1 du code de commerce, il prévoit que 'si le bail est consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires, l'exploitant du fonds de commerce ou du fonds artisanal bénéficie des dispositions du présent chapitre, même en l'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat de ses copreneurs ou coïndivisaires non exploitants du fonds.'

A la lecture de ces textes, il apparait que le moyen des appelants tirés de leur défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises est inopérant. En effet, l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises de l'exploitant du fonds est une condition d'application du statut des baux commerciaux mais n'est pas une condition de validité du contrat de bail. Un contrat de bail qui ne remplit pas les conditions requises pour l'application du statut des baux commerciaux n'en demeure pas moins un contrat de bail valable qui oblige le bailleur à faire jouir le locataire des locaux loués et le locataire à payer le loyer.

En outre, il doit être relevé que l'article L. 145-13 du code de commerce, qui excluait les personnes de nationalité étrangère du droit au renouvellement prévu dans le statut des baux commerciaux, a été abrogé par la Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 et que les appelants n'invoquent aucune autre disposition légale empêchant une personne de nationalité étrangère de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises.

2-2 Sur le moyen tiré de la reprise des engagements de Mme [E] [B] et M. [R] [T] par la société Hasmur

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En application de l'article L. 210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés et les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

Il est constant que les engagements souscrits par les fondateurs d'une société que celle-ci peut reprendre après avoir été régulièrement constituée et immatriculée sont ceux souscrits au nom et pour le compte de la société en formation.

D'ailleurs, l'article 30 des statuts de la société Hasmur prévoit que les associés approuvent les actes accomplis avant l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés 'pour le compte de la société en formation' et que toutes ces opérations et engagements seront réputés avoir été faits et souscrits dès l'origine par la société qui les reprendra à son compte par le seul fait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

En l'espèce, il ressort clairement des termes du contrat de bail conclu le 28 mai 2019 que Mme [E] [B] et M. [R] [T] se sont engagés en leur nom personnel, comme copreneurs du bail, solidairement avec la société Hasmur en formation.

En effet, d'une part, le contrat de bail indique expressément, en page 1, que Mme [E] [B] et M. [R] [T] agissent 'tant à titre personnel qu'en qualité d'associé fondateur de la société Hasmur en cours de formation' et que l'immatriculation de la société emportera engagement de la société au titre du bail 'dont les associés sont et resteront copreneurs et garants des engagements de la société'. En page 2, le contrat de bail mentionne : ' Mme [E] [B], M. [R] [T] et la société en formation Hasmur, étant ci-après désignés ensemble '(le) preneur' et 'le terme 'preneur' globalise et se rapporte autant à la personne des trois copreneurs, pour désigner le locataire des locaux donnés à bail'. En outre, le bail comporte 3 signatures au titre des preneurs, celle de M. [R] [T] en qualité de preneur 1, celle de Mme [E] [B] en qualité de copreneur 2 et encore celle de Mme [E] [B] en qualité de future gérante de la société Hasmur en formation, mandatée par l'assemblée générale, la société Hasmur étant désignée comme copreneur 3.

Cette appréciation des termes du contrat est confortée par la résolution n° 3 du procès-verbal de la première assemblée générale de la société Hasmur, du 15 mai 2019, aux termes de laquelle 'l'assemblée des associés donne pouvoir à Madame [B] [E], gérant de la société Hasmur , pour conclure un bail commercial au nom et pour le compte de la société Hasmur avec les copreneurs Mme [B] et M.[T], avec une prise d'effet en date du 28 mai 2019, pour une destination de bar, brasserie, restauration (...).'

D'autre part, le contrat de bail stipule la solidarité entre les personnes identifées sous le vocable 'preneur', à savoir Mme [E] [B], M. [R] [T] et la société Hasmur en formation,'quand bien même certains copreneurs ne seraient pas immatriculés à titre personnel au registre du commerce et n'exploiteraient pas le commerce dans les locaux loués.'

Dans ces conditions et en application de l'article L. 210-6 du code de commerce ci-dessus rappelé ainsi que de l'article 30 des statuts de la société Hasmur, celle-ci n'a pas pu reprendre les engagements personnels souscrits par Mme [E] [B] et M. [R] [T] dans le contrat de bail du 28 mai 2019.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Mme [E] [B] et M. [R] [T] avec la société Hasmur à payer à M. [V] [U] :

- la somme de 136.646,23 euros hors tva, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2020 sur la somme de 69.718,59 euros et à compter du jugement pour le surplus,

- la somme de 1000 euros au titre des pénalités contractuelles avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- une indemnité d'occupation mensuelle fixée au montant du dernier loyer contractuel outre les charges, due depuis le 1er novembre 2021 jusqu'au présent jugement, et fixée au montant du dernier loyer contractuel majoré de 50 % outre les charges, due à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur.

3- Sur la demande de dommages et intérêts de M. [V] [U]

La méprise des appelants sur la pertinence des moyens soulevés à l'appui de leur appel ne caractérise pas un abus de leur droit d'agir en justice.

En outre, alors que le jugement de première instance était exécutoire de droit à titre provisoire, il est erroné de soutenir que l'appel de Mme [E] [B] et de M. [R] [T] avait pour finalité de ralentir la restitution des locaux et d'y résister, étant observé que la restitution des locaux est intervenue le 12 mai 2022 dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Hasmur.

Par ailleurs, M. [V] [U] n'établit pas que les appelants ont menti dans leur demande d'aide juridictionnelle en déclarant qu'ils n'avaient pas de revenu, ont agi de mauvaise foi en n'exécutant pas le jugement dont appel alors qu'ils soutiennent être sans revenu et en demandant l'ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la société Hasmur alors que manifestement la société relevait d'une telle procédure au regard des jugements du tribunal de commerce de Créteil du 5 janvier 2022 qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire et du 16 mars 2022 qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société Hasmur.

Quant à la mauvaise gestion de la société Hasmur par Mme [E] [B] et de M. [R] [T], elle n'est pas la preuve du comportement fautif de ces derniers dans l'exercice de leur droit d'appel.

En conséquence et étant en outre observé que M. [V] [U] ne justifie pas du préjudice qu'il allègue, se bornant à procéder par voie d'affirmation sans même indiquer la nature de son préjudice, la demande de dommages et intérêts de M. [V] [U] est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné Mme [E] [B] et M. [R] [T], qui succombent, aux dépens de première instance, in solidum avec la société Hasmur.

Il est également confirmé en ce qu'il a condamné M. [R] [T], in solidum avec la société Hasmur, à payer à M. [V] [U] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [E] [B] et M. [R] [T] qui succombent en appel seront en outre condamnés aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.

Mme [E] [B] et M. [R] [T] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, l'équité commande de rejeter la demande de M. [V] [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par lui en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 14 décembre 2021 (RG n° 21-06072) en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande de M. [V] [U] tendant à voir écarter des débats les pièces n° 1 à 4 des appelants,

Rejette la demande de M. [V] [U] de dommages et intérêts,

Condamne Mme [E] [B] et M. [R] [T] aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle,

Rejette la demande de M. [V] [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

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