CA Riom, ch. com., 28 mai 2025, n° 24/01157
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Arkeos (SAS), BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubled-Vacheron
Conseillers :
Mme Cirotte, Mme Berger
Avocats :
Me Boulaire, Me Alfroy, Me Chautard, Me de Rocquigny, Me Boulloud, SCP Collet de Rocquigny Chantelot Brodiez Gourdou & Associés
Le 6 juillet 2013, Mme [D] [C] a régularisé avec la société Arkéos un bon de commande pourtant sur l'acquisition d'une pompe à chaleur avec chauffe-eau thermodynamique pour un prix de 27.000 euros. La commande s'ajoutait à celle de volets roulants pour la cuisine et le salon compris dans le prix de 27.000 euros (facture du 24 septembre 2013).
L'acquisition de ces matériels s'est faite au moyen d'un crédit affecté de 27 000 euros, au taux effectif global de 5.89 % l'an, remboursable en 180 échéances de 291,26 euros, souscrit auprès de la société Sygma Banque, aux droits de laquelle intervient la société BNP Paribas Personal Finance.
Suivant acte du 4 juillet 2022, Mme [C] a fait assigner la société Arkéos et la SA BNP Paribas Personal Finance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon afin de voir prononcer la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté et de voir condamner le vendeur et le prêteur à lui régler les sommes de :
* 27.000 euros correspondant au prix de l'installation
* 22 429,80 euros correspondant aux intérêts et frais
* 5.000 euros au titre de son préjudice moral
* 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 30 avril 2024, le juge des contentieux de la protection( JCP) a :
- déclaré l'action de Mme [C] irrecevable car prescrite
- débouté Mme [C] de ses demandes
- débouté la société Arkéos de sa demande en paiement au titre de l'amende civile et la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
- condamné Mme [C] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance et à la société Arkéos la somme de 800 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné Mme [C] aux dépens.
Le JCP a jugé que l'action en nullité du contrat fondée sur la violation des dispositions du code de la consommation était prescrite, en retenant comme point de départ de la prescription la date de la convention.
Il a également considéré que la demanderesse avait nécessairement connaissance du vice qu'elle invoque au soutien de la demande en nullité du contrat pour dol, à réception de la première facture de consommation d'électricité, de sorte que cette action était également prescrite.
S'agissant de la responsabilité de l'établissement bancaire, le JCP a jugé que le fait générateur de la responsabilité de l'établissement bancaire est lié à l'émission et à l'observation du bon de commande et que la prescription était également acquise.
Mme [C] a relevé appel de ce jugement suivant déclaration notifiée électroniquement le 10 juillet 2024.
Aux termes de conclusions notifiées le 28 février 2025, Mme [C] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SARL Arkéos de sa demande en paiement au titre de l'amende civile et la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- de déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;
- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Arkéos ;
- de condamner la société Arkéos :
*à procéder, à ses frais, à l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble, dans le délai de 2 mois à compter de la signification de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter de la fin de ce délai de 2 mois ;
*à lui restituer la somme de 27 000 euros correspondant au prix de vente du contrat de vente litigieux;
- de prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque ;
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à lui restituer l'intégralité des mensualités du prêt versées entre les mains de la banque ;
- de déclarer que la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, a commis une faute dans le déblocage des fonds devant entraîner la privation de sa créance de restitution ;
- de condamner cette dernière à lui verser l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 27 000 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
- 22 429,80 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit ;
- de condamner solidairement et en tout état de cause la société Arkéos et la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à lui verser l'intégralité des sommes suivantes:
- 2 499,34 euros au titre du remplacement du ballon thermodynamique ;
- 5 000,00 euros au titre du préjudice moral ;
- 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque
- de condamner BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque à lui rembourser l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ; et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts ;
- de débouter BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque et a société Arkéos de leur appel incident ;
- de débouter BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque et a société Arkéos de l'intégralité de leurs prétentions,
- de condamner solidairement débouter BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque et a société Arkéos, à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.
Au visa des dispositions de l'article 2224 du code civil, Mme [C] indique que la fixation du point de départ de la prescription d'une action en responsabilité d'un consommateur pour faute de la banque impose de vérifier à quel moment le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance du préjudice subi (dans toute son ampleur) mais également du fait générateur de responsabilité.
Elle fait valoir que son dommage consiste dans le fait de s'être engagée dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses de rentabilité. Ce n'est qu'à la lecture du rapport d'expertise sur investissement qu'elle a été en mesure de constater qu'il était totalement impossible que l'opération s'autofinance et d'apprécier les performances réelles des biens commandés.
Elle ajoute que le fait générateur de responsabilité consiste pour le banquier dans le fait d'avoir débloqué les fonds en manquant à son devoir d'information et d'alerte. Elle souligne que la connaissance des faits s'entend par une connaissance effective et que ce n'est que lorsqu'elle a saisi son avocat que son attention a été attirée à cet égard. Elle n'a pour sa part commis aucune faute, son ignorance étant d'autant plus légitime qu'elle a été entretenue par la carence de la banque.
Au visa d'un arrêt du 24 janvier 2024, Mme [C] rappelle que la reproduction même lisible des articles du code de la consommation sur le bon de commande ne suffit pas à considérer que le consommateur a une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat. Elle n'a pu avoir connaissance de ces irrégularités qu'en consultant un avocat.
Sur le fond, Mme [C] soutient que le contrat est nul puisqu'il a été conclu sur la base de pratiques commerciales trompeuses constitutives de dol et qu'il est entaché d'un vice qui résulte d'une méconnaissance des règles spéciales et d'ordre public du droit de la consommation.
Elle explique que le vendeur lui a fait miroiter une économie substantielle pour obtenir son consentement avant de quitter son domicile sans lui laisser aucun document commercial. Au regard du rapport d'expertise sur investissement qu'elle verse aux débats il apparaît que les gains sont 2.5 fois moindres par rapport aux sommes qu'elle a dû rembourser. Le vendeur ne pouvait ignorer que l'installation n'était pas rentable et devait en sa qualité de professionnel analyser cette rentabilité.
S'agissant du bon de commande, elle fait observer que celui-ci omet de mentionner :
- la désignation précise des caractéristiques des biens ou services
- le délai et les modalités de livraison des biens et des prestations de services
- les modalités de financement.
Font défaut :
- Les références, les dimensions, le poids et la puissance de la pompe à chaleur ;
- La marque, les références, les dimensions, le poids et la puissance du ballon ;
- Le détail des travaux de pose des biens ;
- Les informations sur les performances du matériel ;
- Le détail des démarchages administratives prises en charge par le vendeur ;
- Le prix unitaire HT et TTC de chacun des biens commandés et des prestations de main-d''uvre
S'agissant des conditions d'exécution du contrat, le bon de commande mentionne un délai « après métrage pour pose » de « 3 à 4 semaines » mais la date de réalisation du métrage n'est pas précisée ce qui fait du délai de pose une condition purement potestative.
Le bon de commande a par ailleurs été établi en violation des dispositions de l'article L 121-23 du code de la consommation : il ne mentionne pas le nom de l'établissement de crédit, la durée totale du crédit et l'existence d'un report, le montant de l'assurance et le coût total du crédit assurance comprise.
Mme [C] répond aux intimés qui soutiennent qu'elle a réitéré son consentement en exécutant le contrat que les irrégularités dénoncées relèvent d'un manquement à l'ordre public et que la nullité invoquée est d'ordre public et insusceptible de régularisation. Au regard des éléments énoncés il ne peut être soutenu qu'elle aurait eu connaissance des causes de nullité soulevées et qu'elle aurait eu l'intention de les réparer.
S'agissant du prêteur, elle rappelle que ce dernier avait une obligation de résultat sur la validité des contrats de prêts ainsi qu'une obligation de conseil. Elle assure que la SA BNP Paribas Personal Finance a participé au dol en aménageant un report des échéances de remboursement qui a conforté la présentation du vendeur selon laquelle l'installation serait autofinancée. En outre l'absence de remise du bon de commande au client aurait dû inciter la banque à ne pas libérer les fonds et à l'alerter sur la validité de l'opération. Ce bon de commande était en outre imprécis et le certificat de livraison ne faisait pas état du ballon thermodynamique de sorte que la banque ne pouvait débloquer les fonds à défaut de pouvoir vérifier la complète exécution de la prestation. Mme [C] fait observer que ce document pré-imprimé ne permettait pas l'ajout de réserves.
Elle affirme que la banque ne rapporte pas la preuve que l'installateur, qui doit être considéré comme un intermédiaire de crédit, avait la capacité de vendre ce financement qui s'est donc opéré en toute illégalité.
Mme [C] sollicite la réparation de son entier préjudice. Elle indique que par sa faute, la banque lui a fait perdre une chance de ne pas contracter ; que même si la cour considère que la rentabilité n'est pas entrée dans le champ contractuel, elle doit prendre en compte le fait que cette opération lui a fait perdre de l'argent ; qu'elle a dû procéder au remplacement complet du ballon devenu inutilisable.
Elle considère par ailleurs que les manquements de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde quant à l'opportunité économique du projet ainsi que dans la vérification de la capacité d'endettement de son client justifie que le prêteur soit déchu du droit aux intérêts contractuels.
Mme [C] répond aux intimés qui l'accusent de déloyauté que son action est fondée et non prescrite ; qu'il ne peut lui être reproché de s'être renseignée sur la régularité de l'opération et de faire valoir ses droits.
Par conclusions notifiées le 26 février 2025, la SARL Arkéos demande à la cour :
- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner Mme [C] à lui verser la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et celle de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; de la condamner aux dépens ;
- de débouter la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant à ce qu'elle soit condamnée à garantir Mme [C] du remboursement du prêt.
La société Arkéos fait valoir que la connaissance du vice affectant le contrat se déduit de la reproduction lisible des dispositions du code de la consommation.
Elle indique que Mme [C] se prévaut d'un dol en procédant par allégation ; qu'en effet, aucune promesse de rentabilité n'a été faite et que la plainte déposée n'a aucune valeur probante étant observé qu'il n'est pas justifié de son envoi au Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montluçon.
Elle rappelle qu'une pompe à chaleur ne produit pas d'électricité pouvant être vendue à EDF et assure que le contrat, remis à Mme [C] qui l'a signé, respecte les dispositions du code de la consommation. Dans l'hypothèse où la cour estimerait que le contrat ne souscrit pas aux règles posées par les articles L 121-21 à L 121-33 du code de la consommation, elle lui demande de considérer que la nullité a été couverte par l'exécution du contrat ; elle rappelle que le contrat s'exécute depuis plus de 11 ans et que le matériel fonctionne sans incident.
La société Arkéos fait par ailleurs valoir que la demande tendant à la voir condamner à enlever à ses frais le matériel est une demande nouvelle en cause d'appel et doit donc être jugée irrecevable. Elle affirme que Mme [C] ne justifie d'aucun préjudice moral ; que la preuve que la commande d'un ballon thermodynamique est liée à la pompe à chaleur vendue n'est pas rapportée ; que l'action est prescrite au sens des dispositions relatives à la garantie des vices cachés et au défaut de conformité.
Par conclusions notifiées le 26 novembre 2024, la SA BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les actions engagées par Mme [C] et de l'en débouter
- d'ordonner subsidiairement la poursuite de l'exécution du contrat de crédit affecté aux clauses et conditions initiales
- plus subsidiairement et si les contrats étaient résolus ou annulés, de condamner Mme [C] à rembourser le capital emprunté outre les intérêts au taux légal à compter du déblocage des fonds, avec capitalisation des intérêts, déduction faite des échéances réglées au « jour du jugement à intervenir »
- de condamner la société Arkéos, au visa de l'article L 312-56 du code de la consommation, à garantir Mme [C] du remboursement du prêt
En tout état de cause, de condamner Mme [C] à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
S'agissant de la nullité du bon de commande, la SA BNP Paribas Personal Finance fait observer que si la Cour de cassation a jugé que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, la Cour de cassation ne fait pas perdre tout effet à la reproduction de ces dispositions et c'est au regard d'une analyse in concreto des conditions dans lesquelles l'acquéreur aurait dû avoir connaissance du vice que s'apprécie cette connaissance. Elle rappelle que depuis la loi Hamon, il n'y a plus d'obligation de reproduire les dispositions du code de la consommation dans le bon de commande. L'acquéreur ne peut invoquer avoir découvert tardivement l'existence d'une règle de droit dont il pourrait se prévaloir pour reporter indéfiniment le point de départ du délai de prescription de son action.
Elle relève qu'au cas d'espèce, les conditions générales de vente retranscrivent in extenso les dispositions légales en vigueur lors de la souscription du contrat. L'absence de plusieurs mentions et spécifications obligatoires était évidente et Mme [C] était en mesure, à la date de signature du contrat, d'apprécier la régularité du bon de commande litigieux.
S'agissant du dol, la banque rappelle que l'attestation de fin de travaux date du 25 septembre 2013 et qu'à tout le mois jusqu'au 25 septembre 2014, Mme [C] a largement eu le temps de se rendre compte d'un prétendu manque de performance de sa pompe à chaleur.
En troisième lieu, elle observe que le déblocage des fonds marque le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contre le prêteur. Sauf en enlever toute substance à l'article 2224 du code civil, la tardiveté de l'action de Mme [C] met fin à tout débat.
Sur l'annulation du contrat de vente, la banque objecte :
- que toutes les mentions obligatoires figuraient au contrat
- que la rentabilité de l'installation n'entrait pas dans l'économie du contrat ;
- qu'il convient de distinguer entre l'absence d'une mention et son imprécision et que seule l'omission d'une mention peut conduire à la nullité du contrat ; qu'en l'espèce si le contrat contenait certaines irrégularités elles ont été couvertes par Mme [C] qui a accepté l'installation sans réserve pendant 9 ans, n'a pas usé de son droit de rétractation et poursuit le règlement du prêt.
S'agissant de l'annulation du crédit affecté, la banque affirme qu'aucune faute ne peut lui être reprochée ; qu'il ne lui appartenait pas de s'assurer par elle-même de l'exécution des prestations et d'être garante de l'exécution du contrat principal. Elle a été destinataire d'une attestation selon laquelle le matériel avait été livré et installé conformément au bon de commande. Ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris, seule l'absence d'une mention était détectable et non l'imprécision d'une mention quant à la description des biens.
Elle indique que Mme [C] ne peut rechercher sa responsabilité qu'en démontrant une faute, et un préjudice en lien causal avec cette faute, ce qu'elle ne fait pas ; que Mme [C] procède par affirmation sans distinction des notions de rendement et de rentabilité, d'autoconsommation, d'autofinancement et d'autosuffisance ; que la privation de la créance de restitution du prêteur ne peut être prononcée qu'à la mesure du préjudice subi.
Enfin l'intimé dénonce l'attitude déloyale et à tout le moins téméraire de Mme [C].
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
Par ordonnance du 4 mars 2025, l'ordonnance de clôture rendue le 27 février 2025 a été rabattue et la clôture des débats a été prononcée.
Motivation :
I-Sur la demande de nullité du contrat de vente :
1-Sur la demande de nullité du contrat au visa des dispositions du code de la consommation.
- Sur la recevabilité de la demande :
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La charge de la preuve de l'accomplissement de l'exception de prescription repose sur celui qui l'invoque.
Dans le cas d'une action en annulation de contrat fondée sur l'irrégularité formelle de l'acte contractuel au regard des dispositions du code de la consommation, le point de départ du délai de prescription de l'action en annulation du contrat conclu hors établissement, se situe au jour où le consommateur a connu ou aurait dû connaître les défauts d'information affectant la validité du contrat.
Il incombe au juge de caractériser la date à laquelle l'acquéreur a pu avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Or, cette connaissance ne peut résulter du seul fait que les conditions générales figurant au verso du bon de commande reproduisent, même lisiblement, les dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement. En effet, la seule lecture par l'acquéreur des conditions générales du contrat ne lui permettait pas d'avoir la connaissance des éventuels vices du bon de commande (Cass Civ.1ère 12 mars 2025 n° 23-22.043).
L'obligation faite au vendeur de reproduire les dispositions du code de la consommation a pour finalité l'information du consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien, l'identité du vendeur, les conditions d'exécution du contrat, les recours possibles (rétractation, accès au médiateur). Les caractéristiques essentielles du bien sont celles qui permettent au consommateur de comparer l'offre qui lui est faite avec les offres concurrentes. Elles correspondent également aux qualités qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
En l'espèce, Mme [C] ne disposait d'aucune connaissance juridique et ne pouvait à la seule lecture du bon de commande distinguer les défauts d'information affectant la validité du contrat et exercer une action fondée sur la méconnaissance des dispositions du code de la consommation. Toutefois, ainsi qu'elle le développe à plusieurs reprises dans ses écritures, l'installation n'a pas répondu à ses attentes en termes de rentabilité.
Mme [C] souligne que les mentions du bon de commande sur la nature et les caractéristiques des biens offerts ou des services proposés est nécessaire pour que le consommateur puisse apprécier :
- le rendu et l'impact des travaux sur l'immeuble
- la faisabilité du projet
- la comparaison entre les matériels s'agissant du prix pour être à même d'opérer une comparaison avec les offres d'autres opérateurs,
- la date à laquelle le matériel lui serait livré et installé
Elle ajoute que le bon de commande aurait dû lui permettre d'avoir une juste appréciation de son engagement financier en mentionnant le nom de l'organisme de crédit, la durée du crédit, l'existence d'un report, le montant de l'assurance.
En l'espèce, le bon de commande a été régularisé le 6 juillet 2013. Rien ne permet d'affirmer que Mme [C] n'est pas restée en possession d'un exemplaire de ce document.
Le matériel a été livré et installé le 24 septembre 2013.
Mme [C] a signé le 25 septembre 2013 un procès-verbal de réception indiquant :
- qu'elle avait été bien renseignée sur les produits
- que le métreur lui avait bien expliqué le déroulement de son installation
- que le poseur avait protégé les lieux d'installation
- qu'elle était satisfaite des finitions de la pose et de la pose
- qu'elle acceptait les travaux sans réserve.
Au jour de l'installation, Mme [C] était en mesure d'apprécier :
- les délais d'installation et de livraison, le rendu des travaux, la faisabilité du projet.
Dans les mois suivant l'installation de la pompe à chaleur dont elle avait désormais les références, elle était à même de procéder à des comparaisons avec les autres biens de même nature en vente sur le marché.
Enfin, à réception de la première facture annuelle d'électricité suivant l'installation, Mme [C] était en mesure d'apprécier l'importance de sa consommation.
Il convient sur ce point de souligner que l'installation d'une pompe à chaleur représente une alternative pour remplacer une chaudière traditionnelle. Elle n'a pas vocation à permettre au client de revendre de l'électricité.
Mme [C] était en mesure un an après l'installation, de constater les économies d'énergie réalisées et de voir si ces dernières compensaient l'investissement réalisé et l'éventuel surcoût de la pompe à chaleur au regard d'une chaudière traditionnelle, Mme [C] étant silencieuse sur les raisons qui l'ont amené à changer de mode de chauffage.
L'assignation ayant été délivrée le 4 juillet 2022, il s'est écoulé plus de 5 ans entre le 24 septembre 2014.
L'action est donc prescrite.
2- Sur la demande de nullité du contrat pour dol :
- Sur la recevabilité de la demande :
Selon l'article 1116 du code civil dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, applicable au contrat, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, s'il ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.
La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (1ère Civ, 11 septembre 2013, pourvoi n° 12-20.816).
En l'espèce, Mme [C] fait valoir en cause d'appel que le contrat principal conclu avec la société Arkéos est nul pour dol en ce que cette société l'a amenée à contracter sur la base de promesse de rentabilité financière (autofinancement de l'installation ou à tout le moins économie d'énergie) qui l'a déterminée à contracter.
A réception de la première facture d'énergie annuelle suivant l'installation du matériel Mme [C] a nécessairement constaté l'absence d'économie recherchée et (selon ses dires) promise.
L'action introduite plus de 5 ans après le 24 septembre 2014 est prescrite.
A titre surabondant la cour observe que la rentabilité de l'installation n'est pas entrée dans le champ contractuel et que Mme [C] échoue à rapporter la preuve des man'uvres alléguées.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
II- Sur l'action en responsabilité contre la BNP Paribas Personal Finance :
- Sur la demande de privation de la créance de restitution, :
Cette demande est fondée sur le fait que la banque aurait participé au dol et aurait commis une faute en libérant les fonds alors que la simple lecture du contrat devait lui permettre de constater que sa validité était douteuse.
La faute éventuelle de la banque ne peut résider dans le dol dès lors qu'elle n'est pas partie au contrat principal, mais dans le fait d'avoir failli à son obligation de conseil et de mise en garde. Le report à 9 mois de la première échéance ne s'analyse pas en une man'uvre frauduleuse.
Par ailleurs, la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de service qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer le capital prêté. Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré comme il y était tenu de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution.
En l'espèce, l'action en nullité du contrat principal ayant été déclarée irrecevable, Mme [C] n'est pas recevable à solliciter la privation de la banque de sa créance de restitution puisque le contrat de crédit affecté n'est pas annulé et que la banque n'a pas à faire valoir de créance de restitution.
- Sur la demande relative au remplacement du ballon thermodynamique :
Cette demande est formulée à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance et de la société Arkéos. Mme [C] produit une facture de la société Rouchy du 13 mars 2020 portant sur la commande d'un ballon thermodynamique. L'éventuelle défaillance du ballon installé par la société Arkéos est sans lien avec une éventuelle responsabilité de la banque. Aucun document technique ne vient attester de la défaillance du matériel vendu. Enfin, et surtout, Mme [C] ne précise pas si elle agit en défaut de conformité ou sur le fondement du vice caché et ne rapporte pas la preuve de l'un ou de l'autre. Cette demande sera donc rejetée.
- Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels
Mme [C] entend voir la banque déchue de son droit aux intérêts contractuels, aux motifs :
- que cette dernière aurait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde en la laissant s'engager dans un investissement ruineux
- qu'elle ne justifie pas des démarches obligatoires préalables obligatoires à l'octroi du prêt (et plus spécifiquement que le crédit a été distribué par un professionnel qualifié).
Le délai de prescription d'une action fondée sur une violation du devoir de mise en garde court pour l'emprunteur non averti au jour du premier incident de paiement (Civ 1, 5 janvier 2022-N°20-18.893). Aucun incident de paiement n'étant signalé, l'action en responsabilité engagée par Mme [C] n'est pas prescrite. Toutefois, ce devoir de mise en garde tend à préserver et alerter l'emprunteur sur un risque d'endettement excessif, étant rappelé que la banque a un devoir de non-immixtion Mme [C] ne démontre ni n'allègue que cet endettement dépassait ses capacités financières puisqu'elle a régulièrement honoré les échéances du prêt.
Suivant les dispositions de l'article L 311-8 al 3 du code de la consommation en vigueur au jour de la souscription du contrat, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur. Lorsque le crédit est proposé sur un lieu de vente, le prêteur veille à ce que l'emprunteur reçoive ces explications de manière complète et appropriée sur le lieu même de la vente, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges.
Les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L. 311-10 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L. 6353-1 du code du travail établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré. Un décret définit les exigences minimales auxquelles doit répondre cette formation.
L'absence de formation n'est pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et il n'appartient pas à la cour « de s'interroger sur la sanction la plus opportune » mais de répondre aux demandes qui lui sont présentées.
Mme [C] indique enfin que la preuve de la consultation et la réponse obligatoire du FICP n'est pas rapportée.
Cette demande s'inscrit dans le cadre d'une action en responsabilité qui se prescrit par 5 ans à compter de la date de conclusion du contrat de prêt. Ce contrat ayant été souscrit le 6 juillet 2013, cette demande est prescrite.
III- Sur les demandes de dommages et intérêts :
Par des motifs que la cour adopte, le JCP a jugé que la demande présentée par Mme [C] n'était pas abusive. Le simple fait de faire appel ne caractérise pas l'abus d'ester en justice.
La SA BNP Paribas Personal Finance et la société Arkéos seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme [C] succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées leurs frais de défense. Mme [C] sera condamnée à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 2.000 euros et à la société Arkéos la somme de 2.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme par motifs partiellement substitués le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne Mme [D] [C] à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [D] [C] à verser à la SARL Arkéos la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [D] [C] aux dépens.