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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 28 mai 2025, n° 24/00745

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Société Nouvelle du Journal L'Humanité (SA)

Défendeur :

Société Nouvelle du Journal L'Humanité (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois-Stevant

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Lafon, SCP Souchon-Catte-Louis, Me Mze, SELARL LX Paris-Versailles-Reims, Me Levy, Me Ronget, SELARL Seattle Avocats

INPI, du 2 janv. 2024, n° OPP 23-2805

2 janvier 2024

Exposé du litige

Le 5 décembre 2022, M. [S] [Z] a déposé une demande d'enregistrement de marque n°4918513 visant certains services des classes 38 et 41.

Le 27 février 2023, la Société nouvelle du journal L'Humanité (ci-après Journal L'Humanité) a formé opposition à l'encontre de cette demande d'enregistrement, pour tous les services qu'elle vise, sur le fondement des marques antérieures L'HUMANITE n°3551877 et L'HUMANITE MAGAZINE n°4855939.

Par décision OPP 23-2805 du 2 janvier 2024, le directeur général de l'INPI (l'INPI) a déclaré justifiée l'opposition et rejeté la demande d'enregistrement.

Par déclaration du 5 février 2024, M. [Z] a formé un recours contre cette décision.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 mai 2024, il demande à la cour d'annuler la décision de l'INPI, subsidiairement de la réformer, de faire injonction à l'INPI d'enregistrer la marque « HUMANITÉ NOUVELLE ' DECRIPTER. MOBILISER. REINVENTER », de condamner l'INPI aux dépens avec droit de recouvrement direct et de le condamner à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 juillet 2024, le Journal L'Humanité demande à la cour de prononcer la caducité de l'acte de recours de M. [Z], subsidiairement sa nullité, à titre très subsidiaire de déclarer irrecevable la pièce n°1 nouvellement produite par M. [Z] dans le cadre de la présente procédure et de confirmer la décision de l'INPI, en tout état de cause de débouter M. [Z] de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par observations du 27 novembre 2024, l'INPI considère que la décision est justifiée, les différences entre les signes ne permettant pas d'écarter un risque de confusion par association.

Par avis communiqué le 4 décembre 2024, le ministère public préconise la confirmation de la décision de l'INPI.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 mars 2025, à l'issue de laquelle les parties ont été autorisées à produire, avant le 1er avril 2025, une note en délibéré sur la question de la qualité du Journal L'Humanité à invoquer la caducité de la déclaration de recours.

Les 13 et 20 mars 2024, M. [Z] et le Journal L'Humanité ont respectivement remis au greffe une note en délibéré sur ce point.

SUR CE,

Le Journal L'Humanité soutient que le recours formé par M. [Z] à l'encontre de la décision de l'INPI est caduc, faute pour celui-ci de démontrer qu'il a satisfait à son obligation d'adresser ses conclusions à l'INPI et d'en justifier auprès du greffe dans le délai prévu par l'article R.411-29 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, qu'il a bien intérêt et qualité à soulever la caducité du recours de M. [Z].

Il fait valoir que la procédure de recours contre une décision de l'INPI ne prévoit pas l'intervention d'un conseiller de la mise en état, que la sanction de caducité du recours doit pouvoir être invoquée par le défendeur au recours dès lors qu'elle a pour objectif d'assurer le respect des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et qu'il en va de la bonne administration de la justice et du déroulé de l'instance, qu'en tout état de cause, l'INPI n'est pas partie à l'instance de sorte qu'il n'est pas en mesure de soulever une telle caducité.

M. [Z] soutient que le « moyen » tiré de la caducité de l'acte de recours doit être rejeté dès lors qu'il s'agit d'une déclaration de recours et non d'une déclaration d'appel, que le greffe ne lui a pas demandé de notifier sa « déclaration d'appel » et que le 2 mai 2024, il a signifié ses conclusions à l'INPI qui ne se considère pas lui-même comme une partie.

Sur ce,

L'article R.411-20 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « sous réserve des dispositions particulières de la présente section, les recours mentionnés à l'article R.411-19 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile ».

L'article R.411-29 alinéa 2 dispose :

« A peine de caducité de l'acte de recours, relevée d'office, le demandeur dispose d'un délai de trois mois à compter de cet acte pour remettre ses conclusions au greffe.

Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe. »

La transmission des conclusions du requérant à l'INPI étant une règle de procédure ayant pour objet d'informer l'INPI des conclusions du requérant et n'étant ainsi pas formulée dans l'intérêt du défendeur au recours, ce dernier n'a pas qualité pour faire valoir la sanction de son non-respect.

Cependant, la cour entend relever d'office la caducité de l'acte de recours. Les parties ayant pu conclure sur ce point et en discuter contradictoirement, il n'y a pas lieu de rouvrir les débats.

Il se déduit de l'article R.411-29 précité du code de la propriété intellectuelle que, dans le délai de trois mois de son acte de recours, l'auteur du recours doit tout à la fois, à peine de caducité, remettre ses conclusions au greffe, adresser ses conclusions à l'INPI par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et justifier de son envoi à l'INPI auprès du greffe.

En l'espèce, M. [Z] a formé un recours contre la décision de l'INPI par déclaration du 5 février 2024. Il a remis ses conclusions au greffe le 2 mai 2024, soit dans le délai de trois mois prévu par l'article R.411-29 alinéa 1 précité.

Il justifie avoir adressé ses conclusions à l'INPI, dans ce même délai de trois mois, par lettre recommandée du 2 mai 2024 dont l'avis de réception a été tamponné le 3 mai 2024 par l'INPI.

En revanche, M. [Z] n'a pas justifié de cet envoi auprès du greffe avant le 5 mai 2024, comme l'exige sans ambiguïté l'article R.411-29 alinéa 2.

Il en résulte que l'acte de recours formé le 5 février 2024 est caduc.

M. [Z] supportera les dépens du recours. Il sera en outre condamné à verser au Journal de L'Humanité la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Prononce la caducité de l'acte de recours déposé par M. [S] [Z] à l'encontre de la décision OPP 23-2805 du directeur général de l'INPI du 2 janvier 2024 ;

Condamne M. [S] [Z] aux dépens du recours ;

Condamne M. [S] [Z] à payer à la Société nouvelle du journal L'Humanité la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [S] [Z] de sa demande de ce chef.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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