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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 6, 23 mai 2025, n° 22/11596

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/11596

23 mai 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 23 MAI 2025

(n° /2025, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11596 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAAB

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 mai 2022 - tribunal de commerce d'EVRY- RG n° 2021F00391

APPELANTE

S.A. SEMAVERT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉE

S.A.S. ROUTES ET CHANTIERS MODERNES - RCM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Lieu-Dit [Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 février 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre

Mme Laura TARDY, conserillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Viviane SZLAMOVICZ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 02 mai 2025, prorogé jusqu'au 23 mai 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Semavert a confié, le 10 novembre 2016, à la société Routes et chantiers modernes (la société RCM) le lot n°1 " terrassements et VRD " d'un marché de travaux relatifs à l'exploitation d'une installation de stockage de déchets située sur le territoire de la commune de [Localité 4] (91).

Après la réception des travaux le 21 décembre 2017, les sociétés susmentionnées n'ayant pas trouvé d'accord sur le décompte général, la société RCM a saisi, dans un premier temps, la juridiction administrative qui s'est déclarée incompétente, puis par acte d'huissier du 11 mai 2021, le tribunal de commerce d'Evry afin d'obtenir le paiement des sommes représentant la différence entre le projet de décompte général établi par la société RTM le 13 juin 2018 et transmis à la société Semavert et le décompte général rectifié et payé par cette dernière.

Par jugement du 6 mai 2022, le tribunal de commerce d'Evry a statué en ces termes :

Constate la nullité de la clause 50.3.2 du CCAG travaux,

Dit recevable la demande de la société RCM,

Condamne la société Semavert à payer à la société RCM la somme de 138 290,72 euros et rejette le surplus de la demande,

Condamne la société Semavert à payer à la société RCM la somme de 6 000 euros en application des dispositions du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

Confirme l'exécution provisoire,

Condamne la société Semavert aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros TTC.

Par déclaration en date du 20 juin 2022, la société Semavert a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société RCM.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2024, la société Semavert demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondée la société Semavert en toutes ses fins, exceptions et prétentions ;

Y faisant droit,

Infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 6 mai 2022 (n° 2021F00391) en ce qu'il a :

Constaté la nullité de la clause 50.3.2 du CCAG travaux et dit recevable la demande de la société RCM ;

Condamné la société Semavert à payer à la société RCM la somme de 138 290,72 euros ;

Condamné la société Semavert à payer à la société RCM la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Semavert aux dépens ;

Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 6 mai 2022 (n° 2021F00391) en ce qu'il a débouté la société RCM de ses autres demandes à l'encontre de la société Semavert ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Déclarer irrecevable la société RCM en son action ;

Par conséquent,

Débouter la société RCM de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Déclarer irrecevable la société RCM en sa demande tendant à la condamnation de la société Semavert à lui verser la somme de 3 892,01 euros au titre de l'ensemble des déblais ;

Par conséquent,

Débouter la société RCM de sa demande au titre des déblais ;

Également,

Débouter la société RCM de l'ensemble de ses demandes ;

En toute hypothèse,

Débouter la société RCM de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société RCM à verser à la société Semavert la somme de 59 602,20 euros au titre des frais irrépétibles engagés par la société Semavert en première instance ;

Condamner la société RCM à verser à la société Semavert la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par la société Semavert dans le cadre de la présente instance ;

Condamner la société RCM aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, la société RCM demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Déclaré les dispositions de l'article 50.3.2 du CCAG Travaux nulles pour ce qui concerne le contrat de droit privé conclu entre les sociétés RCM et Semavert ;

Débouté en conséquence la société Semavert de sa demande d'irrecevabilité de la société RCM en ses demandes ;

Déclaré la société RCM recevable en l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estimerait que l'article 50.3.2 du CCAG travaux n'est pas nul dans les contrats de droit privé :

Constater que les dispositions de l'article 50.3.2 du CCAG travaux ont été parfaitement respectées par la société RCM, le tribunal administratif de Versailles ayant été saisi du litige le 22 janvier 2019, soit moins de six mois après le rejet tacite de sa réclamation par la société Semavert, intervenu le 29 juillet 2018 ;

Débouter en conséquence la société Semavert de sa demande d'irrecevabilité de la société RCM en ses demandes ;

Déclarer la société RCM recevable en l'ensemble de ses demandes.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Condamné la société Semavert à payer à la société RCM 137 170,29 euros au titre du poste 16.1 (prix des matériaux étanches (BSP)) ;

Condamné la société Semavert à payer à la société RCM 445,31 euros au titre du prix du matériau drainant ;

Débouté la société RCM de sa demande au titre des passages en bascule ;

Débouté la société RCM de sa demande au titre de l'arrêt du chantier dans l'attente de la libération de la parcelle Daguin ;

Réformer le jugement en ce qu'il a :

Réduit le volume des déblais facturés ;

Réduit le différentiel correspondant aux drains ;

Débouté la société RCM de sa demande d'indemnisation de la perte de temps prise dans l'alimentation en ballast des alvéoles n° 3 & 4 ;

Débouté la société RCM de sa demande d'indemnisation de la mise en intempéries du personnel le vendredi soir pour contrôles perméabilité non réalisés ;

Débouté la société RCM de sa demande d'indemnisation de la mise en intempéries du matériel le vendredi soir pour contrôles perméabilité non réalisés ;

Débouté la société RCM de sa demande d'indemnisation du dépassement du délai d'exécution du marché.

Et, statuant à nouveau :

Condamner la société Semavert à payer à la société RCM 3 892,01 euros au titre de l'ensemble des déblais ;

Condamner la société Semavert à payer à la société RCM 1 329,83 euros au titre des drains réalisés ;

Condamner la société Semavert à payer à la société RCM 22 858,56 euros en indemnisation du temps perdu dans l'alimentation en ballast des alvéoles n°3 & 4 ;

Condamner la société Semavert à payer à la société RCM 16 435,20 euros en indemnisation de la mise en intempérie du personnel six vendredis pour contrôles de perméabilité non réalisés ;

Condamner la société Semavert à payer à la société RCM 25 718,47 euros en indemnisation de l'immobilisation du matériel six vendredis pour contrôles de perméabilité non réalisés ;

Condamner la société Semavert à payer à la société RCM 84 585,60 euros en indemnisation de la mise en intempérie du personnel les vendredi soir pour contrôles de perméabilité non réalisés ;

Condamner la société Semavert à verser à la société RCM 59 602,20 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Semavert aux entiers dépens, de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés par Me Bouard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 9 janvier 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 6 février 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir

Moyens des parties

La société Semavert soutient que l'article 50.3.2 du CCAG travaux ne peut être déclaré nul comme dérogeant à la répartition des compétences entre les ordres de juridiction administrative et judiciaire alors qu'il appartenait à la société RCM de s'interroger sur la compétence du tribunal administratif de Melun désigné dans cet article pour statuer sur sa requête. Elle souligne que la société RCM ne pouvait ignorer la compétence des juridictions judiciaires et cela avant même l'expiration du délai de forclusion de six mois, eu égard à l'ordonnance d'incompétence du 21 décembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Melun.

La société RCM soutient qu'il n'y a pas de délai de forclusion du fait de la nullité de l'article 50.3.2 qui est contraire à l'ordre public en faisant l'obligation au titulaire de saisir le tribunal administratif. A titre subsidiaire, elle estime qu'elle a respecté les dispositions de l'article 30.3.2 du CCAG travaux en saisissant le tribunal administratif de Versailles le 22 janvier 2019. Elle souligne que cette clause contractuelle ne prévoit aucun autre délai pour saisir la juridiction civile si la juridiction administrative s'avère incompétente.

Réponse de la cour

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Lorsque les stipulations d'un contrat sont ambiguës, il appartient au juge de déterminer quelle a été la commune intention des parties.

Au cas d'espèce, il résulte de l'examen par la cour du contrat conclu entre la société Semavert et la société RCM, que les parties ont entendu appliquer à leurs relations contractuelles l'ensemble des règles applicables aux marchés publics, désignant même la société Semavert en qualité de " pouvoir adjudicateur ", y compris dans la désignation des juridictions compétentes pour trancher les différends relatifs à ce contrat.

En effet, le cahier des charges administratives particulières dans son article 10 stipule que " le tribunal compétent est le tribunal administratif dont relève le pouvoir adjudicateur " et renvoie aux dispositions du cahier des charges administratives générales qui dans son article 50.3.2 stipule : " pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2 ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3 pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent ".

Il résulte cependant des décisions devenues définitives du tribunal administratif de Melun du 21 décembre 2018 et du tribunal administratif de Versailles du 26 avril 2021 que les requêtes de la société RCM ont été rejetées au motif que les demandes avaient été portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, le litige opposant deux personnes morales de droit privé concernant l'exécution d'un marché qui ne peut être qualifié de contrat administratif et relevant donc de la compétence des juridictions judiciaires.

Il s'ensuit que l'article 50.1.2 du CCAG qui mentionne un délai pour agir en contestation du décompte général du marché en précisant la juridiction qu'il convient de saisir dans ce délai, à savoir le tribunal administratif, le CCAP précisant quel tribunal administratif il convient de saisir, présente un caractère obscur et ambigu en ne prévoyant pas le cas où la juridiction administrative ne serait pas compétente.

S'agissant d'une clause restreignant dans un délai contraint la possibilité d'accès au juge, une telle clause ne peut être interprétée de manière extensive et par analogie en estimant que le délai de forclusion contractuelle s'appliquerait quelle que soit la juridiction compétente pour statuer sur le contrat et que la société RCM devait saisir la juridiction judiciaire dans le délai de six mois.

Le fait que la société RCM ait eu connaissance dès le 21 décembre 2018, soit dans le délai de six mois imparti par l'article 50.1.2, du rejet par le juge des référés du tribunal administratif de Melun au motif de l'incompétence des juridictions administratives, s'agissant d'une décision provisoire et non définitive est sans emport.

Il s'ensuit que l'article 50.3.2 du CCAG fixant un délai pour agir en contestation du décompte général du marché et contraignant la société RCM à saisir une juridiction de l'ordre administratif doit être déclaré nul comme dérogeant aux règles de compétence d'ordre public des juridictions administratives et judiciaires.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté la nullité de la clause et déclaré recevable l'action de la société RCM.

Sur le poste C1 du marché de travaux : tous déblais y compris mise en forme arase

Moyens des parties

La société RCM fait valoir que ce poste doit être maintenu à 140 935,85 euros TTC, la facturation étant faite au regard des métrés du chantier et le maître d''uvre n'apportant pour sa part aucun justificatif au volume qu'il annonce.

La société Semavert soutient que cette demande, faute d'avoir été formulée en première instance, constitue une demande nouvelle et par conséquent irrecevable.

A titre subsidiaire, elle observe que la société RCM ne justifie pas du cubage allégué, à défaut de démontrer que le logiciel utilisé pour établir ce cubage serait plus objectif et précis que celui utilisé par la société Semavert. Elle souligne que la société RCM n'a pas contesté les calculs réalisés grâce au logiciel de la société RCM lorsque le résultat de ce logiciel lui était favorable sur d'autres postes du décompte.

Réponse de la cour

Sur la recevabilité de la demande

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 566 du même code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Au cas d'espèce, la demande relative au poste C1 du marché de travaux est la conséquence de la demande en paiement de la société RCM, des travaux réalisés suite au contrat conclu le 10 novembre 2016. Il s'ensuit que cette demande est recevable en cause d'appel, bien que le paiement de ce poste des travaux n'ait pas été demandé devant le tribunal de commerce.

Sur le bien-fondé de sa demande

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Au cas d'espèce, dès lors que les parties fournissent des mesures en m3 et ml de quantités de matériaux établies avec deux logiciels différents, sans que la société RCM ne démontre que ses mesures seraient plus fiables que celles de la société Semavert, alors que la charge de la preuve incombe à la société RCM qui demande le paiement de ses travaux, il convient de considérer que la société RCM ne rapporte pas la preuve de l'insuffisance du volume retenu en paiement et de rejeter la demande de la société RCM au titre du poste C1 " tous déblais et mise en forme arases ".

Sur les demandes au titre des postes D1, D2, D3 et D4

Moyens des parties

La société Semavert soutient que le tribunal ne pouvait pas appliquer une moyenne aux quantités alléguées par les parties et qu'il a ainsi renversé la charge de la preuve qui ne pesait que sur la société RCM, en qualité de demandeur à l'action.

Elle fait valoir que dans la mesure où le volume des déblais restant sur le site de [Localité 4] était insuffisant pour réaliser toute la barrière de sécurité passive, la société RCM a utilisé des limons provenant d'une autre carrière et les a traités à un taux de 4% de bentonite. Elle souligne que la société RCM ne s'est pas opposée à la solution consistant à utiliser des matériaux provenant d'une autre carrière et qu'il s'agit d'un événement qui n'était pas prévisible par les parties lors de la conclusion du contrat car une partie des terrains n'était pas libérée et que seule la libération de l'emprise en cours d'exécution du contrat avait permis de constater l'insuffisance de déblais sur le site même.

Elle expose que du fait de ce prélèvement de matériaux à l'extérieur du site, elle était bien fondée à appliquer le prix de la solution de base aux quantités de matériaux ainsi utilisés et qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer le sous-poste D1 de la solution de base qui correspond à l'indemnisation de la fourniture des matériaux par l'entreprise alors que ces matériaux ont été fournis par la société Semavert. Elle ajoute que le sous-poste D2 rémunère le titulaire du marché pour son traitement à la bentonite.

La société RCM soutient que la société Semavert ne peut faire unilatéralement application d'un prix qui n'est pas celui contractuellement prévu au marché et qui ne correspond à aucune hypothèse envisagée dans l'appel d'offre, le prix de base correspondant à une situation où c'est l'entreprise qui choisit le matériau qu'elle mettra en 'uvre et qu'elle peut ainsi choisir un matériau ne nécessitant pas de traitement, alors qu'en l'espèce, le matériau imposé à la société RCM devait être traité à la bentonite tout comme les matériaux réutilisés.

Réponse de la cour

Les prix convenus entre les parties lors du contrat figurent ci-dessous, étant observé que la société Semavert a opté pour l'option 1.

Il résulte des comptes-rendus de chantier et des devis émis que si la société RCM a accepté de poursuivre l'exécution du contrat dans des conditions différentes de celles prévues initialement en raison de l'insuffisance de la quantité de déblais pouvant être réutilisés, aucun accord des parties n'est intervenu sur la modification du prix des prestations fournies. Par conséquent la société Semavert n'établit pas la preuve que la société RCM aurait accepté de fournir les prestations relatives au limon issu d'une autre carrière au tarif de base.

Il en résulte que la société RCM est bien fondée à voir fixer le montant de ce poste en retenant les quantités telles que les a reconnues la société Semavert en application des tarifs de l'option 1 soit un montant total de 714 841,35 euros ainsi décomposé :

E1 : 39 381 x 15,61 = 614 737,41 euros

E 2 : 31 386 x 2,14 = 67 166,04 euros

E 3 : 6 300 x 3,92 = 24 696 euros

E4 : 1245 x 6,62 = 8 241,90 euros

Il s'ensuit que le montant dû par la société Semavert au titre de ce poste est de 137 108,95 euros, déduction faite du montant de 577 732,40 euros correspondant au décompte établi par la société Semavert.

Sur le poste correspondant au matériau drainant

Pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut pour rejeter la demande formée au titre du poste C1, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé la somme due à ce titre en faisant une moyenne entre les quantités telles qu'elles résultent des logiciels de la société Semavert et la société RCM alors que la société RCM, sur laquelle repose seule la charge de la preuve des sommes qui lui sont dues, ne rapporte pas la preuve de l'exactitude du volume du matériau drainant qu'elle a retenu.

La demande de la société RCM sur ce poste sera donc rejetée.

Sur le poste relatif aux drains

Moyens des parties

La société RCM fait valoir que la différence entre les mètres de tuyaux facturés et ceux retenu par la société Semavert résulte du fait que cette dernière retient la longueur des drains telle que figurant sur les plans d'exécution alors que les drains ont dû être posés jusqu'au bord des digues pour être efficaces. Elle souligne que ces drains ont fait l'objet d'une facture intermédiaire qui a été approuvée par le maître d''uvre.

La société Semavert soutient que seuls les métrés établis par le maître d''uvre sur la base de plans d'exécution qu'il a validé peuvent être facturés. Elle estime que la validation de la facture intermédiaire par le maître d''uvre ne vaut pas approbation de la facturation de drains supplémentaires et que la société RCM ne justifie pas que le système de pose de drains figurant sur le CCTP ne serait pas conforme aux règles de l'art.

Réponse de la cour

Les parties reconnaissent que la société RCM sollicite le paiement de travaux non conformes au CCTP et aux plans DCE auxquels le CCTP renvoie. Si la société RCM allègue que ces travaux auraient été indispensables pour se conformer aux règles de l'art, cette affirmation est contestée par la société Semavert et la société RCM n'apporte pas la preuve de ses allégations.

Par ailleurs l'article 5-3-1 du cahier des clauses administratives particulières stipule que le caractère définitif des paiements d'acompte interviendra au moment du solde du marché. Il en résulte que le paiement de la situation intermédiaire relative à ce poste de travaux par la société Semavert ne constitue pas la preuve d'une acceptation par le maître d''uvre des métrés résultant d'une pose non conforme aux plans.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la société Semavert est redevable à la société RCM de la somme de 665,12 euros à ce titre.

Sur les demandes de rémunération complémentaire

Moyens des parties

La société RCM soutient qu'il résulte de la méthodologie exposée dans les documents fournis avec la réponse à l'appel d'offres qu'il était prévu une ouverture dans la digue entourant les alvéoles 3 et 4 pour laisser passer les camions et que le changement de méthodologie imposé par la société Semavert a entraîné une perte de temps et des manipulations supplémentaires.

La société Semavert fait valoir que les plans produits par la société RCM ne font pas état d'une ouverture entre les alvéoles 3 et 4, qui n'était pas prévue dans le marché et que la société RCM était informée des conditions d'accès et de réalisation de l'ouvrage. Enfin elle souligne que c'est à la demande expresse de la société RCM que l'accès a été modifié pour permettre de traverser les alvéoles D1 et D2.

Réponse de la cour

Si la société RCM, à l'appui de ses allégations selon lesquelles une ouverture dans la digue entourant les alvéoles 3 et 4 était initialement prévue, reproduit dans ses conclusions des plans fournis lors de la réponse d'offre, il convient d'observer que ces plans reproduits dans les conclusions sont différents de ceux figurant en pièce n°7 de la société RCM et dont ils sont censés être la copie exacte, puisqu'il y a été rajouté les mentions " ouverture pour passage des camions ".

Par conséquent c'est à juste titre que le tribunal a estimé que cette ouverture n'était pas initialement prévue dans le contrat.

Par ailleurs le compte-rendu de chantier du 10 novembre 2017 (pièce n°21 de la société Semavert) comporte la mention suivante : " Semavert donne la possibilité d'approvisionner le drainant dans D3 par D1/2 ". Ce document ne permet d'établir ni l'existence initiale d'un passage des camions par une ouverture dans la digue entourant les alvéoles 3 et 4 ni que la modification des modalités d'accès à ces alvéoles aurait été imposée par la société Semavert.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre par la société RCM.

Sur les frais liés aux contrôles de perméabilité non réalisés

Moyens des parties

La société RCM soutient que la société Semavert est à l'origine de frais d'arrêt du chantier non prévus initialement en ne démarrant les tests de perméabilité que le lundi lorsqu'une bande de travaux était terminée le jeudi soir.

La société Semavert fait valoir que les tests de perméabilité se déroulant sur deux jours et le chantier étant à l'arrêt le samedi, les tests de perméabilité ne pouvaient se dérouler ce jour-là.

Elle souligne par ailleurs que la conduite d'un test de perméabilité sur une bande n'empêchait pas que le chantier se poursuive sur une autre bande.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article 3.4.6 du CCTP que lors du contrôle par le maître d''uvre et les contrôleurs extérieurs, l'entreprise mettra à leur disposition le matériel et le personnel nécessaire à l'établissement des essais et contrôles demandés par leurs soins. L'article 6.2.6.4 du CCTP précise que l'entreprise procédera, en présence du maître d''uvre ou du contrôleur extérieur, à différentes vérifications précisément listées.

Il convient d'en déduire que les tests de perméabilité nécessitaient la présence de la société RCM sur le chantier et que l'absence de la société RCM sur le chantier le samedi empêchait donc le maître d'ouvrage de procéder aux contrôles prévus sur une durée de deux jours, à compter du vendredi. En outre il convient de relever que la société RCM ne justifie pas avoir, en cours de chantier, avisé le maître d'ouvrage d'une quelconque difficulté et de coûts supplémentaires à prévoir concernant cette organisation du contrôle.

En outre dès lors que la société RCM ne conteste pas les affirmations de la société Semavert selon lesquelles le chantier pouvait en tout état de cause se poursuivre sur d'autres bandes, la société RCM ne justifie que les modalités du contrôle de perméabilité seraient à l'origine de coûts supplémentaires.

Par conséquent le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société RCM à ce titre en estimant que ces frais liés aux contraintes du contrôle étaient inclus dans le prix fixé par la société RCM.

Sur les frais liés au dépassement du délai d'exécution du marché

Moyens des parties

La société RCM soutient que le chantier, initialement prévu pour sept mois, a duré douze mois en raison de l'émission tardive de l'ordre de service de démarrage de la phase 2. Elle observe que si un retard dans les travaux était noté lors de la réunion de chantier du 16 mars 2017, ce retard a été rattrapé, ainsi qu'en témoignent l'absence de mise en demeure qui lui aurait été adressée par la suite et l'absence de pénalité de retard mise à sa charge.

La société Semavert fait valoir que le dépassement du délai contractuel est imputable à la société RCM qui a effectué les travaux afférents à chaque phase en six mois. Elle souligne que le compte-rendu de la réunion du 16 mars 2017 et une lettre de mise en demeure établissent le manquement de la société RCM à ses obligations contractuelles quant au délai d'achèvement du chantier.

Réponse de la cour

Il incombe à la société RCM qui se prévaut de frais liés à un dépassement du délai d'exécution du chantier de prouver la faute commise par la société Semavert à l'origine de ce dépassement.

Or la société RCM n'apporte pas la preuve de la date à laquelle elle aurait terminé la phase 1 du chantier et que l'ordre de service pour la phase 2 émis le 19 juillet 2017 serait tardif et la cause du retard du chantier. Il en en revanche établi par le compte-rendu de chantier du 16 mars 2017 et par le courrier de mise en demeure du 20 mars 2017 à la société RCM que cette dernière a pris du retard dans le traitement des matériaux et que le retard dans l'exécution du chantier résulte également de l'absence de validation par le contrôleur extérieur de la conformité des travaux, suite à des essais de perméabilité.

Par conséquent, à défaut pour la société RCM d'établir la preuve que le retard dans l'exécution du chantier serait imputable à la société Semavert, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société RCM de sa demande à ce titre.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société Semavert, partie perdante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société RCM la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :

Condamne la société Semavert à payer à la société Routes et chantiers modernes la somme de 138 290,72 euros ;

L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Semavert à payer à la société Routes et chantiers modernes la somme de 137 108,95 euros ;

Déclare recevable mais rejette la demande de la société Routes et chantiers modernes de paiement d'une somme de 3 892,01 euros au titre de l'ensemble des déblais ;

Condamne la société Semavert aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Semavert et la condamne à payer à la société Routes et chantiers modernes la somme de 3 000 euros.

La greffière, La présidente de chambre,

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