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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 27 mai 2025, n° 24/05696

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/05696

27 mai 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 184

N° RG 24/05696 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VI64

(Réf 1ère instance : 2024L00249)

S.E.L.A.R.L. [9]

C/

M. [D] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me NAUDIN

Me CHATELLIER

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à :

TC Rennes

Ministere Public

[9] (LRAR)

M.[E] (LRAR)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 MAI 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-Line PICHON, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes du 17 mars 2025

GREFFIERS :

Madame Julie ROUET, lors des débats et Madame Frédérique HABARE lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée, entendu en ses observations.

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Mars 2025

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 mai 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. [9] prise en la personne de Maître [O] [N], es qualités de liquidateur judicaire de la SARL [5] immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4], désigné en cette qualité par jugement du Tribunal de Commerce de RENNES en date du 5 avril 2023

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Thomas NAUDIN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [D] [E]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE :

Le capital de la société [5] est réparti de la manière suivante :

- M. [E] 10 parts

- société [6] 3.590 parts

Total 3.600 parts

La société [5] est une filiale de la société [6] dont le capital est intégralement détenu par M. [E], auparavant gérant de cette dernière. La gérance de la société [5] était aussi assurée par M. [E].

Le 19 octobre 2022, la société [6] a été placée en liquidation judiciaire.

Le 9 novembre 2022, la société [5] a été placée en redressement judiciaire sur saisine du ministère public. La date de cessation des paiements a été fixée au 9 mai 2021 et M. [N] a été désigné mandataire judiciaire. La période d'observation a été maintenue jusqu'au 9 mai 2023.

Le 5 avril 2023, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire. La société [9] prise en la personne de M. [N] a été désignée liquidateur judiciaire.

Estimant que M. [E] avait commis des fautes de gestion et manqué à ses obligations de dirigeant en ne coopérant pas avec les organes de la procédure collective, en tenant une comptabilité irrégulière, en omettant de déclarer la cessation des paiements dans les 45 jours et en ne remettant pas la liste des créanciers au mandataire, la société [9], en sa qualité de liquidateur de la socité [5], l'a assigné en condamnation à une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer et à une condamnation au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif.

Par jugement du 10 septembre 2024, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Condamné M. [E] à une mesure de faillite personnelle, laquelle entraîne l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement ou toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale par application des dispositions de l'article L.653-2 du code de commerce, dont la durée est fixée à 10 (dix) ans à compter du prononcé de la présente décision,

- Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants du et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

- Dit que mention du présent jugement sera faite dans le jugement de clôture de la liquidation judiciaire,

- Débouté la société [9] représentée par M. [N], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [5], de sa demande de condamnation de M. [E] au titre de l'insuffisance d'actif,

- Condamné M. [E] à payer à la société représentée par Me [N], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [5], la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société [9] représentée par M. [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [5] au surplus de sa demande,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision par application de l'article L.653-11 du code de commerce,

- Condamné M. [E] aux entiers dépens de la présente instance y compris les frais de greffe,

- Dit qu'au cas où M. [E] aurait disparu, ou n'aurait pu être touché, ainsi qu'au cas où il serait notoirement insolvable, les frais du présent jugement seront comptés en frais privilégiés de justice de la liquidation judiciaire,

- Liquidé les frais de greffe a la somme de 33,46 euros tel que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

La société [9] a interjeté appel le 16 octobre 2024. M. [E] a formé appel incident le 16 décembre 2024.

Les dernières conclusions de la société [9] ont été déposées le 10 janvier 2025. Les dernières conclusions de M. [E] ont été déposées le 16 décembre 2024. L'avis du ministère public est en date du 5 décembre 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

La société [9] demande à la cour de :

- Dire et juger la société [9] représentée par M. [N], es qualités de liquidateur judiciaire de la société [5] recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Sur la demande de condamnation au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif :

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Débouté la société [9] représentée par M. [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [5], de sa demande de condamnation de M. [E] au titre de l'insuffisance d'actif,

- Débouté la société [9] représentée par M. [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [5], du surplus de sa demande,

- Statuant à nouveau, constater que la liquidation judiciaire de la société [5] révèle une insuffisance d'actif de 189.400,32 euros,

- Dire et juger que M. [E] a commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société [5],

- Condamner M. [E] à payer à la société [9] représentée par M. [N], es qualités de liquidateur judiciaire de la société [5], une somme de 189.400,32 euros, en réparation de l'insuffisance d'actif,

- Dire que les condamnations prononcées seront productives des intérêts au taux légal à

compter de la date de l'assignation et jusqu'à parfait paiement,

Sur l'appel incident de M. [E] et sur la demande de condamnation à une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer :

- Débouter M. [E],

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] à payer à la société [9] es qualités une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Subsidiairement, condamner M. [E] à une mesure d'interdiction de gérer d'une durée laissée à l'appréciation de la Cour, mais qui ne saurait être inférieure à 10 ans,

En tout état de cause :

- Condamner M. [E] à payer à la société [9] représentée M. [N], es qualités de liquidateur judiciaire de la société [5], une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner aux entiers dépens.

M. [E] demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

- Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté de la société [9] de sa demande de condamnation de M. [E] au titre de l'insuffisance d'actif,

- Débouter la société [9] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Sur l'appel incident :

- Infirmer la décision déférée des chefs de jugement suivants :

- Condamné M. [E] à une mesure de faillite personnelle, laquelle entraîne l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement ou toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale par application des dispositions de l'article L.653-2 du code de commerce, dont la durée est fixée a 10 (dix) ans a compter du prononcé de la présente décision,

- Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants du et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

- Dit que mention du présent jugement sera faite dans le jugement de clôture de la liquidation judiciaire,

- Condamné M. [E] à payer à la société représentée par M. [N], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [5], la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [E] aux entiers dépens de la présente instance y compris les frais de greffe,

Statuant à nouveau :

- Débouter la société [9] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause :

- Réduire dans de plus justes proportions le quantum des sanctions sollicitées,

- Allouer à M. [E] une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Statuer comme de droit s'agissant des dépens d'instance.

Le ministère public est d'avis de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] à une mesure de faillite personnelle entraînant une interdiction de gérer de 10 ans mais de réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société [9] de sa demande de condamnation de M. [E] au titre de l'insuffisance d'actif.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la mesure de faillite personnelle :

Une faillite personnelle peut être prononcée, notamment, lorsque le dirigeant d'une société s'est volontairement abstenu de coopérer avec le mandataire ou a tenu une comptabilité irrégulière :

Article L. 653-1 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur depuis le 20 novembre 2016 :

I.-Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables:

1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.

Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.

II.-Les actions prévues par le présent chapitre se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure mentionnée au I. Toutefois, la prescription de l'action prévue à l'article L. 653-6 ne court qu'à compter de la date à laquelle la décision rendue en application de l'article L. 651-2 a acquis force de chose jugée.

Article L. 653-4 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur depuis le 15 février 2009 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Article L. 653-5 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er juillet 2014 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.

L'interdiction de gérer peut notamment être prononcée contre le dirigeant d'une personne morale qui a frauduleusement augmenté le passif ou tenu une comptabilité manifestement incomplète :

Article L. 653-8 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur depuis le 8 août 2015 :

Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

La société [9], ès qualités, fait valoir que M. [E] peut se voir reprocher une absence de coopération avec les organes de la procédure, un défaut de tenue de la comptabilité, une omission de déclaration de la cessation des paiements ainsi qu'un défaut de remise de la liste des créanciers, qui constituent des faits sanctionnés par les mesures prononcées.

L'absence de déclaration de la cessation des paiements dans les 45 jours et l'absence de remise au mandataire de la liste des créanciers ne sont pas sanctionnés par une mesure de faillite personnelle. Ces manquements, à les supposé établis, ne peuvent pas fonder la mesure prononcée par le tribunal.

Sur l'absence de coopération avec les organes de la procédure :

Pour encourir une sanction, le dirigeant doit volontairement s'être abstenu de coopérer avec les organes de la procédure. Une simple négligence ne suffit pas. Il faut également que son comportement ait entravé le bon déroulement de la procédure collective, notamment lorsque le débiteur refuse de transmettre des documents au liquidateur ou qu'il ne se présente pas aux rendez-vous dans le cadre de la procédure.

La société [9] justifie avoir envoyé une lettre au tribunal de commerce rappelant qu'une lettre avait été envoyée à M. [E] le 4 janvier 2023 pour lui demander de lui adresser un tableau de bord hebdomadaire ainsi qu'un état de la trésorerie, avec justificatif, chaque vendredi, et une liste d'éléments comptables à fournir.

Il n'est pas justifié de demandes présentées directement à M. [E] par le mandataire.

M. [E] énonce lui-même avoir participé à la route du rhum en raison d'engagements financiers auprès de tiers juste après l'ouverture de la procédure. Il dit avoir fait en sorte pendant cette période que les éléments sollicités soient transmis par le biais de Mme [K]. Il produit des échanges d'e-mails entre Mme [K] et M. [N]. Certains messages de Mme [K] se présentent comme étant accompagnés de pièces et M. [N], ès qualités, ne conteste pas leur réception.

Il résulte du courriel de M. [N] à M. [E] le 22 décembre 2022 qu'un certain nombre d'informations lui ont été demandées à son retour de la route du rhum.

Il résulte du courriel de Mme [K] à l'étude [N] en date du 29 décembre 2022 qu'elle a demandé un rendez vous pour elle même et M. [E] le 2 ou 3 janvier 2023.

Au vu de ces éléments, il n'est pas justifié d'un abstention volontaire de M. [E] de coopérer avec les organes de la procédure.

Le grief de défaut de coopération n'est pas constitué.

Sur l'absence de comptabilité :

La non remise de la comptabilité au mandataire ou liquidateur judiciaire vaut présomption de l'absence de tenue de comptabilité.

La société [9] démontre que depuis 2017, les comptes annuels de la société [5] n'ont pas été déposés au greffe du tribunal de commerce, ce qui est pourtant obligatoire. Devant la cour, M. [E] ne produit aucun document comptable, encore moins de bilan établi par un expert comptable. M. [E] n'a pas non plus fourni d'éléments comptables à la société [9].

Il est ainsi établi que M. [E] ne tenait pas de comptabilité.

Le grief de défaut de tenue de comptabilité est établi.

Sur la sanction :

M. [E] conteste la durée de ces sanctions notamment au regard de l'ancienneté de la société [5] et du fait de l'absence de redressement judiciaire auparavant.

Il apparait en effet que la société [5] existe depuis 1998. Il n'est pas justifié que M. [E] ait été dirigeant d'une autre société ayant bénéficié d'un procédure collective.

L'absence de tenue d'une comptabilité est particulièrement grave en ce qu'elle prive le dirigeant d'un moyen objectif d'appréciation de la santé financière de la société et de ses perspectives d'évolution. Ce manquement a perduré pendant plusieurs années.

M. [E] n'indique pas pour quelles raisons il n'a pas tenu de comptabilité. Il ne détaille pas sa situation personnelle.

Au vu de la gravité des faits et de la situation personnelle de M. [E] telle que la cour a pu l'apprécier, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il prononcé une faillite personnelle emportant interdiction de gérer pour une durée de 10 années.

Le jugement sera confirmé sur ce point, par motifs pour partie substitués.

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif :

Le dirigeant d'une société liquidée peut, en cas de faute de gestion, être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif :

Article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016 :

Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.

La société [9] fait valoir que M. [E] aurait du être condamné en responsabilité pour insuffisance d'actif en raison des fautes de gestion qu'il a commises et qui ont contribué à l'insuffisance d'actif. Elle fait valoir que M. [E] peut se voir reprocher une poursuite d'une activité déficitaire, des irrégularités comptables et une mauvaise conduite des affaires sociales.

La société [9] ne justifie pas que le retard dans la déclaration de la cessation des paiements a eu pour effet une augmentation du passif. Le retard dans le paiement des sommes dues à l'URSSAF ne permet pas de caractériser à elle seule une faute de gestion ayant accru le montant du passif.

La société [9] n'indique pas en quoi l'activité aurait été poursuivie de façon déficitaire. Là encore, l'absence de paiement des sommes dues à l'URSSAF dans les délais ne permet pas d'établir le caractère déficitaire de l'exploitation.

L'absence de comptabilité prive le dirigeant d'un élément d'appréciation de la situation financière de la société. Mais en l'espèce, il n'est pas établi en quoi cette absence de comptabilité a contribué à augmenter une insuffisance d'actif.

La société [9], ès qualités, ne justifie pas des confusions entre sociétés dont elle se prévaut ni d'une confusion au sein de la clientèle.

Il apparait ainsi qu'aucun lien de causalité entre les manquements allégués et une insuffisance d'actif, ou du moins une aggravation du passif, n'est établi.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner M. [E] au dépens d'appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement,

Y ajoutant :

- Rejette les demandes contraires ou plus amples des parties,

- Condamne M. [E] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

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