CA Lyon, 1re ch. civ. B, 27 mai 2025, n° 23/02233
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
MM Maçonnerie Et Terrassement (Sté), Axa France IARD (Sté)
Défendeur :
MM Maçonnerie Et Terrassement (Sté), Axa France IARD (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Gonzalez
Conseillers :
Lemoine, Lecharny
Avocats :
Philip de Laborie, Perinetti, Orsi
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié du 7 août 2017, M. [X] [G] et Mme [S] [H] (les acquéreurs) ont acquis de M. [P] [T] et Mme [V] [L] épouse [T] (les vendeurs) un bien immobilier situé à [Localité 4] (Rhône) pour un prix de 145 000 euros.
Invoquant des désordres affectant le bien vendu, les acquéreurs ont obtenu en référé l'organisation d'une expertise judiciaire, dont les opérations ont été rendues communes et opposables notamment à la société MM Maçonnerie et terrassement (la société), intervenue avant la vente à la demande des vendeurs pour procéder à des travaux de confortement du plancher du bien immobilier.
L'expert a déposé son rapport le 31 mars 2020.
Entre-temps, les acquéreurs ont assigné les vendeurs devant le tribunal judiciaire de Lyon en remboursement du coût des réparations préconisées par l'expert, sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les vendeurs ont assigné en intervention forcée la société et son assureur, la société Axa France IARD (l'assureur).
Par jugement contradictoire du 1er mars 2023, le tribunal a :
- débouté les acquéreurs de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné les acquéreurs à verser aux vendeurs la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- débouté la société et l'assureur de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les acquéreurs aux dépens de l'instance en application de l'article 696 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 16 mars 2023, les acquéreurs ont relevé appel du jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 11 décembre 2023, ils demandent à la cour de :
A titre principal :
- accueillir comme justes et bien-fondées leurs prétentions,
- dire et juger que le bien immobilier était atteint de vices cachés au jour de la vente,
En conséquence,
- réformer intégralement le jugement,
Et, statuant à nouveau :
- condamner les vendeurs à leur verser la somme de 58 962,16 euros TTC décomposée comme suit :
* 51 962,16 euros au titre de la remise en état,
* 2 000 euros au titre des frais de relogement pendant les travaux,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- débouter les vendeurs de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire :
- dire et juger que la garantie décennale est applicable aux travaux effectués par la société,
En conséquence,
- réformer intégralement le jugement,
Et, statuant à nouveau :
- condamner in solidum les vendeurs et la société à leur régler la somme de 58 962,16 euros TTC décomposée comme suit :
* 51 962,16 euros au titre de la remise en état,
* 2 000 euros au titre des frais de relogement pendant les travaux,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
A titre infiniment subsidiaire :
- dire et juger que la société a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles la liant aux vendeurs, leur ayant occasionné des préjudices,
En conséquence,
- réformer intégralement le jugement,
Et, statuant à nouveau :
- condamner in solidum les vendeurs et la société à leur régler la somme de 58 962,16 euros TTC décomposée comme suit :
* 51 962,16 euros au titre de la remise en état,
* 2 000 euros au titre des frais de relogement pendant les travaux,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
En tout état de cause :
- condamner tout succombant au versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 30 avril 2024, les vendeurs demandent à la cour de :
A titre principal :
- juger que les acquéreurs ne rapportent pas la preuve d'un vice caché et connu d'eux au moment de la vente,
- juger que la clause d'exonération de garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente du 7 août 2017 trouve à s'appliquer,
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :
- débouté les acquéreurs de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné les acquéreurs à leur verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- débouté la société et l'assureur de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les acquéreurs aux dépens de l'instance en application de l'article 696 du code de procédure civile,
- débouter les acquéreurs, la société et l'assureur de l'intégralité de leurs demandes dirigées à leur encontre,
- condamner les acquéreurs, ou qui mieux le devra, à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour ne faisait pas droit à leurs demandes faites à titre principal,
- rejeter toutes demandes formulées à leur encontre sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
Et si par impossible une quelconque condamnation était mise à leur charge par la cour sur quelque fondement que ce soit :
- juger que la société est responsable de plein droit du désordre sur le fondement de la garantie décennale,
- condamner la société, in solidum avec l'assureur, à les relever et garantir de toutes éventuelles condamnations prononcées à leur encontre,
- condamner la société, in solidum avec l'assureur ou qui mieux le devra, à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible une quelconque condamnation était mise à leur charge par la cour sur quelque fondement que ce soit :
- juger que la société a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le devis signé par eux,
- juger que la société a manqué à ses obligations contractuelles en ne leur présentant aucun autre devis au titre des travaux de calage finalement réalisés,
- juger que les travaux réalisés par la société ne sont pas conformes aux règles de l'art,
- juger que la société a manqué à ses obligations contractuelles d'information et de conseil en omettant de les alerter sur le caractère provisoire de ses travaux et sur la persistance d'un vice,
En conséquence,
- condamner la société, in solidum avec l'assureur, à les relever et garantir de toutes éventuelles condamnations prononcées à leur encontre,
- condamner la société, in solidum avec l'assureur ou qui mieux le devra, à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
A titre très infiniment subsidiaire :
- juger que le devis de la deuxième solution de reprise préconisée par l'expert judiciaire est manifestement surévalué,
- réduire à de plus justes proportions le montant des sommes à allouer en réparation des préjudices,
- ramener les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,
- condamner la société, in solidum avec l'assureur, à les relever et garantir de toutes éventuelles condamnations prononcées à leur encontre,
- condamner la société, in solidum avec l'assureur ou qui mieux le devra, à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2024, la société et l'assureur demandent à la cour de :
A titre principal, sur la garantie décennale des constructeurs :
- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a débouté les acquéreurs de toute demande de condamnation à leur encontre sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs,
A titre subsidiaire, sur la responsabilité civile contractuelle de l'entreprise vis-à-vis des vendeurs et la responsabilité civile délictuelle vis-à-vis des acquéreurs :
- dire et juger que les vendeurs savaient que les solives en bois soutenant le plancher étaient pourries et affectées de champignons lignivores, dès la fin de l'année 2015,
- dire et juger que les vendeurs n'ont requis la société que pour réaliser des travaux de confortement provisoires,
- dire et juger que les factures de la société établissent le caractère provisoire des travaux réalisés,
- débouter les vendeurs de toute demande de condamnation de la société au titre de la responsabilité civile contractuelle de droit commun,
- débouter, par suite, les acquéreurs de leur demande de condamnation fondée sur la responsabilité civile délictuelle,
- dire et juger que l'assureur ne doit aucune garantie en cas d'engagement de la responsabilité civile contractuelle et délictuelle de son ancienne assurée, la société,
Sur le quantum des sommes sollicitées, et en cas d'infirmation :
- dire et juger que le devis établi le 31 janvier 2020 par M. [Y], maître d''uvre, est manifestement surévalué,
- réduire à de bien plus justes proportions le montant des sommes à allouer en réparation des préjudices matériels des acquéreurs,
- réduire à de bien plus justes proportions les sommes qui viendraient à être allouées pour assurer le relogement des acquéreurs pendant les travaux,
- rejeter, en revanche, toute demande d'indemnisation au titre du préjudice moral, celui-ci n'étant justifié ni quant à son principe, ni quant à son quantum,
Sur la solidarité entre les intervenants :
- dire et juger qu'il n'existe aucune solidarité conventionnelle ou légale entre les vendeurs et la société,
- débouter les acquéreurs et toute autre partie de leur demande de condamnation solidaire entre les défendeurs,
Sur la franchise :
- dire que l'assureur est bien fondé à opposer aux vendeurs et à son ancienne assurée le montant de sa franchise contractuelle en cas de condamnation de cette dernière,
Pour le surplus :
- condamner les vendeurs ou qui mieux le devra à leur verser à chacun une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes à prendre en charge les entiers dépens de l'instance dont distraction faite au profit de Me Jérôme Orsi, avocat, sur son affirmation de droit,
- rejeter toute demande contraire ou plus ample.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2025.
L'affaire a été évoquée à l'audience 11 mars 2025.
Par une demande d'observations du même jour, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle envisageait de relever d'office, tiré de ce que la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la réduction du prix de vente prévue à l'article 1644 du code civil ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie
Par une note communiquée par RPVA la 28 mars 2025, le conseil des vendeurs a demandé à la cour de ne pas relever ce moyen d'office et d'ordonner préalablement une réouverture des débats. Il a fait valoir que :
- si ce moyen avait été soulevé par l'une des autres parties à l'instance, l'argumentation et les demandes de ses clients auraient été modifiées en conséquence, ce qui ne peut plus être le cas, le dossier ayant fait l'objet d'une clôture et d'une audience de plaidoiries ;
- la somme de 51'962,16 euros sollicitée par les acquéreurs au titre de la remise en état ne correspond pas à la somme qui permettrait de les remettre dans la situation qui aurait été la leur s'ils avaient été informés du vice, la seule somme permettant cette remise dans la situation étant celle afférente au devis de la société du 3 mars 2016 ;
- si la cour devait estimer qu'il y a un vice caché et procéder à la diminution du prix selon l'article 1644 du code civil et à la condamnation des vendeurs au versement d'une quelconque somme à ce titre, cela constituerait un préjudice pour eux directement issus des manquements de la société, en application de l'article 1231-1 du code précité.
Les autres parties n'ont adressé aucune note en délibéré.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les nombreuses demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
1. Sur la demande de réouverture des débats
Selon l'article 442 du code de procédure civile, applicable devant la cour d'appel, le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur.
Et selon l'article 444 du même code, le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.
En l'espèce, les parties ont été à même de débattre contradictoirement des éléments de droit sur lesquels la cour leur a demandé de s'expliquer et aucun texte n'exige la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture.
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats sollicitée.
2. Sur les demandes fondées sur la garantie des vices cachés
2.1. Sur la demande en paiement de la somme de 51'962,16 euros
Les acquéreurs font valoir essentiellement que :
- le bien vendu est affecté d'un vice caché, à savoir le pourrissement des solives du vide sanitaire provoqué par une fuite d'eau datant de 2015 ;
- les vendeurs avaient connaissance du pourrissement des solives au jour de la vente ;
- les vendeurs ne les ont pas informés de ce vice et le leur ont même caché en camouflant la trappe de visite du vide sanitaire à l'aide d'une plaque de fer ;
- ils n'auraient pas acquis le bien immobilier, ou on auraient donné un prix moindre, s'ils avaient connu ces désordres.
Les vendeurs répliquent essentiellement que :
- les acquéreurs ne rapportent pas la preuve d'un vice caché et connu d'eux au moment de la vente ;
- ils ont réparé eux-mêmes la fuite de 2015 et ont procédé au traitement chimique du bois ;
- ils ont fait appel à la société pour traiter le problème du plancher ; âgés et profanes en matière de travaux, ils se sont fiés à la société qui leur a assuré avoir réalisé des travaux dans les règles de l'art;
- au jour de la vente, ils pensaient en toute bonne foi que leur habitation était saine et que la remise en état effectuée par la société était pérenne ;
- l'expert s'est contenté des déclarations mensongères du gérant de la société pour conclure qu'ils avaient connaissance du désordre ;
- au jour de la vente, le vide sanitaire était accessible au moyen de deux trappes ;
- la clause d'exonération de garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente du 7 août 2017 trouve à s'appliquer.
Réponse de la cour
Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
La mise en oeuvre de la garantie des vices cachés suppose d'établir la preuve de :
(1) l'existence d'un vice inhérent à la chose d'une gravité suffisante pour rendre celle-ci impropre à son usage normal ou en diminuer fortement cet usage,
(2) du caractère caché de ce vice,
(3) de son antériorité à la vente.
En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, notamment le rapport d'expertise judiciaire dont les constatations techniques ne sont pas contestées, que les premiers juges ont retenu que le bien immobilier est affecté d'un désordre (pourrissement du bois du solivage supportant la dalle jusqu'à la rupture) qui trouve son origine dans l'existence d'une fuite ancienne de la plomberie, qui existait au moment de la vente et dont le caractère caché pour les acquéreurs est établi et non contestable, dès lors qu'il ne saurait être reproché à ces derniers une quelconque négligence lors de la visite préalable du bien immobilier alors que l'expert a indiqué dans son rapport que lors de ses premières consultations, les entreprises avaient refusé d'intervenir à cause de l'inaccessibilité du vide sanitaire.
En conséquence, le tribunal a retenu à juste titre que les conditions de la garantie des vices cachés sont réunies.
Les vendeurs opposent la clause exonératoire de responsabilité insérée dans l'acte authentique de vente, faisant valoir qu'ils n'ont pas la qualité de professionnels de l'immobilier ou de la construction et qu'ils ne connaissaient pas le vice caché.
Toutefois, alors qu'il ressort de leurs propres déclarations que :
- ils ont découvert le pourrissement du solivage à la fin de l'année 2015 lorsqu'ils se sont aperçus que le sol de leur salle de bains s'était légèrement affaissé et ont demandé à la société d'intervenir pour solutionner ce problème,
- ils ont détecté la présence d'une fuite d'eau au niveau du tuyau d'arrivée d'eau de leur lave-linge et ont réparé eux-mêmes la fuite,
- ils ont réalisé eux-mêmes le traitement chimique du bois préconisé par la société,
force est de constater, d'une part, s'agissant de la réparation de la fuite, qu'ils ne justifient d'aucune compétence particulière en plomberie et se déclarent au contraire profanes en matière de travaux, étant observé qu'il ressort du rapport d'expertise que M. [G] a déclaré que « quand il a ouvert le mur du vide sanitaire pour remplacer la baignoire par un receveur de douche en 2017, il s'est rendu compte qu'un robinet dans le vide sanitaire fuyait et que le bois était pourri », d'autre part, alors qu'ils reconnaissent avoir été informés de la nécessité de procéder au traitement chimique du bois, ils ne rapportent pas la preuve de la réalisation de ce traitement, l'expert indiquant dans son rapport que celui-ci n'a pas été effectué.
Par ailleurs, si les vendeurs soutiennent qu'ils n'ont pas demandé à la société de revoir à la baisse son devis de travaux et qu'ils ne pouvaient se douter que celle-ci s'était contentée d'un calage de la dalle, qualifié de provisoire par l'expert, la teneur du courrier que leur a adressé la société le 31 mai 2016 et de celui de leur assureur du 2 décembre 2016, démontre qu'il y a bien eu une négociation du coût des travaux à la baisse. En tout état de cause, à supposer que les vendeurs ne soient pas à l'origine de cette baisse, ainsi qu'ils le soutiennent, la diminution importante du coût des travaux réalisés par la société devait nécessairement les alerter sur l'étendue de ceux-ci. Or, si les vendeurs affirment avoir interrogé la société par courrier et cherché à comprendre pourquoi elle n'avait pas respecté ses engagements, ils se contentent de produire aux débats un écrit manuscrit non daté, rédigé sur une demie feuille, sans preuve de son envoi.
Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le tribunal a considéré que les vendeurs avaient pu estimer en toute bonne foi que les travaux réalisés par la société avaient permis de mettre fin aux désordres et qu'il n'existait plus de vice dû au pourrissement du plancher lorsqu'ils ont vendu leur bien.
Par infirmation du jugement déféré, la cour retient au contraire que les vendeurs avaient connaissance du vice affectant leur bien au moment de la vente, de sorte qu'ils ne sont fondés à opposer la clause exonératoire de garantie insérée dans le contrat de vente.
Selon l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
En l'espèce, les acquéreurs sollicitent la mise en oeuvre de l'action estimatoire, en réduction du prix, sollicitant la condamnation des vendeurs à leur payer la somme de 51'962,16 euros correspondant au prix de la remise en état du bien.
Pour solliciter cette somme, les acquéreurs se fondent sur le rapport d'expertise qui conclut :
« actuellement le coût de la réparation du solivage peut être estimé à
3850 x 2 = 7700
dédommagement du propriétaire voisin pour remettre en état la clôture et la prairie
1500
TOTAL TTC 9200'
À condition que M. [Z] accepte de réaliser ce travail.
Au cours de la troisième réunion, il est apparu que les travaux que je préconisais plus avant n'étaient pas réalisables car le voisin ne donnera jamais son accord pour que les entreprises accèdent à la maison des [acquéreurs] par son champ.
M. [Y] a refait le tour de ses connaissances pour trouver un maçon qui accepte de découper la dalle affaissée pour la reconstruire par l'intérieur de la maison.
Cette solution permet de ne pas démolir la maison et surtout de ne pas avoir à évacuer les matériaux comportant de l'amiante.
Le montant de ces travaux y compris la maîtrise d''uvre s'élève à 51'962,16' TTC ».
Toutefois, dès lors qu'il n'est pas démontré que « le voisin ne donnera jamais son accord pour que les entreprises accèdent à la maison des [acquéreurs] par son champ », il y a lieu d'écarter la solution la plus coûteuse retenue par l'expert et de condamner les vendeurs à payer aux acquéreurs la somme de 15'000 euros en restitution d'une partie du prix de vente.
2.2. Sur les dommages-intérêts
Selon l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, les acquéreurs sollicitent l'indemnisation des préjudices suivants :
frais de relogement pendant les travaux : 2000 euros
préjudice moral : 5000 euros.
Toutefois, d'une part, il ne ressort pas du rapport d'expertise la preuve que les travaux de reprise du solivage en passant par le champ du voisin nécessiteront le relogement des acquéreurs, d'autre part, ces derniers se contentent d'alléguer l'existence d'un préjudice moral sans en rapporter la preuve.
Aussi convient-il de les débouter de leur demande de dommages-intérêts.
3. Sur le recours en garantie des vendeurs
Les vendeurs font valoir essentiellement que :
- la responsabilité décennale de la société est engagée car elle a réalisé une réparation de fortune qui n'a pas permis de mettre fin définitivement aux désordres, que la solidité de l'ouvrage semble aujourd'hui compromise par les travaux réalisés par la société et que les désordres portent atteinte à la destination du bien ;
- la responsabilité contractuelle de la société est engagée car elle n'a pas respecté son devis initial et n'a pas présenté de nouveau devis pour les travaux finalement réalisés, elle ne les a pas alertés sur l'état de dégradation avancée des solivages et sur le caractère provisoire des réparations effectuées, et a réalisé des travaux de confortement temporaire non conformes aux règles de l'art.
La société et l'assureur répliquent que :
- les travaux confiés à la société ne sont pas à l'origine des désordres relevés dans l'habitation ;
- la société est intervenue pour traiter les conséquences des désordres (affaissement du plancher) et non leur cause (présence de champignons lignivores) ;
- la société n'a commis aucune faute de nature contractuelle, notamment aucun manquement à son devoir de conseil ;
- elle a fait preuve de transparence quant à la nature de son intervention qui a été déterminée par une négociation commerciale avec les vendeurs ; ces derniers ne pouvaient ignorer que la prestation finalement confiée à la société n'était que provisoire.
Réponse de la cour
En premier lieu, selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
En l'espèce, ainsi que l'a exactement retenu le tribunal pour rejeter la demande au titre de la garantie décennale :
- les travaux qui ont été confiés à la société, s'ils ont porté sur le plancher qui assure la solidité du bien immobilier, ne sont pas à l'origine des désordres, l'expert ayant expressément indiqué que ce désordre (le pourrissement du bois de solivage) « ne provient pas d'entreprises qui sont dans la cause car les travaux générateurs de ce désordre datent de plusieurs décennies lorsque les [vendeurs] étaient maître d'ouvrage » ;
- si le vice portait atteinte à la solidité de l'ouvrage, les travaux de remplacement des solives atteintes étant destinés à supprimer les conséquences du vice et n'en étant nullement la cause, ils ne relèvent pas des travaux de construction au sens de l'article 1792 du code civil.
En deuxième lieu, aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En application de ce texte, l'entrepreneur de travaux est tenu d'un devoir général d'information, de conseil et de mise en garde au bénéfice du maître de l'ouvrage, notamment sur la nature, les risques et les conséquences de la prestation qui constitue l'objet du contrat.
Il appartient au professionnel de rapporter la preuve qu'il a rempli son obligation d'information et de conseil.
En l'espèce, force est de relever que la société ne rapporte pas la preuve qu'elle a informé les acquéreurs du caractère provisoire des travaux de calage de la dalle qu'elle a réalisés.
Pour autant, la restitution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la réduction du prix de vente prévue à l'article 1644 du code civil ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie.
Dès lors, les vendeurs ne peuvent qu'être déboutés de leur appel en garantie formé contre la société, in solidum avec l'assureur, à la suite de leur condamnation à restituer à l'acquéreur une partie du prix de vente.
4. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Compte tenu de la solution donnée au litige en appel, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, sauf en ce qu'il déboute la société et l'assureur de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les vendeurs, partie perdante au principal, sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et à payer aux acquéreurs la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas contraire à l'équité, en revanche, de laisser à la charge de la société et de l'assureur leur frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la réouverture des débats,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il déboute la société MM Maçonnerie et terrassement et la société Axa France IARD de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne M. [P] [T] et Mme [V] [L] épouse [T] à payer à M. [X] [G] et Mme [S] [H] la somme de 15'000 euros en restitution d'une partie du prix de vente,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [P] [T] et Mme [V] [L] épouse [T] à payer à M. [X] [G] et Mme [S] [H] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société MM Maçonnerie et terrassement et la société Axa France IARD,
Condamne M. [P] [T] et Mme [V] [L] épouse [T] aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise judiciaire.