CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 23 mai 2025, n° 23/18088
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Editions Adele (SA)
Défendeur :
Le Cherche-Midi Editeur (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Vice-président :
Mme Salord
Conseiller :
M. Buffet
Avocats :
Me Lallement, Me Martinet, Me Ingold, Me Boissard
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l'ordonnance rendue le 3 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris,
Vu le jugement rendu le 15 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel interjeté le 9 novembre 2023 par la société Éditions Adèle et M. [T] contre l'ordonnance du juge de la mise en état et le jugement,
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2024 par la société Éditions Adèle et M. [T],
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2024 par la société Le Cherche Midi Éditeur,
Vu l'ordonnance de clôture du 28 novembre 2024.
SUR CE, LA COUR,
M. [M] [T] est auteur, compositeur, interprète et écrivain. La société Éditions Adèle, dont le président est Mme [E] [T], le représente pour la conclusion et l'exécution des contrats se rattachant à son activité artistique.
La société Le Cherche Midi Éditeur est une société d'édition littéraire.
La société Le Cherche Midi Éditeur a conclu avec M. [M] [T] et la société Éditions Adèle les contrats d'édition suivants :
- le 16 janvier 2006 pour l'ouvrage « Le café du pont »,
- le 11 septembre 2007 pour l'ouvrage « Le [T] gourmand »,
- le 13 octobre 2008 pour l'ouvrage « A capella »,
- le 7 juillet 2011 pour l'ouvrage « Tous Toqués »,
- le 17 septembre 2012 pour l'ouvrage « Les poissons et moi »,
- le 15 novembre 2014 pour l'ouvrage « Mon Almanach »,
- et le 12 novembre 2015 pour l'ouvrage « Les Grandes Pointures de l'Histoire ».
La société Le Cherche Midi Editeur indique, sans être contredite, qu'elle n'exploite plus ces 'uvres.
Par courriel du 3 novembre 2016, la société Éditions Adèle a demandé à la société Le Cherche Midi Éditeur de lui communiquer les justificatifs comptables portant sur l'exploitation du livre « Les grandes pointures de l'Histoire ». Elle a émis le 21 novembre 2016 pour chacun des contrats d'édition des factures de redevances de droits d'auteur calculées sur la totalité des exemplaires fabriqués pour un montant total de 496 511,41 euros que la société Le Cherche Midi Éditeur a refusé de payer, les quantités facturées incluant des livres non vendus.
Par sept lettres du 25 novembre 2016, la société Éditions Adèle a posé des questions à l'éditeur sur l'exploitation de tous les livres. La société Le Cherche Midi Éditeur y a répondu le 20 décembre 2016. De nombreux échanges ont eu lieu entre les parties et des décomptes ont donné lieu à des paiements de l'éditeur en février, mars et mai 2017 portant sur l'indemnisation de pilons et la rémunération de l'auteur au titre des ventes directes et numériques.
C'est dans ce contexte par acte du 30 décembre 2019, M. [T] et la société Éditions Adèle ont fait assigner la société Le Cherche Midi Éditeur devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire.
Par ordonnance du 3 juin 2022, le juge de la mise en l'état a ordonné à la société Le Cherche Midi Éditeur de communiquer une attestation certifiée par expert-comptable portant sur le nombre de ventes numériques annuelles des ouvrages « A Cappella », « Les poissons et moi », « Mon Almanach » et « Les grandes pointures de l'histoire », dans le délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 3 mois, s'est réservé la liquidation de l'astreinte et a rejeté les autres demandes de communication de pièces.
Par jugement du 15 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. [T] et de la société Éditions Adèle de complément de rémunérations pour les ventes spéciales et les cessions de droit figurant dans les redditions de comptes antérieures au 30 décembre 2014 et les demandes fondées sur l'illicéité de la clause 6 b) des contrats conclus avant le 30 décembre 2014,
- débouté M. [T] et la société Éditions Adèle de l'ensemble de leurs demandes au titre des ventes spéciales et des cessions de droits,
- condamné la société Le Cherche Midi Éditeur à payer à M. [T] et la société Éditions Adèle la somme de 209,06 euros au titre de rémunération complémentaire des exploitations numériques,
- débouté M. [T] et la société Éditions Adèle de l'ensemble de leurs demandes au titre des inexécutions des contrats d'édition,
- condamné M. [T] et la société Éditions Adèle à payer à la société Le Cherche Midi Éditeur la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice,
- condamné M. [T] et la société Éditions Adèle à une amende civile de 2 500 euros,
- condamné M. [T] et la société Éditions Adèle aux dépens, qui pourront être directement recouvrés par Me Boissard dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné M. [T] et la société Éditions Adèle à payer à la société Le Cherche Midi Éditeur la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2024, la société Éditions Adèle et M. [T] demandent à la cour de :
Infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en date du 3 juin 2022 en ce qu'elle :
- rejette les autres demandes de communication de pièces,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- réserve les dépens,
Statuant à nouveau,
- enjoindre à la société Le Cherche Midi Éditeur de leur communiquer, sous astreinte de 500 euros passé un délai de quinze jours à compter du prononcé de la décision à intervenir :
- tous les contrats passés avec des tiers, les bons de commande et les relevés de ventes directes, à l'exception du contrat passé avec Univers Poche déjà communiqué, et ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Le Café du Pont »,
- tous les contrats passés avec des tiers à l'exception du contrat passé avec Le grand Livre du Mois déjà communiqué, les bons de commande et les relevés de ventes directes et ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Le [T] Gourmand »,
- tous les contrats passés avec des tiers, les bons de commande et les relevés de ventes directes et ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « A capella »,
- tous les contrats passés avec des tiers, les bons de commande et les relevés de ventes directes ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Tous toqués », ainsi que les factures manquantes relatives à l'exploitation confiée à ADL Partner,
- tous les contrats passés avec des tiers, les bons de commande et les relevés de ventes directes ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Les poissons et moi »,
- tous les contrats passés avec des tiers, les bons de commande et les relevés de ventes directes ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Mon almanach »,
- toutes les factures de l'imprimeur relatives aux tirages effectuées pour Univers Poche et ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Le café du pont »,
- toutes les factures de l'imprimeur relatives aux tirages effectuées pour Succès du Livre et ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « A Cappella » et toutes les redditions comptes effectuées par Libra Diffusio, Le Grand Livre du Mois et Succès du Livre,
- une attestation du commissaire aux comptes relative à l'exploitation numérique de l'ouvrage « Le Café du pont »,
- une attestation du commissaire aux comptes relative à l'exploitation numérique de l'ouvrage « Le [T] gourmand »,
- une attestation du commissaire aux comptes relative à l'exploitation numérique de l'ouvrage « Tous toqués »,
- Enjoindre à la société Le Cherche Midi Éditeur de communiquer à [M] [T] et la société Éditions Adèle, et ce sous astreinte de 500 euros passé un délai de quinze jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, pour chacun des sept ouvrages en cause :
- les factures nouveautés,
- les factures réassorts,
- les relevés de fin de mois reçus de la société Interforum, expressément visés à l'article 7b) des contrats d'édition (qui ne sont qu'au nombre de 12 par an) et qui lui ont permis d'établir les relevés de droits d'auteur qu'elle a adressés à la société Editions Adèle,
- se réserver la liquidation de l'astreinte,
Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date 15 septembre 2023, en ce qu'il :
- déclare irrecevables comme prescrites les demandes de M. [T] et de la société Éditions Adèle de complément de rémunérations pour les ventes spéciales et les cessions de droit figurant dans les redditions de comptes antérieures au 30 décembre 2014 et les demandes fondées sur l'illicéité de la clause 6 b) des contrats conclus avant le 30 décembre 2014,
- déboute M. [T] et la société Editions Adèle de l'ensemble de leurs demandes au titre des ventes spéciales et des cessions de droits,
- limite la condamnation de la société Le Cherche Midi Éditeur à payer à M. [T] et la société Éditions Adèle la somme de 209,06 euros au titre de rémunération complémentaire des exploitations numériques,
- déboute M. [T] et la société Editions Adèle de l'ensemble de leurs demandes au titre des inexécutions des contrats d'édition,
- condamne M. [T] et la société Editions Adèle à payer à la société Le Cherche Midi Éditeur la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit en justice,
- condamne M. [T] et la société Editions Adèle à une amende civile de 2 500 euros,
- condamne M. [T] et la société Editions Adèle aux dépens, qui pourront être directement recouvrés par Me Anne Boissard dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamne M. [T] et la société Editions Adèle à payer à la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonne l'exécution provisoire,
Statuant à nouveau :
- dire et juger que la société Le Cherche Midi Éditeur a manqué à ses obligations légales et contractuelles au titre de l'édition des ouvrages « Le café du Pont », « [T] gourmand », « A capella », « Tous Toqués », « Les poissons et moi », « Mon Almanach » et « Les Grandes Pointures de l'Histoire »,
S'agissant des « ventes spéciales » :
- dire et juger que les demandes de M. [T] et de la société Éditions Adèle à l'encontre de la société Le Cherche Midi Éditeur relatives aux « ventes spéciales » ayant pour objet les ouvrages « Le café du Pont », « [T] gourmand », « A capella », « Tous Toqués », « Les poissons et moi », « Mon Almanach » et « Les Grandes Pointures de l'Histoire » sont recevables et fondées,
- condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à régler à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre des « ventes spéciales » ayant pour objet l'ouvrage « Le [T] gourmand » la somme de 30 541,51 euros HT,
- condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à régler à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre des « ventes spéciales » ayant pour objet l'ouvrage « A cappella » la somme de 3 175,16 euros HT,
- condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à régler à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre des « ventes spéciales » ayant pour objet l'ouvrage « Tous toqués » la somme 16 797 euros HT,
S'agissant des « éditions spéciales/cessions de droits » :
- dire et juger que les demandes de M. [T] et de la société Éditions Adèle à l'encontre de la société Le Cherche Midi Éditeur relatives aux « cessions de droit » ayant pour objet les ouvrages « Le café du Pont », « [T] gourmand », « A capella », « Tous Toqués », « Les poissons et moi », « Mon Almanach » et « Les Grandes Pointures de l'Histoire » sont recevables et fondées,
S'agissant de l'édition spéciale de l'ouvrage « Le café du pont » par Univers Poche :
- à titre principal, en application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « Le café du pont » à Univers Poche effectuée sans autorisation préalable et écrite de l'auteur, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 209 917,89 euros,
- à titre subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « Le café du pont » par Univers Poche et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « Le café du pont » à Univers Poche, un complément de rémunération de 209 917,89 euros HT,
- à titre encore plus subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « Le café du pont » par Univers Poche et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « Le café du pont » à Univers Poche, un complément de rémunération de 86 077,71 euros HT,
S'agissant de l'édition spéciale de l'ouvrage « Le [T] gourmand » par Le Grand Livre du Mois :
- à titre principal, en application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « Le [T] gourmand » au Grand Livre du Mois effectuée sans autorisation préalable et écrite de l'auteur, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 15 257,17 euros,
- à titre subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « Le [T] gourmand » par Le Grand Livre du Mois et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de cette cession de droits, un complément de rémunération de 15 957,17 euros HT,
S'agissant de l'édition spéciale de l'ouvrage « A cappella » par Libra Diffusio :
- à titre principal, en application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle au titre de la cession de droits de l'ouvrage « A cappella » à Libra Diffusio effectuée sans autorisation préalable et écrite de l'auteur, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 2 371,69 euros,
- à titre subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « A cappella » par Libra Diffusio et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de cette cession de droits, un complément de rémunération de euros 2 371,69 HT,
S'agissant de l'édition spéciale de l'ouvrage « A cappella » par France Loisirs :
- à titre principal, en application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser M. [T] et à la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « A cappella » à France Loisirs effectuée sans autorisation préalable et écrite de l'auteur, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 45 739,68 euros,
- à titre subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « A cappella » par France Loisirs et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de cette cession de droits de l'ouvrage « A cappella », un complément de rémunération de 45 739,68 euros HT,
S'agissant de l'édition spéciale de l'ouvrage « A cappella » par Succès du Livre :
- à titre principal, en application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « A cappella » au Succès du Livre et effectuée sans autorisation préalable et écrite de l'auteur, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 18 851,80 euros,
- à titre subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « A cappella » par Succès du Livre et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de de la cession de droits de l'ouvrage « A cappella » au Succès du livre, un complément de rémunération de 18 851,80 euros HT,
S'agissant de l'édition spéciale de l'ouvrage « Les poissons et moi » par France Loisirs :
- à titre principal, en application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « Les poissons et moi » à France Loisirs effectuée sans autorisation préalable et écrite de l'auteur, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 1 832,51 euros,
- à titre subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « Les poissons et moi » par France Loisirs et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de cette cession de droits, un complément de rémunération de 1 832,51 euros HT,
S'agissant de l'édition spéciale de l'ouvrage « les grandes pointures de l'histoire » par J'ai Lu:
- à titre principal, en application de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « les grandes pointures de l'histoire » à J'ai Lu et non autorisée préalablement et par écrit par l'auteur, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 22 498, 98 euros,
- à titre subsidiaire, si par impossible, il était jugé que l'édition spéciale de l'ouvrage « les grandes pointures de l'histoire » par J'ai Lu et non autorisée préalablement par l'auteur n'est pas contrefaisante, condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de la cession de droits de l'ouvrage « les grandes pointures de l'histoire » à J'ai Lu, un complément de rémunération de 22 498,98 euros HT,
S'agissant des exploitations numériques non autorisées :
- condamner, en application des dispositions de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de l'exploitation numérique non autorisée de l'ouvrage « A cappella », une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 772,28 euros HT,
- condamner, en application des dispositions de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de l'exploitation numérique non autorisée de l'ouvrage « Les poissons et moi » non autorisée, à titre principal, une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 423,07 euros HT,
- condamner, en application des dispositions de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de l'exploitation numérique non autorisée de l'ouvrage « Mon almanach », une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 700,65 euros HT,
- condamner, en application des dispositions de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre de l'exploitation numérique non autorisée de l'ouvrage « Les grandes pointures de l'histoire », une indemnité forfaitaire qui ne saurait être inférieure à la somme de 2 025,41 euros,
S'agissant des exploitations à l'étranger et notamment au Canada :
- condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre des sept ouvrages en cause, la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice subi et résultant du défaut de reddition de compte concernant l'exploitation des sept ouvrages à l'étranger,
S'agissant des pilons sur stock et de la violation des dispositions de l'article 8 des contrats d'édition :
- dire et juger la société Éditions Adèle recevable et bien fondée à voir réparer l'intégralité - et non pas une partie - de son préjudice résultant des pilonnages de stock effectués en violation de l'article 8 des contrats d'édition,
- condamner en conséquence la société Le Cherche Midi Éditeur à régler à M. [T] et la société Éditions Adèle, au titre des sept ouvrages de M. [T], une indemnité d'un montant total de 54 057,87 euros,
S'agissant de la violation des articles 7b) des contrats d'édition, l'opacité des comptes sur la question des ouvrages qualifiés de « retours », l'exécution défectueuse du contrat de distribution et leurs conséquences sur la rémunération de l'auteur :
- dire et juger que les dispositions de l'article 7 b) des contrats d'édition sont claires et précises,
- dire et juger que les parties sont convenues que les retours prévisibles et acceptés ne pourraient excéder 5 % des exemplaires sortis (pour l'ouvrage « Le café du pont ») et 10 % des exemplaires mis à l'office (pour tous les autres ouvrages),
- dire et juger que la société Le Cherche Midi Éditeur n'a pas respecté ses obligations relevant des dispositions de l'article 7 b) des contrats d'édition,
- dire et juger que M. [M] [T] et la société Éditions Adèle ont subi un préjudice résultant de la violation par la société Le Cherche Midi Éditeur de ses obligations contractuelles relevant des dispositions claires et précises de l'article 7 b) des contrats d'édition dont ils sont bien fondés à demander réparation,
- dire et juger qu'un contrat, s'il n'oblige que les parties à raison de son effet relatif, crée à l'égard des tiers une situation juridique dont ils peuvent se prévaloir et qu'ils peuvent opposer aux contractants,
- dire et juger que M. [T] et la société Éditions Adèle sont fondés à se prévaloir de ce que la politique de retours mise 'uvre par la société Le Cherche Midi Éditeur au mépris des usages professionnels et des dispositions du contrat de distribution passé par la société Le Cherche Midi Éditeur et la société Interforum leur a causé un préjudice,
- dire et juger que M. [T] et la société Éditions Adèle sont juridiquement fondés à se prévaloir de l'exécution défectueuse du contrat de distribution qu'a passé la société Le Cherche Midi Éditeur avec la société Interforum, nonobstant leur qualité de tiers au contrat de distribution, dans la mesure où cette exécutions défectueuse leur cause indéniablement un dommage,
- dire et juger qu'en acceptant le retour d'ouvrages en méconnaissance des stipulations du contrat de distribution déterminant les conditions dans lesquelles la vente prend un caractère ferme et définitif, la société Le Cherche Midi Éditeur cause nécessairement un dommage à l'auteur privé des redevances auxquelles il peut prétendre sur les ouvrages effectivement vendus, dommage dont il est bien fondé à demander réparation,
- condamner en conséquence la société Le Cherche Midi Éditeur à régler à M. [T] et la société Éditions Adèle, à titre de réparation de son préjudice résultant de la violation des articles 7 b) des contrats d'édition, les sommes suivantes :
- 9 681,56 euros HT, au titre de l'ouvrage « Le café du pont »,
- 22 580,23 euros HT, au titre de l'ouvrage « Le [T] gourmand »,
- 78 333,45 euros HT, au titre de l'ouvrage « A cappella »,
- 28 534,80 euros HT, au titre de l'ouvrage « Tous toqués »,
- 21 271,64 euros HT, au titre de l'ouvrage « Les poissons et moi »,
- 25 989,26 euros HT, au titre de l'ouvrage « Mon almanach »,
- 33 460,08 euros HT, au titre de l'ouvrage « Les grandes pointures de l'histoire »,
- condamner en conséquence la société Le Cherche Midi Éditeur à régler à M. [T] et la société Éditions Adèle, à titre de réparation de son préjudice résultant de l'exécution défectueuse par la société Le Cherche Midi Éditeur du contrat de distribution, les sommes suivantes :
- 454,06 euros HT, au titre de l'ouvrage « Le café du pont »,
- 13 126,68 euros HT, au titre de l'ouvrage « Le [T] gourmand »,
- 20 937,57 euros HT, au titre de l'ouvrage « A cappella »,
- 11 124,78 euros HT, au titre de l'ouvrage « Tous toqués »,
- 5 487,06 euros HT, au titre de l'ouvrage « Les poissons et moi »,
- 9 706,68 euros HT, au titre de l'ouvrage « Mon almanach »,
- 7 868,79 euros HT, au titre de l'ouvrage « Les grandes pointures de l'histoire »,
- débouter la société Le Cherche Midi Éditeur de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à chacun des appelants, au titre de la procédure de première instance, la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à verser à chacun des appelants, au titre de la procédure d'appel, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Martinet de Douhet, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2024 avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, la société Le Cherche Midi Éditeur demande à la cour de :
- débouter M. [T] et les Éditions Adèle de leur appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Ce faisant,
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 3 juin 2022 et le jugement du 15 septembre 2023 en toutes leurs dispositions,
Y ajoutant,
- condamner solidairement M. [M] [T] et les Éditions Adèle à payer à la société Le Cherche Midi Éditeur une indemnité supplémentaire de 18 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux entiers dépens d'appel.
SUR CE,
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur les demandes de compléments de rémunération sur les ventes spéciales de l'édition courante
Les appelants sollicitent, à compter de 2007, des régularisations au titre des ventes directes, qu'ils intitulent ventes spéciales, à savoir les ventes de l'édition courante des ouvrages hors librairies.
Ils font valoir que la rémunération de l'auteur a été calculée sur la base de l'article 6b des contrats d'édition qui prévoit en cas d'exploitation par un tiers la perception par l'auteur de 50 % des sommes nettes de tous frais et taxes encaissées alors qu'elle aurait dû être basée sur l'article 6a des contrats d'édition qui fixe une rémunération proportionnelle sur la base du prix de vente public hors taxe. Ils indiquent que dans le cadre de litiges avec leur précédent éditeur, la société Robert Lafont, il a été jugé que l'article 6b, qui était rédigé de manière similaire, est illicite et nul en ce qu'il n'est pas conforme à l'article L.131-4 du code de la propriété intellectuelle car la rémunération prévue n'est pas proportionnelle aux recettes et n'est pas calculée par référence au prix de vente public.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes
La société Le Cherche Midi Editeur fait valoir que les appelants sont irrecevables à contester les calculs de l'éditeur pour les ventes spéciales en vertu de la prescription quinquennale. Selon elle, les appelants sont mal fondés à prétendre qu'ils avaient ignoré la distinction entre les ventes spéciales et les éditions spéciales jusqu'en décembre 2016 alors qu'elle apparaissait depuis l'origine dans les relevés.
L'éditeur affirme qu'il n'avait pas à fournir de justifications propres à établir l'exactitude des comptes. Il ajoute que le fait d'avoir reconnu des erreurs n'a pas d'effet sur la prescription dès lors que celles-ci étaient décelables et que s'il a envisagé des régularisations, c'est à la suite de la découverte des décisions de justice dans le contentieux opposant les appelants à la société Editions Robert Laffont. Il fait valoir qu'il s'est toujours prévalu de la prescription en acceptant un droit à la régularisation sur les ventes directes non atteintes par la prescription en 2017. Il indique qu'il n'y a jamais eu de reconnaissance de responsabilité interruptive d'un délai de prescription dans les conditions de l'article 2240 du code civil et qu'il n'a pas pris l'engagement de se conformer à quoi que ce soit. Selon lui, le prétendu aveu judiciaire est insusceptible d'avoir eu un effet interruptif et l'aveu ne peut être divisé contre son auteur et donc étendu d'un droit à un autre.
Les appelants répondent que rien ne distinguaient dans les redditions de compte les ventes spéciales, confiées à des tiers, points de vente spécialisés, des éditions spéciales qui constituent des cessions de droit portant sur une fabrication spéciale. Ils indiquent que la société Editions Adèle n'a eu connaissance des éléments utiles lui permettant de calculer sa créance relative à ces ventes qu'à compter de la lettre de l'éditeur du 20 décembre 2016, point de départ de la prescription. Ils font valoir que la prescription quinquennale n'est pas applicable aux créances qui dépendent d'éléments justificatifs qui ne sont pas connus du créancier et que la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition jusqu'à que la condition arrive. Selon eux, la créance dépendait d'une reddition de compte explicite et transparente et les éléments justificatifs n'étaient pas connus, si bien que la prescription ne peut leur être opposée.
Ils soutiennent que la société Le Cherche Midi Editeur a reconnu sa mauvaise application des contrats d'éditions dans ses lettres du 20 décembre 2016 et dans le cadre d'un aveu judiciaire devant le premier juge.
L'article 2224 du code civil, applicable depuis le 17 juin 2008, dispose que 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.' Auparavant, l'article 2277 du code civil s'appliquait aux créances de droit d'auteur et prévoyait aussi une prescription quinquennale.
Les appelants sont mal fondés à soutenir que les redditions de compte ne leur permettaient pas d'exercer leurs droits alors qu'elles mentionnaient d'une part les ventes aux libraires et d'autre part les ventes directes de l'éditeur (intitulées « exemplaires vendus directement par l'éditeur » ou « ventes directes ») avec l'indication de l'acheteur et la rémunération applicable à ces ventes, si bien qu'ils disposaient des éléments nécessaires pour vérifier ces éléments et, le cas échéant, demander des justificatifs, ce dont ils se sont abstenus jusqu'en novembre 2016.
Dans sa lettre du 20 décembre 2016, l'éditeur s'est contenté de reprendre l'ensemble des ventes spéciales qui figuraient sur les différents relevés de compte et dont avaient donc eu connaissance auparavant M. [T] et la société Editions Adèle.
Il s'ensuit que les éléments permettant de vérifier et contester la rémunération étaient connus de l'auteur et de la société Editions Adèle.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelants, dans sa lettre du 12 janvier 2017, l'éditeur n'a pas « reconnu des différences de chiffres » mais rappelé que les chiffres du diffuseur qu'il communiquait ne portaient pas sur les ventes spéciales qui ne transitaient pas par la société Interforum. Il ne s'est pas engagé à régulariser l'ensemble des ventes puisque sa lettre du 20 décembre 2016 se borne à indiquer en proposant une réunion : « si nos explications ne vous satisfont pas, nous nous efforcerons de trouver des solutions constructives (en convenant d'éventuelles régularisations à effectuer si elles apparaissent justifiées) ».
Dans ses lettres du 20 février 2017, portant sur chaque contrat, l'éditeur a procédé à la régularisation de certaines ventes spéciales, ayant pris connaissance des décisions de justice dans le contentieux ayant opposé les appelants à leur précédent éditeur.
Il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 8 novembre 2012 que les appelants contestaient déjà l'application aux ventes spéciales d'une stipulation contractuelle rédigée de manière identique à l'article 6b des contrats d'édition en cause, si bien qu'ils ne peuvent soutenir qu'ils n'ont découvert l'application erronée de cette disposition qu'en décembre 2016.
En outre, l'éditeur n'a jamais reconnu le bien-fondé des demandes des appelants, ayant notamment toujours opposé la prescription quinquennale dans ses échanges avec les appelants, y compris en première instance, si bien qu'aucune cause interruptive de prescription n'est caractérisée, pas plus qu'un aveu judiciaire.
Le fait que l'éditeur ait régularisé les ventes directes de trois exemplaires vendus en 2008 et un en 2014 s'explique par le fait qu'elles ne figuraient pas sur les redditions de compte. Le seul complément de rémunération pour des ventes de l'ouvrage « Des poissons et moi » qui figuraient sur les relevés en 2011 et 2012 ne s'analyse pas plus en une reconnaissance ou en un accord de l'éditeur.
Il s'ensuit que les demandes de compléments de rémunérations pour les ventes spéciales portant sur des ventes explicitement et clairement mentionnées dans les redditions de comptes antérieures au 30 décembre 2014, soit cinq années avant l'assignation, sont prescrites.
Sur les demandes en paiement
La cour constate qu'aucune demande n'est plus formée à hauteur d'appel au titre des ouvrages « Le café du pont » et « Mon Almanach ».
- Concernant l'ouvrage « Le [T] Gourmand », il est demandé une régularisation sur la vente de 1 700 exemplaires à ADL Partenaire qui n'apparait pas d'après M. [T] et la société Editions Adèle sur les relevés de droits.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, concernant cette vente, le montant des exemplaires et la part auteur figurent sur le relevé des ventes directes pour l'année 2007. Cette demande est donc prescrite.
Il en est de même des demandes portant sur les exemplaires vendus à Art Galery qui sont mentionnés sur le relevé de l'éditeur du 8 juin 2009 et à France Loisirs indiqués sur le relevé de 2008.
- Concernant l'ouvrage « A capella », les relevés pour les années 2008 et 2009 détaillent les ventes directes à ADL Partner et la demande est prescrite.
- Concernant l'ouvrage « Tous toqués », le relevé pour l'année 2010 mentionne la vente à ADL Partner et celui pour 2011 celle à Art Galery France. Les demandes sont aussi prescrites.
Les appelants prétendent que 3 545 exemplaires ont été vendus à ADL Partner en 2015 et 2016 au lieu des 1 345 exemplaires qui ont donné lieu à rémunération de l'auteur.
Il résultent des factures produites par l'éditeur que les commandes d'ADL Partner ont été annulées, générant des avoirs au bénéfice de ce dernier, si bien que le nombre d'exemplaires portés initialement sur ces commandes ne doit pas être pris en compte.
Les appelants contestent vainement l'authenticité des avoirs, qui auraient été fabriqués par l'éditeur pour les besoins de la cause, s'agissant de ventes fermes sans possibilité d'annulation.
En effet, aucun élément ne permet de remettre en cause les factures produites par l'éditeur qui est libre d'accepter des annulations de commande.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les demandes au titre de la contrefaçon et de la rémunération complémentaire sur les cessions à des éditeurs (format club ou de poche)
M. [T] et la société Editions Adèle soutiennent que les cessions de droit, dites éditions spéciales, consenties par la société Le Cherche Midi Editeur à des sous éditeurs constituent des contrefaçons de droit d'auteur en l'absence d'accord de l'auteur à ces cessions. A titre subsidiaire, ils sollicitent une rémunération complémentaire sur la base de l'article 6a des contrats en raison de l'illicéité de la clause 6b.
L'éditeur répond que les relevés de compte mentionnent l'existence des cessions à des droits et que les demandes sont prescrites.
Sur la prescription
La société Le Cherche Midi Editeur oppose la prescription au motif que les appelants ont eu connaissance des cessions de droits au plus tard à réception des redditions de compte les mentionnant et n'ont pas agi dans les cinq ans de ces redditions.
Les appelants soutiennent que la prescription n'est pas acquise.
- Au titre des demandes formées sur la contrefaçon de droit d'auteur
M. [T] et la société Editions Adèle indiquent que les redditions de comptes ne leur permettaient pas de déterminer quelles exploitations effectuées par des tiers, hors de l'édition principale, constituaient des cessions de droit et que le 20 décembre 2016, l'éditeur a communiqué pour la première fois les contrats relatifs aux éditions spéciales permettant de vérifier la sincérité des chiffres portés sur les relevés de droits, la durée des droits cédés à des tiers et leur étendue.
Selon eux, ils ont découvert à cette date que les éditions spéciales étaient l'objet de contrats de cession de droits, qui ne leur ont jamais été soumis pour autorisation préalable et écrite. Ils affirment que les contrats de cession comportaient des déclarations mensongères de l'éditeur et que certains ne mentionnaient, en violation de la loi, aucun chiffre de tirage et prévoyaient des exploitations au-delà des délais accordés par l'auteur à l'éditeur.
Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, entrée en vigueur le 19 juin 2008, la prescription décennale de l'article 2270-1 du code civil était applicable à l'action en contrefaçon. Cet article disposait que « Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ».
Aux termes du nouvel article 2224 du code civil, qui s'applique à l'action en réparation des atteintes portées aux droits de l'auteur, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
L'article 26-II de la loi susvisée prévoit que les dispositions sur la réduction de la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Aux termes de l'article 3 a) des contrats d'édition, le droit de reproduction s'étend aux 'éditions au format de poche, en édition club ou illustrée, mais ce sous réserve de recueillir au préalable l'assentiment écrit de l'auteur'.
Les redditions de compte font apparaître des « cessions de droit » avec le nom du cessionnaire, la date de la facture et la calcul de la rémunération de l'auteur. Il s'ensuit qu'à la date des redditions de compte, l'auteur et la société Editions Adèle avaient connaissance d'une cession de droits qu'ils pouvaient contester en invoquant une absence d'accord et sur laquelle ils pouvaient solliciter des précisions, notamment en demandant à l'éditeur de communiquer le contrat de cession. Les appelants sont donc mal fondés à soutenir qu'ils n'ont eu connaissance des cessions de droit qu'à communication des contrats par l'éditeur.
Aucune stipulation contractuelle ou disposition législative n'imposait la communication par l'éditeur des contrats de cession à l'auteur, ni que le nombre de tirages soit mentionné et s'agissant de la cession des droits au-delà du périmètre du contrat d'édition, les relevés de compte permettaient aussi d'avoir connaissance de cette exploitation, étant relevé que la société Editions Adèle continuait à facturer des droits d'auteur une fois le contrat d'édition expiré.
De plus, si la société Le Cherche Midi Editeur a indiqué dans ses conclusions de première instance avoir « à la toute fin de l'année 2016 (') réalisé que les services royalties avaient parfois mal compris, et donc mal appliqué, certaines clauses des contrats », cette phrase porte sur l'application de l'article 6b à la rémunération de l'auteur relative aux cessions de droit et non sur la contrefaçon alléguée.
En conséquence, le point de départ de la prescription quinquennale court à compter de la date des relevés de compte mentionnant la cession.
- Au titre des demandes subsidiaires de rémunération complémentaire
Selon les appelants, dans ses lettres du 20 février 2017, la société Le Cherche Midi Éditeur a reconnu que les contrats en cause devaient être expurgés des stipulations irrégulières de l'article 6 b), ayant mentionné dans sa lettre en date du 20 décembre 2016 un droit à « régularisation » de la société Éditions Adèle, ce qu'elle a confirmé le 3 juillet 2020, devant le premier juge, dans le cadre d'un aveu judiciaire, en déclarant expressément avoir « pris sur elle « à la toute fin de l'année 2016 » de tirer immédiatement les enseignements» « des décisions rendues dans les contentieux qui opposaient alors Monsieur [T] et les Editions Adèle à la maison Robert Laffont » et en conséquence « la décision de s'aligner» et de « se conformer aux décisions de justice » rendues, ce qu'elle confirme encore en écrivant avoir prétendument « d'elle-même corrigé les imperfections de cet article 6 b) » (ses conclusions du 15 octobre 2024, p.41, § 1).
Ils ajoutent que l'assignation date de moins de cinq ans à compter de l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2018 qui constitue le jour où a été définitivement établie l'illicéité de la clause 6 b des contrats d'édition Robert Laffont et de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 10 décembre 2019 qui constitue le jour où la société Editions Adèle a connu de la manière dont les rémunérations dues à l'auteur, au titre des cessions de droit, devaient être recalculées à l'aune des contrats expurgés des stipulations de l'article 6 b).
A l'instar des contestations relatives aux ventes spéciales, la cour relève que la société Le Cherche Midi Editeur a toujours opposé la prescription des demandes portant sur les éditions spéciales. Aucun accord de « régularisation » entre les parties n'a été conclu et aucun aveu judiciaire n'est caractérisé.
Par ailleurs, dans leur contentieux contre leur précédent éditeur, initié en décembre 2008, M. [T] et la société Editions Adèle soulevaient déjà l'illicéité d'une clause identique des contrats d'édition et dès le 8 novembre 2012, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que celle clause n'était pas conforme à l'article L.131-4 du code de la propriété intellectuelle, si bien que les appelants ne peuvent sérieusement se prévaloir de l'arrêt de la Cour de cassation de 2018, qui ne statuait pas définitivement sur ce point, ou de la cour d'appel de Versailles de 2019 comme point de départ de la prescription. D'ailleurs, nonobstant la contestation de la validité de cette clause par les appelants, celle-ci a pourtant été maintenue dans les contrats conclus après le début du précédent contentieux, sans que jamais sa mise en 'uvre ne soit contestée par M. [T] et la société Editions Adèle. Il a justement été relevé par le premier juge que dans le cadre du précédent contentieux, les appelants mentionnaient dans leurs écritures que l'irrégularité de cette clause avait été découverte le 19 février 2004 et que le principe du calcul de la rémunération de l'auteur en fonction du prix de vente au public avait été posé dès 1984 par la Cour de cassation.
En conséquence, la prescription trouve à s'appliquer et son point de départ doit être fixé à la date des relevés de compte mentionnant explicitement et clairement les cessions de droit.
Sur les demandes
- Concernant l'ouvrage « Le café du pont »
M. [T] et la société Editions Adèle soutiennent que la cession de droits à la société Univers Poche n'a pas été autorisée préalablement et par écrit, qu'elle est donc contrefaisante et qu'elle a été autorisée pour une durée de 10 ans, supérieure à la durée du contrat d'édition qui expirait le 11 janvier 2011.
Cette cession de droits résulte d'un accord signé entre l'éditeur et la société Univers Poche le 31 août 2006 et l'ouvrage n'a plus été commercialisé à compter de la fin de l'année 2013.
Or, cette cession est mentionnée sur le relevé de l'éditeur du 10 mai 2007 intitulé « relevé des cessions de droit » pour l'année 2006 qui mentionne la date, le numéro de facture, le nom de la société Univers Poche, le montant de l'a valoir garanti et le calcul de la rémunération de l'auteur sur la base de 50%, soit de l'article 6b du contrat.
Il s'ensuit que M. [T] et la société Editions Adèle ont eu connaissance de cette cession de droits le 10 mai 2007 et étaient en mesure à cette date d'exercer leurs droits en réparation des atteintes invoquées.
Ainsi, à la date de l'assignation, la demande était prescrite. Il en est de même de la demande subsidiaire au titre du complément de rémunération calculé selon les dispositions de l'article 6a du contrat d'édition.
- Concernant l'ouvrage « Le [T] Gourmand »
Les appelants font valoir que la cession de droits de l'ouvrage « Le [T] gourmand » au Grand Livre du Mois effectuée suivant contrat du 5 octobre 2007 et avenant du 10 décembre 2007 sans autorisation préalable et écrite de l'auteur constitue une contrefaçon.
Or, cette cession figure sur le relevé des cessions de droits du 6 mars 2008 qui comporte la date, le numéro de la facture et indique que la part auteur porte sur un tiers de l'a valoir à signature pour 1 500 exemplaire et le taux de rémunération ainsi que sur le relevé de compte du 8 juin 2009 portant sur l'année 2008 avec la mention « cession ».
Il s'ensuit qu'au 6 mars 2008, M. [T] et la société Editions Adèle disposaient des informations suffisantes pour faire valoir leurs droits tant au titre de la contrefaçon que du taux de rémunération applicable et qu'au jour de l'assignation, les demandes étaient prescrites.
- Concernant l'ouvrage « A cappella »
Les appelants incriminent au titre de la contrefaçon la cession de droits d'auteur, sans l'autorisation de l'auteur, à la société Editions Libra Diffusio par contrat du 10 novembre 2008, à la société Le Grand Livre du mois par contrat du 7 octobre 2008 et à la société Le Succès du livre le 12 mars 2009.
Le relevé de droits d'auteur pour l'année 2010 daté du 15 juin 2010 indique une « cession » à la société Libra Diffusion pour 700 exemplaires. Cette mention est reproduite sur le relevé des cessions de droit. Ces documents précisent les quantités et le calcul de la rémunération.
Le relevé de droits d'auteur pour l'année 2008 en date du 8 juin 2009 fait apparaitre à titre de cession les exemplaires sous édités par le Grand livre du mois et comprend les quantités et le calcul des droits d'auteur.
Le relevé de droits d'auteur pour l'année 2009 en date du 15 mars 2010 comprend à titre de « cession » au Succès du livre la mention de 5 000 exemplaires et la rémunération sur la base de 50%, renvoyant ainsi à l'article 6 b du contrat.
Il s'ensuit que les demandes principales et subsidiaires sont aussi prescrites.
- Concernant l'ouvrage « Les poissons et moi »
M. [T] et la société Editions Adèle affirment que l'édition et l'exploitation de l'ouvrage par la société France loisirs suivant contrat du 25 août 2011 est contrefaisante.
Or, cette cession est mentionnée dans le relevé pour l'année 2012 daté du 11 avril 2013. Sont indiqués le nombre d'exemplaires et le taux applicable de 50% pour la rémunération de l'auteur.
La demande était donc prescrite au 11 avril 2018.
- Concernant l'ouvrage « les grandes pointures de l'histoire »
Les appelants soutiennent que la cession des droits à la société J'ai lu par contrat du 15 juillet 2016 sans l'accord de M. [T] constitue une contrefaçon de ses droits d'auteur.
L'éditeur répond que M. [T] et la société Editions Adèle ont autorisé cette cession de droit et qu'en tout état de cause, la société J'ai lu a renoncé à cette sous-édition.
Ces demandes ne sont pas prescrites puisque cette cession est mentionnée pour la première fois sur la lettre du 20 décembre 2016 de l'éditeur à laquelle est jointe le contrat de cession.
Par SMS du 11 juillet 2016, Mme [T], représentante légale de la société Editions Adèle, a écrit à M. [B], alors directeur de la société Le Cherche Midi Editeur, 'pour J'ai lu, je ne résiste pas donc c'est OK mais indique moi le tirage de la mise en place et ce qui revient à [M]'. Suite à cet échange, l'éditeur a conclu le contrat de sous édition, M. [B] ayant indiqué dans le SMS qu'il allait lui être répondu.
Par lettre du 20 décembre 2016, suite à des demandes d'information de Mme [T], celle-ci a été informée que le contrat de cession de droits avec la société J'ai lu avait été signé le 15 juillet 2016 et que l'a valoir prévu s'élevait à 7 500 euros pour l'auteur et figurerait dans le relevé du second semestre 2016.
Sur le relevé du 20 avril 2017 portant sur le second semestre 2016 sous la rubrique « droits secondaires » est indiquée avec la mention « cession » la somme de 7 500 euros correspondant à 50% de l'a valoir versé.
L'éditeur a adressé à Mme [T] un courriel le 4 septembre 2017 lui indiquant que la version poche sortirait le 10 octobre et trois propositions de couvertures. Par courriel du 7 septembre 2017, l'éditeur lui a écrit que les éditions J'ai lu affirmaient qu'elle refusait de valider le projet de couverture au motif que l'exploitation n'avait pas été autorisée et que si ce refus était confirmé, le contrat de sous édition sera résilié et l'a valoir devrait être restitué. Par lettre du 19 septembre 2017, Mme [T] a répondu que les Editions Adèle et M. [T] n'avaient pas de rapport contractuel avec les Editions J'ai lu et qu'elle n'avait donné aucune directive ni dans un sens, ni dans l'autre à cet éditeur.
Il résulte des relevés de droit d'auteur adressés par la société J'ai Lu à l'intimée pour l'année 2020 qu'aucun exemplaire de l'ouvrage n'a été publié et qu'elle a renoncé à la publication puisqu'elle a refacturé à la société Le Cherche Midi Editeur l'a valoir de 15 000 qu'elle lui avait versé en 2016. Il sera relevé que l'a valoir de 7 500 euros a cependant été conservé par M. [T].
Il résulte du SMS du 11 juillet 2016 que l'assentiment préalable écrit de l'auteur à l'édition en format de poche, exigé par l'article 3.1a du contrat, a été recueilli par l'éditeur.
En effet, d'une part, si Mme [T] a soutenu dans ses échanges avec la société Le Cherche Midi Editeur que ce SMS devait être interprété par rapport aux précédents et aux suivants, force est de constater que les appelants ne produisent aucune pièce ne nature à infirmer le sens de ce SMS alors qu'il résulte du constat d'huissier portant sur les conversations entre Mme [T] et M. [B] figurant sur le portable de celui-ci et qui se suivent qu'aucun autre message n'a été adressé venant contredire ou infirmer l'accord.
Par ailleurs, aucune disposition du contrat d'édition n'impose que l'accord soit conditionné au nombre du tirage et à la mise en place qui relèvent des prérogatives exclusives de l'éditeur. De plus, la rémunération de l'auteur pour ces sous éditions était prévue dans le contrat à l'article 6b et aucune contestation n'a été émise quant à cette sous édition suite au relevé de compte du 20 avril 2017.
D'autre part, les appelants sont mal fondés à soutenir que la cession de droits nécessitait l'accord de M. [T] et non de la gérante de la société Editions Adèle alors que l'article 9 du contrat d'édition stipule que son exécution en ce qui concerne la mise en place des droits patrimoniaux et l'éventuelle extension à d'autres cessions de droits est assurée la société Editions Adèle, l'exception au terme de laquelle l'auteur devra confirmer toute nouvelle exploitation non nommément visée ne s'appliquant pas à une cession portant sur une édition de poche prévue dans le contrat.
Le jugement sera donc confirmé, sauf en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes fondées sur l'illicéité de la clause 6, b) des contrats conclus avant le 30 décembre 2014 en l'absence de demande des appelants tendant à prononcer la nullité par voie d'exception.
Sur l'exploitation numérique des 'uvres
Se fondant sur les dispositions de l'article L. 132-17-1 du code de la propriété intellectuelle, M. [T] et la société Editions Adèle font valoir que l'éditeur a commis des actes de contrefaçon en raison de l'exploitation numérique des 'uvres en l'absence de détermination dans les contrats d'édition des conditions relatives à la cession des droits d'exploitation. Ils indiquent qu'aucune des redditions de compte n'a informé l'auteur des exploitations sous forme numérique qui ont été révélées par l'éditeur le 18 novembre 2016 et sollicitent une indemnisation forfaitaire pour l'exploitation contrefaisante de chacun des ouvrages « A cappella », « Les poissons et moi », « Mon almanach » et « Les grandes pointures de l'histoire».
La société Le Cherche Midi Éditeur répond que les contrats d'édition autorisaient l'exploitation des 'uvres dans le cadre du commerce électronique, que celui portant sur « les grandes pointures de l'histoire » prévoyait une rémunération spécifique et que rien ne permet aux appelants d'accaparer 100% des recettes brutes de ces exploitations.
Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
L'article L 335-2 du même code dispose que « Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une 'uvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi ».
Les contrats d'édition des ouvrages « A cappella », « Les poissons et moi », « Mon almanach» et « les grandes pointures de l'histoire » prévoient, en leur article 1, que « en cas d'exploitation de l''uvre dans le cadre du commerce électronique, les parties aux présentes se concerteront à ce sujet pour arrêter au préalable notamment les conditions de diffusion et financières ».
L'article L.132-17-1 du code de la propriété intellectuelle, crée par l'article 8 de l'ordonnance no 2014-1348 du 12 novembre 2014 modifiant les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition, qui est entré en vigueur le 1er décembre 2014, dispose que : « Lorsque le contrat d'édition a pour objet l'édition d'un livre à la fois sous une forme imprimée et sous une forme numérique, les conditions relatives à la cession des droits d'exploitation sous une forme numérique sont déterminées dans une partie distincte du contrat à peine de nullité de la cession de ces droits ». L'article 10 de l'ordonnance prévoit que les contrats d'édition conclus avant le 1er décembre 2014 doivent être mis en conformité avec l'article L. 132-17-1 du code de la propriété intellectuelle.
Les contrats conclus avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions n'ont pas été complétés pour être en conformité avec l'article L 132-17-1 du code de la propriété intellectuelle , ne comportant aucune partie distincte fixant les conditions applicables aux cessions des droits d'exploitation et ne prévoyant pas de rémunération spécifique pour l'exploitation numérique des ouvrages. S'agissant du seul contrat conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance portant sur l'ouvrage « Les grandes pointures de l'histoire », la seule mention manuscrite du pourcentage de 20% ajoutée par l'éditeur après la signature du contrat par l'auteur et non contresignée par lui ne respecte pas les dispositions de l'article L.132-17-1 du code de la propriété intellectuelle. Il s'ensuit qu'à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle législation, la cession du droit d'exploitation sous forme numérique est nulle pour chacun des ouvrages qui ont été exploités sous cette forme. Cette exploitation a donc été réalisée en violation des droits d'auteur, ce qui constitue une contrefaçon.
En revanche, avant l'entrée en vigueur du nouvel article L.132-17-1 du code de la propriété intellectuelle, les exploitations numériques réalisées ne sont pas contrefaisantes puisque cette exploitation était prévue par les contrats d'édition et que l'absence d'accord sur la rémunération de l'auteur n'était pas de nature à affecter la validité des contrats.
Ainsi, les exploitations numériques contrefaisantes s'élèvent :
- à 11 pour l'ouvrage « A Capella », vendu au prix public de 12,31 euros,
- à 8 pour l'ouvrage des « Des poissons et moi », vendu au prix public de 12,99 euros,
- à 35 pour l'ouvrage « Mon Almanach » vendu au prix public de 20,99 euros,
-à 116 pour « Les grandes pointures de l'histoire » vendu au prix public de 17,79 euros, soit un total de 170 exploitations contrefaisantes au total.
L'éditeur s'est acquitté pour les exploitations numériques des paiements respectifs de 103,42 euros, 76,34 euros, 125,35 euros et 393,19 euros.
Aux termes de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Le préjudice total sera justement indemnisé par l'allocation de 3 400 euros, soit 20 euros par exploitation contrefaisante et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les manquements contractuels imputés à la société Le Cherche Midi Editeur
- Sur les redditions de comptes des exploitations à l'étranger et le défaut d'exploitation permanente et suivie des livres à l'étranger
M. [T] et la société Editions Adèle indiquent qu'aucune reddition de comptes ne mentionne l'exploitation des ouvrages hors de France, ce qui traduit un manquement de l'éditeur à son obligation d'exploitation permanente et suivie. Selon eux, la société Le Cherche Midi Editeur ne rapporte pas la moindre preuve de l'exploitation des ouvrages à l'étranger, faute de justificatif alors que les chiffres de vente en librairie qui apparaissaient sur les redditions de compte ne peuvent inclure les ventes à l'export puisque certaines exploitations ne sont pas effectuées en euros. Ils ajoutent que la société Interforum ne peut être en charge des ventes à l'étranger alors que leur précédent éditeur, la société Éditions Robert Laffont, filiale du groupe Editis, comme la société Le Cherche Midi Editeur, ne confiait pas sa diffusion à la société Interforum.
La société Le Cherche Midi Éditeur répond que les ventes à l'étranger n'avaient pas à faire l'objet d'une mention spécifique dans les redditions de comptes et que la société Interforum « s'est s'occupée » des ventes hors de France.
Aux termes des contrats d'édition en cause, l'auteur a cédé à l'éditeur les droits d'exploitation en langue française des livres pour la Principauté de [Localité 7], la Suisse, la Belgique et le Canada francophone.
Aucune disposition légale et aucune stipulation des contrats d'édition ne prévoient une reddition de compte spécifique pour les ouvrages vendus à l'étranger, si bien qu'aucune inexécution de l'éditeur n'est établie du fait de l'absence de reddition portant exclusivement sur l'exploitation des livres à l'étranger.
Suite aux questions posées par la société Editions Adèle, l'éditeur a indiqué dans ses lettres du 20 février 2017 les quantités vendues à l'étranger pour chaque ouvrage, si bien qu'il ne peut lui être reproché ne pas avoir exploité les ouvrages à l'étranger et le grief de défaut d'exploitation permanente et suivie ne peut prospérer.
La situation en cause n'est pas comparable avec celle concernant la société Editions Robert Laffont puisqu'il résulte des décisions de justice produites que cet éditeur avait des filiales à l'étranger.
Par ailleurs, le contrat de distribution entre la société Le Cherche Midi Editeur et la société Interforum mentionne l'existence de sous-traitants du distributeur dans les pays francophones (article IV-1 du contrat), ce qui démontre que par leur biais, il a assuré la diffusion et la vente des livres à l'étranger.
La Cour observe que l'éditeur a fourni aux appelants les informations sur les ventes à l'étranger quand ils en ont fait la demande, étant observé que dans le cadre de leur demande de production de pièces devant le juge de la mise en état, ils n'ont pas sollicité la communication d'éléments spécifiques portant sur l'exploitation des livres à l'étranger.
En l'absence de faute de l'éditeur et de démonstration d'un préjudice, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de dommages et intérêts.
- Sur le non-respect de l'article 8 des contrats relatif aux pilonnages
L'article 8 des contrats d'édition stipule que :
« a) Si, à quelque moment que ce soit, l'Editeur détient en magasin un stock de l''uvre plus important qu'il ne le juge nécessaire pour satisfaire les commandes, il aura le droit sans que le contrat soit pour autant résilié, de pilonner ou solder une partie de ce stock.
L'Auteur qui sera informé de tout pilonnage partiel d'exemplaires de l''uvre au moins deux mois à l'avance disposera d'un délai d'un mois pour faire connaître à l'Editeur sa décision de racheter, au coût de la fabrication, tout ou partie du stock que l'Editeur entend pilonner ou solder ; en cas de pilonnage, un certificat attestant de la destruction des exemplaires sera tenu à la disposition de l'Auteur.
L'Auteur pourra racheter tout ou partie du stock au prix de revient tel que celui-ci ressort de la comptabilité de l'Editeur ».
b) Dans le cas où l'Editeur envisagerait de pilonner ou de solder la totalité du stock, il devrait en avoir averti l'Auteur par lettre recommandée avec accusé de réception.
L'Auteur aura la faculté, dans le mois suivant cette notification, de racheter tout ou partie du stock au prix de revient tel que celui-ci ressort de la comptabilité de l'Editeur».
Les parties s'accordent sur le pilonnage sans information de l'auteur de :
- 595 exemplaires de l'ouvrage « Le café du pont »,
- 22 exemplaires de celui « Le [T] gourmand »,
- 8 147 exemplaires de celui « A cappella »,
- 65 exemplaires de celui « Tous toqués »,
- 8 472 exemplaires de l'ouvrage « Les poissons et moi »,
- 58 exemplaires de celui « Mon almanach »
- et 23 exemplaires de « Les grandes pointures de l'histoire ».
M. [T] et la société Editions Adèle ont été informés de ces pilonnages par lettre du 12 janvier 2017 de la société Le Cherche Midi Editeur, à laquelle est jointe le relevé de la société Interforum.
Il n'est pas contesté par l'éditeur que ces pilonnages effectués sans information de l'auteur constituent des inexécutions contractuelles.
L'éditeur a indemnisé l'auteur pour ces pilonnages à hauteur de 11.460,76 euros les 16 mai et 28 juillet 2017.
M. [T] et la société Editions Adèle sollicitent l'indemnisation de l'intégralité de leur préjudice qui, selon eux, ne peut être qualifié de perte de chance puisque que l'auteur pouvait vendre lui-même les ouvrages rachetés.
Ils ajoutent qu'en procédant aux pilons, l'éditeur a manqué à son obligation d'exploitation permanente et suivie en ne veillant pas à assurer la disponibilité des livres pour les commandes. Ils relèvent que les « juridictions parisiennes » ne disposent pas d'une méthode de calcul particulière pour ce préjudice, que chaque contentieux est un cas d'espèce et que d'ailleurs l'éditeur n'a pas appliqué le ratio retenu dans le contentieux avec leur ancien éditeur. Ils calculent leur préjudice sur la base du prix qui aurait dû être versé à l'auteur pour la vente au public des ouvrages, soit 20% du prix de vente au public.
L'éditeur réplique que le préjudice s'analyse en une perte de chance d'une faculté de rachat, qu'aucun manquement à l'obligation d'exploitation n'est avéré puisque seuls des excès de stock ont été pilonnés, que les appelants auraient été obligé de supprimer sa marque pour revendre les ouvrages et que les cessions de droits qui lui avaient été consenties étaient exclusives. Il relève que l'auteur s'obligeait à racheter les ouvrages au prix de revient si bien que la somme de 35 000 à 25 000 euros doit en tout état de cause être déduite des demandes des appelants.
En l'espèce, le préjudice lié à l'inexécution de l'obligation d'information sur les pillons se caractérise par la perte de la faculté par l'auteur de rachat des ouvrages voués au pilonnage à leur prix de revient.
Or, la méthode de calcul de l'indemnisation du préjudice proposée par les appelants va au-delà de ce préjudice, d'autant qu'il n'est pas démontré qu'ils auraient procédé au rachat des ouvrages, ni que ceux-ci auraient été achetés.
De plus, aucun manquement à l'obligation d'exploitation permanente et suivie de l'éditeur en raison des pilonnages n'est démontré. En effet, l'éditeur est libre de gérer son stock et il n'est pas justifié que des commandes n'ont pu être honorées. A cet égard, il est relevé que les attestations du distributeur démontrent qu'il subsistait un stock pour chacun des livres, dont certains sont très importants. Par exemple, pour le livre « Les grandes pointures de l'histoire », publié le 12 novembre 2015, le stock au 30 juin 2016 portait sur 6 149 exemplaires et pour « Tous toqués », publié le 10 novembre 2010, à 4 106 exemplaires à la même date.
Le montant de l'indemnité fixée dans l'instance opposant M. [T] à son ancien éditeur ne lie pas la cour dès lors que le préjudice doit être évalué spécifiquement en tenant compte des éléments de la cause.
L'éditeur a indemnisé les appelants en versant pour chaque ouvrage pilonné 2,896 % du prix public toutes taxes comprises de l'ouvrage. Cette indemnité, compte tenu des éléments de la cause, répare l'intégralité du préjudice de M. [T].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des appelants.
- Sur les manquements allégués relatifs aux retours
Les appelants font valoir que les usages de droit de la profession prévoient une faculté de retour qui se limite aux nouveautés expédiées aux libraires, dans le cadre de l'office, et excluent les autres retours (ouvrages abîmés, marqués ou étiquetés et retour sur réassort).
Selon eux, il s'induit également des dispositions du contrat de distribution entre l'éditeur et la société Interforum que la faculté de retour est limitée aux seules nouveautés, les autres livres étant considérés par le distributeur comme des ventes fermes. Ils ajoutent que l'article 7b des contrats d'édition limite la possibilité pour l'éditeur d'effectuer une provision sur retours aux seuls livres fournis en office, qui, seuls, bénéficient d'une faculté de retour.
M. [T] et la société Editions Adèle soutiennent également que la société Le Cherche Midi Editeur a procédé à des provisions sur retours de montants supérieurs à celles qui étaient prévues contractuellement et n'a jamais procédé à la régularisation des provisions, autrement dit à leur réintégration dans les comptes au terme du semestre civil suivant chaque période de compte concernée, ignorant ainsi l'interdiction de report de la régularisation de la provision sur retours d'une période de compte à l'autre et faussant les relevés de droits. Ils prétendent que l'éditeur a procédé à des déductions d'ouvrages qu'il a qualifiés de retours, ce qui a eu pour conséquence de fausser le calcul de la rémunération due à l'auteur en raison de la déduction des redevances dues à un nombre très important d'ouvrages. Ils soutiennent que l'éditeur n'a pas communiqué à l'auteur les justificatifs comptables prévus au contrat à savoir les relevés de fin de mois du distributeur et les avoirs.
La société Le Cherche Midi Editeur répond que les arguments des appelants ont été rejetés dans le cadre des procédures concernant le précédent éditeur de M. [T]. Elle affirme qu'il ne peut être soutenu que la rémunération de l'auteur doit inclure les ouvrages retournés par les points de vente alors qu'elle doit être assise sur les exemplaires vendus au public, que les appelants dénaturent les réalités du marché du livre et les conventions qu'ils opposent et qu'aucune faute n'est caractérisée, l'acceptation des retours n'ayant causé aucun préjudice.
En premier lieu, les appelants se fondent sur les usages de la profession, à savoir le Protocole d'accord sur les usages commerciaux de l'édition avec la librairie du 19 mars 2001 et celui sur les usages commerciaux de l'édition avec la librairie du 26 juin 2008.
Comme l'a exactement relevé le premier juge, le premier accord ne porte que sur les retours concernant les nouveautés et ne comporte aucune disposition sur les autres types de retours. Concernant le second, son article sur les retours stipule que les nouveautés comportent un droit de retour intégral, dans les limites du temps fixées par l'éditeur/diffuseur et indique que « les livres ne doivent pas être abîmés, ni marqués ou étiquetés ».
L'éditeur produit une enquête réalisée en 2005 par le syndicat national de l'édition et le syndicat de la librairie française sur la situation économique de la librairie indépendante qui relève l'intérêt pour les librairies de disposer d'une souplesse des retours pour les fluidifier et que de plus en plus de diffuseurs assouplissent les retours, pour rendre libres de toutes contraintes les procédures qui régissent les retours. Il est mentionné que les diffuseurs qui ne pratiquent pas des conditions souples de retour sont « très mal vus » de par la profession. De plus, dans son ouvrage sur « les métiers de l'édition » (2007), M. [I] [Y] indique que si seules les nouveautés avaient droit au retour, ces limites ont pour la grande majorité des diffuseurs évolué avec le temps et que « pratiquement tous les ouvrages expédiés aux libraires, y compris le réassort » ont accès aux retour alors que les limites temporelles, pour les gros distributeurs, ont été supprimées.
Dès lors, il ne peut être soutenu que les usages de la profession réservent la faculté de retour aux nouveautés.
En second lieu, en application de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites.
Les articles 7 et 7b des contrats d'édition prévoient que la provision sur retours s'applique aux livres fournis en office, donc aux nouveautés. La provision est limitée à 5% pour « Le café du pont » et le contrat prévoit que la provision sur retour pourra être mise en place dans une période de douze mois suivant la mise en vente et devra être régularisée au terme du semestre civil suivant la période de compte concernée. Le contrat d'édition portant sur « Le [T] gourmand » ne prévoit pas de limitation de la provision sur retours qui devra être réintégrée à 90% dans les comptes après 9 mois d'exploitation et décompte des retours, les 10% restant devant être réglés plus tard, déduction faite des retours. Dans les contrats suivants, la provision sur retour est limitée à 10% et le même mécanisme de réintégration de la provision est prévu.
Ainsi, la provision sur retour ne constitue qu'un simple mécanisme d'ajustement qui a prémuni M. [T] du risque de devoir rembourser à son éditeur des droits d'auteur calculés sur des exemplaires invendus.
Les stipulations contractuelles en cause se limitent à définir le montant de la provision sur retours que l'éditeur peut appliquer et ne portent ni sur la définition des retours, ni sur leur traitement.
Il est donc soutenu à tort par les appelants que les contrats prévoient qu'il ne pouvait être déduit de la rémunération de l'auteur qu'un certain pourcentage de retour, seule la provision, qui est régularisée par la suite, étant en cause.
Aucune disposition contractuelle liant l'auteur à l'éditeur n'interdit le retour de livres hors nouveauté et dès lors, n'interdisait à l'éditeur de prendre en compte les retours acceptés par son diffuseur.
La rémunération de l'auteur correspond aux ventes nettes au public, telles que définie par les articles 6 des contrats d'édition.
Dès lors, les appelants sont mal fondés à prétendre que le contrat prévoyait que les retours prévisibles et acceptés n'excédaient pas 5 % des exemplaires sortis pour l'ouvrage « Le café du pont » et 10 % des exemplaires mis à l'office pour les autres ouvrages, alors que seules les provisions sur retour étaient limitées à ces seuils.
En conséquence, aucune inexécution contractuelle de l'éditeur n'est établie.
En troisième lieu, les appelants opposent les conditions générales de vente de la société Interforum qui s'appliquent aux libraires. L'article 6 de ces conditions relatif aux retours fixe les conditions de retour du service des nouveautés et prévoit que les livres en réassortiment ou vendus en compte ferme ne peuvent en aucun cas faire l'objet de retours, sauf erreur du distributeur ou autorisation expresse du service commercial.
Il convient de relever que l'article 4 du contrat de distribution entre l'éditeur et la société Interforum prévoit que si le distributeur facture à sa clientèle les nouveautés ou ouvrages remis en vente à la demande de l'éditeur et les commandes de réassort, il peut « accepter, pour des raisons de convenance commerciale, de créditer des retours (') au-delà des limites précisées (') à condition de pouvoir s'en justifier à la demande de l'éditeur », si bien qu'aucune exécution défectueuse des conditions contractuelles du contrat de distribution n'est justifiée.
Si, comme l'a rappelé justement le premier juge, M. [T], sur le fondement de la responsabilité délictuelle, peut invoquer le manquement contractuel d'un tiers lui ayant causé un préjudice, d'une part, en sa qualité de créancière de cette obligation vis-à-vis des points de vente, la société Interforum était libre de ne pas appliquer ses conditions générales de vente, cette faculté étant visée à l'article 1 du contrat la liant à ses points de vente et d'autre part, aucun préjudice de l'auteur n'est justifié compte tenu des conditions susvisées de l'article 6 des conditions du contrat qui prévoient, conformément à l'article L 131- 4 du code de la propriété intellectuelle, une rémunération proportionnelle au prix de vente au public, basée sur le nombre de ventes au public et non sur le nombre de livres facturés aux points de vente.
Les appelants sont également mal fondés à soutenir que l'éditeur a transféré le risque financier sur l'auteur, dès lors que l'article 3a) des contrats ne vise que le risque financier lié à la publication, c'est-à-dire au nombre d'ouvrages publiés et non au nombre d'ouvrages vendus.
Enfin, concernant la prétendue opacité des comptes, comme le prévoit l'article 7b des cinq derniers contrats, l'éditeur a communiqué à l'auteur, lorsque la demande lui a été faite ainsi que le prévoient les stipulations contractuelles, certains documents prévus dans le contrat et certifiés par le distributeur. Le fait que les avoirs des librairies n'ont pas été communiqués, ainsi que les relevés de fin de mois, n'est pas de nature à caractériser une opacité des comptes, pas plus que les quelques erreurs relevées qui sont le fait du distributeur et non de l'éditeur et qui ont été rectifiées dès que la société Le Cherche Midi Editeur en a eu connaissance.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de ces chefs.
Sur les demandes de communication de pièces
- Sur les demandes portant sur la communication des factures de l'imprimeur relatives aux tirages effectuées pour Univers Poche ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Le café du pont », pour Succès du Livre pour l'exploitation de l'ouvrage « A Cappella » et les redditions de comptes effectuées par Libra Diffusio, Le Grand Livre du Mois et Succès du Livre
Les demandes portant sur les cessions de droit à d'autres éditeurs ayant toutes été jugées prescrites, elles ne sont pas justifiées et seront rejetées.
- Sur les demandes portant sur la production des contrats passés avec des tiers, les bons de commande et les relevés de ventes directes ayant pour objet l'exploitation de l'ouvrage « Le Café du Pont », « Le [T] Gourmand », « A capella », « Tous toqués », ainsi que les factures manquantes relatives à l'exploitation confiée à ADL Partner pour cet ouvrage, « Les poissons et moi » et « Mon almanach »
Les demandes de communication portant sur des ouvrages pour lesquels les demandes ont été jugées prescrites doivent être rejetées.
Concernant l'ouvrage « Le Café du Pont », « Les poissons et moi » et « Mon almanach », les appelants font valoir que les factures communiquées par l'éditeur n'ont aucune force probante et ne permettent pas de déterminer le nombre d'exemplaires commandés sans faculté de retour et de vérifier la sincérité des chiffres communiqués.
Or, comme le relève l'éditeur, il n'existe pas de contrat pour ces ventes directes qui donnent uniquement lieu à une facture basée sur le bon de commande.
Aucun élément ne permet de remettre en cause la véracité des factures émises par la société Le Cherche Midi Editeur et il n'y a pas lieu d'ordonner la production des bons de commande étant relevé que l'éditeur est libre d'accepter des retours de ces ventes directes. Par ailleurs, il n'existe pas de relevés de ventes directes qui ont été mentionnées sur les relevés de compte adressées par l'éditeur qui a par ailleurs communiqué par lettre du 20 décembre 2016 aux appelants le récapitulatif de l'ensemble des ventes directes intervenues pour tous les ouvrages.
Cette demande doit donc être rejetée.
- Sur la demande portant sur la communication pour l'ensemble des ouvrages des factures nouveautés, des factures réassorts et des relevés de fin de mois reçus de la société Interforum, expressément visés à l'article 7b) des contrats d'édition
M. [T] et la société Editions Adèle indiquent que l'éditeur aurait dû spontanément justifier de manière explicite et transparente des chiffres qu'il annonçait, y étant tenu par la loi et les dispositions claires et précises des contrats d'édition qui prévoient la communication des relevés de fin de mois. Ils affirment que l'écrit du 2 janvier 2017 de la société Interforum n'a pas de force probante, ne mentionnant pas les ventes directes et celles à l'étranger.
L'éditeur répond que la demande porte sur des dizaines de millier de pièces et qu'il n'est pas en possession de ces documents émis dans le cadre des relations entre le distributeur et les points de vente.
L'article L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur peut exiger au moins une fois l'an la production d'un état mentionnant le nombre d'exemplaires fabriqués, précisant la date et l'importance des tirages et le nombre d'exemplaires en stock.
Les relevés de compte qui ont été adressés par la société Le Cherche Midi Editeur dans le cadre de l'exploitation des livres comportent ces indications.
Selon l'article L. 132-14 du même code, « L'éditeur est tenu de fournir à l'auteur toutes justifications propres à établir l'exactitude des comptes ».
Par ailleurs, l'article L. 132-17-3 du même code, issu de l'ordonnance du 12 novembre 2014 et qui est entré en vigueur le 1er décembre 2014, dispose que « L'éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l'auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente.
A cette fin, l'éditeur adresse à l'auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, un état des comptes mentionnant :
1° Lorsque le livre est édité sous une forme imprimée, le nombre d'exemplaires fabriqués en cours d'exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et en fin d'exercice, le nombre des exemplaires vendus par l'éditeur, le nombre des exemplaires hors droits et détruits au cours de l'exercice (') ».
Les contrats portant sur les ouvrages « « A cappella », « Tous toqués », « Les poissons et moi », « Mon almanach » et « Les grandes pointures de l'histoire » stipulent en leurs articles 7 b que : « L'éditeur s'engage d'ores et déjà envers l'auteur à lui communiquer, à sa première demande, l'ensemble des justificatifs émanant de ses distributeurs qui lui permettent d'établir ses états de comptes relatifs à l'exécution du présent contrat dont ce dernier entendrait avoir connaissance et notamment, les quantités fabriquées, les mouvements de stocks, les relevés de fin de mois, les avoirs ».
Or, entre octobre et janvier 2017, l'éditeur a transmis des tableaux mensuels de bouclage des stocks émanant d'Interforum qui portent sur l'équation des stocks mois par mois et des fichiers Excel Interforum, les factures d'impression et une attestation d'Interforum portant sur les stocks et flux des 7 ouvrages. Si ce dernier document ne comporte pas les mentions prévues par l'article 202 du code de procédure civile, il est signé par le directeur des opérations logistiques et le seul fait qu'Interforum appartienne au même groupe que la société Le Cherche Midi Editeur n'est pas de nature à dénier toute force probante à ces documents. De plus, il a été proposé par l'éditeur aux appelants de procéder par sondage concernant les avoirs, proposition à laquelle il n'a pas été donné suite.
Il s'ensuit que les éléments déjà communiqués par l'éditeur sont suffisants pour que les appelants soient en mesure de justifier de l'exactitude des comptes et la demande sera rejetée.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions, y compris les frais irrépétibles et dépens.
- Sur les demandes portant sur la production d'une attestation du commissaire aux comptes relative à l'exploitation numérique de l'ouvrage « Le Café du pont », « Le [T] gourmand » et « Tous toqués »
Les appelants n'ont pas sollicité devant le juge de la mise en état la production de ces attestations et le juge de la mise en état a fait droit à la demande pour les ouvrages « A capella », « Mes poissons et moi », « Mon almanach » et « les grandes pointures de l'histoire ».
Ils indiquent en cause d'appel que l'éditeur doit rapporter la preuve de l'absence d'exploitation des ouvrages pour lesquels ils sollicitent la production d'une attestation du commissaire aux comptes.
M. [T] et la société Editions Adèle n'apportent aucun élément de nature à démontrer que ces ouvrages auraient été édités sous forme numérique. Il s'ensuit que ces demandes doivent être rejetées.
Sur la demande au titre de la procédure abusive et l'amende civile
La société Le Cherche Midi Editeur relève que le montant cumulé des prétentions des appelants atteint 2,5 millions en cause d'appel, soit plus du double qu'en première instance sans qu'aucun fait nouveau ne soit pas allégué. Elle affirme que leurs écritures sont méprisantes à son égard et que les griefs sont irrecevables ou infondés. Elle ajoute que quand elle a appris l'existence des décisions de justice dans le conflit opposant M. [T] et la société Editions Adèle à leur précédent éditeur, elle a été disposée à transiger et que les appelants persistent à invoquer l'irrégularité d'une clause contractuelle qu'ils ont eux-mêmes inséré dans les contrats litigieux. Selon elle, en interjetant appel, ils ont récidivé dans l'abus d'agir en justice et persistent à dénaturer la plupart de ses écrits et à défendre des arguments dépourvus de sérieux.
M. [T] et la société Editions Adèle font valoir qu'ils ne pouvaient être condamnés sur le fondement de la procédure abusive alors que le tribunal avait partiellement accueilli leurs demandes, que l'abus ne peut se déduire du simple rejet des prétentions et qu'ils n'ont pas cherché à nuire à l'éditeur qui n'a pas régularisé ses manquements contractuels, dont certains ont été reconnus.
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faite duquel il est arrivé à la réparer.
L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur. La caractérisation d'un tel abus doit se faire au terme d'une mise en balance entre d'une part, les droits des parties contre lesquelles l'action est formée et d'autre part, le droit fondamental du libre accès à la justice, participant au droit à un procès équitable, affirmé par l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En l'espèce, il a été fait droit en partie aux demandes des appelants. Par ailleurs, le montant des indemnités sollicitées est en lien avec les sommes rapportées par l'exploitation des livres de M. [T] et si certains arguments des appelants ont déjà été examinés par la justice, dans le cadre d'un contentieux long et complexe, ces seuls éléments ne sont pas de nature à caractériser un abus du droit d'agir en justice qui n'est caractérisé.
La demande de l'intimée sera donc rejetée.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné les appelants à une indemnité et a prononcé une amende civile.
Sur les autres demandes
Dans le dispositif de leurs conclusions, les appelants demandent d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire. Cependant, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur cette demande.
La solution du litige commande d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [T] et la société Editions Adèle aux dépens et aux frais irrépétibles et l'équité commande de laisser à chaque partie ses propres dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- déclaré prescrites les demandes fondées sur l'illicéité de la clause 6, b) des contrats conclus avant le 30 décembre 2014
- condamné la société Le Cherche Midi Éditeur à payer à M. [M] [T] et à la société Éditions Adèle la somme de 209,06 euros au titre de rémunération complémentaire des exploitations numériques,
- condamné M. [M] [T] et la société Editions Adèle à payer à la société Le Cherche Midi Éditeur la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit en justice et à une amende civile de 2 500 euros,
- condamné M. [M] [T] et la société Éditions Adèle aux dépens et à payer à la société Le Cherche Midi Éditeur la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Déclare prescrites les demandes en contrefaçon de droits d'auteur à l'exception de celle portent sur l'ouvrage « les grandes pointures de l'histoire »,
Dit que l'exploitation sous forme numérique des ouvrages « A Capella », « les poissons et moi », « Mon Almanach » et « Les grandes pointures de l'histoire » par la société Le Cherche Midi Editeur à compter du 1er décembre 2014 constituent des actes de contrefaçon,
Condamne la société Le Cherche Midi Editeur à payer à M. [M] [T] et à la société Editions Adèle la somme totale de 3 400 euros en réparation des actes de contrefaçon,
Déboute la société Le Cherche Midi Éditeur de sa demande de dommages et intérêts pour abus de droit,
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 3 juin 2022 en toutes ses dispositions,
Déboute M. [M] [T] et la société Editions Adèle de leur demande portant sur la communication par la société Le Cherche Midi Editions d'une attestation du commissaire aux comptes relative à l'exploitation numérique de l'ouvrage « Le Café du pont », « Le [T] gourmand » et « Tous toqués »,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,
Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et dépens.