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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 23 mai 2025, n° 24/00524

BOURGES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

Impact Eco Habitat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clement

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

Avocats :

SCP Rouaud & Associes, Me Richard

TJ Châteauroux, Juge des contentieux de …

5 avril 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat en date du 4 mars 2014, M. [H] [I] a acquis auprès de la SARL Impact éco habitat une installation photovoltaïque de marque Ultimate Solar et un ballon thermodynamique pour un prix total de 22 000 euros.

Par contrat du même jour, M. [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] ont souscrit auprès de la SA Sygma Banque un crédit affecté à la fourniture de ces biens, portant sur la somme de 22 000 euros, remboursable en 168 mensualités de 235,28 euros, assurance comprise, après un différé de remboursement de 12 mois, au taux débiteur de 5,76 % et TAEG de 5,87 %.

Le raccordement au réseau d'électricité et la mise en service de l'installation sont intervenus le 24 octobre 2014.

Par jugement en date du 17 juillet 2015, le tribunal de commerce de Créteil a placé la société Impact éco habitat en liquidation judiciaire et désigné la société SELARL SMJ en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement en date du 12 juillet 2017, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

Par acte sous seing privé du 18 octobre 2018, M. [I] a conclu un contrat d'achat d'électricité avec la société EDF, avec effet rétroactif au 24 octobre 2024.

La première facture de revente d'électricité a été établie le 12 décembre 2018.

Par ordonnance en date du 4 juillet 2023, le tribunal de commerce de Créteil a désigné Me [R] [T] [N] en qualité de mandataire ad hoc de la société Impact éco habitat pour la présente procédure.

Par actes de commissaire de justice en date du 16 août 2023, M. et Mme [I] ont assigné la société Impact Eco Habitat et la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, en annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.

Par jugement en date du 5 avril 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châteauroux a :

' prononcé l'annulation du contrat no 77100 passé entre M. [I], d'une part, et la société Impact Eco Habitat, d'autre part, le 4 mars 2014 et portant sur la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque et d'une installation thermodynamique,

' constaté la nullité du contrat de crédit affecté accessoire à cette vente, consenti à M. [I] et Mme [Y] épouse [I] selon offre de crédit acceptée le 4 mars 2014 par la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque,

' condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à payer à M. [I] et Mme [Y] épouse [I] la différence entre le capital prêté et l'intégralité des sommes perçues par elle au titre du contrat de prêt annulé, y compris les intérêts et les frais, soit la somme de 1 722,88 euros, somme arrêtée au 28 décembre 2023,

' dit que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des éventuels paiements effectués par M. [I] et Mme [Y] épouse [I] postérieurement au 31 août 2023,

' débouté M. [I] et Mme [Y] épouse [I] de leurs demandes de dommages-intérêts liés à la perte de chance de ne pas souscrire le contrat de prêt,

' débouté M. [I] et Mme [Y] épouse [I] de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

' condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à payer à M. [I] et Mme [Y] épouse [I] la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, aux dépens de l'instance,

' rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

' dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement ni de faire application des articles 514-5 et 521 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 3 juin 2024, la société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel de ce jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [I] de leurs demandes en dommages-intérêts, a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties et a dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement et de faire application des articles 514-5 et 521 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 février 2025, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

' infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

> prononcé l'annulation du contrat no 77100 passé entre M. [I], d'une part, et la société Impact Eco Habitat, d'autre part, le 4 mars 2014 et portant sur la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque et d'une installation thermodynamique,

> constaté la nullité du contrat de crédit affecté accessoire à cette vente, consenti à M. [I] et Mme [Y] épouse [I] selon offre de crédit acceptée le 4 mars 2014 par la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque,

> condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à payer à M. [I] et Mme [Y] épouse [I] la différence entre le capital prêté et l'intégralité des sommes perçues par elle au titre du contrat de prêt annulé, y compris les intérêts et les frais, soit la somme de 1 722,88 euros, somme arrêtée au 28 décembre 2023,

> dit que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des éventuels paiements effectués par M. [I] et Mme [Y] épouse [I] postérieurement au 31 août 2023,

> condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à payer à M. [I] et Mme [Y] épouse [I] la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

> condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, aux dépens de l'instance,

> rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

' déclarer irrecevables l'intégralité des demandes de M. et Mme [I],

subsidiairement, en cas de recevabilité,

' débouter M. et Mme [I] de l'intégralité de leurs demandes,

plus subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,

' débouter M. et Mme [I] de leur demande visant à la voir privée de son droit à restitution du capital prêté,

' condamner solidairement M. et Mme [I] à lui payer et porter la somme de 22 000 euros, correspondant au montant du capital prêté,

' juger qu'elle devra rembourser à M. et Mme [I] les échéances versées, après justification de leur part de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie et au Trésor Public, du crédit d'impôt perçu,

' débouter M. et Mme [I] de toute autre demande, fin ou prétention,

' ordonner la compensation des créances réciproques,

encore plus subsidiairement,

' ordonner à M. et Mme « [X] » de tenir à disposition de la société Impact Éco Habitat, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, le matériel posé en exécution du contrat de vente pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la décision afin que celui-ci procède à sa dépose et à la remise en l'état antérieur en prévenant 15 jours à l'avance du jour de sa venue par courrier recommandé avec accusé de réception et qu'à défaut de reprise effective à l'issue de ce délai, ils pourront disposer comme bon leur semble dudit matériel et le conserver,

' fixer le préjudice de M. et Mme [I] en lien avec la faute du prêteur à la somme de 22 000 euros si le mandataire vient effectivement procéder à la dépose dans ce délai, et « qu'à défaut ils ne subissent aucun préjudice en lien avec cette faute »,

' débouter M. et Mme [I] de toute autre demande, fin ou prétention,

en tout état de cause,

' condamner in solidum M. et Mme [I] à lui payer et porter une indemnité de 2 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 novembre 2024 et signifiées à la société Impact éco habitat le 27 novembre 2024, M. et Mme [I] demandent à la cour de :

à titre principal,

' confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, à l'exception des chefs de jugement suivants :

> condamné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à payer à M. [I] et Mme [Y] épouse [I] la différence entre le capital prêté et l'intégralité des sommes perçues par elle au titre du contrat de prêt annulé, y compris les intérêts et les frais, soit la somme de 1 722,88 euros, somme arrêtée au 28 décembre 2023,

> dit que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des éventuels paiements effectués par M. [I] et Mme [Y] épouse [I] postérieurement au 31 août 2023,

> débouté M. [I] et Mme [Y] épouse [I] de leurs demandes de dommages-intérêts liés à la perte de chance de ne pas souscrire le contrat de prêt,

> débouté M. [I] et Mme [Y] épouse [I] de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

> rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

' infirmer le jugement entrepris de ces chefs,

' prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 4 mars 2014 avec la société Impact Éco Habitat,

' prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 4 mars 2014 avec la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque,

' condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à leur restituer l'intégralité des sommes versées au titre des capital, intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit affecté du 4 mars 2014, soit la somme de 23 722,88 euros, arrêtée au mois d'août 2023,

à titre subsidiaire,

' condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de « son » préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif,

' prononcer la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 4 mars 2014 et condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à leur rembourser l'intégralité des intérêts, frais et accessoires déjà versés,

en tout état de cause,

' condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,

' débouter la société Impact Éco Habitat et la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

' condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Bien que dûment cité, Me [N], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Impact éco habitat, n'a pas constitué avocat devant la cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.

SUR CE

À titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir « constater », « déclarer », « juger » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, mais des moyens invoqués par les parties. Il ne sera donc pas statué sur ces demandes qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur la prescription de l'action en nullité du contrat de vente

Sur l'action en nullité pour dol

En vertu de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, M. et Mme [I] sollicitent l'annulation du contrat de vente de l'installation photovoltaïque et du ballon thermodynamique du 4 mars 2014 sur le fondement du dol, soutenant que le vendeur leur a présenté l'opération comme étant autofinancée et que la rentabilité économique de l'opération a motivé leur consentement.

La société BNP Paribas Personal Finance soulève la prescription de l'action en nullité pour dol du contrat de vente sur le fondement de l'article 2224 du code civil.

Elle soutient que c'est à compter d'une année de production complète d'électricité que le consommateur est en mesure de connaître la rentabilité réelle du matériel acquis. Elle estime que le fait de ne pas signer de contrat d'achat d'électricité et de ne pas pouvoir émettre de facture de revente d'électricité avant 2018 aurait dû alerter M. et Mme [I].

Les intimés répliquent qu'ils n'ont pris connaissance du dol du vendeur qu'à la date d'établissement du rapport d'expertise du 18 juillet 2022 réalisé par M. [U] pour estimer la rentabilité de leur installation, ou au plus tôt à la date d'établissement de la première facture de revente d'électricité le 12 décembre 2018.

Le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où les vendeurs ont découvert le dol, c'est-à-dire au jour où ils ont eu connaissance de la rentabilité réelle de l'installation photovoltaïque qu'ils avaient commandée et de la discordance entre cette rentabilité et les prétendues promesses de rendement dont ils indiquent avoir été destinataires lors de la conclusion du contrat.

Il est constant que l'installation photovoltaïque commandée par M. et Mme [I] a été livrée et raccordée au réseau électrique et qu'elle est fonctionnelle, le procès-verbal de réception de l'installation ayant été signé le 24 octobre 2014.

La première facture d'achat d'électricité, portant sur la période du 23 octobre 2014 au 23 octobre 2015, a été établie le 12 décembre 2018 pour un montant de 909,45 euros.

Ce n'est qu'à la lecture de cette facture que les intimés ont pu se rendre compte de la rentabilité effective de leur installation photovoltaïque et comparer celle-ci avec les promesses de rendement que la société Impact éco habitat leur aurait faites lors de la conclusion du contrat de vente.

Le point de départ du délai de prescription doit ainsi être fixé au 12 décembre 2018.

L'assignation ayant été délivrée le 16 août 2023, soit moins de cinq ans après cette date, il convient de réparer l'omission de statuer du premier juge en déclarant M. et Mme [I] recevables en leur action en nullité pour dol du contrat de vente.

Sur l'action en nullité pour méconnaissance des dispositions impératives du code de la consommation

Le point de départ du délai de prescription de l'action en annulation du contrat conclu hors établissement, fondée sur la méconnaissance par le professionnel de son obligation de faire figurer sur le contrat, de manière lisible et compréhensible, les informations mentionnées à l'article L. 121-23 ancien du code de la consommation, se situe au jour où le consommateur a connu ou aurait dû connaître les défauts d'information affectant la validité du contrat (cass. civ. 1re, 6 nov. 2024, no 23-21.155).

En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance soulève la prescription de l'action en nullité du contrat de vente intentée par M. et Mme [I] sur le fondement de la méconnaissance des dispositions impératives du code de la consommation.

Elle allègue que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de la conclusion du contrat, fait observer que les dispositions du code de la consommation reproduites sur le bon de commande sont suffisamment claires et précises pour permettre à un consommateur profane de se rendre compte de la nullité du contrat.

Il n'est pas contesté que le bon de commande du 4 mars 2014 comporte, de façon lisible, la reproduction du texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26 anciens du code de la consommation prévoyant les mentions que le contrat doit comporter à peine de nullité et dont le défaut est allégué dans le cadre de la présente instance.

Après avoir retenu que « la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions » (cass. civ. 1re, 31 août 2022, no 21-12.968), la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, estime désormais que « la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance » (cass. civ. 1re, 24 janv. 2024, no 22-16.115).

En l'absence de telles circonstances, permettant de caractériser la connaissance des acquéreurs de l'irrégularité formelle affectant le bon de commande du 4 mars 2014, il doit être considéré que M. et Mme [I] n'ont connu les faits leur permettant d'exercer l'action fondée sur une telle irrégularité que lors de la consultation d'un avocat disposant des compétences nécessaires à la détection de carences au sein du contrat en cause au regard des dispositions impératives du code de la consommation.

La société BNP Paribas Personal Finance n'apporte pas la preuve de la date de consultation de cet avocat ou d'autres circonstances permettant de justifier de la connaissance effective du vice résultant de l'inobservation des dispositions impératives du code de la consommation, de sorte qu'elle ne démontre pas que l'action en nullité du contrat de vente était prescrite au jour de l'assignation.

Réparant l'omission de statuer du premier juge, il convient en conséquence de déclarer recevable comme non prescrite l'action formée par M. et Mme [I] tendant à la nullité du contrat de vente pour méconnaissance des dispositions impératives du code de la consommation.

Sur la prescription de l'action en responsabilité du prêteur

La société BNP Paribas Personal Finance soulève la prescription de l'action en responsabilité dirigée à son encontre, au moyen que le contrat de vente a été signé plus de cinq ans avant l'assignation, que la connaissance des vices affectant le contrat est intervenue plus de cinq ans avant cette date et que les fonds ont été débloqués et la première échéance prélevée également plus de cinq ans avant l'assignation.

Il convient de retenir un point de départ identique pour la prescription de l'action en nullité du contrat de vente et pour l'action en responsabilité contre le prêteur pour faute dans le déblocage des fonds, dans la mesure où les acquéreurs n'ont pas pu avoir connaissance de l'existence d'une telle faute avant d'avoir été informés de l'existence des causes de nullité affectant le contrat principal.

Au cas d'espèce, l'action en nullité du contrat de vente ayant été déclarée recevable comme non prescrite, il convient donc de réparer l'omission de statuer du premier juge et de déclarer l'action en responsabilité intentée par M. et Mme [I] contre la société BNP Paribas Personal Finance recevable.

Sur la nullité du contrat de vente pour méconnaissance des dispositions impératives du code de la consommation

Selon l'article L. 121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi no 93-949 du 26 juillet 1993, « est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services (...) ».

En application de l'article L. 121-23 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014, « les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ».

En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance fait grief au jugement attaqué d'avoir prononcé la nullité du contrat de vente pour méconnaissance des textes précités.

L'examen du bon de commande litigieux permet de constater que l'installation commandée est ainsi désignée : « Installation solaire photovoltaïque nouvelle génération Ultimate Solar ; puissance globale de 3 [illisible] Wc ; comprenant : panneaux photovoltaïque[s] certifiés NF EN 61215 Classe II ; système d'intégration au bâti ' onduleur ' coffret de protection ' disjoncteurs ' coffret parafoudre » et « Installation thermodynamique ».

Le bon de commande ne mentionne pas le modèle des panneaux photovoltaïques, la marque de l'onduleur et celle du ballon thermodynamique, alors que la jurisprudence retient que constitue une caractéristique essentielle au sens de ce texte la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat (cass. civ. 1re, 24 janvier 2024, no 21-20.691).

Il ne satisfait donc pas aux exigences de l'article L. 121-23, 4° du code de la consommation, dès lors qu'il ne comporte aucune désignation suffisamment précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, cette information devant être transmise au consommateur pour lui permettre de comparer l'offre émise avec celle des concurrents afin de faire un choix éclairé.

Le contrat de vente méconnaît ainsi les dispositions impératives édictées par le code de la consommation et encourt, dès lors, la nullité.

L'article 1338 du code civil, dans sa version issue de la loi no 2000-230 du 13 mars 2000, dispose que l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance soutient que M. et Mme [I] ont volontairement exécuté le contrat de vente, en connaissance du vice allégué, de sorte que le contrat frappé de nullité se trouve confirmé.

En l'absence de tout élément permettant d'établir que M. et Mme [I] ont eu connaissance du vice résultant de l'inobservation des dispositions impératives du code de la consommation, étant rappelé que la reproduction même lisible desdites dispositions dans le bon de commande ne suffit pas à considérer que le consommateur avait une connaissance effective du vice, la société BNP Paribas Personal Finance ne saurait cependant valablement soutenir que les intimés ont tacitement confirmé le contrat.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente conclu le 4 mars 2014 entre M. [I] et la société Impact éco habitat.

Sur la nullité du contrat de crédit affecté

L'article L. 311-32 ancien, devenu l'article L. 312-55, du code de la consommation énonce qu'en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

En l'espèce, l'annulation du contrat de vente conclu entre M. [I] et la société Impact éco habitat entraîne l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté souscrit le 4 mars 2014 auprès de la société Sygma Banque.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les effets de la nullité des contrats de vente et de crédit affecté

Il est de principe que l'annulation d'un contrat entraîne la remise des parties dans l'état antérieur à sa conclusion. Dès lors, l'annulation du contrat de vente emporte obligation pour l'acquéreur de restituer le bien au vendeur, et celle pour le vendeur de restituer le prix de vente à l'acquéreur.

De même, l'annulation du contrat de crédit affecté emporte obligation pour le prêteur de rembourser les sommes versées par l'emprunteur, et en principe celle pour l'emprunteur de rembourser à la banque le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur (cass. civ. 1re, 9 nov. 2004, no 02-20.999).

Il en va toutefois autrement en cas de faute du prêteur dans la remise des fonds présentant un lien causal avec le préjudice subi par l'emprunteur, auquel cas les dommages et intérêts octroyés à ce dernier compenseront, en tout ou partie, le capital emprunté. L'emprunteur demeure néanmoins tenu de restituer ce capital, dès lors qu'il n'a subi aucun préjudice causé par la faute du prêteur (cass. civ. 1re, 11 mars 2020, no 18-26.189 ; cass. civ. 1re, 2 févr. 2022, no 20-17.066).

Enfin, il est de jurisprudence constante que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, commet une faute (cass. civ. 1re, 7 déc. 2022, no 21-21.389).

En l'espèce, M. et Mme [I] font valoir que la société Sygma Banque a commis une faute dans le déblocage des fonds, notamment en ce qu'elle n'a pas vérifié que les dispositions impératives du code de la consommation avaient été respectées, ce qui la prive de son droit à restitution des fonds prêtés.

Le prêteur réplique que les intimés sont mal fondés à se prévaloir de l'irrégularité du bon de commande après y avoir renoncé et que les fonds ont été versés à l'installateur sur autorisation expresse des emprunteurs, qui ont signé un certificat de livraison. Elle estime donc n'avoir commis aucune faute dans la libération des fonds, susceptible de la priver de son droit à restitution du capital prêté.

Les irrégularités formelles présentées par le bon de commande du 4 mars 2014, telles qu'elles ont été établies supra, en particulier l'absence de mention de la marque et/ou du modèle du matériel commandé, présentent un caractère flagrant, et pouvaient être aisément décelées à la simple lecture du bon de commande.

Ces irrégularités auraient dû conduire la société Sygma Banque, professionnelle du financement et tenue en conséquence de procéder à une vérification sérieuse de la régularité formelle du contrat principal et d'aviser le consommateur de toute irrégularité, à ne pas procéder au déblocage des fonds au vu des seuls éléments qui lui étaient transmis.

La société Sygma Banque a donc commis une faute lors du déblocage des fonds, en s'abstenant de vérifier la régularité du bon de commande et en finançant une opération accessoire à un contrat de vente nul.

Le placement en liquidation judiciaire de la société Impact éco habitat par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 17 juillet 2015, permet à M. et Mme [I] d'établir, contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas Personal Finance, l'existence d'un préjudice en lien avec la faute commise par cette dernière.

Il résulte en effet de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (cass. civ. 1re, 10 juillet 2024, no 22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.

Dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.

D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions retenu par la Cour de cassation, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.

Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

Il s'ensuit que l'emprunteur a subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation vendue, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.

Dès lors, il doit être retenu que M. et Mme [I] ont subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès de la société Impact éco habitat placée en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires en raison de l'annulation du contrat de vente.

Les dommages et intérêts au titre de ce préjudice correspondent au capital emprunté, soit la somme de 22 000 euros.

En conséquence, il y a lieu de débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement du capital emprunté et d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [I] la seule différence entre le capital prêté et les sommes perçues au titre du contrat de prêt annulé, soit la somme de 1 722,88 euros, et dit que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances.

La société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à restituer à M. et Mme [I] la totalité des sommes versées par ces derniers en exécution du contrat de crédit affecté du 4 mars 2014, soit la somme de 23 722,88 euros, arrêté au mois d'août 2023, non contestée en son quantum par le prêteur.

Le prêteur demande, à titre subsidiaire, à la cour de dire qu'elle ne devra rembourser à M. et Mme [I] les échéances versées qu'après justification de leur part de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie et au Trésor Public des crédits d'impôt reçus.

Aucune disposition légale ne permet toutefois de conditionner l'obligation de remboursement d'une somme d'argent par une partie, dans le cadre de l'annulation d'un contrat, au remboursement préalable par l'autre partie de certaines sommes à des tiers.

Il convient en conséquence de débouter le prêteur de cette demande.

L'annulation du contrat de vente doit enfin conduire à mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Impact éco habitat l'enlèvement de l'installation photovoltaïque et du ballon thermodynamique litigieux ainsi que la remise en état, à ses frais, de l'immeuble de M. et Mme [I].

Eu égard à la jurisprudence du 10 juillet 2024 et à la caractérisation en l'espèce d'un préjudice des intimés résultant de la liquidation judiciaire du vendeur, la société BNP Paribas Personal Finance sera déboutée de sa demande tendant à voir fixer le préjudice de M. et Mme [I] en lien avec la faute du prêteur à la somme de 22 000 euros pour le seul cas où le mandataire viendrait procéder à la dépose du matériel et de sa demande tendant à dire qu'à défaut, ils ne subissent aucun préjudice en lien avec cette faute.

Sur la demande en dommages-intérêts pour préjudice moral

M. et Mme [I] font grief au jugement attaqué de les avoir déboutés de leur demande en dommages-intérêts pour préjudice moral.

Ils soutiennent que leur opération n'est pas rentable, qu'ils subissent une perte de 165,75 euros par mois et qu'ils ont perdu leur épargne dans cette opération.

Ils ne démontrent cependant pas l'existence d'une promesse de rentabilité de la part du vendeur ou du prêteur, de sorte que la réalité de leur préjudice n'est pas établie.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

Partie principalement succombante, la société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée aux dépens d'appel.

L'issue de la procédure et l'équité commandent de la condamner à payer à M. et Mme [I], ensemble, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de la débouter de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

' condamné la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à payer à M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] la différence entre le capital prêté et l'intégralité des sommes perçues par elle au titre du contrat de prêt annulé, y compris les intérêts et les frais, soit la somme de 1 722,88 euros, somme arrêtée au 28 décembre 2023,

' dit que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des éventuels paiements effectués par M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] postérieurement au 31 août 2023,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE recevable l'action de M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] tendant à l'annulation, pour méconnaissance des dispositions impératives du code de la consommation, du contrat de vente conclu le 4 mars 2014 avec la SARL Impact éco habitat,

DÉCLARE recevable l'action de M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] tendant à l'annulation pour dol du contrat de vente conclu le 4 mars 2014 avec la SARL Impact éco habitat,

DÉCLARE recevable l'action de M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] tendant à l'engagement de la responsabilité de la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la SA Sygma Banque, pour faute dans le déblocage des fonds,

DÉBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la SA Sygma Banque, de sa demande tendant à la condamnation solidaire de M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] au paiement du capital prêté,

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] la totalité des sommes versées par ces derniers en exécution du contrat de crédit affecté du 4 mars 2014, soit la somme de 23 722,88 euros, arrêtée au mois d'août 2023,

DÉBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle ne devra rembourser à M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I] les échéances versées qu'après justification de leur part de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie et au Trésor Public des crédits d'impôt perçus,

DIT qu'il appartiendra à la SELARL SMJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Impact éco habitat, de procéder à l'enlèvement de l'installation photovoltaïque et du ballon thermodynamique commandés le 4 mars 2014 et de procéder, à ses frais, à la remise en état de l'immeuble de M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I],

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [H] [I] et Mme [Z] [Y] épouse [I], ensemble, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa propre demande à ce titre.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par V. SERGEANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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