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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 27 mai 2025, n° 23/02383

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

W

Défendeur :

D

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Président :

Mme Picot-Postic

Conseillers :

M. Pothier, Mme Picot-Postic

Avocat :

Me Faure

TJ Saint-Brieuc, du 3 mai 2023, n° 22/01…

3 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d'une annonce publiée sur le site de l'Internet 'Le Bon Coin', Mme [T] [W] a, moyennant le prix de 5 490 euros TTC, outre 420 euros de frais de certificat d'immatriculation, acquis le 25 décembre 2020 un véhicule Peugeot 5008 mis en circulation en juillet 2011.

Se plaignant d'un dysfonctionnement moteur, et se prévalant des conclusions d'un rapport d'expertise extrajudiciaire du 28 juin 2021 concluant que trois injecteurs étaient défaillants et que le moteur ne correspondait pas au modèle figurant sur l'annonce de vente, Mme [W] a, par acte du 16 septembre 2022, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc M. [P] [D], exerçant sous l'enseigne CLKS Auto, devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, en résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme sur le fondement des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation en leur rédaction applicable à la cause, restitution du prix et paiement de dommages-intérêts.

Estimant que la preuve n'était pas rapportée que M. [P] [D] était bien la personne à l'encontre de laquelle Mme [W] justifiait légitimement pouvoir agir, le premier juge a, par jugement du 9 janvier 2023 :

- débouté Mme [T] [W] de toutes ses demandes,

- laissé les dépens à la charge de Mme [T] [W],

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Mme [T] [W] a relevé appel de ce jugement le 17 avril 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions du 13 juillet 2023, elle demande à la cour de :

- la dire recevable et fondée en son appel,

- infirmer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

- prononcer la résolution de la vente du véhicule Peugeot 5008 - moteur 2 lE-HDI 150 cv Pack Confort,

- condamner M. [P] [D] à restituer à Mme [T] [W] la somme de 5 910 euros outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure,

- condamner M. [P] [D] à verser à Mme [T] [W] une somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'impossibilité d'utiliser le véhicule dont s'agit,

- le condamner à verser à Mme [T] [W] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

M. [P] [D], auquel Mme [W] a signifié sa déclaration d'appel le 3 mai 2023 et ses conclusions le 13 juillet 2023, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par Mme [W], l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 février 2025.

EXPOSE DES MOTIFS

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, la cour, lorsque l'intimé ne comparaît pas, ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la qualité de vendeur de M. [P] [D]

Mme [W] ne produit devant la cour ni document de cession du véhicule 'Peugeot 2008 2 l E- HDI 150 cv Pack Confort', sur lequel doit apparaître l'identité exacte du vendeur, ni facture établie au nom ou à l'enseigne du vendeur.

Cependant, pour justifier, en l'absence de facture de vente, que M. [P] [D] a bien la qualité de vendeur professionnel du véhicule litigieux, Mme [W] produit devant la cour les éléments suivants qui, selon elle, caractériseraient un faisceau d'indices permettant de retenir cette qualité :

la copie de l'annonce de vente sur le site 'Le Bon Coin' portant mention de CLKS Auto en qualité de vendeur,

la copie du chèque de banque,

deux factures qui auraient été remises par M. [D] lors de la vente faisant état de travaux réalisés avant la vente et libellées à son nom ou à son enseigne,

une facture d'achat d'un injecteur postérieurement à la vente,

une facture du garage AB Mécanique pour le remplacement du 2ème injecteur et programmation.

Il ressort des productions qu'aux termes d'une annonce diffusée sur le site 'Le Bon Coin' était proposée à la vente, moyennant le prix de 5 490 euros, par 'CLKS Auto (...) une Peugeot 5008 Moteur 2 l HDI 150 cv très robuste Pack Confort Boîte de vitesses 6 manuelle', et que l'état des inscriptions au Registre national des entreprises à la date du 6 juillet 2023 mentionne en qualité d'entrepreneur individuel M. [P] [D] dont l'activité principale est le commerce de voitures et de véhicules légers dont le siège est à Loudéac, et dont le nom commercial est CLKS Auto.

Il ressort par ailleurs de l'extrait de compte de Mme [W] qu'un chèque de banque d'un montant de 5 490 euros a été débité sur son compte ouvert à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère le 23 décembre 2020, et que la copie de ce chèque fait apparaître que son bénéficiaire est CLKS Auto pour ce montant correspondant au prix de vente du véhicule (et non la SASU Auto Vente sise à [Localité 6] qui est au demeurant une société unipersonnelle détenue à 100 % par M. [P] [D]).

Il résulte de ces éléments que Mme [W] rapporte la preuve qu'elle a bien acquis auprès de M. [P] [D], exerçant l'activité de commerce de voitures sous l'enseigne commerciale CLKS, le véhicule 'Peugeot 2008 2l E HDI 150 cv Pack Confort Auto, mentionné sur l'annonce du site 'Le Bon Coin', et qu'elle en a réglé le prix au moyen d'un chèque de banque émis à l'ordre de 'CLKS Auto', nom commercial sous lequel ce dernier exerce son activité.

Le jugement sera donc réformé en ce sens.

Sur la garantie légale de conformité

Mme [W] qui sollicite la résolution de la vente, ainsi que la restitution du prix, outre des dommages-intérêts, exerce l'action régie par les articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au moment du contrat, relative à la garantie légale de conformité.

Il est constant à cet égard que M. [P] [D] est un vendeur professionnel et que Mme [W] a la qualité de consommatrice, de sorte que ces dispositions ont vocation à s'appliquer.

Or, en application de l'article L. 217-4 alinéa 1 du code précité, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Aux termes de l'article L. 217-5 applicable à la cause :

Le bien est conforme au contrat :

1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :

- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;

- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;

2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.

En outre, l'article L. 211-7 édicte une présomption d'antériorité du défaut apparu à la vente, dès lors que celui-ci est apparu dans les six mois de la délivrance du bien, cette présomption simple pouvant être renversée par la preuve contraire.

Il incombe donc à l'acheteur qui demande l'application des dispositions des articles L. 217-1 et suivants, dans leur rédaction applicable à la cause, de rapporter la preuve de l'existence d'un défaut de conformité du bien, et si ce défaut de conformité est révélé dans les six mois de la délivrance du bien, il est présumé avoir existé au jour de celle-ci.

En l'occurrence, Mme [W] produit au soutien de ses prétentions un rapport d'expertise extrajudiciaire, réalisé à sa demande par l'expert mandaté par son assureur protection juridique, qui est certes admissible comme preuve, mais sur lequel le juge ne peut exclusivement se fonder.

Aux termes de ce rapport établi le 28 juin 2021 par M. [V], à la suite de la réunion du 25 mai 2021, hors la présence du vendeur dûment convoqué, il a été constaté que :

Le passage à la valise diagnostic laisse apparaître différents défauts dans le calculateur, à savoir :

* P 1145 : système additif FAP

* P 069 : débit de correction cylindre n° 3 hors tolérance

* P 0272 : débit de correction cylindre n° 4 hors tolérance

* P 0263 : débit de correction cylindre n° 1 hors tolérance

* P14A4 : vannes EGR

* P 1490 : FAP surchargé

L'expert a conclu que :

Le véhicule souffre d'un léger souci d'injection, de par les défauts de correction de débit présents sur les injecteurs n° 1, 3 et 4, mais aussi de par le bruit moteur relevé lors des demandes de charge moteur aux alentours des 2 000 tr/min.

Concernant l'injection, il apparaît que depuis la vente du véhicule l'injecteur n° 2 a déjà été remplacé par le garage vendeur, et il est fort probable que les trois autres injecteurs soient également défaillants (...)

Par ailleurs, il apparaît que le véhicule est un modèle équipé d'un moteur 1,6 HDI et non un modèle 2,0 HDI tel que mis en avant par le garage vendeur lors des démarches de vente auprès de Mme [W], et notamment sur l'annonce de vente (...)

Ce rapport est corroboré par la facture du 9 mars 2021 de la société Landreau portant sur la vente d'un injecteur diesel au garage CLKS, et par la facture de la société AB mécanique du 23 mars 2021 libellée au nom de Mme [T] [W] portant sur le remplacement de l'injecteur n°2.

Il s'en évince que ces deux factures portant sur l'acquisition, puis sur le remplacement de l'injecteur n° 2 défaillant corroborent le rapport de M. [V] sur les défauts de conformité affectant les injecteurs, survenus dans les six mois de la vente, de sorte que la présomption d'antériorité à la vente doit s'appliquer en l'absence de preuve contraire.

D'autre part, s'agissant du défaut de conformité du moteur, les investigations de l'expert sont suffisantes pour établir que le moteur équipant le véhicule n'est pas conforme à celui mentionné sur l'annonce, puisque 'en interrogeant Servicebox avec l'immatriculation, le véhicule est identifié en 2.0 HDI, et en interrogeant avec le numéro de série il est identifié en 1,6 HDI.'

Il en résulte que le véhicule n'est pas conforme à la description donnée par le vendeur et ne possède pas les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur, puisque l'annonce mentionnait : Moteur 2 l HDI 150 cv très robuste, et que la cylindrée pouvait être déterminante dans le choix d'acquisition du véhicule par Mme [W], au regard du poids du véhicule.

Aux termes de l'article L. 217-9 applicable à la cause, en cas de défaut de conformité, l'acheteur a le choix entre la réparation et le remplacement du bien. Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut, et il est alors tenu, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.

En outre, l'article L. 217-10 applicable à la cause, dispose que :

Si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.

La même faculté lui est ouverte :

1° Si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 217-9 ne peut être mise en 'uvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ;

2° Ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche.

La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

En l'occurrence, M. [P] [D], défaillant tant en première instance qu'en cause d'appel, ne justifie pas avoir proposé la réparation ni le remplacement du bien, dans le délai d'un mois de la réclamation.

Il en résulte que compte tenu de l'importance du défaut de conformité affectant le moteur, Mme [W] est fondée à rendre le bien et se faire restituer le prix.

Après réformation du jugement attaqué, il convient donc de prononcer la résolution de la vente et d'ordonner en conséquence la restitution réciproque du véhicule et de son prix en application de l'article L. 217-10 ancien du code de la consommation.

En outre, en application de l'article L. 217-11 ancien selon lequel l'application des dispositions des articles L. 217-9 et L. 217-10 a lieu sans aucun frais pour l'acheteur, il convient de condamner le vendeur à payer à Mme [W] la somme de 420 euros en remboursement des frais de certificat d'immatriculation.

Conformément à l'article 1231-6 du code civil, la créance de restitution du prix et des frais de vente produira intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 16 septembre 2022, et non à compter du courrier de l'assureur protection juridique de Mme [W] du 25 mars 2021, qui ne peut valoir mise en demeure au sens de l'article 1344 du code civil.

Sur les autres demandes

Mme [W] demande par ailleurs la condamnation du vendeur au paiement de la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'impossibilité d'utiliser le véhicule.

Cependant, l'expert extrajudiciaire n'a pas conclu que le véhicule ne pouvait pas circuler, les défauts affectant les injecteurs ne le rendant pas inutilisable, mais affectant son rendement et, d'autre part, le défaut de conformité du moteur affectant sa puissance ne le rend pas non plus inutilisable.

Mme [W] ne démontre du reste pas que son véhicule est immobilisé et que les défauts de conformité l'empêchent de l'utiliser.

Cette demande sera donc rejetée.

M. [P] [D], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de Mme [W] l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion des procédures de première instance et d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc ;

Prononce la résolution de la vente du véhicule Peugeot 5008 immatriculé [Immatriculation 4] conclue le 25 décembre 2020 entre M. [P] [D], exerçant sous l'enseigne commercial CLKS Auto, et Mme [T] [W] ;

Condamne M. [P] [D], exerçant sous l'enseigne commercial CLKS Auto, à payer à Mme [T] [W] les sommes de 5 490 euros au titre de la restitution du prix de vente et de 420 euros au titre du remboursement des frais de la vente, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2022 ;

Ordonne la restitution du véhicule à M. [P] [D], exerçant sous l'enseigne commercial CLKS Auto, aux frais de celui-ci ;

Déboute Mme [T] [W] de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Condamne M. [P] [D], exerçant sous l'enseigne commercial CLKS Auto, à payer à Mme [T] [W] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [P] [D], exerçant sous l'enseigne commercial CLKS Auto, aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

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