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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 22 mai 2025, n° 24/10677

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/10677

22 mai 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 22 MAI 2025

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/10677 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJSPL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Avril 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2023050144

APPELANT

M. [K] [S]

De nationalité française

Né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 9] (TUNISIE)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Mustapha KALAA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 50

Substitué par Me Raja MOKADDEM, avocate au barreau de PARIS, toque : E1779

INTIMÉS

Mme La PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 8]

S.E.L.A.R.L. [10]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le n° [N° SIREN/SIRET 4]

Assignation à personne conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 5 décembre 2024)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Caroline TABOUROT, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société à responsabilité limitée [12], créée le 1er juillet 2015 et gérée par M. [K] [S], a pour activité les transports publics routiers de marchandise à l'aide de véhicules de moins de 3,5 tonnes.

Par jugement du 20 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [12], désigné la SELARL [10], prise en la personne de Me [X] [W], en qualité de liquidateur judiciaire, et fixé la date de cessation des paiements au 20 avril 2020.

L'insuffisance d'actif s'élève à 891.972,23 euros.

Par requête du 23 mars 2023, déposée au greffe le 5 septembre 2023, le ministère public a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins que soit prononcée à l'encontre de M. [K] [S] une faillite personnelle ou, à défaut, une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, une personne morale.

Par jugement du 23 avril 2024, le tribunal de commerce de Paris a :

Prononcé la faillite personnelle de M. [K] [S] ;

Fixé la durée de cette mesure à sept ans ;

Ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal avait retenu les griefs suivants :

- un défaut de tenue de comptabilité,

- une omission d'effectuer la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal,

- un défaut de remise des documents et une absence de coopération,

- une aggravation frauduleuse du passif.

Par déclaration du 7 juin 2024, M. [K] [S] a relevé appel de ce jugement, intimant la SELARL [W] [Y], ès-qualités de liquidateur judiciaire, et le procureur de la République de [Localité 11].

La SELARL [W] [Y] n'a pas constitué avocat, ladite déclaration d'appel lui ayant été régulièrement signifiée par commissaire de justice le 5 décembre 2024, à personne ayant déclaré être habilitée à recevoir la copie.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 4 juillet 2024, M. [K] [S] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 avril 2024 ;

Débouter M. l'avocat général de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Par avis déposé sur le RPVA le 3 octobre 2024, le ministère public considère que le jugement rendu le 23 avril 2024 doit être confirmé en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [K] [S] une mesure de faillite personnelle emportant interdiction de gérer pour une durée de sept ans.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le grief de défaut de tenue de la comptabilité

Le ministère public fait valoir que la comptabilité est manifestement irrégulière ou incomplète puisque, à l'exception de l'année 2017, les journaux, grands livres, bilans, comptes de résultat et annexes n'ont pas été communiqués.

M. [K] [S] n'a pas répondu sur l'existence de ce grief.

Selon l'article L. 653-5 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : [']

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables. »

En l'espèce, le dernier chiffre d'affaires connu est de 262.940 euros au 30 décembre 2027 et pour les années suivantes, M. [F] n'a remis aucun document comptable ni au liquidateur judiciaire, ni devant le tribunal et ne verse pas davantage la comptabilité de la société débitrice devant la présente cour, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a retenu ce grief.

Sur la non-remise des documents et l'absence de coopération

Le ministère public souligne que M. [F] s'est volontairement abstenu de collaborer au bon déroulement de la procédure, n'ayant pas remis l'intégralité des documents comptables et fiscaux qui avaient été sollicités.

M. [K] [S] n'a pas répondu à ce grief.

Selon l'article L. 653-5 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : [']

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ».

En l'espèce, malgré les demandes de pièces du liquidateur judiciaire, effectuées par courriers des 22 octobre et 4 novembre 2021, M. [F] ne lui a jamais remis les documents sollicités.

Le fait de s'abstenir de remettre les documents sollicités par le liquidateur judiciaire caractérise l'abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a retenu ce grief.

Sur l'augmentation frauduleuse du passif social

Selon l'article L. 653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après : [']

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »

M. [K] [S] fait valoir que le passif de la société [12] est constitué d'une dette unique auprès de l'Urssaf qui a procédé à des taxations d'office, qu'il conteste en alléguant que la société [12] n'emploie plus de personnel depuis 2019.

Il indique que la société [12] avait informé l'Urssaf dès septembre 2021 de ce qu'elle n'embauchait plus de salarié et qu'en décembre 2021 le conseil de la société [12] a transmis à l'Urssaf les tableaux récapitulatifs de la société pour la période de 2018 à 2021.

L'Urssaf lui a répondu que ces déclarations ne pouvaient pas être prises en compte car la société [12] avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire.

Il ajoute que ne pouvant plus communiquer avec l'Urssaf, il a transmis ces éléments au liquidateur. L'appelant estime par conséquent qu'il ne saurait lui être reproché une faute.

Le ministère public réplique que le passif social est constitué, d'après l'analyse de comptabilité, de dettes fiscales, d'une dette Urssaf d'un montant de 123 419 euros et de créances chirographaires d'un montant total de 511 092 euros.

Le ministère public relève que l'Urssaf a réalisé des taxations d'office tous les mois à compter d'octobre 2019 jusqu'en mars 2021, que les montants afférents aux dettes Urssaf ont fait l'objet de majorations et de pénalités au cours de la période suspecte et qu'en conséquence M. [F] avait connaissance de la situation de cessation des paiements. Il fait valoir que le défaut de paiement de ces dettes ayant entraîné des pénalités constitue une aggravation frauduleuse avérée du passif au sens de l'article L. 653-4, 5° du code de commerce.

Selon l'article L. 653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après : [']

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »

En l'espèce, il convient de constater que des taxations d'office ont été appliquées par l'Urssaf dès 2015 (c'est-à-dire à un moment où il ne prétendait pas ne pas employer de salariés) de façon irrégulière, puis tous les mois à compter d'octobre 2019 entraînant des pénalités. Or à cette date la société n'était pas en liquidation judiciaire et il était alors possible à Monsieur [S] de faire rectifier par l'Urssaf la taxation réalisée en rapportant la preuve qu'il n'employait plus de salarié comme il le soutient. Or Monsieur [S] ne rapporte pas la preuve des démarches alors entreprises.

L'absence de paiement des cotisations Urssaf entraînant des pénalités caractérise une augmentation frauduleuse du passif , de sorte que c'est à juste titre que le grief a été retenu.

Sur le retard de dépôt de la déclaration de cessation des paiements

Le ministère public soutient que M. [K] [S] a sciemment omis de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans les quarante-cinq jours suivant l'état de cessation des paiements. Il relève que le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire du 20 octobre 2021 a fixé la date de cessation des paiements au 20 avril 2020, soit un retard de plus de seize mois dans la déclaration de cessation des paiements, en observant par ailleurs que l'inscription la plus ancienne des privilèges Urssaf date du 11 septembre 2019. Le ministère public argue que l'ancien gérant de ladite société ne pouvait ignorer avoir omis de payer une dette conséquente mettant sa société en état de cessation des paiements et ne saurait en outre alléguer avoir ignoré l'état de cessation des paiements puisqu'il avait connaissance des difficultés financières importantes de sa société, compte tenu des inscriptions Urssaf préexistantes à l'ouverture de la procédure.

M. [K] [S] n'a pas répondu à ce grief.

Selon l'article L. 653-8 du code de commerce, une interdiction de gérer « peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. »

En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire du 20 octobre 2021 a fixé la date de cessation des paiements au 20 avril 2020 et cette date s'impose au juge de la sanction. L'omission de déclaration dans le délai légal de 45 jours était volontaire puisque, ainsi que le relève le ministère public, la plus ancienne des inscriptions de l'Urssaf date de septembre 2019, de sorte que le dirigeant ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements.

C'est donc sciemment que M. [S] a omis d'effectuer une déclaration de cessation des paiements dans le délai légal et le grief est en conséquence caractérisé.

Cependant ce grief ne peut motiver une sanction de faillite personnelle.

Sur la sanction.

La cour, retenant les griefs de défaut de comptabilité, de défaut de coopération avec les organes de la procédure et d'augmentation frauduleuse du passif, constate les graves négligences commises par M. [S].

Le défaut de comptabilité l'a privé d'instruments de pilotage de la société qu'il dirigeait ce qui a abouti à un montant élevé d'insuffisance d'actif de 891.972,23 euros.

Par ailleurs, le défaut de coopération n'a pas permis un déroulement optimal de la procédure collective.

Compte tenu de la gravité des griefs retenus, c'est à juste titre que le tribunal de commerce de Paris a prononcé la faillite personnelle de M. [K] [S] pour une durée de sept ans.

Le jugement sera donc confirmé.

M. [K] [S] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement,

Condamne M. [K] [S] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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