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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 22 mai 2025, n° 21/06068

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société civile immobilière République (SCI)

Défendeur :

New Sushi (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Dupont, Mme Girousse

Avocats :

Me Courmont, Me Ingold, Me Pottiée-Sperry, Me David

TJ Bobigny, greffe des loyers commerciau…

6 janvier 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 13 décembre 2004, la société dénommée Société civile immobilière République (ci-après la SCI République) a donné à bail à la société Sushi-Sushi divers locaux à usage commercial, dépendant d'un immeuble situé à [Localité 6] (93800)[Adresse 1] et [Adresse 4], pour une durée de douze années entières et consécutives à compter du 13 décembre 2004 pour se terminer le 12 décembre 2016, moyennant un loyer initial annuel de 40 800 euros hors taxes et hors charges.

Par acte sous seing privé des 1er et 5 juin 2007, la société Sushi-Sushi a cédé son fonds de commerce en ce compris son droit au bail susvisé à la société New Sushi.

Par acte extrajudiciaire du 10 juin 2016, la SCI République a fait délivrer à la société New Sushi un congé pour le 12 décembre 2016, comportant offre de renouvellement du bail à effet du 13 décembre 2016 moyennant un loyer annuel de 70 000 euros hors taxes et hors charges.

Le dernier loyer contractuel s'élève à la somme annuelle de 51 974,12 euros hors taxes et hors charges.

La société New Sushi a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny du désaccord entre les parties sur le loyer du bail renouvelé.

Par jugement du 28 novembre 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny a constaté le principe du renouvellement du bail à compter du 13 décembre 2016, a ordonné une expertise aux fins notamment de rechercher la valeur locative des locaux loués et a fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal outre les charges.

L'expert a déposé son rapport le 15 octobre 2019.

Par jugement du 6 janvier 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny a :

dit que le loyer du bail renouvelé portant sur les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 6], à effet du 13 décembre 2016, date d'effet du renouvellement du bail, n'était pas soumis à la règle du plafonnement posée par l'article L. 145-34 du code de commerce et qu'il devait correspondre à la valeur locative des locaux ;

fixé le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 13 décembre 2016, date d'effet du renouvellement du bail, à la somme annuelle de 42 000 euros, hors taxes et charges ;

condamné la SCI République au remboursement du trop-perçu des loyers et du dépôt de garantie à compter du 13 décembre 2016 avec intérêts de droit au taux légal, au fur et à mesure des règlements intervenus;

rappelé qu'aux termes de l'article L. 145-57 du code de commerce, les parties doivent, dans le mois suivant la signification de la décision devenue définitive, dresser un nouveau bail suivant les nouvelles conditions judiciairement fixées, à moins que le locataire ne renonce au renouvellement ou que le bailleur le refuse, à charge pour celui qui refuse d'assurer les frais de la procédure ;

rappelé que selon ce même texte, à défaut pour le bailleur d'avoir adressé à la signature du preneur un projet de bail conforme à la présente décision ou pour le preneur de l'avoir accepté dans le mois suivant l'envoi, la décision vaudrait bail, à effet du 13 décembre 2016, aux clauses et conditions du bail expiré, sauf le prix précité ;

débouté les parties de leur demande en paiement des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

fait masse des dépens, comprenant les frais d'expertise taxés à la somme de 4.441 euros TVA comprise, et condamné chacune des parties à en supporter la moitié.

Par déclaration d'appel du 30 mars 2021, la SCI République a interjeté appel du jugement du 6 janvier 2021 en en critiquant tous les chefs sauf celui qui a dit que le loyer du bail renouvelé n'était pas soumis à la règle du plafonnement posée par l'article L. 145-34 du code de commerce et devait correspondre à la valeur locative des locaux .

La société New Sushi a constitué avocat le 8 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 décembre 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 décembre 2021, la SCI République demande à la cour de :

prononcer un sursis à statuer en attente de l'aboutissement de la procédure en référé expertise et de la procédure au fond en résiliation du bail commercial du 13.12.2004 qui en découlera,

Subsidiairement,

confirmer partiellement le jugement dont appel rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny le 6 janvier 2021 mais uniquement en ce que ledit jugement a :

dit que le loyer du bail renouvelé portant sur les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 6], à effet du 13 décembre 2016, date d'effet du renouvellement du bail, n'est pas soumis à la règle du plafonnement posée par l'article L. 145-34 du code de commerce et qu'il doit correspondre à la valeur locative des locaux ;

débouté la société New Sushi de ses demandes tendant à voir fixer le loyer renouvelé à la somme de 32.630 ' HT/HC/an, à voir pratiquer un abattement de 10 % sur le montant des loyers au prétexte de travaux soi-disant réalisés par ses soins en cours de bail et à se voir allouer une somme de 3.000 ' au titre de ses frais irrépétibles ;

condamné ' a minima ' la société New Sushi à supporter la moitié des dépens comprenant les frais d'expertise.

infirmer pour le surplus le jugement dont appel en ce que celui-ci :

« fixe le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 13 décembre 2016, date d'effet du renouvellement du bail, à la somme annuelle de 42 000 euros, hors taxes et charges » ;

« Condamne la SCI République au remboursement du trop-perçu des loyers et du dépôt de garantie à compter du 13 décembre 2016 avec intérêts de droit au taux légal, au fur et à mesure des règlements intervenus » ;

« rappelle qu'aux termes de l'article L. 145-57 du code de commerce, les parties doivent, dans le mois suivant la signification de la présente décision devenue définitive, dresser un nouveau bail suivant les nouvelles conditions judiciairement fixées, à moins que le locataire ne renonce au renouvellement ou que le bailleur le refuse, à charge pour celui qui refuse d'assurer les frais de la procédure » ;

« rappelle que selon ce même texte, à défaut pour le bailleur d'avoir adressé à la signature du preneur un projet de bail conforme à la présente décision ou pour le preneur de l'avoir accepté dans le mois suivant l'envoi, la présente décision vaudra bail, à effet du 13 décembre 2016, aux clauses et conditions du bail expiré, sauf le prix précité » ;

« déboute les parties de leur demande en paiement des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile », mais seulement lorsqu'il déboute la SCI République sa demande » ;

« déboute les parties du surplus de leurs demandes » mais seulement lorsqu'il déboute la SCI République de ses demandes ;

« fait masse des dépens, comprenant les frais d'expertise taxés à la somme de 4.441 euros TVA comprise, et condamne chacune des parties à en supporter la moitié ».

Et statuant de nouveau et y ajoutant en tant que de besoin :

écarter les conclusions de Monsieur l'expert [F] [E] telles que celles- ci résultent de son rapport déposé le 15 octobre 2019 ;

Fixer la valeur locative des locaux loués à la date du 13 décembre 2016 à la somme de 72 900 ' HT et HC /an

fixer par suite le loyer du bail renouvelé des locaux loués par la SCI République à la SARL New Sushi en fonction de ladite valeur locative à la somme de 72 900 ' HT et HC/an, et ce à compter rétroactivement du 13 décembre 2016 ;

condamner la SARL New Sushi à payer à la SCI République le différentiel de loyer non acquitté sur l'ensemble des échéances déjà courues depuis la date du renouvellement, assorti des intérêts au taux légal sur chacune de ces échéances à compter de leur date d'exigibilité respective jusqu'à complet paiement, et bénéfice de la capitalisation prévue par l'article 1154 ancien du code civil devenu l'article 1343-2 actuel du code civil,

rappeler que la décision à intervenir constitue un titre de restitution des fonds versés en application des dispositions infirmées du jugement assorti de l'exécution provisoire, en ce compris les sommes payées par compensation avec les loyers courants, cette restitution portant elle-même intérêts au taux légal, à compter de la date à laquelle l'exécution provisoire a été mise en 'uvre jusqu'à complet remboursement et bénéfice de la capitalisation prévue par l'article 1154 ancien du code civil devenu l'article 1343-2 actuel du code civil,

condamner la SARL New sushi à payer à la SCI République la somme de 5.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;

condamner la SARL New Sushi à payer à SCI République une indemnité complémentaire de 5.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

condamner la SARL New Sushi aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, dont, pour les dépens d'appel, distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris Versailles agissant par Maître Matthieu Boccon Gibod,

débouter la SARL New Sushi de toutes demandes, fins ou conclusions différentes, plus amples ou contraires aux demandes de la SCI République.

La SCI République fait valoir :

Sur la demande de sursis à statuer,

- qu'elle a découvert, lors de la visite des locaux à l'occasion de l'expertise ordonnée en première instance, que la locataire avait créé une mezzanine sans son autorisation, en violation des termes du bail commercial ; qu'elle a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir une expertise sur la conformité des travaux avec les règles de l'art et leur impact structurel sur le bâti de l'immeuble ; qu'elle envisage ensuite de saisir le juge au fond pour demander la résiliation judiciaire du bail ; que l'instance en fixation du loyer en renouvellement n'aura plus lieu d'être si le bail est résilié ;

Subsidiairement,

Sur la détermination de la valeur locative au 13 décembre 2016 et par conséquent du loyer renouvelé,

- que l'expert a appliqué la grille de pondération des surfaces commerciales annexée à la charte de l'expertise en évaluation immobilière, applicable depuis le 1er juillet 2015, alors qu'il aurait dû appliquer la grille de pondération spécifique aux activités de restauration publiée à l'AJDI de mai 2013 ;

- que la salle de restaurant doit être pondérée au coefficent 1 pour la totalité de sa surface dès lors que la rentabilité commerciale n'est pas moindre en fonction du retrait de la zone considérée par rapport à la devanture du local ; que la salle de restaurant a un double accès de sorte qu'il n'existe pas une zone 1 et une zone 2 déterminées à partir d'un point d'accès unique ;

- que les cuisines sont indispensables à l'activité d'un restaurant et ont un poids dans l'activité du restaurant plus important que les autres annexes ; qu'elles ne sauraient être pondérées à un coefficient inférieur à 0,5 ;

- que la surface de la mezzanine créée illégalement par le locataire doit aussi être prise en compte dans la surface des locaux loués en application de l'article L. 145-3 du code de commerce ;

- que la cour doit retenir une surface pondérée des locaux louées de 135,08 m²p outre 15 % au titre de la création de la mezzanine ;

- que les références locatives les plus pertinentes sont celles des locaux commerciaux à proximité et si possible de même activité ; que c'est à tort que le premier juge a écarté les références locatives du centre commercial Aushopping L'Ilo créé au cours du bail expiré au droit des locaux loués ; qu'il existe une porosité entre ce centre commercial et les commerces qui le jouxtent ; que le centre commercial génère un apport de clientèle bénéfique au commerce exploité dans les locaux loués ; que la mise à l'écart des références du centre commercial est d'autant moins admissible qu'il s'agit des seules référénces de locaux commerciaux dans le voisinage outre les 4 locaux situés au [Adresse 1] qui appartiennent à la SCI République ; qu'outre les 3 locaux mitoyens des locaux loués, l'expert judiciaire cite 16 références dont 14 sont des locaux commerciaux d'activité autre que la restauration et situés dans d'autres communes ; que les seules références pertinentes sont celles des 3 autres commerces mitoyens des locaux loués, étant précisé que 2 exercent l'activité de restauration ; que le prix de 350 ' /m²p est trop faible et décorrelé de la valeur locative réelle et ce d'autant plus si l'on raisonne par référence au coût locatif global car les charges supportées par la société New Sushi se limitent à la taxe foncière qui représent 2,5 % du loyer contractuel ;

- que suivre le raisonnement de l'expert judiciaire signifierait que la valeur locative des locaux loués a diminué depuis 15 ans ce qui n'est pas cohérent au regard des loyers acceptés par les locataires des locaux voisins et de l'amélioration notable des facteurs locaux de commercialité (ouverture en novembre 2013 du centre commercial en face des locaux loués et implantation en décembre 2014 d'une ligne de tramway avec un arrêt au droit des locaux loués) ;

- que la cour doit fixer le prix unitaire du loyer à 450 ' /m²p ;

- que l'ensemble immobilier dont dépendent les locaux loués comporte 11 places de stationnement dont 5 sont attribuées à la société New Sushi ; que ces places de stationnement doivent être valorisées à l'unité, sur une base de 600 ' hors taxes et hors charges par emplacement ; que c'est à tort que le premier juge n'a pas retenu cette valorisation au mépris des articles R. 145-3 et R. 145-4 du code de commerce ;

- que la refacturation de la taxe foncière à la société New Sushi est limitée à la somme de 500 ' par an indexée ; qu'il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation (C.cass 3ème civ. 20 déc.2018 n° 17-27654) que l'abattement au titre de la refacturation de la taxe foncière n'est justifié que si les termes de comparaison utilisés pour la détermination de la valeur locative ne portent pas sur des baux prévoyant cette même refacturation ; qu'en l'espèce, les baux des locaux mitoyens, qui sont les références locatives du voisinage les plus pertinentes, intègrent une refacturation au locataire de sa quote-part de la taxe foncière ;

- que les travaux de mise en conformité incombent au locataire en vertu de l'article R. 145-35 du code de commerce de sorte que mettre ces travaux à la charge de la société New Sushi ne constitue pas une clause exorbitante du droit commun ;

- que la création de la mezzanine par la société New Sushi sans autorisation doit entraîner une majoration de la valeur locative de 15 % ;

- que la société New Sushi ne justifie ni de la nature ni du coût des travaux d'aménagement qu'elle dit avoir réalisés pour solliciter un abattement de 10 % de la valeur locative à raison de la clause d'accession de ces travaux au bailleur en fin de jouissance.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 10 juin 2024, la société New Sushi demande à la cour de :

A titre principal,

recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la société New Sushi.

débouter la SCI République de toutes ses demandes, fins et conclusions.

la déclarer irrecevable et mal fondée en sa demande de sursis à statuer.

confirmer partiellement le jugement dont appel rendu le 6 janvier 2021 en ce qu'il :

« Dit que le loyer du bail renouvelé portant sur les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 6], à effet du 13 décembre 2016, date d'effet du renouvellement du bail, n'est pas soumis à la règle du plafonnement posée par l'article L. 145-34 du code de commerce et qu'il doit correspondre à la valeur locative des locaux ; »

infirmer le jugement dont appel rendu le 6 janvier 2021 en ce qu'il :

« Fixe le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 13 décembre 2016, date d'effet du renouvellement du bail, à la somme annuelle de 42 000 euros, hors taxes et charges ;

Condamne la SCI République au remboursement du trop-perçu des loyers et du dépôt de garantie à compter du 13 décembre 2016 avec intérêts de droit au taux légal, au fur et à mesure des règlements intervenus ;

Rappelle qu'aux termes de l'article L. 145-57 du code de commerce, les parties doivent, dans le mois suivant la signification de la présente décision devenue définitive, dresser un nouveau bail suivant les nouvelles conditions judiciairement fixées, à moins que le locataire ne renonce au renouvellement ou que le bailleur le refuse, à charge pour celui qui refuse d'assurer les frais de la procédure ;

Rappelle que selon ce même texte, à défaut pour le bailleur d'avoir adressé à la signature du preneur un projet de bail conforme à la présente décision ou pour le preneur de l'avoir accepté dans le mois suivant l'envoi, la présente décision vaudra bail, à effet du 13 décembre 2016, aux clauses et conditions du bail expiré, sauf le prix précité ;

Déboute les parties de leur demande en paiement des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Fait masse des dépens, comprenant les frais d'expertise taxés à la somme de 4.441 euros TVA comprise, et condamne chacune des parties à en supporter la moitié. »

Et statuant à nouveau sur les chefs critiqués par la société New Sushi :

fixer le montant du loyer du bail renouvelé pour les locaux à [Localité 6][Adresse 1] à la somme de trente-deux mille six cent trente euros (32.630 ') par an, en principal, pour un bail de 9 années à compter du 13 décembre 2016, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, à l'exception des modifications engendrées par la loi du 18 juin 2014 et son décret d'application du 3 novembre 2014.

condamner la SCI République au remboursement du trop-perçu des loyers et du dépôt de garantie à compter du 13 décembre 2016 avec intérêts de droit au taux légal, au fur et à mesure des règlements qui seront intervenus.

A titre subsidiaire,

confirmer le jugement rendu le 6 janvier 2021 en toutes ses dispositions.

A tout état de cause,

condamner la SCI République à payer à la société New Sushi la somme de 10 000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile.

condamner la société SCI République aux entiers dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, dont distraction au profit de SELARL Ingold & Thomas dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

La société New Sushi fait valoir :

Sur la demande de sursis à statuer formée par la SCI République,

- que la SCI République a déjà sollicité le même sursis à statuer devant le conseiller de la mise en état et en a été déboutée par ordonnance du 31 août 2022 ; que la SCI République ne peut pas solliciter de nouveau le même sursis à statuer devant le juge du fond, sa demande se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;

- qu'en outre, la demande de sursis à statuer de la SCI République est mal fondée ; que même en cas de résiliation du bail, il y a un intérêt à faire fixer le loyer dès lors lors que l'éventuelle résiliation du bail jouera pour l'avenir ; que la SCI République est de mauvaise foi et déloyale en sollicitant à la fois une majoration de la valeur locative en raison de la création de la mezzanine et en envisageant de demander la résiliation du bail à raison de la création irrégulière de cette mezzanine ;

Sur la valeur locative au 13 décembre 2016,

- qu'elle ne conteste pas la surface pondérée de 121 m² p retenue par le premier juge selon l'avis de l'expert judiciaire ; que la grille de pondération proposée par la SCI République ne saurait être appliquée pour les motifs indiqués par l'expert judiciaire dans son rapport et qu'il est de jurisprudence constante qu'il convient de pondérer les locaux suivant la charte de l'expertise en évaluation immobilière ; que la surface de la mezzanine a bien été prise en compte et pondérée par l'expert judiciaire ;

- que le prix unitaire de 350 ' /m² p retenu par l'expert judiciaire est surévalué au regard des éléments de comparaison qu'il fournit ; que c'est à raison que les références du centre commercial ont été écartées dès lors que le centre commercial constitue une unité autonome de marché ; qu'en outre l'implantation du centre commercial a augmenté la concurrence exercée sur les locaux loués, étant précisé que le centre commercial est situé à plus de 150 m des locaux loués, de l'autre côté de la route national à double voies de circulation ;

- qu'aux termes du bail, la société New Sushi n'a qu'un droit à l'usage des places de stationnement 'en commun avec les occupants des autres locaux du bâtiment' ; qu'elle ne dispose donc pas de 5 emplacements de stationnement ; que contrairement à ce que soutient la SCI République, il n'est pas d'usage de valoriser les emplacements de stationnement pour les locaux commerciaux qui ne sont pas à usage de bureaux ;

- qu'elle a pris à bail des locaux bruts de béton et a été contrainte de réaliser d'importants travaux d'aménagement qui constituent des améliorations et qui ne peuvent donc pas être pris en considération pour apprécier la valeur locative dans le cadre de ce renouvellement, le bail prévoyant une accession des travaux d'amélioration au départ de la locataire ; qu'un abattement de 10 % doit être pratiqué.

Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

1- Sur la demande de sursis à statuer :

Il résulte de la combinaison des articles 73 et 378 du code de procédure civile que la demande de sursis à statuer est une exception de procédure.

En vertu de l'article 907 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 applicable à la présente instance, et de l'article 794 du code de procédure civile, l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue sur une exception de procédure a autorité de la chose jugée au principal.

L'article 122 du code de procédure civile dispose que la chose jugée est une fin de non-recevoir.

En l'espèce, la demande de sursis à statuer que la SCI République forme devant la cour est identique à celle qu'elle a précédemment présentée devant le conseiller de la mise en état par conclusions d'incident notifiées le 23 décembre 2021.

Or, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande de sursis à statuer par ordonnance du 31 août 2022 qui n'a pas été déférée à la cour et a autorité de la chose jugée.

Il convient en conséquence de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la SCI République devant la cour.

2 - Sur le loyer du bail renouvelé :

Il est admis par les parties que le loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative.

L'article L. 145-33 du code de commerce dispose qu'à défaut d'accord, la valeur locative est déterminée d'après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;

2° La destination des lieux ;

3° Les obligations respectives des parties ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

2-1 Sur la surface pondérée

L'expert judiciaire a retenu une surface pondérée de 121 m² p qui est admise par la société New Sushi et contestée par la SCI République.

Il résulte du rapport d'expertise que l'expert a retenu la surface de la mezzanine créée par la société New Sushi dans le calcul de la surface pondérée.

La SCI République critique les modalités de la pondération de la surface des locaux loués opérée par l'expert judiciaire. Mais, c'est à raison que l'expert a retenu la méthode de pondération issue de la charte de l'expertise en évaluation immobilière qui est habituellement utilisée par les experts judiciaires en évaluation immobilière. L'harmonisation de la méthode de pondération telle qu'elle résulte de la charte de l'expertise en évaluation immobilière a pour finalité de permettre la comparaison de la valeur locative de locaux qui diffèrent par leur configuration. Retenir une autre méthode de pondération, comme le demande la SCI République, rendrait moins opérante la détermination de la valeur locative des locaux loués par comparaison avec les prix pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, car les locaux de référence et les locaux loués ne seraient pas pondérés selon la même méthode.

En conséquence, il convient de retenir une surface pondérée de 121 m²p, l'expert ayant fait une juste application de la grille de pondération qui figure dans la charte de l'expertise en évaluation immobilière.

2-2 Sur le prix unitaire de la valeur locative

L'expert judiciaire a retenu un valeur locative unitaire de 350 ' /m²p compte-tenu notamment de l'avantage tiré de la jouissance de places de stationnement, du transfert à la locataire de la taxe foncière dans la limite de 500 ' et de la charge des travaux de mise aux normes des locaux.

Le premier juge a entériné la valeur locative unitaire retenu par l'expert judiciaire.

La SCI République demande à la cour de retenir une valeur locative unitaire de 450' /m²p et la société New Sushi de 300 ' /m²p.

Il doit être rappelé que les locaux loués dépendent d'un bâtiment de construction contemporaine à structure béton élevé sur sous-sol d'un étage sous toiture-terrasse qui regroupe quatres commerces dont deux autres restaurants. Ce bâtiment est bordé sur l'arrière par un parking à l'usage des locataires. Il est implanté au sud d'[Localité 6], commune de Seine-Saint-Denis de 65.150 habitants (estimation INSEE 2018) dont le revenu médian est inférieur à la moyenne de la France métropolitaine, en bordure de la route N14 et à proximité du centre commercial Aushopping L'Ilo, du pôle administratif de la commune et de grands ensembles résidentiels. La commercialité des lieux est limitée à ce petit pôle et au centre commercial créé en 2013 qui se situe à proximité et qui regroupe, sur une surface de 33.250 m², 38 commerces dont un supermarché et deux établissements de restauration rapide. Les locaux bénéficient d'une assez belle visibilité sur un carrefour dégagé et en sortie du centre commercial, en dépit de sa situation en retrait.

La destination des locaux prévue dans le bail est : 'restauration asiatique, japonaise, (plats à emporter et livraisons à domicile liés à la restauration asiatique)'. Il s'agit d'une destination adaptée mais peu valorisante pour être restreinte comme l'observe l'expert judiciaire.

A titre d'éléments de comparaison, l'expert a fourni :

- 2 valeurs de loyers nouveaux de 179 ' /m²p et 194 ' /m²p pour des locaux situés à [Localité 6] et des baux ayant pris effet en 2015 et 2016 ;

- 3 valeurs de loyers nouveaux allant de 260 ' /m²p à 490 ' /m²p pour des locaux situés dans des communes voisines d'[Localité 6] et des baux ayant pris effet entre 2013 et 2015 ;

- les valeurs de deux des commerces situés dans le même bâtiment que les locaux loués de 418 ' /m²p et de 600 ' /m²p, étant observé que le loyer de 418 ' /m²p correspond à un bail ancien pour dater de 2006 ;

- 10 valeurs de loyers renouvelés de manière amiable allant de 167 ' /m² p à 704 ' /m² p concernant des locaux situés dans des communes voisines d'[Localité 6] et des baux ayant pris effet entre 2011 et 2014 ;

- 1 valeur de loyer renouvelé fixé judiciairement de 190 ' /m²p pour un local situé à [Localité 6] et un bail ayant pris effet en 2011;

- 1 valeur de loyer renouvelé fixé judiciairement de 280 ' /m²p pour un local situé dans une commune voisine d'[Localité 6] et un bail ayant pris effet en 2014.

L'expert précise, pour toutes les références qu'il fournit, la destination des locaux et leur surface pondérée.

Dans ses conclusions, la SCI République ajoute la valeur du troisième commerce qui se trouve dans le bâtiment dont dépendent les lieux loués. Cette valeur est de 414 ' /m²p. La SCI République précise en outre que le commerce dont le loyer était de 600 ' /m²p a vu son bail renouvelé en 2019 au prix de 633 ' /m²p.

C'est à raison que le premier juge, suivant l'avis de l'expert judiciaire, a écarté les références concernant les locaux situés dans le centre commercial implanté en face du bâtiment dont dépendent les locaux loués. En effet, le centre commercial est une unité autonome de marché.

Les références des trois autres locaux qui se trouvent dans le bâtiment dont dépendent les locaux loués sont la propriété de la SCI République. Ces seules références sont insuffisantes en nombre et insuffisantes en type de loyer pour apprécier les prix pratiqués dans le voisinage au sens de l'article R. 145-7 du code de commerce qui intègrent les loyers nouveaux, les loyers renouvelés de manière amiable mais également les loyers fixés judiciairement.

En conséquence, il sera tenu compte des références fournies par l'expert judiciaire outre les 3 locaux qui se trouvent dans le bâtiment dont dépendent les locaux loués, corrigées des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence pour les locaux qui ne sont pas équivalents.

Par ailleurs, en application de l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Il est constant que la taxe foncière mise à la charge du locataire par le bail alors qu'elle incombe au bailleur en sa qualité de propriétaire des locaux loués, constitue une charge exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative (3e Civ., 25 janvier 2023, pourvoi n° 21-21.943 ; 3e Civ., 8 février 2024, pourvoi n° 22-24.268 ), peu important que les éléments de référence concernent des baux qui mettent à la charge du locataire le coût de la taxe foncière.

Les travaux de mise en conformité des locaux incombent normalement au bailleur au titre de son obligation de délivrer des locaux conformes à l'usage pour lequel ils ont été loués. Le transfert de leur charge au locataire sans contrepartie constitue donc un facteur de diminution de la valeur locative, peu important que l'article R. 145-35 du code de commerce n'interdise pas ce transfert s'agissant des travaux de mise en conformité qui ne sont pas des gros travaux au sens de l'article 606 du code civil.

Or, le bail stipule que le preneur remboursera au bailleur le montant de la taxe foncière 'dans la limite de 500 ' révisable selon le coût de la construction' et que 'tous les travaux qui seraient imposés par quelque autorité que ce soit, pour mise en conformité des locaux avec de nouvelles règles d'hygiène, de salubrité ou de sécurité, seront à la charge du preneur'.

Ces clauses constituent bien, contrairement à ce que soutient la SCI République, un facteur de diminution de la valeur locative locative, diminution qui peut intervenir par une appréciation minorée de la valeur locative comme l'a fait l'expert judiciaire en l'espèce.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, étant rappelé que la valeur locative n'est pas la moyenne des valeurs de référence, il apparait que la valeur de 350 ' /m²p retenu par le premier juge, suivant l'avis de l'expert judiciaire, correspond à la valeur locative des locaux loués compte-tenu notamment de l'avantage tiré de la jouissances des places de stationnement, du transfert à la locataire de la taxe foncière dans la limite de 500 ' et des travaux de mise aux normes des locaux.

Le moyen de la SCI République tiré de ce que cette valeur signifierait que la valeur locative des locaux n'a pas augmenté en 15 ans en dépit de l'installation du centre commercial Aushopping L'Ilo en 2013 et de la création d'une ligne de tramway en 2014 est inopérante, la valeur locative d'un immeuble n'augmentant pas nécessairement.

2-3 Sur les demandes de correctifs de la valeur locative

2-3-1 Sur les places de stationnement

La SCI République indique que l'ensemble immobilier dont dépendent les locaux loués comprend 11 places de stationnement.

Dans la désignation du bien loué figurant dans le bail, il est indiqué que la société New Sushi a droit à l'usage du parking et à l'espace vert privatif, en commun avec les occupants des autres locaux du bâtiment.

En conséquence et contrairement à ce que soutient la SCI République, il n'est pas établi que la société New Sushi dispose de la jouissance privative de 5 emplacements de stationnement.

Dans ces conditions et étant observé que la valeur locative unitaire de 350 ' /m²p, tient compte de l'avantage tiré du droit à l'usage des emplacements de stationnemment, c'est à raison que le premier juge n'a pas fait droit à la majoration de 600 ' par place de stationnement sollicitée par la SCI République.

2-3-2 Sur la majoration tirée de l'édification de la mezzanine

La SCI République estime que l'édification par la société New Sushi d'une mezzanine sans son autorisation doit entrainer une majoration de la valeur locative de 15 %.

Elle se fonde sur un tableau des majorations de la valeur locative paru dans la revue AJDI (actualité juridique droit immobilier) de décembre 2018. Ce faisant, elle confond la clause du bail qui autorise le preneur à édifier une mezzanine, qui constitue un avantage accordé par le bailleur au preneur susceptible de majorer la valeur locative et l'édification irrégulière d'une mezzanine par le preneur qui ne saurait constituer un avantage accordé par le bailleur au preneur. L'édification par la société New Sushi d'une mezzanine sans l'autorisation de la SCI République constitue d'autant moins un avantage consenti par la SCI République que la SCI République a fait délivrer à la société New Sushi, par acte extrajudiciaire du 15 octobre 2024, un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à remettre en état les lieux loués.

En outre, il doit être rappelé que l'existence de cette mezzanine a déjà été prise en considération dans l'appréciation de la valeur locative des locaux loués dès lors que la surface pondérée intègre la surface de cette mezzanine.

Il doit également être observé que le bail stipule que les travaux d'embellissement et d'amélioration qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, 'resteront au départ du preneur, ou de ses ayants-cause, la propriété du bailleur, sans indemnité'. Il s'agit d'une clause qui reporte l'accession de la propriété des travaux d'embellissement et d'améliorations faits par le preneur au bailleur en fin de jouissance. En l'absence de départ du preneur, les travaux de création de la mezzanine, qui améliorent les locaux loués en créant des espaces annexes supplémentaires, ne sont pas encore la propriété du bailleur.

En conséquence, c'est à raison que le premier juge n'a pas fait droit à la demande de la SCI République de majoration de la valeur locative de 15 % au titre de l'édification de la mezzanine par la société New Sushi.

2-3-3 Sur l'abattement au titre des travaux d'aménagement réalisés par le preneur

Compte-tenu de l'accession de la propriété des travaux d'embellissement et d'amélioration effectués par le preneur au bailleur en fin de jouissance, la société New Sushi demande un abattement de 10 % de la valeur locative au titre des travaux d'aménagement qu'elle a réalisés dans les locaux et qu'elle qualifie de travaux d'amélioration.

Toutefois, la société New Sushi n'a pas répondu à la demande de l'expert judiciaire de lui fournir les justificatifs du coût des travaux qu'elle a effectués. La société New Sushi ne produit toujours pas les factures des travaux dans le cadre de l'instance.

Sans preuve de la nature, de l'ampleur et du coût des travaux d'aménagement qu'elle a réalisés, la société New Sushi ne met pas la cour en mesure d'apprécier l'abattement qu'elle sollicite.

En conséquence, c'est à raison que le premier juge n'a pas fait droit à la demande de la société New Sushi de diminution de la valeur locative de 10%.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la loyer du bail renouvelé à la somme de 121 m²p x 350 ' /m²p = 42.350 ', arrondie à 42.000 '.

3- Sur les dépens et les frais irrépétibles

La procédure de première instance était nécessaire pour fixer les droits respectifs des parties. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les parties aux dépens à hauteur de la moitié chacune, en ce compris les frais d'expertise, et rejeté leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI République qui succombe en appel sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

L'équité commande en outre de la condamaner à payer à la société New Sushi la somme de 5000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par cette dernière en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la société dénommée Société civile immobilière République ;

Confirme le jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny du 6 janvier 2021 (RG n°18/22) en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société dénommée Société civile immobilière République aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société dénommée Société civile immobilière République à payer à la SCI République la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

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