Livv
Décisions

CA Orléans, ch. civ., 27 mai 2025, n° 22/02145

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 22/02145

27 mai 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/05/2025

la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GROUP

Me Estelle GARNIER

ARRÊT du : 27 MAI 2025

N° : - 25

N° RG 22/02145 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GUTI

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 15 Décembre 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265279514130570

Monsieur [K] [U]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 5]

ayant pour avocat postulant Me Nadjia BOUAMRIRENE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GROUP, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Pauline RENAULT, avocat au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265279170840295

LA DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES PROVENCE ALPES COTE D'AZUR ET DES BOUCHES DU RHONE

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 07 Septembre 2022.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 20 janvier 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 24 Mars 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre, en charge du rapport, et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 27 mai 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCEDURE :

[S] [T] est décédée le [Date décès 3] 2015 à [Localité 9] (94), ne laissant pour lui succéder aucun héritier réservataire.

Elle a, par testament authentique, institué son cousin, M. [K] [U] légataire universel, à charge pour lui de délivrer des legs particuliers.

L'actif net de succession établi par le notaire en charge de la succession était d'un montant de 5.025.500,83 euros. M. [U] a perçu une somme de 378.922,70 euros et s'est acquitté de droits de succession à hauteur de 208.407 euros.

[S] [T] avait consenti le 20 janvier 2014, un prêt de 805.000 euros à la société Groupe [T], prêt enregistré auprès du service des impôts et remboursable au plus tard le 1er janvier 2019.

Ce prêt n'a pas été mentionné dans l'actif de succession.

Le 21 novembre 2019, le tribunal mixte de commerce de Cayenne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Groupe [T].

********

Par une proposition de rectification du 8 octobre 2018, le pôle de contrôle des revenus et du patrimoine d'[Localité 8] a informé M. [U] de sa volonté, notamment, de réintégrer à l'actif de succession le montant de la créance de prêt de 805.000 euros et de procéder à un rehaussement des droits de mutation à titre gratuit dus, à due concurrence.

Par un courrier du 5 novembre 2018, M. [U] a contesté cette proposition et les finances publiques l'ont maintenue par courrier du 9 septembre 2019.

Un avis de mise en recouvrement a été établi le 15 janvier 2020 pour une somme de 280.047 euros, pénalités comprises.

Le 27 février 2020, M. [U] a contesté partiellement les sommes ainsi mises à sa charge.

Par décision du 1er septembre 2020, les finances publiques ont rejeté cette réclamation.

******

Par jugement en date du 15 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- rejeté l'ensemble des demandes présentgées par M. [K] [U], incluant celle fondée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] [U] aux dépens.

Par déclaration en date du 7 septembre 2022, M. [U] a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 décembre 2022, M. [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans en date du 15 décembre 2021 (RG 20/02210) en toutes ses dispositions ;

Et jugeant à nouveau :

- décharger M. [K] [U] des condamnations prononcées contre lui en principal, intérêts, frais et accessoires dans le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans en date du 15 décembre 2021 ;

- ordonner le remboursement des sommes versées par M. [K] [U] en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement et, ce, au besoin à titre de dommages-intérêts.

- condamner la Direction régionale des Finances Publices de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et des Bouches du Rhône à verser à M. [U] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Direction régionale des Finances Publices de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et des Bouches du Rhône aux entiers dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 février 2023, la Direction Générale des Finances Publiques, représentée par la directrice régionale des Finances Publiques de PACA et du département des Bouches-du-Rhône demande à la cour de :

- déclarer l'appel de M. [U] mal fondé et le rejeter ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 15 décembre 2021 en toutes ses dispositions';

- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes';

- confirmer que M. [U] ne rapporte pas la preuve de l'état de cessation de paiement de la société Groupe [T] au jour de l'ouverture de la succession de Mme [T]';

- confirmer que la créance n'avait pas une valeur réelle nulle au jour de l'ouverture de sa succession';

En conséquence,

- déclarer les impositions fondées';

- rejeter la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner M. [K] [U] aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Garnier, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à l'administration fiscale une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L'ordonannce de clôture est intervenue le 20 janvier 2025.

MOTIFS

Moyens des parties

La Direction Générale des Finances Publiques fait valoir que les droits de mutation sont dus, notamment, sur les créances qui dépendent d'une succession s'il est constant qu'elles existaient dans le patrimoine du défunt au jour de son décès et leur valeur vénale doit être déterminée à cette même date. Elle précise que les évènements qui interviennent après la date du fait générateur n'ont pas à être pris en compte, et que pour les créances à termes, ce sont les dispositions de l'article 760 du CGI qui ont vocation à s'appliquer, de sorte qu'il incombe au créancier d'établir qu'au jour de l'ouverture de la succession, le débiteur était en état de sauvegarde, de redressement ou de liquidation ou de déconfiture, état devant exister au jour de décès.

Elle soutient qu'en l'espèce, M. [U] n'établit pas que l'un de ces éléments existait à la date du fait générateur de l'impôt, soit le [Date décès 3] 2015. Elle souligne qu'il n'est nullement démontré que la socité Groupe [T] était en état de cessation des paiements au 31 décembre 2014 et a fortiori qu'elle était, le [Date décès 3] 2015, dans l'incapacité de faire face à un remboursement prévu le 31 décemnbre 2018. Elle soutient que les attestations que produit M. [U] ne sauraient établir la réalité du caractère irrécouvrable de la créance, et que les documents comptables de la société Groupe [T] pour l'exercice clos le 31 décembre 2014 ne l'établissent pas non plus. Elle rappelle que la cessation des paiements est une notion différente de l'irrécouvrabilité d'une créance, la Cour de cassation retenant en effet que le caractère irrécouvrable d'une créance doit être établi 'compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, et non des seuls éléments comptables inscrits dans des déclarations fiscales', et qu'il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve que la valeur déclarée par eux correspond aux possibilités réelles de remboursement de la société, lesquelles incluent la valeur de ses actifs immobiliers (Com 9 juillet 2013, n°12-21.836). Or en l'espèce, l'actif disponible s'élevait à 4 137 697 euros, composé d'un actif immobililer, de la trésorerie, des créances clients et d'autres créances, et le passif exigible s'élève à la somme de 3 202 941 euros, de sorte que la société n'était pas en état de déconfiture au décès de Mme [T], et que la créance n'était pas irrécouvrable.

Elle souligne que la liquidation judiciaire de la société Groupe [T] a été prononcée par jugement du 21 novembre 2019, avec une date de cessation des paiements au 14 novembre 2019, de sorte qu'il ne peut être considéré que la date de l'ouverture de la succession, le [Date décès 3] 2015, précède de peu la date de cessation des paiements. Elle en déduit que la bienveillance recommandée par la doctrine administrative ne peut s'appliquer en l'espèce.

M. [U] explique en premier lieu que le prêt de 805 000 euros consenti par [S] [T] à la société Groupe [T] avait vocation à redresser la situation désastreuse de cette société holding, que sa filiale opérationnelle, la société Jumbo Mat, a cédé son fonds de commerce en mars 2014, mais qu'elle n'en a pas perçu le prix en raison de l'opposition sur le prix de vente formée par plusieurs créanciers, que la société Jumbo Mat a été dissoute dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société Groupe [T], qui s'est donc trouvée sans fonds de commerce à exploiter et sans trésorerie disponible. La société Groupe [T] a été laissée à l'abandon de 2015 à 2018, au point qu'aucune comptabilité n'a été tenue, et que ce n'est qu'en 2019 qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte.

Il soutient qu'en application de l'article 760 du CGI, tel qu'interprété par l'administration fiscale et par la jurisprudence, dès lors qu'un débiteur est en cessation des paiement avéré, bien que non encore placé en procédure collective, il convient de considérer, pour les besoins de l'établissement des droits de mutation à titre gratuit, que la créance doit être retenue pour une valeur nulle. Il estime que tel est le cas en l'espèce, ainsi qu'en ont attesté le Président de la société et le cabinet d'expertise comptable BSF Guyane les 15 juillet et 21 août 2015. Il fait valoir que même si la cour estime ces attestations insuffisantes, l'état de cessation des paiements de la société Groupe [T] est avéré au jour du décès de [S] [T]. Il rappelle que l'article L.631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme la situation au cours de laquelle un débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, ce qui était le cas au jour du décès, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération, dans l'actif disponible, les biens immobiliers, qui ne constituent pas des actifs disponibles, et les créances clients.

Réponse de la cour

L'article 760 du code général des impôts dispose que :

'Pour les créances à terme, le droit est perçu sur le capital exprimé dans l'acte et qui en fait l'objet.

Toutefois, les droits de mutation à titre gratuit sont liquidés d'après la déclaration estimative des parties en ce qui concerne les créances dont le débiteur se trouve en état de faillite, de procédure de sauvegarde, de redressement ou liquidation judiciaires ou de déconfiture au moment de l'acte de donation ou de l'ouverture de la succession'.

Ces deux alinéas ont été déclarés conformes à la Constitution (C. Const 15 janvier 2015 QPC n° 2014-436 QPC), seul le dernier alinéa, depuis lors supprimé, ayant été déclaré inconstitutionnel en ce qu'il était contraire au principe suivant lequel l'assiette et le tarif de l'impôt s'apprécient à la date de son fait générateur.

En l'espèce, [S] [T] a consenti à la société Groupe [T], le 20 janvier 2014, un prêt d'un montant de 805 000 euros, remboursable au plus tard le 1er janvier 2019.

Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal mixte de commerce de Cayenne a prononcé la liquidation judiciaire de la société Groupe [T]. La date de cessation des paiements a été reportée au 14 novembre 2019, date de la requête.

A la date de l'ouverture de la succession de [S] [T], la société ne faisait donc pas l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Toutefois, il est constant qu'il résulte des dispositions de l'article 760 du code général des impôts, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans la décision susvisée, qu'une créance à terme doit être estimée à sa valeur nominale sauf si le débiteur fait l'objet d'une des procédures collectives de traitement des difficultés des entreprises régies par le livre IV du code de commerce ou si le créancier peut prouver que le débiteur se trouvait, au moment du fait générateur de l'impôt, dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes échues ou à échoir (Com., 29 janvier 2020, n°18-10.208).

L'absence d'ouverture d'une procédure collective à la date d'ouverture de la succession n'interdit donc pas de rechercher si la preuve est rapportée par M. [U] de ce que la société Groupe [T] se trouvait, le [Date décès 3] 2015, dans l'impossibilité manifeste de faire face à ses dettes échues ou à échoir.

Si la date de cessation des paiements, en matière de procédure collective, est définie par l'article L.631-1 du code commerce comme caractérisée dans le cas où le débiteur est dans 'l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible', il ne s'agit pas en l'espèce, comme le soutient la Direction des finances publiques, de déterminer si les conditions de l'ouverture d'une procédure collective étaient remplies, mais si la créance de [S] [T] était, à la date de son décès, définitivement irrécouvrable.

Le caractère recouvrable ou non d'une créance doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités, pour le créancier, de recouvrer sa créance, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, et non des seuls éléments comptables inscrits dans les déclarations fiscales (Com., 9 juill. 2013, n°12-21.836).

La capacité de remboursement de sa dette par la société doit être appréciée en tenant compte, non seulement des liquidités disponibles, mais également des actifs réalisables. Il ne s'agit pas tant d'apprécier la capacité de remboursement de la société en fonction de sa trésorerie disponible au jour du fait générateur de l'impôt, que d'apprécier si, dans l'absolu, et en particulier, une fois liquidés l'ensemble des éléments d'actif et de passif, la société serait en mesure d'honorer le paiement de sa dette.

A défaut pour le contribuable de démontrer les difficultés de la société justifiant une valeur réduite de la créance, l'administration est fondée à prendre en compte la valeur nominale de la créance dans l'assiette de l'impôt.

Il convient donc d'apprécier concrètement les chances de recouvrement de la créance d'un montant de 805 000 euros au regard de la situation financière de la société Groupe [T] à la date du décès de [S] [T], compte tenu de l'état de son endettement et de la possibilité de liquider les éléments de ses actifs.

En l'espèce, M. [U] produit en premier lieu, pour justifier du caractère irrécouvrable de la créance, une attestation de la société BSF Guyane, en date du 15 juillet 2015, qui déclare :

'Cher Maître,

Il vous a été transmis un projet de comptes 2014 au nom de la société Groupe [T] afin de pouvoir réaliser la succession de Mme [S] [T].

Les états financiers présentés ne sont qu'un projet et n'ont fait l'objet d'aucune supervision de la part de l'associé signataire car nous sommes dans l'attente de précisions quant aux différents litiges en cours.

Le projet ainsi présenté fait ressortir :

- une situation nette négative (- 92 631 euros)

- des disponibilités (trésorerie) négatives pour un montant de (-46 607 euros)

- des dettes fournisseurs pour un montant provisoire de 1 040 679 euros.

Au vu de ces éléments, il nous apparaît que la reconnaissance de dettes de la société Groupe [T] envers [S] [T] pour un montant de 805 000 euros ne pourra pas être remboursée'.

Cette attestation est à elle seule insuffisante à rapporter la preuve du caractère irrécouvrable de la créance de 805 000 euros, à défaut d'une analyse précise et circonstanciée des comptes de la société, les quelques éléments mis en avant par l'expert comptable ne permettant pas d'avoir une vision exhaustive de la situation financière de la société Groupe [T].

L'attestation de M. [B] [P], Président de la société Groupe [T], en date du 21 août 2015, qui ne fait que reprendre les termes du courrier de l'expert comptable sus-visé, n'est pas davantage probante.

La réalité de la situation financière difficile de la société Groupe [T] résulte également des oppositions sur le prix de vente du fonds de commerce de la société Jumbo Mat, et des ordonnances d'injonction de payer rendues à l'encontre de cette société, dont le patrimoine a été intégralement transmis à la société Groupe [T], qui s'est donc trouvée devoir faire face aux dettes de la société Jumbo Mat.

Ces éléments sont toutefois insuffisants à établir que la créance de 805.000 euros sur la société Groupe [T] était définitivement irrécouvrable lors du décès de [S] [T].

Il convient dès lors d'examiner les éléments comptables versés aux débats, à savoir les éléments comptables arrêtés au 31 décembre 2014.

Il résulte de ces comptes que le résultat de l'exercice arrêté au 31 décembre 2014 était de - 320 459 euros (produits : 401 622 euros et charges 722 080 euros). Le dernier résultat comptable avant le décès de [S] [T] était donc négatif.

S'agissant du passif de la société, les deux parties conviennent que le passif exigible s'élevait, au 31 décembre 2014, à la somme de 3 202 941 euros, composé de :

- dettes fournisseurs : 794 097 euros ;

- dettes fiscales et sociales : 271 524 euros

- dettes clients divers : 682 000 euros

- dettes associés : 1 455 320 euros.

Les parties sont en revanche en désaccord sur l'actif social qui doit être pris en considération, la Direction Générale des Finances Publiques considérant qu'il s'élevait à 4 137 697 euros, en ce compris un actif immobilier de 1 144 074 euros, et des créances clients d'un montant de 1.649.719 euros, tandis que M. [U] considère qu'il s'élève à la somme de 1 343 904 euros, en ce non compris ces deux postes.

Il est constant que les possibilités réelles de remboursement de ses dettes par une entreprise dépendent de sa situation financière, laquelle inclut la valeur de ses actifs immobiliers (Com., 9 juill. 2013, n°12-21.836).

Les actifs immobiliers de la société Groupe [T] doivent donc être pris en considération pour apprécier la réalité de sa situation financière à cette date.

En considération des pièces produites, l'actif immobilier s'élevait à la somme de 1 144 074 euros.

Cette somme doit donc être prise en considération dans l'actif pour apprécier le caractère recouvrable ou non de la créance de [S] [T].

Les créances clients sont les sommes dues par les clients de l'entreprise et non encore payées. Elles sont intégrées à l'actif du bilan.

Toutefois, le principe même du recouvrement de ces créances est incertain. Il est constant qu'elles ne peuvent, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, être ajoutées à l'actif disponible (Com., 7 février 2012, pourvoi n° 11-11.347, Bull. 2012, IV, n° 27), circonstances exceptionnelles non établies en l'espèce. Le recouvrement de ces créances avait en l'espèce un caractère d'autant plus hypothétique que la société Groupe [T] n'avait plus d'activité sociale à compter de l'année 2015, la société Groupe [T] ayant été 'mise en sommeil' selon les termes de M. [U]..

Il en résulte que l'actif social s'élevait, même en ce compris l'actif immobilier, à la somme de 2 487 978 euros et était donc très largement inférieur au montant du passif exigible au 31 décembre 2014, d'un montant de 3 202 941 euros, en ce non compris la créance de [S] [T] qui n'était pas encore arrivée à terme à cette date.

Il résulte de ces éléments que la société Groupe [T] n'était déjà plus en mesure de faire face au paiement de son passif exigible à la date d'ouverture de la succession de [S] [T], quand bien même la procédure de liquidation judiciaire n'a été ouverte qu'en novembre 2019 et la date de cessation des paiements fixée au jour de la demande d'ouverture et que sa situation était, à la date de l'ouverture de la succession, irrémédiablement compromise.

C'est donc à juste titre que la créance d'un montant de 805 000 euros à l'égard de la société Groupe [T] a été considérée comme irrecouvrable et ayant donc une valeur nulle, et qu'elle n'a donc pas été mentionnée à l'actif de la succession de [S] [T].

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [U].

Il convient dès lors d'annuler la décision du 1er septembre 2020 rejetant la réclamation de M. [U] contre la proposition de rectification du 8 octobre 2018 en ce qu'elle porte sur les sommes suivantes :

- droits de succession au titre de l'année 2015 : 221 521 euros ;

- intérêts de retard : 30 066 euros ;

TOTAL : 251 142 euros,

et de prononcer la décharge des impositions et des pénalités mises à la charge de M. [K] [U] à hauteur de cette somme.

Sur la demande de remboursement des sommes versées en exécution du jugement de première instance

M. [U] sollicite que soit ordonné le remboursement des sommes qu'il a versées en vertu de l'exécution provision du jugement de première intance.

Toutefois, l'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de ladite décision, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Soc., 27 février 1991, pourvoi n° 87-44.965, Bull. 1991, V, n° 104).

Le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées par M. [U] en exécution du jugement, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution de ladite somme, qui résulte de l'infirmation prononcée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, la Direction Générale des Finances Publiques sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En outre, le remboursement des dépens de première instance mentionnés à l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales à M. [U] sera ordonné.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

PRONONCE l'annulation de la décision de rejet de la réclamation de M. [K] [U], en date du 1er septembre 2020, en ce qu'elle met à la charge de M. [K] [U] une imposition complémentaire de 221 521 euros au titre des droits de succession au titre de l'année 2015 et des pénalités afférentes à hauteur de 30 066 euros ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution des sommes versées par M. [U] en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour, qui s'infère de l'infirmation prononcée ;

ORDONNE le remboursement à M. [K] [U] des dépens de première instance, mentionnés à l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales ;

REJETTE les demandes plus amples ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que la Direction Générale des Finances Publiques supportera les dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site