CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 23 mai 2025, n° 24/03979
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRÊT DU 23 MAI 2025
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03979 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7Y2
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Janvier 2024 -Président du TC de PARIS - RG n° 2023050520
APPELANTE
S.A.R.L. CA PRESTIGE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Razika SIMOZRAG, avocat au barreau de PARIS, toque : C1403
INTIMÉE
S.A. SOCIETE GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
PARTIES INTERVENANTES FORCÉES
SELARL [X] [G] [V] prise en la personne de Maître [X] [Y], mandataire judiciaire désigné par jugement du tribunal de commerce du 10 juillet 2024 prononçant le redressement judiciaire de la société CA PRESTIGE
SELARL 2M et ASSOCIES prise en la personne de Maître [D] [N], administrateur judiciaire désigné par jugement du tribunal de commerce du 10 juillet 2024 prononçant le redressement judiciaire de la société CA PRESTIGE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Florence LAGEMI, Présidente de chambre
Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère
Patrick BIROLLEAU, Magistrat Honoraire, chargé du rapport,
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
- RENDU PAR DÉFAUT
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
Par acte sous seing privé du 17 août 2020, la société CA Prestige, ayant pour objet le commerce de détail d'habillement, a souscrit auprès de la banque la Société Générale un prêt garanti par l'État (PGE) d'un montant de 98.000 euros au taux de 0,25 % l'an hors assurance, sur une période de 12 mois, afin de faire face à un besoin de trésorerie et aux conséquences financières induites par la pandémie de Covid-19.
Le 5 juillet 2021, la société CA Prestige a opté pour une durée additionnelle d'amortissement du PGE sur cinq ans.
Par courrier recommandé du 29 mars 2023, la Société Générale l'a mise en demeure d'avoir à régulariser, sous huitaine, la somme de 8.458,77 euros au titre des échéances échues impayées du prêt souscrit. Par courrier recommandé du 5 mai 2023, elle l'a, de nouveau, mise en demeure d'avoir à lui payer la somme précitée avec intérêt au taux contractuel de 4,58 %, et, par courrier recommandé du 7 août 2023, elle l'a mise en demeure de procéder au paiement de la somme de 106.033,18 euros.
Par acte du 11 septembre 2023, la Société Générale a fait assigner la société CA Prestige devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 106.033,18 euros.
Par ordonnance rendue le 11 janvier 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société CA Prestige à payer à la Société Générale, à titre de provision, la somme de 106.033,18 euros au titre du PGE n°220244100866 du 17 août 2020, assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 7 août 2023, à compter de cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de l'assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné la société CA Prestige à payer à la Société Générale la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 19 février 2024, la société CA Prestige a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs du dispositif.
Par jugement rendu le 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société CA Prestige et désigné la SELARL 2M & Associés, prise en la personne de Me [N] [D], en sa qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL [X] [R], prise en la personne de Me [Y] [X], en qualité de mandataire judiciaire.
Par arrêt du 11 octobre 2024, la cour a pris acte de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société CA Prestige, a constaté l'interruption de l'instance et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de procédure du 11 décembre 2024 à 13h00 pour vérification de la reprise d'instance.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 18 mars 2025 'en présence' des organes de la procédure de redressement judiciaire, la société CA Prestige demande à la cour de :
- la dire recevable en son appel et bien fondée en ses demandes ;
à titre principal,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la Société Générale, à titre provisionnel, la somme de 106.033,18 euros au titre du PGE n°220244100866 du 17 août 2020, avec intérêt au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 7 août 2023, à compter de cette date et jusqu'au parfait paiement ; ordonné la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de l'assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et l'a condamnée à payer à la Société Générale la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la Société Générale et renvoyer cette dernière à se pourvoir au fond ;
à titre subsidiaire,
- infirmer l'ordonnance du 11 janvier 2024 sur les mêmes condamnations prononcées ;
statuant à nouveau,
- prononcer la nullité de la déchéance du terme ;
- dire que le remboursement du PGE se poursuivra dans les conditions convenues entre les parties avant la déchéance du terme ;
- limiter la créance de la Société Générale à la seule somme en principal de 8.401,32 euros ;
- dire que la somme en principal de 8.401,32 euros sera augmentée des intérêts au taux contractuel non majoré ;
- déduire du décompte des sommes de la Société Générale la somme non justifiée de 2.420,21 euros au titre d'accessoires ;
- réduire la clause pénale appelée 'indemnité forfaitaire' à un euro ;
- dire qu'elle pourra payer la somme de 8.401,32 euros en 24 échéances ;
- condamner la Société Générale à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 18 mars 2025, et signifiées par acte du 25 mars 2025 aux sociétés 2M&Associés et [X] [R] en leur qualité respective d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, la Société Générale demande à la cour de :
in limine litis,
- ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge commissaire en suite de la contestation de créance de la société CA Prestige notifiée à la Société Générale le 29 janvier 2025 ;
à titre principal,
- dire recevable et bien fondée l'intervention forcée de la SELARL 2M & Associés, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société CA Prestige, désignée en cette fonction suivant jugement rendu le 10 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris ;
- dire recevable et bien fondée l'intervention forcée de la SELARL [X] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société CA Prestige, suivant jugement rendu le 10 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris ;
- déclarer irrecevables les demandes formées par la société CA Prestige comme nouvelles en cause d'appel ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- fixer au passif de la société CA Prestige la somme de 108.990,77 euros au titre du PGE n°220244100866, au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 10 juillet 2024, à compter de cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de l'assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
à titre subsidiaire,
- débouter la société CA Prestige de l'intégralité de ses demandes ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
en conséquence, et sauf à parfaire,
- fixer au passif de la société CA Prestige ayant pour mandataire judiciaire la SELARL [X] [R], en la personne de Me [Y] [X], la somme de 108.990,77 euros, au titre du PGE n°220244100866, au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 10 juillet 2024, à compter de cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de la présente assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
en tout état de cause,
- débouter la société CA Prestige de l'intégralité de ses demandes ;
- fixer au passif de son redressement judiciaire la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par la SELARL 2H Avocats sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
La SELARL 2M & Associés ès-qualités et la SELARL [X] [K] ès-qualités n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2025.
En cours de délibéré, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce au présent litige et sur le sort de l'action engagée par la Société Générale à l'encontre la société CA Prestige, en redressement judiciaire.
Par message électronique et contradictoire le 18 avril 2025, la Société Générale sollicite de la cour un sursis à statuer dans l'attente d'être fixée sur le sort de sa créance et donc d'une décision définitive par suite de la contestation de sa créance par la société CA Prestige, contestation notifiée à la Société Générale le 29 janvier 2025.
L'appelante n'a pas fait parvenir d'observations.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Par jugement rendu le 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société CA Prestige et désigné la SELARL 2M & Associés en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [X] [R] en qualité de mandataire judiciaire.
Les organes de la procédure collective ont été assignés en intervention forcée.
La Société Générale demande, in limine litis, de sursoir à statuer dans l'attente de la décision du juge commissaire du redressement judiciaire sur la contestation de la créance de la société CA Prestige, et, à titre principal, de fixer sa créance au passif de la débitrice.
La société CA Prestige demande, à titre principal, de dire n'y avoir lieu à référé en l'absence d'urgence ou de dommage imminent, à titre subsidiaire, de constater la nullité de la déchéance du terme et de limiter le montant de la créance.
Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce :
'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus'.
Il résulte de ces dispositions que l'action introduite avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du débiteur, en vue d'obtenir le paiement d'une créance échue antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société CA Prestige est intervenu le 10 juillet 2024, de sorte que la décision rendue le 11 janvier 2024, frappée d'appel le 19 février 2024, n'était pas passée en force de chose jugée à la date du jugement d'ouverture et que l'action en condamnation au paiement, à titre provisionnel, d'une créance échue antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne peut être poursuivie.
En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas, à la différence de l'instance au fond, une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur - l'instance en cours étant celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance, exclusive de toute condamnation provisionnelle - de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement échappant au pouvoir du juge des référés en application de l'article L. 622-21 du code de commerce qui pose le principe d'arrêt des poursuites tendant au paiement d'une somme d'argent (Com., 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-13.210, Bull. 2018, IV, n° 100).
Il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé, sans possibilité de fixation de la créance au passif de la société CA Prestige, ni de sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge commissaire saisi d'une contestation de créance, comme le demande la Société Générale.
L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés et de rejeter la demande formée par l'intimée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la Société Générale ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRÊT DU 23 MAI 2025
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03979 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7Y2
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Janvier 2024 -Président du TC de PARIS - RG n° 2023050520
APPELANTE
S.A.R.L. CA PRESTIGE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Razika SIMOZRAG, avocat au barreau de PARIS, toque : C1403
INTIMÉE
S.A. SOCIETE GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
PARTIES INTERVENANTES FORCÉES
SELARL [X] [G] [V] prise en la personne de Maître [X] [Y], mandataire judiciaire désigné par jugement du tribunal de commerce du 10 juillet 2024 prononçant le redressement judiciaire de la société CA PRESTIGE
SELARL 2M et ASSOCIES prise en la personne de Maître [D] [N], administrateur judiciaire désigné par jugement du tribunal de commerce du 10 juillet 2024 prononçant le redressement judiciaire de la société CA PRESTIGE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Florence LAGEMI, Présidente de chambre
Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère
Patrick BIROLLEAU, Magistrat Honoraire, chargé du rapport,
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
- RENDU PAR DÉFAUT
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
Par acte sous seing privé du 17 août 2020, la société CA Prestige, ayant pour objet le commerce de détail d'habillement, a souscrit auprès de la banque la Société Générale un prêt garanti par l'État (PGE) d'un montant de 98.000 euros au taux de 0,25 % l'an hors assurance, sur une période de 12 mois, afin de faire face à un besoin de trésorerie et aux conséquences financières induites par la pandémie de Covid-19.
Le 5 juillet 2021, la société CA Prestige a opté pour une durée additionnelle d'amortissement du PGE sur cinq ans.
Par courrier recommandé du 29 mars 2023, la Société Générale l'a mise en demeure d'avoir à régulariser, sous huitaine, la somme de 8.458,77 euros au titre des échéances échues impayées du prêt souscrit. Par courrier recommandé du 5 mai 2023, elle l'a, de nouveau, mise en demeure d'avoir à lui payer la somme précitée avec intérêt au taux contractuel de 4,58 %, et, par courrier recommandé du 7 août 2023, elle l'a mise en demeure de procéder au paiement de la somme de 106.033,18 euros.
Par acte du 11 septembre 2023, la Société Générale a fait assigner la société CA Prestige devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 106.033,18 euros.
Par ordonnance rendue le 11 janvier 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société CA Prestige à payer à la Société Générale, à titre de provision, la somme de 106.033,18 euros au titre du PGE n°220244100866 du 17 août 2020, assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 7 août 2023, à compter de cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de l'assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné la société CA Prestige à payer à la Société Générale la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 19 février 2024, la société CA Prestige a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs du dispositif.
Par jugement rendu le 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société CA Prestige et désigné la SELARL 2M & Associés, prise en la personne de Me [N] [D], en sa qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL [X] [R], prise en la personne de Me [Y] [X], en qualité de mandataire judiciaire.
Par arrêt du 11 octobre 2024, la cour a pris acte de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société CA Prestige, a constaté l'interruption de l'instance et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de procédure du 11 décembre 2024 à 13h00 pour vérification de la reprise d'instance.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 18 mars 2025 'en présence' des organes de la procédure de redressement judiciaire, la société CA Prestige demande à la cour de :
- la dire recevable en son appel et bien fondée en ses demandes ;
à titre principal,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la Société Générale, à titre provisionnel, la somme de 106.033,18 euros au titre du PGE n°220244100866 du 17 août 2020, avec intérêt au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 7 août 2023, à compter de cette date et jusqu'au parfait paiement ; ordonné la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de l'assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et l'a condamnée à payer à la Société Générale la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la Société Générale et renvoyer cette dernière à se pourvoir au fond ;
à titre subsidiaire,
- infirmer l'ordonnance du 11 janvier 2024 sur les mêmes condamnations prononcées ;
statuant à nouveau,
- prononcer la nullité de la déchéance du terme ;
- dire que le remboursement du PGE se poursuivra dans les conditions convenues entre les parties avant la déchéance du terme ;
- limiter la créance de la Société Générale à la seule somme en principal de 8.401,32 euros ;
- dire que la somme en principal de 8.401,32 euros sera augmentée des intérêts au taux contractuel non majoré ;
- déduire du décompte des sommes de la Société Générale la somme non justifiée de 2.420,21 euros au titre d'accessoires ;
- réduire la clause pénale appelée 'indemnité forfaitaire' à un euro ;
- dire qu'elle pourra payer la somme de 8.401,32 euros en 24 échéances ;
- condamner la Société Générale à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 18 mars 2025, et signifiées par acte du 25 mars 2025 aux sociétés 2M&Associés et [X] [R] en leur qualité respective d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, la Société Générale demande à la cour de :
in limine litis,
- ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge commissaire en suite de la contestation de créance de la société CA Prestige notifiée à la Société Générale le 29 janvier 2025 ;
à titre principal,
- dire recevable et bien fondée l'intervention forcée de la SELARL 2M & Associés, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société CA Prestige, désignée en cette fonction suivant jugement rendu le 10 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris ;
- dire recevable et bien fondée l'intervention forcée de la SELARL [X] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société CA Prestige, suivant jugement rendu le 10 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris ;
- déclarer irrecevables les demandes formées par la société CA Prestige comme nouvelles en cause d'appel ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- fixer au passif de la société CA Prestige la somme de 108.990,77 euros au titre du PGE n°220244100866, au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 10 juillet 2024, à compter de cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de l'assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
à titre subsidiaire,
- débouter la société CA Prestige de l'intégralité de ses demandes ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
en conséquence, et sauf à parfaire,
- fixer au passif de la société CA Prestige ayant pour mandataire judiciaire la SELARL [X] [R], en la personne de Me [Y] [X], la somme de 108.990,77 euros, au titre du PGE n°220244100866, au taux contractuel majoré de 4,58 % selon décompte arrêté au 10 juillet 2024, à compter de cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière échue à compter de la présente assignation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
en tout état de cause,
- débouter la société CA Prestige de l'intégralité de ses demandes ;
- fixer au passif de son redressement judiciaire la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par la SELARL 2H Avocats sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
La SELARL 2M & Associés ès-qualités et la SELARL [X] [K] ès-qualités n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2025.
En cours de délibéré, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce au présent litige et sur le sort de l'action engagée par la Société Générale à l'encontre la société CA Prestige, en redressement judiciaire.
Par message électronique et contradictoire le 18 avril 2025, la Société Générale sollicite de la cour un sursis à statuer dans l'attente d'être fixée sur le sort de sa créance et donc d'une décision définitive par suite de la contestation de sa créance par la société CA Prestige, contestation notifiée à la Société Générale le 29 janvier 2025.
L'appelante n'a pas fait parvenir d'observations.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Par jugement rendu le 10 juillet 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société CA Prestige et désigné la SELARL 2M & Associés en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [X] [R] en qualité de mandataire judiciaire.
Les organes de la procédure collective ont été assignés en intervention forcée.
La Société Générale demande, in limine litis, de sursoir à statuer dans l'attente de la décision du juge commissaire du redressement judiciaire sur la contestation de la créance de la société CA Prestige, et, à titre principal, de fixer sa créance au passif de la débitrice.
La société CA Prestige demande, à titre principal, de dire n'y avoir lieu à référé en l'absence d'urgence ou de dommage imminent, à titre subsidiaire, de constater la nullité de la déchéance du terme et de limiter le montant de la créance.
Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce :
'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus'.
Il résulte de ces dispositions que l'action introduite avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du débiteur, en vue d'obtenir le paiement d'une créance échue antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société CA Prestige est intervenu le 10 juillet 2024, de sorte que la décision rendue le 11 janvier 2024, frappée d'appel le 19 février 2024, n'était pas passée en force de chose jugée à la date du jugement d'ouverture et que l'action en condamnation au paiement, à titre provisionnel, d'une créance échue antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne peut être poursuivie.
En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas, à la différence de l'instance au fond, une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur - l'instance en cours étant celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance, exclusive de toute condamnation provisionnelle - de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par le débiteur contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement échappant au pouvoir du juge des référés en application de l'article L. 622-21 du code de commerce qui pose le principe d'arrêt des poursuites tendant au paiement d'une somme d'argent (Com., 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-13.210, Bull. 2018, IV, n° 100).
Il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé, sans possibilité de fixation de la créance au passif de la société CA Prestige, ni de sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge commissaire saisi d'une contestation de créance, comme le demande la Société Générale.
L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés et de rejeter la demande formée par l'intimée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la Société Générale ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT