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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 23 mai 2025, n° 24/18242

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

LBS Paris (SAS)

Défendeur :

Immobiliere 3F (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseiller :

Mme Gaffinel

Avocats :

Me Lesenechal, Me Hatet-Sauval

TJ Paris, du 6 sept. 2024, n° 24/53567

6 septembre 2024

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Par acte du 16 juillet 2014, la société Immobilière 3F a donné à bail commercial à la société LBS Paris des locaux sis [Adresse 2] [Adresse 2], dans le [Localité 3], pour une durée de neuf ans à compter du 30 juin 2014, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 208.911,16 euros hors taxes et hors charges payables par trimestre à terme à échoir le 1er de chaque trimestre.

Selon acte de commissaire de justice en date du 15 mars 2024, la société bailleresse a fait délivrer à la société LBS Paris un commandement, visant la clause résolutoire du bail, de lui payer les arriérés de loyers et charges s'élevant à la somme de 229.447, 32 euros selon décompte du 14 mars 2024 arrêté au 1er janvier 2024, échéance du 1er trimestre 2024 incluse, ainsi que la somme de 34.417,10 euros au titre de la clause pénale.

Par acte du 2 mai 2024, la société Immobilière 3F a fait assigner la société LBS Paris devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et condamnation de la locataire au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation, de l'arriéré locatif incluant les loyers et charges du 2ème trimestre 2024.

Par ordonnance contradictoire du 6 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris :

- a renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés ;

- a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail du 16 juillet 2014 sont réunies à compter du 15 avril 2024 ;

- a condamné la société LBS Paris à payer à la société Immobilière 3F la somme de 341.153,13 euros au titre de l'arriéré locatif impayé au 1er juillet 2024 échéance du 3ème trimestre 2024 incluse (hors TVA) ;

- l'a autorisée à se libérer de cette dette en 24 mensualités d'un montant égal en sus du loyer et des charges courants, le premier versement devant être effectué le 1er jour du mois suivant la signification de l'ordonnance et tout paiement étant imputé en priorité sur les loyers et charges en cours, puis le 1er de chaque mois, sauf meilleur accord des parties ;

- a suspendu, pendant cette période, les effets de la clause résolutoire qui sera réputée n'avoir jamais été acquise en cas de respect des modalités de paiement ;

- a dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité incluant le paiement de la dette et des loyers et charges courants à son échéance et dans son intégralité, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets ;

- a constaté en ce cas la résiliation de plein droit du contrat de bail consenti à la société LBS Paris et portant sur les locaux situés [Adresse 2], à [Localité 5] ;

- a autorisé en ce cas l'expulsion de la société LBS Paris et celle de tous occupants de son chef des lieux précités, et dit qu'à défaut de départ volontaire, la partie défenderesse pourra être contrainte à l'expulsion avec, si besoin est, le concours de la force publique ;

- a rappelé que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- a condamné la société LBS Paris à payer à la société Immobilière 3F une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du loyer et des charges, à compter du non-respect des délais de paiement jusqu'à libération effective des lieux ;

- a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes notamment sur la demande formée au titre de la clause pénale ;

- a condamné la société LBS Paris au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer ;

- a dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration du 24 octobre 2024, la société LBS Paris a relevé appel de cette décision en la critiquant sur la condamnation au paiement d'une provision et sur les dépens.

Par jugement rendu le 17 mars 2025, le tribunal des affaires économiques de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société LBS Paris et désigné la SELARL Asteren, en la personne de Me [B] [D], en qualité de mandataire judiciaire.

Par note en date du 3 avril 2025, la cour a invité les parties à déposer des conclusions sur l'application de l'article L. 622-22 du code de commerce soulevée d'office par la cour.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 7 avril 2025, la société LBS Paris demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les demandes de la société Immobilière 3F ;

- dire que chacune des parties conservera par devers elle la charge des dépens qu'elle a supportés.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 8 avril 2025, la société SA Immobilière 3F demande à la cour, au visa notamment de l'article L. 622-21 du code de commerce, de :

- statuer ce que de droit sur l'infirmation sollicitée ;

- dire n'y avoir lieu à référé ;

- débouter purement et simplement la société LBS Paris de l'intégralité de ses demandes ;

- la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais du commandement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Par jugement rendu le 17 mars 2025, le tribunal des affaires économiques de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société LBS Paris et désigné la SELARL Asteren en qualité de mandataire judiciaire.

La société LBS Paris fait valoir qu'une instance en référé tend à obtenir une condamnation provisionnelle, de sorte qu'à défaut de décision passée en force de chose jugée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, les demandes de la bailleresse se heurtent à l'interdiction des poursuites et doivent de ce fait être déclarées irrecevables.

La société Immobilière 3F souligne qu'il convient de dire n'y avoir lieu à référé dès lors que la présente instance tend à obtenir une condamnation provisionnelle et qu'elle ne peut être considérée comme une instance en cours interrompue par l'ouverture d'une procédure collective du débiteur.

Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce :

'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus'.

Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société est intervenu le 17 mars 2025, de sorte que la décision rendue le 6 septembre 2024, frappée d'appel le 24 octobre 2024, n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture. L'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut donc être poursuivie.

En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas, à la différence de l'instance au fond, une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement échappant au pouvoir du juge des référés en application de l'article L. 622-21 du code de commerce qui pose le principe d'arrêt des poursuites tendant au paiement d'une somme d'argent (Com., 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-13.210, Bull. 2018, IV, n° 100).

Il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé.

L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés et de rejeter la demande formée par l'intimée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Immobilière 3F ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés ;

Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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