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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 22 mai 2025, n° 24/00431

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 24/00431

21 mai 2025

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon devis accepté le 5 août 2021 dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [F] [J] épouse [D] a commandé à la société Ilios Confort 2 un système photovoltaïque pour un montant total de 23 999,99 euros TTC.

Afin de financer cette opération, Mme [J] et son époux M. [M] [D] ont souscrit le 19 août 2021 auprès de la société Cofidis un contrat de crédit d'un montant de 2 400 euros, amortissable en 180 mensualités au TAEG de 3,96 %.

Le 3 février 2022, un expert mandaté par eux a donné son avis sur la qualité de l'installation et les conditions techniques et administratives de sa réalisation.

Par acte du 24 février 2023, M. et Mme [D] ont assigné les sociétés Ilios Confort 2 et Cofidis aux fins d'obtenir l'annulation du contrat principal de vente et du contrat de crédit affecté devant le juge des contentieux du tribunal judiciaire de Carpentras qui par jugement réputé contradictoire du 23 novembre 2023 les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, condamnés aux entiers dépens et à payer à la société Cofidis la somme de 900 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [D] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er février 2024.

La société Ilios Confort 2 a été placée en liquidation judiciaire et Me [K] [V] désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 25 novembre 2024, la procédure a été clôturée le 6 mars 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 20 mars 2025 à laquelle elle a été mise en délibéré au 22 mai 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 24 février 2025, M. et Mme [D] demandent à la cour

- de juger leur appel recevable et bien fondé,

- de débouter les sociétés Ilios Confort 2 et Cofidis de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

- de prononcer l'annulation ou, à titre subsidiaire, la résolution judiciaire du contrat principal et du contrat de crédit affecté,

- de juger que leur demande est nécessairement rétroactive et que les parties doivent être replacées dans la situation qui était la leur avant la signature des contrats liés,

- de juger que la société Cofidis a commis une faute la privant de son droit à restitution des sommes prêtées,

- de juger que les parties doivent être remises dans l'état antérieur à la conclusion des contrats,

- de leur donner acte qu'ils tiennent à la disposition du liquidateur de la société Ilios Confort l'ensemble des matériels posés à leur domicile,

- de juger qu'à défaut de venir récupérer l'installation et tous les biens installés dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, le matériel sera considéré comme abandonné,

- de condamner la société Cofidis

- à leur rembourser toutes les échéances de crédit prélevées au jour de la présente (mars 2025), à savoir 7 498,44 euros, et sauf à parfaire, le crédit affecté prévoyant après un report de 6 mois des échéances de 208,29 euros,

- à leur régler la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi du fait de leurs fautes et négligences,

A titre subsidiaire

- de la condamner à leur verser les sommes de

- 37 491 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux entiers dépens.

Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 28 janvier 2025, la société Cofidis demande à la cour

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire

- de condamner solidairement les appelants à lui rembourser le capital emprunté d'un montant de 24 000 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir déduction à faire des échéances payées,

A titre infiniment subsidiaire

- de les condamner solidairement à lui rembourser une partie du capital dont le montant sera fixé à 15.000 ', au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées,

En tout état de cause

- de les condamner solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La déclaration d'appel a été signifiée à la société Epilogue, représentée par Me [V], liquidateur judiciaire de la société Ilios Confort 2, intimée défaillante, par acte du 22 mars 2024.

Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* nullité des contrats

Pour rejeter la demande en nullité des requérants, le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les règles relatives au démarchage à domicile, et qu'aucun des manquements soulevés n'était caractérisé.

Les appelants soutiennent avoir été démarchés à domicile, que le contrat conclu avec le vendeur comporte de nombreuses irrégularités et que la banque a débloqué fautivement les fonds.

L'intimée ne conteste pas l'application des dispositions du code de la consommation mais conteste avoir commis aucune faute.

Aux termes de l'article L.111-1 ancien du Code de la consommation applicable à l'espèce, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.

Selon l'article L.221-5 du même code,

I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, de contenu numérique ou de services numériques, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien, du service, du service numérique ou du contenu numérique ;

2° Le prix du bien, du service, du service numérique ou du contenu numérique, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° La date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à fournir le service, le service numérique ou le contenu numérique ; (...)

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ;

7° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Selon les articles L.221-9 et 242-1 anciens du même code applicables à l'espèce, le contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 (...) Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5. Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Le contrat conclu avec la société Ilios Confort 2 selon devis accepté par Mme [D] le 5 août 2021 par signature électronique ne précise pas certaines des caractéristiques des biens comme leurs dimensions ou leur poids, non plus que la possibilité de recourir à un médiateur, et ne comporte pas de bordereau de rétractation.

Ces manquements aux obligations légales sont parfaitement manifestes pour un professionnel de la banque qui s'associe à des prestataires de service ou de biens soumis au droit de la consommation et l'intimée a donc commis une faute en procédant au déblocage des fonds sans vérifier la régularité du contrat de vente.

Celle-ci soutient que les appelants ont renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat en l'exécutant, en connaissance de cause.

Pourtant, non seulement le contrat ne comporte aucune reproduction des dispositions légales alors même que cette seule reproduction est insuffisante pour éclairer parfaitement un consommateur, mais elle ne démontre pas le caractère non équivoque de cette connaissance, par un acte objectif de leur part qui ne soit pas la simple exécution de leurs obligations contractuelles comme le paiement des mensualités du prêt.

Selon l'article L.312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Le contrat de vente et le contrat de crédit qui lui est affecté doivent ainsi être annulés sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par les appelants à l'appui de leur prétention principale.

En conséquence, le jugement est infirmé et la nullité des contrats litigieux prononcée.

* conséquences de l'annulation des contrats

Les appelants demandent le remboursement des échéances du prêt déjà réglées, ainsi que la privation de la banque de son droit à restitution du capital versé en raison des fautes commises et de la liquidation judiciaire de la société Ilios Confort 2.

L'intimée réplique que le préjudice causé par la liquidation judiciaire du vendeur n'est pas suffisamment grave pour la priver de la totalité de son droit au remboursement du capital emprunté, et que l'appréciation souveraine du préjudice par le juge suppose de le réduire au regard des économies d'énergies réalisées.

Aux termes de l'article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de son insolvabilité, l'emprunteur est privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu. Il justifie donc d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix de la vente annulée, en lien avec la faute de la banque qui n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat avant de verser les fonds.

En l'espèce, le contrat de crédit affecté est annulé, en conséquence de l'annulation du contrat principal qu'il finance. Or, la société Ilios Confort a été placée en liquidation judiciaire et les emprunteurs sont ainsi privés de la possibilité d'obtenir la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires, sans que puisse leur être reproché de n'avoir pas déclaré leur créance auprès du liquidateur le cas échéant.

La faute de l'intimée, qui a versé les fonds sans s'être assurée, comme elle y était tenue, de la régularité formelle du contrat principal, leur a donc causé directement un préjudice égal au montant du crédit, qu'ils n'auraient pas subi en l'absence d'une telle faute et la prive de son droit à restitution du capital versé correspondant au montant de la juste indemnisation des appelants.

En conséquence, le jugement est infirmé, l'intimée est condamnée à rembourser au appelants toutes les échéances de crédits prélevées, soit la somme non contestée de 7 498,44 euros au mois de mars 2025, à parfaire au jour de la signification du présent arrêt et déboutée de sa demande de restitution du capital versé.

* demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct

Le premier juge a rejeté cette demande, en conséquence du rejet de la demande principale.

Les appelants soutiennent l'existence d'un préjudice distinct devant tre réparé à hauteur de 3 000 euros, ce que conteste l'intimée.

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, les appelants ne développent aucun moyen à l'appui de cette demande et procédent par voie de simple affirmation.

En conséquence, le jugement est confirmé de ce chef.

* dépens et article 700

Succombant à l'instance, l'intimée est condamnée à en supporter les entiers dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer aux appelants la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Carpentras en date du 23 novembre 2023 sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire pour préjudice distinct de M. [M] [D] et de Mme [F] [J] épouse [D],

Statuant à nouveau des chefs infirmés

Prononce la nullité du contrat de vente conclu entre la société Ilios Confort 2 et Mme [F] [J] épouse [D] le 5 août 2021,

Prononce la nullité du contrat de crédit souscrit le 19 août 2021 par M. [M] [D] et Mme [F] [J] épouse [D] auprès de la société Cofidis,

Condamne la société Cofidis à rembourser à M. [M] [D] et Mme [F] [J] épouse [D] la somme de 7 498,44 euros, à parfaire au jour de la signification du présent,

Déboute la société Cofidis de sa demande de restitution du capital emprunté,

Y ajoutant,

Condamne la société Cofidis aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Cofidis à payer à M. [M] [D] et Mme [F] [J] épouse [D] la somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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