CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 23 mai 2025, n° 24/09992
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Sai (SAS)
Défendeur :
Louvre Hotels Group (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseiller :
M. Buffet
Avocats :
Me Guizard, Me Caillaud, Me Moisan, Me Mounicq
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l'ordonnance de référé rendue le 21 mai 2024 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel interjeté selon déclaration du 29 mai 2024 par la société Sai,
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 décembre 2024 par la société Sai,
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 décembre 2024 par la société Louvre Hotels Group,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 janvier 2025,
SUR CE, LA COUR
La société Louvre Hôtels Group exploite un réseau de franchise hôtelière.
Elle est titulaire des marques suivantes :
- la marque semi-figurative de l'Union européenne n°003325818 :
déposée le 22 août 2003 pour désigner des services en classes 30, 39 et 43, dont les services hôteliers dans cette dernière classe,
- la marque semi-figurative française n°123897940 :
déposée le 16 février 2012 pour désigner des produits et services en classes 3, 30 et 43, dont les services hôteliers dans cette dernière classe.
Le 26 août 2014, la société Louvre Hôtels Group a conclu avec la société Développement et Valorisation I un contrat lui reconnaissant la qualité de franchisée « PREMIERE CLASSE » pour un hôtel situé [Adresse 2]. Le contrat prévoyait la mise à disposition au franchisé de la marque de l'Union européenne n°3325818.
Selon avenant du 1er février 2019, la société Sai s'est substituée à la société Développement et Valorisation I.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 30 mai 2022, la société Louvre Hôtels Group, se prévalant des manquements de la société Sai à ses obligations dans l'exécution du contrat de franchise, lui a notifié qu'elle résiliait ce contrat et la mettait en demeure, dans un délai expirant le 30 juin 2022, de cesser l'exploitation de l'établissement sous la franchise concédée et de ne plus faire mention de son appartenance au réseau « PREMIERE CLASSE », de restituer au franchiseur tous les manuels, documents commerciaux, données, codes d'accès et licences d'utilisation qui lui ont été confiés, de faire disparaître les marques et la signalétique « PREMIERE CLASSE » de la façade extérieure et des locaux de son hôtel restaurant ainsi que tous panneaux de signalisation sur les voies d'accès de l'établissement, d'enlever toute référence à la marque « PREMIERE CLASSE » dans toutes les futures éditions des annuaires, guides et autres documents associatifs ou commerciaux et de ne pas utiliser une marque et/ou dénomination sociale ou des couleurs proches ou similaires à celle de « PREMIERE CLASSE » qui pourraient créer un risque de confusion.
La société Louvre Hôtels Group précise dans ses écritures qu'en application de l'article 11 du contrat de franchise, le délai imparti expirait le 31 juillet 2022.
Considérant que la société Sai ne s'était pas exécutée, la société Louvre Hôtels Group l'a à nouveau mise en demeure, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 9 mars 2023, de procéder sous huit jours au retrait total de la marque « PREMIERE CLASSE » sur les enseignes et panneaux signalétiques, au retrait total et immédiat de la référence à la marque « PREMIERE CLASSE » sur l'ensemble des sites internet de référencement et OTA's et de l'informer dans ce même délai des démarches entreprises pour mettre fin à cette utilisation illicite.
La société Sai a été destinataire d'une nouvelle mise en demeure par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception du 27 juin 2023.
Par exploit de commissaire de justice du 21 août 2023, la société Louvre Hôtels Group a fait assigner la société Sai devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon vraisemblable de marques.
Par ordonnance du 21 mai 2024, le juge des référés a :
- condamné, à titre provisionnel, la société Sai à payer 40 000 euros à la société Louvre Hôtels Group à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon vraisemblable des marques semi-figurative française 'Première classe hôtels' n°3897940 et semi-figurative de l'Union européenne 'Première classe hôtels' n°003325818,
- rejeté les demandes de la société Louvre Hôtels Group en injonction de faire,
- condamné la société Sai aux dépens, avec droit pour Me Thierry Mounicq, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision,
- condamné la société Sai à payer 5 000 euros à la société Louvre Hôtels Group en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 29 mai 2024, la société Sai a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 décembre 2024, la société Sai demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 21 mai 2024 des chefs faisant grief à la société Sai, à savoir :
- condamner à titre provisionnel, la société Sai à payer 40 000 euros à la société Louvre Hôtels Group à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon vraisemblable des marques semi-figurative française « Première classe hôtels » n°3897940 et semi-figurative de l'Union européenne « Première classe hôtels » n°003325818,
- condamner la société Sai aux dépens, avec droit pour Maître Thierry Mounicq, avocat au Barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision,
- condamner la société Sai à payer 5 000 euros à la société Louvre Hôtel Group en application de l'article 700 du Code de procédure civile
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- déclarer que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris était incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire,
- débouter purement et simplement la société Louvre Hôtel Group de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
- condamner la société Louvre Hôtels Group à payer à la société Sai la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- la condamner aux entiers dépens et admettre Me Caillaud au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 décembre 2024, la société Louvre Hotels Group demande à la cour de :
- déclarer irrecevable le moyen principal de la société Sai d'une prétendue incompétence du juge civil des référés, pour être nouveau, ou à défaut le déclarer mal fondé et le rejeter,
- en tant que de besoin, se déclarer compétente,
- débouter la société Sai de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- confirmer les dispositions de l'ordonnance entreprise, en ce qu'elles ont condamné la société Sai au paiement d'une provision à titre de dommages et intérêts,
- porter cette condamnation provisionnelle à la somme de 64 598,65 euros,
- recevant la société Louvre Hôtels Group en son appel incident, en le déclarant recevable et bien-fondé :
- infirmer les dispositions de l'ordonnance entreprise qui ont rejeté la société Louvre Hôtels Group de ses demandes d'injonction de faire,
Statuant à nouveau de ces chefs :
- enjoindre à la société Sai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de l'expiration d'un délai de quarante-huit heures courant à compter de la signification de « l'ordonnance » (sic) à intervenir et pendant un délai de six mois, de :
1/ procéder au dépôt de l'enseigne « PREMIERE CLASSE » ainsi qu'au retrait total de la marque semi-figurative « PREMIERE CLASSE » n° 3897940 sur les enseignes et panneaux signalétiques de son établissement hôtelier,
2/ cesser tout usage et reproduction du signe « PREMIERE CLASSE HOTELS » et/ou « PREMIERE CLASSE » et/ou « HOTEL PREMIERE CLASSE », ainsi que des logos déposés à titre de marques n° 3897940 et n° 003325818, en association avec un service hôtelier,
3/ procéder au retrait total et immédiat de la référence au signe « PREMIERE CLASSE » sur l'ensemble des sites Internet de référencement et OTA'S sur lesquels la société Sai est référencée comme établissement hôtelier,
4/ d'écrire par LRAR et ou par courriel avec accusé de réception, à tous les sites de recherche et de réservation d'hôtel qui continuent à la référencer sous l'enseigne « PREMIERE CLASSE » aux fins de déréférencement de cette enseigne,
5/ justifier auprès de la société Louvre Hôtels Group par LRAR et/ ou courriel, des démarches entreprises pour mettre fin à cette utilisation illicite sous quarante-huit heures, après la réalisation desdites démarches,
- prononcer les astreintes sollicitées susvisées,
- se réserver la liquidation des astreintes prononcées,
- condamner la société Sai à payer à la société Louvre Hôtels Group la somme de 8 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par Me Benjamin Moisan, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2025.
MOTIFS :
Sur l'atteinte vraisemblable aux droits de la société Louvre Hôtels Group sur ses marques :
La société Sai fait valoir qu'une procédure est en cours entre les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre, à l'occasion de laquelle elle prouve l'absence de bien fondé de la résiliation du contrat de franchise et qu'en l'absence de décision définitive sur la régularité de la résiliation du contrat de franchise, le juge des référés ne pouvait se déclarer compétent pour trancher une obligation qui était sérieusement contestable, l'atteinte aux droits de la société Louvre Hôtels Group sur ses marques n'étant pas vraisemblable.
Elle ajoute qu'elle n'a pas renoncé à se prévaloir de l'incompétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris et qu'elle invoque cette incompétence en cause d'appel dès lors qu'elle n'a eu connaissance de cette procédure parallèle qu'après la déclaration d'appel, ce qui constitue « la révélation d'un fait » au sens de l'article 564 du code de procédure civile. Elle conclut que son exception d'incompétence est recevable et bien fondée.
La société Sai fait valoir ensuite qu'elle a retiré la totalité des signes distinctifs de la marque « PREMIERE CLASSE » ; qu'il résulte du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 19 septembre 2023 que l'enseigne qu'elle exploite porte uniquement la mention « HOTEL D'[Localité 1] » ; qu'elle a accompli toutes les démarches nécessaires pour la suppression de la mention « PREMIERE CLASSE » sur l'ensemble des sites de réservation hôtelière ; que l'hôtel litigieux sous franchise a été fermé depuis le 28 juin 2022 ; qu'elle a également, avec les seuls moyens dont elle disposait tout mis en 'uvre pour déréférencer son hôtel de l'enseigne « PREMIERE CLASSE » sur tous les sites internet au sein desquels celui-ci était présenté sous cette enseigne ; que cette référence a également disparu dans l'établissement ou sur les factures adressées aux associations gestionnaires, en partenariat avec la préfecture du Loiret qui a réquisitionné la totalité des chambres de l'hôtel dès le mois de décembre 2022 ; que la contrefaçon vraisemblable alléguée n'est pas constituée et que la société Louvre Hôtels Group n'apporte la preuve d'aucun profit que la société Sai aurait réalisé.
La société Louvre Hôtel Group réplique que la prétention tendant à voir dire le juge des référés incompétent est une prétention nouvelle en appel et donc irrecevable par application de l'article 564 du code de procédure civile, la société Sai ayant renoncé à ce moyen de défense en première instance et qu'il ne s'agit pas d'un fait nouveau puisque la procédure devant le tribunal de commerce remonte au mois de mars 2023, la société Sai plaidant par son avocat qui, par courriels du 3 avril 2023, a précisé au conseil de la société Louvre Hôtels Group qu'il était son contradicteur et sollicité la communication de ses pièces.
La société Louvre Hôtels Group fait valoir, en tout état de cause, que ses demandes sont relatives à des faits de contrefaçon vraisemblable de ses marques par son ancien franchisé et que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris est exclusivement compétent pour en connaître.
La société Louvre Hôtel Group oppose ensuite que les actes de contrefaçon reprochés à la société Sai sont vraisemblables ; qu'à cet égard, la société Sai fait usage sans droit des signes « PREMIERE CLASSE HOTELS » ainsi que du logo
à titre d'enseigne au RCS, sur une façade de son hôtel et sur ses documents commerciaux, qu'elle a pour nom commercial le signe « PREMIERE CLASSE » et qu'en continuant à utiliser ce nom après la rupture du contrat de franchise, la société Sai a engagé sa responsabilité contractuelle ; qu'elle est fondée à réclamer une indemnité provisionnelle de 64 598,65 euros correspondant aux redevances majorées auxquelles elle est en droit de prétendre du fait de l'exploitation illicite des signes par la société appelante ; que cette dernière n'en ayant pas cessé l'usage, des mesures d'interdiction doivent être ordonnées.
Réponse de la cour :
Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
La prétention formée à titre principal par la société Sai tendant à voir dire le juge des référés incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, au motif qu'il existerait une contestation sérieuse en raison d'une procédure pendante devant le tribunal de commerce à l'occasion de laquelle la validité de la résiliation du contrat de franchise est discutée, constitue un moyen tendant à faire échec aux prétentions adverses. Devant le tribunal, la société Sai a contesté la contrefaçon vraisemblable des marques opposées, invoquant ainsi l'incompétence du juge des référés. Le moyen n'est donc pas nouveau.
Si la société Louvre Hôtels Group produit les conclusions qui avaient été déposées en première instance par la société Sai, il n'en résulte aucunement que cette société aurait expressément renoncé à se prévaloir de ce moyen tiré de l'existence d'une procédure au fond devant le tribunal de commerce.
Aucun élément n'est produit sur la nature de la procédure pendante devant le tribunal de commerce. A cet égard, la société appelante ne produit aucune pièce sur ce point, tandis que la société Louvre Hôtels Group se borne à communiquer deux courriels du 3 avril 2023 de l'avocat de la société Sai à celui de l'intimée lui mentionnant qu'il sera son contradicteur et demandant la communication de ses pièces.
La société Sai ne soulève aucune contestation sérieuse du principe de la résiliation du contrat de franchise notifiée par courrier du 30 mai 2022 de la société Louvre Hôtels Group.
Il est rappelé que l'article 11 du contrat de franchise prévoyait qu'à son expiration, pour quelque motif que ce soit, le franchisé devra, dans le délai de deux mois, faire disparaître à ses frais les marques et toute la signalétique « PREMIERE CLASSE » de la façade extérieure et des locaux de l'établissement ainsi que tous panneaux de signalisation sur les voies d'accès de l'établissement.
Par conséquent, la société Sai était réputée tenue de ne plus utiliser les marques dont la société Louvre Hôtel Group est titulaire postérieurement au 31 juillet 2022.
Aux termes de l'article 9.2 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque.
Selon l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.
La société Louvre Hôtels Group fait valoir que la société Sai a été l'auteur d'actes de contrefaçon vraisemblable de ses marques qu'elle aurait continué à exploiter postérieurement au 31 juillet 2022 en utilisant le signe « PREMIERE CLASSE » à titre d'enseigne sur sa façade, au RCS, sur ses documents commerciaux, ainsi que sur les sites de réservation en ligne et sur les sites de référencement.
Elle produit deux procès-verbaux de constat des 1 er août 2022 et 13 février 2023 (pièces intimée n°8 et 9), desquels il résulte que, sur la partie supérieure de la façade de l'hôtel exploité par la société intimée, se trouvait une enseigne « HOTEL PREMIERE CLASSE », que, sur les murs gauche et droite de l'établissement étaient apposés des logos reproduisant la marque semi-figurative française n° 123897940, que les panneaux de signalisation aux alentours de l'hôtel indiquant sa position géographique le renseignaient comme « HOTEL PREMIERE CLASSE », qu'enfin, la signalétique de l'établissement reproduisait ce signe.
Il résulte, par ailleurs, du procès-verbal de constat du 11 juillet 2023 (pièce intimée 17) que la partie droite du mur de l'établissement exploité par la société Sai comportait toujours un logo reproduisant la marque semi-figurative française n° 123897940, un panneau de signalisation de l'hôtel concernant également le signe « HOTEL PREMIERE CLASSE ».
La société Louvre Hôtel Group produit également une facture éditée par la société Sai le 12 août 2023 reproduisant, dans son en-tête, la marque n°123897940 apposée à côté de la dénomination de la société appelante (pièce 21).
Il résulte également d'un procès-verbal de constat internet du 12 juillet 2023 (pièce intimée 17) que l'hôtel exploité par la société appelante est présenté sous la dénomination « HOTEL PREMIERE CLASSE [5] » sur différents sites internet, dont notamment les sites tripadvisor.fr, trivago.fr, kayak.fr, hotel.info.fr, hrs.com, alibabuy.com, reserving.com, fr.trip.com, guide-hotels-France.fr et ville-date.com. Les photographies figurant sur les pages internet de ces différents sites montrent l'établissement de la société appelante avec sur sa façade l'enseigne « HOTEL PREMIERE CLASSE », la marque n°123897940 étant toujours reproduite sur la partie droite du bâtiment et sur la signalétique de l'hôtel.
La société Louvre Hôtels Group communique encore un procès-verbal de constat internet du 24 septembre 2024 (pièce 35) duquel il résulte que, sur les sites internet tripadvisor.fr, trivago.fr, hotel.info.fr, alibabuy.com, hotelmix.fr et ville-data.com, figuraient toujours des photographies de l'hôtel de la société Sai avec l'enseigne « HOTEL PREMIERE CLASSE » sur sa façade et un logo reproduisant la marque n°123897940 sur le côté droit du mur de l'établissement.
La société Sai produit :
- un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 19 septembre 2023 établissant que la façade de l'établissement situé [Adresse 2] à [Localité 1] présentait une enseigne portant la mention « HOTEL D'[Localité 1] », la signalétique ayant été modifiée sur les panneaux à hauteur des portes des chambres, ainsi qu'à la réception (pièce 2),
- des courriels des 17 octobre 2023 relatifs aux démarches qu'elle a effectuées auprès des services techniques des sites internet tripadvisor.fr, hotel.info.de, hrs.com, fr.trip.com, ville-data.com et premiere-classe-[Localité 1].h-rez.com, afin que l'hôtel ne soit plus référencé comme « HOTEL PREMIERE CLASSE [4] », que toutes les photographies préexistantes soient retirées et que l'adresse mail de contact de l'établissement soit modifiée (pièces 4),
- des captures d'écran du 12 décembre 2024 d'une recherche sur le moteur Google à partir des termes « hôtel d'[Localité 1] » renvoyant sur des liens ne reproduisant plus le signe « HOTEL PREMIERE CLASSE » (pièces 5 et 6).
Il résulte avec évidence des pièces produites par la société Louvre Hôtels Group que, postérieurement au 31 juillet 2022, la société Sai a continué à reproduire la marque semi-figurative française n°123897940 sur les façades de son établissement et dans sa facturation pour désigner des services hôteliers, et à exploiter le signe « HOTEL PREMIERE CLASSE » pour ces mêmes services, ce qui constitue une imitation de la marque semi-figurative de l'Union européenne n°003325818 par la reprise de ses éléments verbaux à l'exception de ses éléments figuratifs.
La contrefaçon vraisemblable de ces marques est donc caractérisée, ainsi que le premier juge l'a à bon droit retenu.
Si la société Sai indique avoir enlevé les signes litigieux de son établissement, il est relevé qu'elle n'en justifie que par un procès-verbal de constat établi le 19 septembre 2023, soit plus d'un an après avoir été tenue de déposer les marques, tandis qu'il n'est pas justifié que les demandes de déréférencement sur les différents sites internet auraient été entreprises avant le 17 octobre 2023, la société Sai ne justifiant d'aucune impossibilité de s'exécuter dans le délai imposé par l'article 11 du contrat de franchise.
Il n'y a pas lieu d'examiner l'atteinte invoquée au nom commercial de la société Louvre Hôtels Group, la procédure n'ayant été introduite que sur le fondement de la contrefaçon vraisemblable de ses marques, étant ajouté qu'aucune demande n'est formée à ce titre dans le dispositif de ses conclusions d'appel.
La société Louvre Hôtels Group demande que la provision au titre du préjudice subi du fait de ces actes de contrefaçon vraisemblable soit portée à la somme de 64 598,65 euros, se basant sur une attestation de sa directrice administrative et financière (pièce 18) du 13 juillet 2023, laquelle certifie que le montant de la redevance facturée à la société Sai s'est élevé à 54 755,03 euros TTC pour l'année 2020, 69 223,95 euros TTC pour l'année 2021 et 29 090,42 euros TTC pour la période de janvier 2022 à mai 2022.
La société Louvre Hôtels Group est fondée à solliciter une provision à hauteur de 64 598,64 euros en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon vraisemblable de ses marques, correspondant au montant moyen de la redevance qui aurait été due sur douze mois pour la période des mois d'août 2022 à août 2023 par la société Sai si elle était restée franchisée. L'ordonnance dont appel sera infirmée en ce qu'elle a limité cette provision à la somme de 40 000 euros.
La société Louvre Hôtels Group sollicite des mesures d'interdiction qui n'ont pas été ordonnées en première instance.
Il est relevé que si la société Sai a entrepris des démarches en vue du déréférencement de son établissement sous le signe « HOTEL PREMIERE CLASSE » en octobre 2023, il n'est aucunement justifié que l'atteinte vraisemblable aux droits de la société Louvre Hôtels Group sur ses marques aurait totalement cessé, au regard du procès-verbal de constat du 24 septembre 2024 produit par cette société établissant que les marques étaient toujours reproduites sur différents sites internet.
Aussi, il convient de faire droit à la demande d'interdiction dans les termes du dispositif du présent arrêt.
Sur les demandes accessoires :
L'ordonnance sera confirmée du chef des dépens et des frais irrépétibles.
La société Sai sera condamnée aux dépens d'appel et à payer une indemnité de procédure à la société Louvre Hôtels Group sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME l'ordonnance dont appel du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,
L'INFIRMANT POUR LE SURPLUS ET Y AJOUTANT :
CONDAMNE à titre provisionnel la société Sai à payer à la société Louvre Hôtels Group la somme de 64 598,64 euros en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon vraisemblable des marques de l'Union européenne n°003325818 et française n°123897940,
ORDONNE à la société Sai de procéder au retrait total et immédiat de la référence au signe « PREMIERE CLASSE » sur l'ensemble des sites Internet de référencement et OTA'S sur lesquels elle est référencée comme établissement auprès de tous les sites de recherche et de réservation d'hôtel, de toutes reproductions sur ces sites des éléments visuels « PREMIERE CLASSE » apparaissant sur son établissement hôtelier, de ses factures et documents commerciaux, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, laquelle commencera à courir passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et pour une durée de six mois,
DIT que la société Sai devra justifier des démarches accomplies auprès de la société Louvre Hôtels Group,
DIT n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte,
CONDAMNE la société Sai aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Sai à payer à la société Louvre Hôtels Group la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
REJETTE le surplus des demandes.