CA Orléans, ch. civ., 27 mai 2025, n° 23/00967
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
JPC Habitat (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Conseillers :
Mme Chouvin-Galliard, Mme Grua
Avoué :
Me Desplanques
Avocats :
Me Desplanques, Me Chevallier, Me Toulet, Me Hamelin
FAITS ET PROCEDURE :
Le 18 octobre 2002, M. et Mme [K] ont signé un contrat de construction avec la SARL JPC Habitat, exerçant sous l'enseigne [Adresse 10], pour la construction d'une maison à [Localité 13] (41).
La réception de l'ouvrage est intervenue sans réserve le 16 avril 2004.
Le 19 novembre 2007, ils ont vendu cette maison à M. [W] [J] et Mme [F] [M].
Estimant que la maison présentait des désordres, M. [W] [J] et Mme [F] [M] ont sollicité la SMABTP, assureur dommage-ouvrage, qui a fait diligenter une expertise amiable dont le rapport a été déposé le 28 février 2013.
Suite à cette expertise, la SMABTP a indiqué le 6 mars 2013 à M. [J] et Mme [M] que les désordres ne présentaient pas un caractère décennal et a refusé de les garantir.
Par acte d'huissier en date du 15 avril 2014, M. [W] [J] et Mme [F] [M] ont saisi le tribunal de grande instance de Blois, afin de voir ordonner une mesure d'expertise.
Par actes d'huissier en date des 1er, 9 et 17 septembre 2014, la société JCP Habitat a assigné en intervention forcée ses sous-traitants, M. [L] [N], et son assureur la société Axa France Iard, et M. [R] [X], et son assureur la Mutuelle de [Localité 12] Assurance.
Les deux instances ont été jointes le 21 octobre 2014.
Par ordonnance en date du 5 novembre 2015, le juge de la mise en état a :
- déclaré être incompétent pour statuer sur la demande de la compagnie Axa tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de M. [J] et Mme [M] pour prescription, et subsidiairement tendant à se voir garantir toutes ses condamnations par M. [N] et M. [X] et leurs assurances ;
- rejeté la demande d'expeitise de M. [J] et Mme [M] en ce que la question de la prescription devait être tranchée par le juge du fond avant que soit ordomiée toute mesure d'expertise.
Par jugement avant dire droit en date du 21 juin 2018, le tribunal de grande instance de Blois a :
- rejeté l'exception d'incompétence,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription à l'égard des parties intervenantes,
- déclaré recevable l'intervention forcée formée par la SARL JPC Habitat,
- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise concernant le sinistre affectant l'immeuble d'habitation située [Adresse 9], et désigné pour y procéder M. [C] [U].
Le rapport d'expertise a été déposé le 2 août 2019.
Par jugement en date du 9 mars 2023, le tribunal judiciaire de Blois a :
- dit que la responsabilité décennale de la société JPC Habitat est engagée à l'égard de M. [W] [J] et Mme [F] [M], acquéreurs de l'immeuble, au titre des fissures des plafonds et sous-plafonds et des désordres affectant la charpente,
- rejeté les demandes formées par M. [W] [J] et Mme [F] [M] sur le fondement de laresponsabilité décennale pour les désordres suivants :
- vide entre le carrelage et les plinthes dans la salle de bain,
- fissure dans le préau sur l'allège de la fenêtre et dans le carrelage,
- rejeté les demandes formées par M. [W] [J] et Mme [F] [M] sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme,
- condamné la société JPC Habitat à verser à M. [W] [J] et Mme [F] [M] les sommes suivantes au titre des frais de remise en état :
- la somme de 2.327,33 euros TTC au titre des travaux de reprise de la charpente selon devis de l'entreprise Renault,
- la somme de 9.386,63 euros TTC au titre des travaux dereprise des faux-plafond dans les pièces concernées avec la création de joint de dilatation,
- condamné la société JPC Habitat à verser à M. [W] [J] et Mme [F] [M]'la somme de 3.500,00 euros réparation de leur préjudice de jouissance,
- rejeté la demande de garantie formée par la société JPC Habitat à l'encontre de M. [L] [N] et de son assureur la société Axa,
- rejeté la demande de garantie formée par la société JPC Habitat à l'encontre de M. [R] [X] et de son assureur la société Mutuelle de [Localité 12],
- rejeté toute autre demande,
- condamné la société JPC Habitat aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise,
- condamné la société JPC Habitat à verser à M. [W] [J] et Mme [F] [M] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision,
- rejeté les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 7 avril 2023, la société JPC Habitat a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées par M. [W] [J] et Mme [F] [M] sur le fondement de laresponsabilité décennale pour les désordres suivants : vide entre le carrelage et les plinthes dans la salle de bain, et fissure dans le préau sur l'allège de la fenêtre et dans le carrelage.
Les parties ont constitué avocat et ont conclu à l'exception de M. [X]. La déclaration d'appel a été signifiée à M. [X] par acte remis en étude suivant acte d'huissier en date du 6 juin 2023.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 juillet 2023, la société JPC Habitat demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondée la société JPC Habitat.
En conséquence,
A titre principal,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Blois, en date du 9 mars 2023, en ce qu'il a dit que la responsabilité décennale de la société JCP Habitat est engagée à l'égard de M. [J] et Mme [M], acquéreurs de l'immeuble, au titre des fissures des faux plafonds et sous-plafonds et des désordres affectant la charpente,
Et en ce qu'il a condamné la Société JPC Habitat à verser à M. [W] [J] et Mme [F] [M], les sommes suivantes :
- 2.327,33 euros TTC au titre de travaux de reprise de la charpente.
- 9.386,63 euros au titre de travaux de reprise des faux-plafonds.
- 3.500,00 euros en réparation du préjudice jouissance.
- 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence,
- condamner M. [W] [J] et Mme [F] [M] solidairement au remboursement desdites sommes.
Subsidiairement,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu au titre des dommages affectant les faux-plafonds, la somme de 9.386,63 euros TTC, aux lieu et place de la somme de 5.949,13 euros TTC, telle qu'arrêtée par l'expert judiciaire.
En conséquence,
- condamner M. [W] [J] et Mme [F] [M] solidairement, en remboursement de la somme de 3.437,50 euros.
Très subsidiairement,
- infirmer le jugement entrepris et condamner in solidum, M. [X] [R] et sa compagnie d'assurances la Mutuelle de [Localité 12] Assurances, de relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à l'encontre de la société JPC Habitat des sommes mises à sa charge, en principal, intérêts, frais et accessoires, article 700 compris.
- condamner solidairement, M. [W] [J] et Mme [F] [M] au paiement d'une somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- subsidiairement, M. [X] [R] et sa Compagnie d'Assurances la Mutuelle de [Localité 12] Assurances in solidum et sous les mêmes modalités, les entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire notamment.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 octobre 2023, Mme [M] et M. [J] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 9 mars 2023 en ce qu'il a :
- dit que la responsabilité décennale de la société JPC Habitat est engagée à l'égard de M. [W] [J] et Mme [F] [M], acquéreurs de l'immeuble, au titre des fissures des plafonds et sous-plafonds et des désordres affectant la charpente,
- condamné la société JPC Habitat à verser à M. [W] [J] et Mme [F] [M] les sommes suivantes au titre des frais de remise en état :
- la somme de 2.327,33 euros TTC au titre des travaux de reprise de la charpente selon devis de l'entreprise Renault :
- la somme de 9.386,63 euros TTC au titre des travaux de reprise des faux-plafond dans les pièces concernées avec la création de joint de dilatation
- condamné la société JPC Habitat à verser à M. [W] [J] et Mme [F] [M] la somme de 3.500,00 euros réparation de leur préjudice de jouissance,
- condamné la société JPC Habitat aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise,
- condamné la société JPC Habitat à verser à M. [W] [J] et Mme [F] [M] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 9 mars 2023 en ce qu'il a :
- rejeté les demandes formées par M. [W] [J] et Mme [F] [M] sur le fondement de la responsabilité décennale pour les désordres suivants :
- vide entre le carrelage et les plinthes dans la salle de bain ,
- fissure dans préau sur l'allège de la fenêtre et dans le carrelage,
- rejeté les demandes formées par M. [W] [J] et Mme [F] [M] sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme,
En conséquence,
- dire et juger que la société JPC Habitat est responsable des désordres constatés dans la maison d'Habitation appartenant à M. [J] et à Mme [M] située [Adresse 9] sur le fondement de la responsabilité décennale pour les désordres suivants :
- vide entre le carrelage et les plinthes dans la salle de bain ,
- Fissure dans préau sur l'allège de la fenêtre et dans le carrelage,
Subsidiairement,
- dire et juger que la société JPC Habitat est responsable de l'ensemble des désordres constatés dans la maison d'Habitation appartenant à M. [J] et à Mme [M] située [Adresse 9] sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme.
- condamner la SARL JPC Habitat à payer à M. [W] [J] et à Mme [F] [M] les sommes suivantes :
- reprise du vide sous plinthe selon devis Entreprise Coren 143,00 euros TTC
- reprise de la fissure dans le préau selon devis Entreprise Chevy 4.341,07 euros TTC
- condamner la SARL JPC Habitat à payer à M. [W] [J] et à Mme [F] [M] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- condamner la SARL JPC Habitat aux entiers dépens de l'appel.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 octobre 2023, la compagnie d'assurance Mutuelle de [Localité 12] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 3 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Blois en ce qu'il a :
- rejeté la demande de garantie formée par la société JPC Habitat à l'encontre de M. [R] [X] et de son assureur la société Mutuelle de [Localité 12] Assurances,
- rejeté toute autre demande.
A titre subsidiaire,
- limiter la garantie des Mutuelle de [Localité 12] Assurances à la seule condamnation à la somme de 9.386,63 euros au titre de travaux de reprise des faux-plafonds sous déduction de la franchise du contrat n°1160335 en responsabilité décennale qui le lie à la société Mutuelle de [Localité 12] Assurances, correspondant à 10 % du montant des condamnations garanties, à hauteur de 938,66 euros conformément au contrat conclu le 13 juillet 1996 entre la société Mutuelle de [Localité 12] Assurances et l'entreprise [X].
En tout état de cause,
- condamner la société JPC Habitat à verser à la société Mutuelle de [Localité 12] Assurances la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de l'appel.
- débouter la société JPC Habitat de toutes ses demandes plus amples ou contraires.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
L'ordonannce de clôture est intervenue le 20 janvier 2025.
MOTIFS
Sur la nature des désordres
Moyens des parties
La société JPC Habitat fait valoir que les désordres affectant la charpente étaient hors mission expertale car :
- l'expert indique qu'il a décelé sur le plan structurel des défauts de réalisation remettant en cause le bon fonctionnement du système de contreventement général de la charpente et donc de la maison, constituant une atteinte à sa solidité. Or l'expert n'a jamais constaté l'existence d'un quelconque désordre à cet effet ;
- il indique que les défauts de réalisation des éléments de contreventement de la charpente sont un facteur aggravant pour les fissures au plafond : or les fissures affectant le faux plafond n'ont pas de caractère décennal de sorte que les défauts de la charpente ne contribuen en rien à la survenance de désordres de nature décennale ;
- la charpente n'a pas donné lieu à inquitéude particulière de sorte que l'expert ne pouvait pas s'emparer de ce sujet.
Elle soutient également que les désordres affectant les faux-plafonds n'étaient pas de nature décennale, en ce qu'ils ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination, s'agissant de désordres esthétiques et ne générant pas d'infiltrations d'air par le plafond suspendu.
Mme [M] et M. [J] font valoir qu'au contraire, les désordres affectant la charpente entraient bien dans la mission de l'expert, qu'ils avaient ainsi largement abordé l'existence de tels désordres dans leur assignation, que l'existence de tels désordres avait été évoquée par le rapport SFTS et par le rapport ELEX, que les désordres affectant la charpente sont clairement en lien avec les fissures apparues sur le plafond. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, il est constant que les juges du fond peuvent s'approprier l'avis de l'expert, même s'il exprime une opinion excédant les limites de sa mission.
En second lieu, ils soutiennent que les désordres ont bien un caractère décennal :
- les désordres affectant la charpente constituent une atteinte à la solidité de l'ouvrage ;
- les désordres affectant les plafonds ne sont pas purement esthétique puisque leur cause est structurelle, les fissures étant liées à une déformation différentielle non maîtrisée, à défaut de joints de dilatation lors de la construction. L'expert précise que compte tenu de l'importance des fissures, cela porte atteinte à la destination de l'immeuble, à savoir créer une fermeture entre espace habité et un espace non habité.
- les désordres relatifs au vide entre le carrelage et les plinthes de la salle debains : ils portent atteinte à la destination de l'immeuble, la destination d'un revêtement de sol étant de rester plan.
- la fissure dans le préau porte atteinte à la destination de l'immeuble.
A titre subsidiaire, ils font valoir que si la cour ne retient pas le caractère décennal de ces désordres, il conviendra de faire application des dipsositions de l'article 1604 du code civil, compte tenu des non-conformités relevées par l'expert.
Réponse de la cour
S'agissant en premier lieu du périmètre de l'expertise, il convient de relever que l'expert judiciaire s'est vu confier la mission de décrire les désordres allégués par M. [J] et Mme [M] et notamment les fissures au niveau des plafonds des différentes pièces, et d'en déterminer la cause.
Il entrait donc dans la mission de l'expert de rechercher la cause de ce désordre, et notamment de rechercher s'il n'était pas lié à un problème de charpente, puisque que M. [J] et Mme [M] imputaient ce désordre à un problème lié à la charpente ainsi qu'il résulte du courrier qu'ils ont adressé au constructeur le 5 octobre 2012, que la société SFTS, dans son avis technique du 24 mai 2013, avait considéré que ces fissures étaient dues à une déformation des matériaux du fait de problèmes de dillatation mais aussi 'du fait des poussées liées à la charpente où certains contreventements sont insuffisamment fixés', et que le cabinet ELEX, dans son avis du 23 avril 2014, a également estimé que 'la non fixation des fermettes industrielles liées les uns aux autres par des contreventements favorise la vibration sur les plaques de plâtre constitutives des plafonds du rez-de-chaussée'.
Il entrait donc bien dans la mission de l'expert d'examiner la charpente pour rechercher si elle n'était pas à l'origine, en tout ou partie, des fissures affectant les plafonds.
La société JPC Habitat conteste le caractère décennal des désordres dont se prévalent M. [J] et Mme [M].
En application de l'article 1792 du code de procédure civile :
'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'.
S'agissant des fissures affectant les faux-plafonds du séjour, des chambres 1 et 2 et du dégagement, l'expert retient qu'elles ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage. En revanche, il retient que l'importance des fissures affectant les faux-plafond porte atteinte à leur destination de faux-plafond puisque ceux-ci ont deux fonctions, une fonction esthétique et une fonction de fermeture entre le rez-de-chaussée habité et un espace non habité (les combles), et que les fissures portent atteinte à ces deux fonctions.
L'expert retient qu'elles sont dues à l'absence de réalisation de joints de dilatation lors de la construction de la maison, mais il ajoute que les défauts de réalisation des éléments de contreventements de la charpente sont un facteur aggravant de ces fissures.
Il explique en effet que la fixation de nombreux éléments de contreventements et antiflambements de la charpente n'ont pas été réalisées, qu'il s'agit d'un défaut de réalisation qui constitue une non-conformité remettant en cause le bon fonctionnement du système de contreventement général de la charpente, et donc de la maison, et constitue une atteinte à sa solidité. Le cabinet ELEX fournit à cet égard l'explication suivante : la non fixation des fermettes industrielles liées les unes aux autres par des contreventements favorise la vibration sur les plaques de plâtre constitutives des plafonds du rez-de-chaussée, la prise au vent de la toiture ébranlant les plafonds.
Il en résulte que si les fissures apparues sur les faux-plafonds ne sont pas, en tant que telles, des fissures portant atteinte à la solidité de l'ouvrage, elles sont la manifestation d'un désordre structurel qui, quant à lui, porte atteinte à la solidité de l'ouvrage, de sorte que ce désordre revêt un caractère décennal.
S'agissant du jour entre le carrelage et les plinthes de la salle de bains, M. et Mme [M] soutiennent que s'il ne porte pas atteinte à la solidité de l'ouvrage, il porte atteinte à la sa destination, la destination d'un revêtement de sol étant de rester plan et de ne pas s'affaisser. Toutefois il n'est pas démontré que ce désordre, décrit par M. [A] comme un tassement du carrelage de l'ordre de 3mm dans l'angle façade avant/pignon gauche et qui est donc de faible ampleur, serait de nature à empêcher ou à gêner l'usage de la salle de bains et rendrait la maison impropre à sa destination.
S'agissant enfin de la fissure dans le préau, elle ne porte pas, selon l'expert, atteinte à la solidité de l'immeuble. L'expert judiciaire retient qu'elle porte atteinte à la destination de l'immeuble. Toutefois, l'expert note qu'il n'a pas été signalé d'infiltration au niveau de cette fissure. Il n'est donc pas démontré qu'elle porte atteinte à la destination de l'immeuble.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le caractère décennal du premier désordre mais non des deux autres désordres.
M. [J] et Mme [M] sollicitent à titre subsidiaire que la responsabilité de la société JVC Habitat soit retenue pour manquement à l'obligation de délivrance conforme, sur le fondement de l'article 1604 du code civil, en raison des non-conformités relevées par l'expert. Toutefois, ils ne justifient pas en quoi la responsabilité de la société JPC Habitat pourrait être retenue au titre d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme, étant que la maison a été livrée non pas à eux-mêmes mais à leurs auteurs, M. et Mme [K] le 16 avril 2004, qu'ils n'en sont eux-mêmes devenus propriétaires qu'en 2007, et ne se sont plaints de désordres qu'en 2013. En outre, ils ne soutiennent ni ne démontrent en quoi l'apparition du vide sous plinthe dans la salle de bains, ou la fissure dans le préau résultent de non-conformités ou de malfaçons dans la réalisation des travaux et sont imputables à faute à la société JVC Habitat.
Leur demande subsidiaire en indemnisation de ces deux désordres sera donc rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'indemnisation du préjudice matériel
Moyens des parties
La société JPC Habitat fait valoir que l'expert s'est mépris concernant le coût des travaux de reprise, en ce que le devis Coren doit être corrigé puisque le poste 2.6 est le même que le poste 2.1, à savoir 125 euros HT et non 3250 euros HT. Le coût de reprise des faux-plafonds est donc de 5 99,13 euros TTC et non pas de 9 386,63 euros TTC, ainsi que l'expert l'a indiqué en page 15 de son rapport.
Mme [M] et M. [J] sollicitent la confirmation du jugement qui a condamné la société JPC Habitat à leur verser une somme de 9 386,63 euros au titre des travaux de reprise des faux-plafonds.
Réponse de la cour
L'expert judiciaire explique dans son rapport que les travaux réparatoires de ce désordre consistent en :
- travaux de reprise de la charpente ;
- reprise des faux-plafonds dans les pièces concernées avec création de joints de dilatation.
Il chiffre, en page 12 de son rapport, ces travaux à :
- reprise de la charpente : 2327,33 euros TTC (devis de l'entreprise Renault) ;
- reprise des faux-plafonds : 9 386,63 euros TTC (devis de l'entreprise Coren,
montant qui a été retenu par le tribunal.
Toutefois, en page 15 de son rapport, il indique qu'il y a une erreur dans le devis de l'entreprise Coren, qui a confirmé que le poste 2.6 est le même que le poste 2.1 à savoir 125 euros HT et non 3250 euros HT, de sorte que le coût de la reprise des faux-plafonds est donc de 5 949,13 euros TTC.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné à la société JPC Habitat à verser à M. [J] et à Mme [M] une somme de 9 386,63 euros TTC au titre des travaux de reprise des faux-plafonds et de la condamner à leur verser une somme de 5 949,13 euros TTC à ce titre.
La société JPC Habitat demande à être remboursée de la différence entre ces deux sommes puisqu'elle s'est acquittée de la condamnation prononcée par le jugement, qui était assorti de l'exécution provisoire.
Toutefois, l'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de ladite décision, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Soc., 27 février 1991, pourvoi n° 87-44.965, Bull. 1991, V, n° 104).
Le présent arrêt infirmant le jugement en ce qu'il a condamné la société JPC Habitat à payer une somme de 9 386,63 euros, il constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution des chefs infirmés, sans qu'il soit nécessaire de condamner M. [J] et Mme [M] à restituer la somme de 3437,50 euros trop versée par la société JPC Habitat. Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner la restitution des sommes trop-versées, cette obligation de restitution résultant de l'infirmation partielle prononcée.
Sur l'action en garantie de la société JPC Habitat contre M. [X] et la Mutuelle de [Localité 12] Assurances
Moyens des parties
La société JPC Habitat fait valoir que l'entreprise [X] [R], charpentier couvreur qui a réalisé la charpente, était, en qualité de sous-traitant, tenue à une obligation de résultat à l'égard de la société JPC Habitat. Or elle s'est livrée au montage des fermettes perdues sur la totalité du toit, et a accepté le support, de sorte que qu'elle aurait dû, soit alerter la société JPC Habitat, soit prendre des mesures nécessaires pour pallier toutes difficultés, ce qu'elle n'a pas fait. La garantie de son assureur est donc acquise.
La société Mutuelles de [Localité 12] Assurances répond qu'elle est l'assureur de responsabilité décennale de M. [X], et n'a pas vocation à garantir son éventuelle responsabiltié contractuelle.
Subsidiairement, elle fait valoir qu'en tout état de cause, aucun manquement contractuel n'est imputable à M. [X], qui n'a fait que poser une charpente dont les plans ont été commandés par la société JPC Habitat, selon les indications de celle-ci et avec ses matériaux. Or les fissures apparues sur les faux-plafonds sont la conséquence de la non-réalisation des joints de dililatation lors de la construction de la maison, ce qui n'est pas imputable à M. [X]. La seule possibilité, évoquée par l'expert judiciaire, que les fissures aient été de moindre importance si la charpente avait été réalisée différemment ne saurait caractériser un manquement imputable à l'entreprise [X].
Elle soutient enfin qu'en tout état de cause, il conviendrait de faire application de la franchise contractuelle prévue au contrat.
Réponse de la cour
La responsabilité de M. [X], auquel ont été confiés les travaux de réalisation de la charpente par la société JPC Habitat, est recherchée sur un fondement contractuel, la société JPC Habitat lui reprochant d'avoir manqué à l'obligation de résultat et de conseil qui pesait sur elle.
Il est constant en effet que le sous-traitant est tenu envers son donneur d'ordre d'une obligation de résultat (Civ. 3e, 3 déc. 1980, Bull. civ. III, no 188 ; 3e Civ., 10 déc 2003, n°02-14.320, Bulletin civil 2003, III, n 227), ses travaux devant être exempts de vices (3e Civ 22 juin 1988, pourvoi n° 86-16.263, Bulletin 1988 III N° 115).
Il ne peut s'exonérer de sa responsabilité que par la preuve d'une cause étrangère (3e Civ., 17décembre 1997, pourvoi n 95-19.504, Bull. 1997, III, n 227.)
Le sous-traitant est également tenu d'une obligation de conseil envers l'entrepreneur principal (1ère Civ., 24 janvier 1995, n°92-17.792). Le fait que son cocontractant soit lui-même un professionnel de la construction ne dispense pas le sous-traitant du devoir de conseil auquel il est tenu en sa qualité d'homme de l'art. Le sous-traitant ne peut pas se contenter d'exécuter conformément à la demande de l'entrepreneur principal les travaux envisagés. S'il estime que la solution technique est insuffisante ou inefficace, il est tenu à l'égard de son cocontractant d'un devoir de critique et de réserves (3 Civ., 30 janvier 2008, n 06-19.100).
Or en l'espèce, l'expert judiciaire a relevé l' absence de réalisation des fixations de nombreux éléments de contreventement et antiflambement. L'expert précise qu'il s'agit d'une grave non-conformité, qui remet en cause le bon fonctionnement du système de conteventement général de la charpente, et donc de la maison, et constitue une atteinte à sa solidité.
M. [X], qui a réalisé les travaux de charpente, a donc manqué à l'obligation de résultat qui pesait sur lui en réalisant une charpente atteinte de non conformités, de nature à porter atteinte à la solidité de la maison.
Il n'est nullement établi de ce qu'il a informé la société JPC Habitat de ce que la charpente dont elle avait réalisé les plans était non conforme aux règles de l'art et portait atteinte à la sécurité de l'ouvrage, ce qu'il lui appartenait à tout le moins de faire.
Elle a donc incontestablement manqué tant à son obligation de résultats de poser une charpente exempte de vices qu'à son obligation de conseil.
La non conformité de la charpente a, en considération des conclusions du rapport d'expertise, aggravé les fissures affectant les faux-plafonds, de sorte que le lien de causalité entre la faute et le dommage est donc établi.
Toutefois, s'agissant de la survenance des fissures au plafond, la société JPC Habitat a également commis une faute à l'origine du préjudice de M. [J] et Mme [M] puisque les fissures sont dues également à l'absence de joints de dilatation, dont M. [X] n'est nullement responsable.
En conséquence, le recours en garantie de la société JPC Habitat sera accueilli à hauteur de :
- 100% s'agissant des travaux de reprise de la charpente d'un montant de 2327,33 euros TTC puisque la faute de M. [X] a entièrement concourru à la survenance de ce dommages ;
- 1/3 concernant les travaux de reprise des faux-plafonds soit 5 949,13/3 = 1983,04 euros TTC, les non conformités de la charpente ayant contribué à la survenance de ces désordres, dus également à l'absence de joints de dilatation ;
- 50% concernant le préjudice de jouissance.
M. [X] sera donc condamné à garantir la société JPC Habitat à hauteur de :
- une somme de 2327,33 + 1983,04 = 4310,38 euros concernant le préjudice matériel ;
- une somme de 3500 / 2 = 1750 euros concernant le préjudice de jouissance.
* s'agissant de la garantie de l'assureur
La société Mutuelles de [Localité 12] assurances fait observer qu'elle n'assurait que la responsabiltié décennale de M. [X], et non sa responsabilité contractuelle.
A l'égard du constructeur, le sous-traitant qui n'est pas locateur d'ouvrage ne peut voir sa garantie décennale engagée et seule sa responsabilité contractuelle peut être engagée.
En revanche, il est constant que la police décennale du sous-traitant a vocation à s'appliquer, en cas de condamnation pour des désordres qualifiés de décennaux. En effet, lorsqu'un sous-traitant est assuré au titre d'une police de responsabilité décennale le garantissant comme s'il était intervenu en qualité de locateur d'ouvrage dès lors que les désordres étaient de nature à entraîner la responsabilité des constructeurs sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil et que les désordres litigieux sont de nature décennale, la compagnie d'assurances doit sa garantie sans pouvoir opposer aux tiers les clauses de franchise et de plafond de garantie, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 31 octobre 2001, 00-13.763)
La société JPC Habitat verse aux débats (sa pièce 4) une attestation dont il résulte que M. [X] [R] est assuré en responsabilité civile décennale couvrant les risques charpente, couverture, zinguerie et maçonnerie pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003.
Les désordres en cause ayant une nature décennale, la société Mutuelles de [Localité 12] assurances doit donc sa garantie, même à l'égard de la société JPC Habitat, sans pouvoir lui opposer de franchise et de plafonds de garantie, s'agissant d'une assurance obligatoire.
Par conséquent, il convient de condamner in solidum M. [X] et la société Mutuelles de [Localité 12] à garantir la société JPC Habitat dans les proportions fixées par la présente décision.
Sur les dépens et les dipsositions de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qui concerne les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de la procédure d'appel seront supportés par la société JPC Habitat.
La société JPC Habitat sera condamnée à verser à M. [J] et Mme [M] une somme complémentaire de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [X] et la société Mutuelles de [Localité 12] Assurance seront condamnés in solidum à le garantir à hauteur de 50% des condamnations prononcées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, par défaut et en dernier ressort,
CONFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris, sauf en ce :
- qu'il condamne la société JPC Habitat à payer à M. [J] et à Mme [M] une somme de 9386,63 euros TTC au titre des travaux de reprise des faux-plafonds ;
- qu'il rejette la demande de garantie formée par la société JPC Habitat à l'encontre de M. [R] [X] et de son assureur la société Mutuelle de [Localité 12] ;
L'INFIRME de ces chefs ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la société JPC Habitat à payer à M. [W] [J] et à Mme [F] [M] une somme de 5 949,13 euros TTC au titre des travaux de reprise des faux-plafonds ;
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour, cette obligation s'inférant de l'infirmation prononcée par le présent arrêt ;
CONDAMNE in solidum M. [X] et la société Mutuelles de [Localité 12] Assurances à garantir la société JPC Habitat des condamnations prononcées contre elle dans les proportions suivantes :
- à hauteur de 4310,38 euros concernant le préjudice matériel ;
- à hauteur de 1750 euros concernant le préjudice de jouissance.
CONDAMNE la société JPC Habitat à verser à M. [J] et Mme [M] une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société JPC Habitat aux dépens de la procédure d'appel ;
CONDAMNE in solidum M. [X] et la société Mutuelles de [Localité 12] Assurance à garantir la société JPC Habitat à hauteur de 50% des condamnations prononcées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.