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Décisions

CA Orléans, ch. des urgences, 28 mai 2025, n° 24/01840

ORLÉANS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Economie et Diagnostique de l'Habitat Francais (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gratadour

Conseillers :

Mme Dugenet, M. Gressot

Avocats :

Me Guerin, Me Garnier, Me Roy, Me Auffredou

TJ [Localité 5], du 13 févr. 2024

13 février 2024

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Dans le cadre d'un démarchage par la société Economie et Diagnostic de l'Habitat Français (société EDHF), Monsieur [B] [U] a signé':

- le 23 juin 2021, un devis pour la mise en conformité d'un tableau électrique pour un montant de 2500 euros TTC.

- le 31 mai 2021, un devis relatif à la fourniture d'un pack air/eau pour un montant de 7995 euros TTC.

Monsieur [B] [U] a remis à la société EDHF un chèque d'acompte d'un montant de 4078,60 euros lors de la signature des devis.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2021, Monsieur [B] [U] a sollicité la restitution de la somme versée à titre d'acompte, en faisant valoir son droit de rétractation s'agissant des deux devis précédemment évoqués.

Par courrier du 28 juillet 2021, Monsieur [B] [U] a mis en demeure la société EDHF de lui rembourser la somme de 4078,60 euros par l'intermédiaire de son conseil.

Par acte de commissaire de Justice du 27 octobre 2022, Monsieur [B] [U] a fait assigner la SARL EDHF à l'audience du 14 décembre 2022 du tribunal judiciaire de Blois et, par jugement rendu le 22 août 2023, le tribunal a, avant dire-droit, ordonné la réouverture des débats à l'audience du 11 octobre 2023 en invitant les parties à formuler toutes observations utiles quant à la conformité du contrat hors établissement et la nullité éventuelle encourue du fait de l'absence des mentions obligatoires applicables et en particulier l'absence de mention du droit de rétractation.

Par jugement rendu le 13 février 2024, le tribunal judiciaire de Blois a':

- Condamné la société EDHF à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 4078,60 euros, outre les intérêts au taux légal majorés selon les modalités prévues à l'article L242-4 du code de la consommation';

- Débouté Monsieur [B] [U] de sa demande de dommages et intérêts';

- Condamné la société EDFH à verser à Monsieur [B] [U] la somme de

1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Condamné la société EDHF aux entiers dépens';

- Rejeté toute autre demande';

- Rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Par acte du 31 mai 2024, la société EDHF a interjeté appel dudit jugement en ce qu'il a «'condamné EDHF à payer à Monsieur [U] la somme de 4 078,60 euros outre les intérêts au taux légal majorés selon les modalités prévues à l'article L 242-4 du code de la consommation'; débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts'; condamné EDHF à verser à Monsieur [U] 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné EDHF aux entiers dépens'; rejeté toute autre demande'; rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire'».

Par conclusions d'incident signifiées par RPVA le 22 novembre 2024, Monsieur [B] [U] sollicite de voir':

- Déclarer Monsieur [B] [U] recevable et bien fondé en son incident, ainsi qu'en ses demandes sur incident et y faire droit';

- Déclarer l'appel de la société EDHF et la procédure subséquente, ainsi que tous les actes délivrés dans le cadre de celle-ci, nuls et de nul effet';

- Déclarer la société EDHF irrecevable, et en tout cas mal fondée, en ses demandes plus amples ou contraires aux présentes et l'en débouter';

- Condamner la société EDHF à régler à Monsieur [B] [U] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'incident, et accorder à Maître GARNIER le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Maître Audrey GUERIN, avocat au barreau d'Orléans, a signifié au conseil de Monsieur [B] [U], par RPVA le 22 novembre 2024, sa constitution en lieu et place de Maître Viviane ROY, en qualité d'avocat postulant devant la cour d'appel d'Orléans.

Par conclusions d'appel récapitulatives signifiées par RPVA le 10 février 2025, la société EDHF sollicite'de voir':

- Déclarer l'appel de la société EDHF recevable et bien fondé';

- Infirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 13 février 2024';

- Déclarer Monsieur [B] [U] irrecevable et en tout cas mal fondé en ses demandes';

- Débouter Monsieur [B] [U] de l'ensemble de ses demandes';

- Condamner Monsieur [B] [U] à verser à la société EDHF la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 4 février 2025, Monsieur [B] [U] sollicite'de la Cour de voir':

A titre principal, déclarer l'appel et les conclusions de la société EDHF ainsi que la procédure subséquente, ainsi que tous les actes délivrés dans le cadre de celle-ci, nuls et de nul effet';

A titre subsidiaire,

Déclarer l'appel de la société EDHF irrecevable, en tous cas mal fondé, et l'en débouter';

Confirmer le jugement déféré du 13 février 2024,

En tout état de cause,

Déclarer la société EDHF irrecevable, et en tout cas mal fondée en ses demandes plus amples ou contraires aux présentes, et l'en débouter.

Condamner la société EDHF à régler à Monsieur [B] [U] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, et accorder à Maître GARNIER le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions citées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience rapporteur de la chambre des urgences du 12 février 2025.

* * * * * * *

MOTIFS

Sur la déclaration d'appel

Moyens des parties

Monsieur [B] [U] soutient que l'avocat de l'appelante qui a déposé la déclaration d'appel et les conclusions au soutien de celui-ci est un avocat de Nantes, qui n'a pas le pouvoir de représenter une partie devant la cour d'appel d'Orléans en application de l'article 5 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Or, selon l'article 117 du Code de procédure civile, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice constitue une nullité de fond. Monsieur [B] [U] considère que la constitution en lieu et place d'un avocat d'[Localité 7] le 22 novembre 2024 ne peut régulariser ledit appel, en l'absence d'une part d'une nouvelle déclaration d'appel et d'autre part, avant le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, soit 3 mois à compter de la déclaration d'appel et qui expirait le 2 septembre 2024.

Pour sa part, la société EDHF affirme que le défaut de capacité de l'avocat nantais assurant la représentation d'une partie en justice peut être couverte si la cause de cette nullité a disparu au moment où le juge statue. A l'appui de ce moyen, l'appelante rappelle que la cour de cassation a en effet précisé que l'intervention d'un représentant régulier, disposant du pouvoir nécessaire, avant que la décision ne soit rendue, venait régulariser le défaut de représentation initial et «'effacer'» l'irrégularité. La société EDHF rappelle qu'en l'espèce, la constitution en lieu et place de Maître [G] le 22 novembre 2024, a couvert la nullité que constituait le défaut de capacité de l'avocat nantais ayant rédigé la déclaration d'appel.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les avocats 'peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel.

Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l'aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l'affaire chargés également d'assurer la plaidoirie'.

L'article 117 du code de procédure civile dispose que «'constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : Le défaut de capacité d'ester en justice ; Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ; Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice'».

L'article 121 du Code de procédure civile précise que "dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue".

Il convient de rappeler que dans le cadre des procédures avec représentation obligatoire, seul l'avocat postulant est nanti des prérogatives de représentation, il est seul à pouvoir accomplir les actes de procédure.

En l'espèce, la déclaration d'appel rédigée et déposée par Maître [R] [G] le 31 mai 2024, constitue un acte de procédure qui ne pouvait être diligenté que par l'avocat postulant, seul habilité du fait de la règle de postulation à réaliser cet acte.

Par conséquent, ladite déclaration d'appel, établie sous le seul nom de Maître [R] [G], avocat inscrit au barreau de Nantes et non l'avocat postulant, est nulle par application de l'article 117 du code de procédure civile.

Néanmoins, le défaut de capacité d'un avocat à ester, et, donc à former appel d'un jugement, constitue une irrégularité de fond qui peut être régularisée lorsque cette irrégularité est susceptible d'être couverte. La cour de cassation a précisé à de nombreuses reprises que la régularisation de l'irrégularité de fond devait intervenir avant toute forclusion, de telle sorte que l'irrégularité de fond qui affecte un acte d'appel ne peut pas être couverte après l'expiration du délai d'appel.

La société EDHF soutient que la constitution de Maître Audrey GUERIN, avocate au barreau d'Orléans, en lieu et place de Maître [G], le 22 novembre 2024, a couvert la nullité que constituait le défaut de capacité de l'avocat nantais ayant rédigé la déclaration d'appel.

Toutefois, la Cour constate que ladite constitution a été signifiée à l'intimé le 22 novembre 2024, soit postérieurement à l'extinction du délai d'appel le 2 septembre 2024.

En conséquence, la constitution de l'avocat postulant ne peut régulariser la déclaration d'appel qui, en tout état de cause, est entachée de nullité.

Dès lors, la déclaration d'appel du 31 mai 2024 formée par Maître [R] [G] doit être déclarée nulle et de nul effet.

Sur les demandes accessoires

La société EDHF sera condamnée aux dépens d'appel, outre une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

DÉCLARE nulle et de nuls effet la déclaration d'appel formée par Maître [R] [G] le 31 mai 2024';

CONDAMNE la société EDHF à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société EDHF aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Hélène GRATADOUR, président de chambre, et Madame Fatima HAJBI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

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