CA Rouen, 1re ch. civ., 28 mai 2025, n° 23/04110
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
MMA IARD Assurances Mutuelles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wittrant
Vice-président :
Mme Berthiau-Jezequel
Conseiller :
Mme Deguette
Avocats :
Me Dartix-Douillet, Me Duval, Me Vallois, Me El Kaim, Me Absire, Me Porcher, Me Desert
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte du 26 septembre 2017, M. [N] [K] a fait l'acquisition auprès de Mme [P] [B] et de sa fille, Mme [F] [I], d'une maison située au [Adresse 2] à [Localité 8].
Invoquant des vices affectant la maison, par acte d'huissier du 15 mars 2019,
M. [K] a assigné Mmes [B] et [I] devant le juge des référés de Rouen aux fins de solliciter l'organisation d'une expertise. Contestant l'existence des vices allégués, ces dernières ont appelé aux opérations d'expertise, par actes des 7, 9 et
15 juillet 2020, M. [G] [D], l'agent immobilier, Me [H] [T], notaire et la société Diag Océane Delavigne puis par acte du 28 septembre 2020 la société Mma Iard assurances mutuelles en sa qualité d'assureur de M. [D].
Par ordonnance du 7 mai 2019, le juge des référés de Rouen a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [A]. Par ordonnance du 24 novembre 2020, les opérations ont été étendues à la société Diag Océane Delavigne, le surplus des demandes étant rejetés. Par arrêt du 1er juillet 2021, notre cour a infirmé cette dernière ordonnance et a dit que les opérations d'expertise devaient se poursuivre au contradictoire des Mma Iard assurances mutuelles. L'expert a déposé son rapport le 23 février 2022.
Parallèlement aux opérations d'expertise, par actes d'huissier de justice des 19 et
26 mai 2020, M. [K] a assigné Mmes [B] et [I] devant le tribunal judiciaire de Rouen en vue d'obtenir une indemnisation de ses préjudices. Par acte d'huissier du 30 juin 2022, Mmes [B] et [I] ont mis en cause la société Mma Iard assurances mutuelles. Les affaires ont été jointes.
Par jugement contradictoire du 14 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- rejeté l'ensemble des demandes de M. [K],
- condamné M. [K] aux entiers dépens,
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes de M. [K], de Mmes [B] et [I], et de la société Mma Iard assurances mutuelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes, les demandes contraires ou plus amples.
Par déclaration reçue au greffe le 13 décembre 2023, M. [K] a formé appel du jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 30 août 2024, M. [N] [K] demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1641 et suivants du code civil, de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens,
et, statuant à nouveau,
- constater que, compte tenu des désordres allégués et constatés par l'expert judiciaire, M. [A], la vente intervenue entre Mmes [B] et [I] et
M. [K] le 26 septembre 2017 est entachée de vices cachés,
- constater que la responsabilité au titre de la garantie des vices cachés des vendeurs, soit Mmes [B] et [I] est engagée à ce titre,
en conséquence,
- condamner solidairement les vendeurs à indemniser M. [K] au paiement des sommes suivantes :
. 444 349,54 euros TTC au titre de travaux à réaliser, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
. 40 700 euros TTC au titre des frais de démolition,
. 61 020 euros TTC au titre des frais de maîtrise d''uvre,
. 9 800 euros au titre des frais de relogement pendant les travaux,
- condamner solidairement Mmes [B] et [I] au règlement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice, ainsi que 44 800 euros au titre du préjudice de jouissance à compter de la lettre de mise en demeure du
30 novembre 2017 (sauf à parfaire),
- condamner solidairement Mmes [B] et [I] à lui régler la somme de
5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mmes [B] et [I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Après avoir rappelé les conditions d'application de la garantie des vices cachés prévue aux 1641 et suivants du code civil, il invoque l'existence de vices connus des vendeurs, affectant d'une part l'isolation thermique et la structure de l'immeuble, d'autre part, la plomberie, l'électricité et la cheminée dont la mauvaise foi justifie une indemnisation en se prévalant des conclusions de l'expert judiciaire.
Concernant le vice affectant l'isolation thermique et la structure de l'immeuble, il soutient que l'état de dégradation des murs porteurs, des structures de plancher et d'une partie de la charpente du bâtiment, tous réalisés en bois et tous contaminés par des attaques parasitaires sous forme d'infestation de champignons lignivores, rendent le bâtiment impropre à sa destination ; que l'expert en préconise la reconstruction complète. Il précise que cet état préexistait à la vente puisque l'expert judiciaire indique que la date d'apparition des infestations parasitaires des bois est ancienne, antérieure aux années 2000, les vendeurs ayant acquis l'immeuble litigieux en 1992 ; qu'il ne pouvait être ignoré des vendeurs dès lors que l'expert a pu évoquer la fourniture de photos et de factures de travaux transmis par Mme [I], qui illustraient les travaux réalisés par son défunt mari, lesquelles n'ont pas été transmis à l'acquéreur au moment de la vente.
Concernant les vices affectant la cheminée, il fait valoir que l'expert judiciaire a relevé que la cheminée n'était pas en état de fonctionnement, son installation n'étant pas conforme et présentant un risque d'intoxication et d'incendie ; que s'agissant de la plomberie, les désordres se concrétisent par une absence d'alimentation et/ou de raccordement aux différents réseaux des toilettes, lavabo et baignoire ; que l'expert écrit que les désordres affectant la plomberie, l'électricité et la cheminée relèvent de la tromperie voire du dol et qu'il n'est pas exagéré d'étendre la constatation à l'état général de la maison. Il soutient dès lors que ces désordres étaient connus des vendeurs, ajoutant que cette réticence est accentuée par la mauvaise foi de Mme [I] laquelle exerce une profession directement en lien avec le domaine de la construction.
Sur l'indemnisation du dommage, rappelant que l'expert a précisé que compte tenu de la nature et de l'ampleur des désordres, les travaux devant être réalisés sont très importants et nettement plus onéreux et complexes que la réalisation d'une construction neuve, il sollicite :
- la somme de 444 349,54 euros TTC, correspondant au projet de reconstruction tel qu'établi par Mme [V] le 14 août 2024, à laquelle devrait s'ajouter la somme de 40 700 euros TTC correspondant aux frais de démolition de l'existant,
- la somme de 61 020 euros TTC, correspondant à la direction du maître d''uvre, et à l'intervention d'un bureau d'études s'agissant de l'étude thermique et de l'étude des sols,
- et la somme de 9 800 euros au titre de ses frais de relogement pour une habitation équivalente.
Pour solliciter à la fois la somme de 44 800 euros au titre de son préjudice de jouissance (soit 700 euros par mois à compter du courrier de mise en demeure du
30 novembre 2017), et la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, il explique que les vendeurs ont sciemment proposé à la vente un bien qu'ils savaient inhabitables, qu'il vit dans la crainte de l'effondrement de sa maison compte tenu de l'état de la structure, qu'au-delà du danger, il subsiste une forte humidité, et que l'absence de chauffage et d'utilisation de la cheminée l'oblige à vivre dans une seule et unique pièce, la cuisine.
Pour répondre aux conclusions de Mmes [B] et [I], il précise en substance que les travaux nécessaires au raccordement et à la mise en conformité de l'ensemble de l'ouvrage l'aurait conduit à acquérir le bien à un prix largement inférieur.
Par dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2024, Mme [P] [B] et Mme [F] [I] demandent à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes à leur égard,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- condamner M. [K] à leur verser une indemnité de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance,
à titre subsidiaire,
- condamner les Mma à les garantir de toute condamnation prononcée au profit de
M. [K],
à titre très subsidiaire,
- condamner les Mma à les garantir de toute condamnation excédant le prix de vente de la maison,
en tout état de cause,
- condamner tout succombant au versement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance et de celle de référé qui l'a précédée.
Reprenant les conditions de mise en 'uvre des opérations d'expertise, elles exposent que les conclusions du rapport de l'expert mentionnent la présence effective de désordres affectant les poutres en bois ainsi que la structure du bâtiment ; que concernant les poutres en bois, il apparaît que les désordres étaient apparents depuis plus de 5 ans à telle enseigne que l'expert judiciaire n'a pas manqué de signaler la légèreté des professionnels qui pouvaient manifestement percevoir l'état de la maison ; que le premier juge a considéré, à raison que les vices étaient constitués mais qu'ils n'étaient pas connus des vendeurs pour exclure leur garantie, notamment parce que les ayants droit de M. [I] ne pouvaient en avoir connaissance ; que la vente est intervenue après le décès du mari et père des intimées.
Elles font valoir que c'est uniquement en fonction de la connaissance qu'elles pouvaient avoir de l'état de la maison qu'il convient de se placer afin de déterminer si le vice dont elle est affectée était connu d'elles ; que s'agissant des travaux effectués par M. [I], profane en construction, rien ne permet d'établir qu'il connaissait l'état de son immeuble. Elles soutiennent essentiellement que si l'expert judiciaire a noté l'application de surépaisseurs sur la structure, dans les combles, rien ne vient établir que celles-ci étaient l''uvre de M. [I], dans l'affirmative, révélaient sa connaissance d'un phénomène avancé de dégradation, et encore qu'elles en étaient avisées.
Elles soulignent que l'expert judiciaire a donné des coups de masse dans le mur de la maison pour que chacun réalise quel était le phénomène de dégradation en cours ; que le défaut d'entretien de la maison a pu contribuer à sa dégradation ; que Mme [I] n'est pas une professionnelle de la construction mais une commerciale et assure la vente de terrains à bâtir sans autre compétence ; que sa proximité avec le directeur commercial d'une entreprise de construction de maisons individuelles est sans effet pour soutenir une quelconque compétence en construction ; que
M. [K] ne rapporte pas la preuve de la connaissance alléguée des vices cachés.
Subsidiairement, elles allèguent que si la cour devait, à l'inverse du tribunal, considérer que les vices affectant la maison étaient apparents, il l'était également pour l'acquéreur potentiel qu'était M. [K], qui ne pourrait donc se prévaloir de la garantie des vices cachés.
Très subsidiairement, précisant que M. [D], intervenu pour procéder à l'estimation de la valeur de la maison, était débiteur à leur égard d'un devoir de conseil, elles sollicitent la garantie des Mma de toutes condamnations prononcées à leur encontre en raison de l'erreur commise par l'agent immobilier dans l'évaluation de la valeur de l'ouvrage.
Par dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2024, la société Mma Iard assurances mutuelles demande à la cour de :
- confirmer intégralement le jugement entrepris,
en tout état de cause,
- débouter Mmes [B] et [I], et toute autre partie de leurs demandes à son encontre,
à titre subsidiaire,
- ramener le préjudice allégué à de bien plus justes proportions,
à titre subsidiaire également,
- dire que toute condamnation à son encontre ne pourra se faire au-delà du plafond de garantie de 153 000 euros, plafond opposable aux tiers,
à titre subsidiaire également,
- dire que toute condamnation à son encontre devra se faire sous déduction de la franchise contractuelle opposable aux tiers de 10 % de la condamnation, avec un minimum de 760 euros,
en tout état de cause,
- condamner tout succombant à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner tout succombant au paiement des entiers dépens.
Elle soutient que la faute reprochée à son assuré, agent immobilier intervenu pour estimer la valeur vénale de l'immeuble litigieux, ne changerait rien au fait que la maison était aux dires de l'acquéreur totalement rongée par les parasites, au point qu'il soit nécessaire de la démolir puis de la reconstruire.
Pour dénier sa garantie, elle précise que soit les désordres n'étaient pas connus des venderesses, de sorte que l'action de M. [K] ne pourra pas aboutir, soit les désordres étaient connus des venderesses, de sorte qu'elles ne pourraient venir rechercher la garantie de l'assureur de l'agent immobilier, et ce d'autant moins que les vices auraient alors empêché toute vente s'ils n'avaient pas été masqués par les venderesses.
Sur l'absence de responsabilité de M. [D], elle allègue qu'aucun des vices évoqués par M. [K] ne pouvait être relevé par un intermédiaire à la vente qui ne résidait pas sur place, n'est pas un professionnel de la construction, et ajoute que l'expert a relevé qu'il était parfaitement impossible (sauf à procéder à des sondages ou à une mise à nu des éléments de structure que l'intermédiaire n'avait évidemment pas à faire) de déceler les désordres constructifs dont se plaint l'acquéreur.
A titre subsidiaire, elle souligne que les demandes indemnitaires de M. [K] ne sont accompagnées d'aucun justificatif, précise qu'il n'existe aucune raison de faire peser le coût des travaux sur les Mma, et entend opposer les limites de sa garantie en cas de condamnation.
La clôture de l'instruction est intervenue le 5 février 2025.
MOTIFS
Sur la garantie des vices cachés
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 suivant précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Selon l'article 1643, il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Selon l'article 1644, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Enfin, l'article 1645 suivant ajoute que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, le débat né entre les parties porte essentiellement sur la connaissance des vendeurs des vices cachés lors de la vente de l'immeuble.
En effet, l'acte authentique de vente du 26 septembre 2017 portant sur une maison normande de 115 m² située à [Localité 8], vendue au prix de
126 000 euros net vendeur comporte une clause élusive de garantie en page 10 sur l'état du bien :
« L'ACQUEREUR prend le BIEN dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le VENDEUR pour quelque cause que ce soit notamment en raison :
. des vices apparents,
. des vices cachés.
S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas :
. si le VENDEUR a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel,
. si le VENDEUR, bien que non professionnel, a realisé lui-même des travaux,
. s'il est prouvé par l'ACQUEREUR, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du VENDEUR. »
Outre les vices cachés rendant la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus, l'acquéreur doit, pour voir la clause ci-dessus visée écartée, démontrer la connaissance qu'avait les vendeurs de leur existence ou l'exercice d'une profession de nature à établir la connaissance qu'ils pouvaient en avoir.
1 - Sur l'impropriété de l'immeuble à sa destination en raison des vices l'affectant
La réalité de vices graves affectant l'immeuble n'est pas contestée par les parties.
L'expertise judiciaire a mis en évidence les vices suivants établissant la dégradation prononcée de la maison au point d'envisager sa destruction et sa reconstruction, par synthèse des désordres énoncés, comme demandé par ordonnance de référé, en pages 31 à 36 du rapport du 23 février 2022 :
- une large infestation par des insectes à larves xylophages de type grosse vrillette des pièces de bois de l'ensemble de la maison et particulièrement de la charpente, par un champignon de type coniophore (coniophora puteana) ;
- des désordres affectant la solidité et les qualités requises de la toiture, des défauts d'isolation thermique de la maison ;
- un taux d'humidité excessif dans la maison, dans plusieurs pièces ;
- des branchements ou raccordements électriques non-conformes aux règles de l'art ;
- une cheminée avec insert dont le tubage n'est pas complet, qui ne parcourt pas la totalité de la hauteur du conduit pour aboutir au sommet de la souche de cheminée, dont le danger avec risque important d'incendie est signalé et dont l'usage doit être interdit avant mise en conformité ;
- le défaut de ventilation des pièces d'eau, et pour la plomberie, une absence d'alimentation et/ou raccordement aux différents réseaux des appareils décrits.
Il écrit au sujet de :
- la façade nord-ouest
« Tout le linéaire de sablières est totalement pourri. Plusieurs reprises au mortier ont été effectuées contre et au c'ur des pièces de bois. Au lieu de réaliser des entures en bois de chêne pour remplacer les parties de d'ouvrage en bois dégradées (après traitement curatif fongicide), de grossiers bouchement de mortier ont été effectués à même les pièces de bois favorisant ainsi l'extension de la dégradation de ces ouvrages »
- la façade pignon sud-ouest
« La majorité de la structure porteuse de ce pignon est totalement délitée. A ce jour la cohésion de cette façade n'est assurée que par l'épaisseur de la couche de l'enduit ciment qui habille la façade dans la hauteur du RDC »
- la façade sud-est
« Cette façade comporte suffisamment de fissures et de déformations pour appréhender sans sondage destructif l'état de la structure du colombage dissimulée derrière l'enduit ciment qui habille cette façade. Il suffit par exemple d'observer le soubassement de la façade situé à l'aplomb de la cuisine, pour s'apercevoir que le mur est bombé, que l'appui de la baie est déformé et se positionne désormais en contre pente. Ces déformations résultent des conséquences des infestations qui dégradent la structure porteuse en bois. ».
et en résumé :
« Les désordres structurels constatés sur les ouvrages en bois des planchers, des charpentes et des façades du bâtiment compromettent à court terme la solidité de l'ouvrage' L'état de dégradation des murs porteurs, des structures de plancher et d'une partie de la charpente du bâtiment' rend le bâtiment impropre à sa destination' »
En conséquence, l'importance des vices affectant l'immeuble vendu est suffisamment démontrée en ce qu'elle doit compromettre la destination de la maison.
2- Sur le caractère apparent des vices pour l'acquéreur
Si M. [K] évoque peu le caractère caché des vices allégués, si par ailleurs Mme [B] et Mme [I] ne se défendent sur ce point qu'à titre subsidiaire, l'existence de défauts cachés de la maison qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus est une condition de mise en 'uvre de la garantie avant même d'envisager la connaissance que pouvaient en avoir les vendeurs.
Les parties ne versent pas aux débats les diagnostics réalisés dans le cadre de la vente mais il résulte de l'acte authentique du 26 septembre 2017 qu'au sujet de :
- l'installation électrique intérieure (page 19)
Il est rappelé que « Le BIEN dispose d'une installation intérieure électrique de plus de quinze ans' Les conclusions du (diagnostiqueur) sont les suivantes : l'installation intérieure d'électricité comporte une ou des anomalies »
Dans sa lettre du 30 novembre 2017, M. [K] relève que « à l'étage, les fils s'arrêtent dans une boîte de jonction dans la salle de bains. Les prises et les radiateurs ne sont pas alimentés
Les Radiateurs
Certains ne fonctionnent pas du tout et d'autres ne régulent pas et fonctionnent sans arrêt' Tout le réseau électrique n'était pas raccordé à la terre. Il a fallu que je remette en état, à ma charge, la plomberie, l'électricité et le projet d'isolation. ».
L'expert écrit qu'il est plus difficile d'expliquer et de justifier les désordres liés aux prestations d'électricité. Il indique qu'« il est difficile d'expliquer la fixation murale des appareils de chauffage électrique sans les avoir branchés préalablement ».
En l'absence de production du diagnostic et des factures correspondant aux frais que prétend avoir effectué M. [K], au regard des vices qu'il décrit aisément, il convient de retenir qu'ils étaient détectables lors de la visite de l'immeuble. Mme [B] et Mme [I] suggèrent que M. [I], décédé le 15 janvier 2017 avait été interrompu dans l'exécution des travaux en raison de la maladie.
En tout état de cause, l'acquéreur était avisé ou à tout le moins pouvait constater de telles anomalies de l'installation.
- le diagnostic de performance énergétique
Il n'est pas davantage produit et l'acte authentique se borne à préciser que le vendeur a précisé qu'il s'agissait de sa résidence secondaire et que par suite il n'y avait pas de consommation.
Dans sa lettre du 30 novembre 2017, M. [K] écrit au titre de l'isolation qu' « Aux plafonds et aux murs des chambres sous la frise il n'y a pas de laine de verre mais seulement une sous toiture ».
Le défaut d'isolation de la maison tel que décrit par M. [K] était aisément perceptible en accédant aux combles, en examinant la constitution du bien lors de visite. Il peut être relié à l'ancienneté de la maison.
Quant à la construction des murs, l'expert précise que les désordres liés aux carences d'isolation thermique pouvaient ne pas être connus des venderesses, s'agissant notamment d'un bien faisant l'objet d'une occupation occasionnelle et durant les saisons chaudes. Dès lors en toute hypothèse, ce poste ne doit pas être retenu.
- l'assainissement
L'acte authentique précise que « Cette installation d'assainissement a fait l'objet d'un contrôle par la société VEOLIA EAU' dont le rapport en date du 27 juin 2017 est ci-joint et annexé. Ce contrôle a établi la non-conformité du raccordement de l'assainissement.
Anomalie A5 : des eaux usées se déversent à ciel ouvert (caniveau, terrain). Il faut effectuer le raccordement direct de toutes les eaux usées sur la boîte de branchement.
L'acquéreur déclare en avoir parfaite connaissance et en faire son affaire personnelle, sans recours contre le promettant, le prix ayant été fixé en considération. »
M. [K] ne forme aucune critique à ce titre sans pour autant justifier des travaux qu'il aurait dû entreprendre pour une mise en conformité et notamment quand il évoque des travaux de « plomberie » dont il ne justifie pas.
Dans sa lettre du 30 novembre 2017, il expose qu'« A l'étage, dans la chambre parentale, les lavabos et les WC ne sont pas alimentés en eau, ainsi que la baignoire au rez-de-chaussée. Ces sanitaires ne sont pas raccordés à l'évacuation des eaux usées ».
M. [K] était à tout le moins avisé des problèmes de raccordement au réseau des eaux usées ; quant au défaut de raccordement des éléments sanitaires au réseau d'eau, cet état était contrôlable lors des visites et donc apparent.
Sur ces différents postes, alors qu'il a reçu communication des diagnostics, l'expert judiciaire n'apporte pas d'autres éléments significatifs.
- la cheminée
Sa dangerosité est établie et M. [K] évoque dès sa lettre du 30 novembre 2017 son dysfonctionnement (enfumage de la pièce). Ce vice était caché jusqu'à la mise en service de l'insert.
Outre que l'expert précise qu'il l'était, il indique que « que pour le découvrir, il est nécessaire soit de mettre en service l'insert, soit d'inspecter minutieusement le tracé du tubage sur tout son parcours. Cette action ne peut être réalisée que par un professionnel en la matière. Cet équipement n'a pas pu fonctionner en l'état sans occasionner d'importantes nuisances pour les occupants précédents ».
Toutefois, il n'est pas démontré que Mme [B] et Mme [I] avaient connaissance de la non-conformité de la cheminée. En effet, outre l'absence de connaissance quant à ses conditions d'installation, de factures d'achat et d'installation, l'expert précise que le bien « constituait pour les venderesses une résidence secondaire. Il était donc habité de façon occasionnelle et le plus souvent durant les saisons chaudes. ». Mme [B] précise par la voie de son avocat dans son dire du 11 décembre 2021que « jamais cette utilisation n'a posé difficulté ». Ces éléments sont trop ténus en l'état pour considérer que les venderesses étaient avisées d'un dysfonctionnement constituant un vice.
- l'état structurel de la maison
La dégradation massive du bâti essentiellement en bois a pour origine la présence très largement répandue d'insectes xylophages et champignons et une humidité contribuant au pourrissement des pièces de bois.
L'expert précise en page 37 que « Les dates d'apparition des infestations parasitaires des bois sont anciennes et antérieures aux années 2000' L'ampleur et l'impact des attaques sur les différents éléments structurels du bâtiment sont suffisamment marqués pour attester de leur ancienneté. »
En page 39, il décrit des interventions sommaires sans traitement des causes et notamment dues à l'infestation décrite ; « Les façades en colombage du bâtiment (excepté la façade Nord-Ouest) ont été revêtues, antérieurement aux années 1980, par un enduit ciment qui a donné lieu à un enrobage et un confinement des pièces de bois. Ce confinement a généré une rétention de l'humidité des murs' Il en résulte que durant plusieurs décennies les pièces de bois ont macéré dans un confinement humide' ». Il évoque précisément les causes cumulatives de dégradation du bien.
L'acte de vente au profit de M. [K] révèle que le bien a été acquis par M. et Mme [I] le 27 août 1992. M. [I] est décédé le 15 janvier 2017, la vente est intervenue le 26 septembre 2017.
Les photographies prises au plus près de la vente lors du constat de l'huissier de justice du 6 novembre 2018 démontrent qu'il s'agit d'un immeuble très ancien, de type maison normande, n'ayant pas fait l'objet de travaux d'entretien et de modernisation d'envergure à l'intérieur.
Les quelques photographies extérieures prises par l'expert judiciaire (photographies
6, 32, 33 et 34) démontrent également un mauvais état extérieur manifeste, un défaut d'entretien des bois.
Les 6 attestations produites par M. [K] de proches et amis confirment que lors de la visite, la propriété présentait tous les signes d'un défaut d'entretien et d'occupation avant son acquisition. Les déclarations portent sur l'impossibilité « d'accéder et de voir l'arrière de la maison. Une haie de thuyas, haute d'environ
5 m et large de 3 mètres nous empêchait tout passage. », « tout le terrain était entouré de haies très hautes et la porte du côté en partie recouverte », « la porte d'accès à l'arrière-cuisine était recouverte de végétation et la haie attenante présentait un volume et une hauteur important (hauteur d'au moins 4 mètres ».
Aussi, M. [K] pouvait aisément percevoir des défauts liés à l'humidité de la maison. L'absence de contrôle visuel de la façade arrière lui est imputable puisqu'il n'était pas contraint d'acheter la maison alors que la visite intégrale à son pourtour n'était pas possible. Cet état renforce au contraire la connaissance de points défaillants de la maison.
Toutefois, les indices portant sur les défauts ne lui permettaient pas d'avoir connaissance de l'état de dégradation avancé de l'immeuble, atteint de champignons et dévorés par les larves d'insectes xylophages au point de devoir justifier une reprise totale du bâti, voire sa destruction pour un moindre coût.
Ce défaut était caché lors de l'acquisition de la maison.
3- Sur la connaissance des vendeurs de l'existence de vices cachés
Mme [B] et Mme [I] n'ont pas été à l'origine des travaux, sommaires ou non, sur les bois de la maison vendue.
Seul M. [I] décédé en janvier 2017 avait, comme le souligne l'expert, une connaissance des interventions pratiquées par ses soins voire par des tiers sans qu'il ne soit démontré d'ailleurs qu'il en avait la compétence. En outre, l'expert n'a pas été en mesure de situer ces interventions dans le temps compte tenu de son état, de mauvais traitement des difficultés constructives.
En toute hypothèse, l'action entreprise ne suppose pas la qualité de vendeur constructeur qui aurait pu être discutée à l'encontre du défunt, mais la connaissance des vices des venderesses et donc de Mme [B] et Mme [I].
Les allégations de M. [K] sur les compétences en construction de Mme [I] ne résistent pas à l'analyse : la qualité de commerciale auprès de la société « Terres à Maisons » située à [Localité 9], soit de vendeuse de terrains à bâtir ne lui donne pas les compétences pour apprécier l'état d'une construction ancienne. Les informations publicitaires prouvent d'ailleurs que la construction des immeubles est confiée à un « partenaire EXTRACO » et confortent l'exposé qu'en fait en ce sens Mme [I]. Les relations de cette dernière avec M. [R], directeur commercial du groupe Extraco sont en l'espèce sans intérêt dans la mesure où ce tiers n'est pas intervenu dans le cadre de la négociation de la vente. Ces éléments seront écartés.
Enfin, les observations de l'expert qui après avoir évoqué « certaines prestations telles que la pose dangereuse de l'insert dans la cheminée, la pose de convecteurs électriques dépourvus de branchement électrique et la pose d'appareillage de plomberie non raccordés aux réseaux d'adduction d'eau et d'évacuation des eaux usées » explique « Dans ces derniers cas, ces démarches s'apparentent plus à une volonté de maquillage voire à un dol » relèvent d'une appréciation sur les intentions des venderesses et non de la mission technique reçue par l'expert ce d'autant plus que, soit les désordres allégués étaient apparents lors de la vente, soit ils n'est pas prouvé qu'ils étaient connus des venderesses, ne serait-ce que par un faisceau d'indices.
En définitive, si M. [K] n'a pas pu se convaincre des attaques dévastatrices du bois de l'immeuble, révélées en partie après travaux destructifs de l'expert, rien n'établit que Mme [B] et Mme [I] détenaient des informations à ce sujet, et ce alors que les visites effectuées par des professionnels, le diagnostiqueur d'une part, l'agent immobilier d'autre part, n'ont pas conduit ces derniers à alerter tant les venderesses que l'acquéreur des risques d'infestation de l'immeuble, d'un pourrissement important des pièces de bois.
Si dans sa lettre du 30 novembre 2017, M. [K] évoque des défauts de la maison qu'il estime devoir lui coûter 10 000 euros sans compter les travaux de reprise de la cheminée, il a vécu un premier hiver dans la maison sans déceler de graves anomalies. L'absence de visibilité des atteintes structurelles des bois peut être retenue pour les venderesses en l'absence d'éléments contraires.
Les premières traces d'humidité seront relevées par constat le 6 novembre 2018 soit plus d'un an après la vente. Seules les opérations d'expertise entre 2019 et 2022 mettront en évidence la gravité des vices l'affectant.
En conséquence, si l'existence de vices cachés est démontrée, l'absence de connaissance qu'en avait les venderesses leur permet de bénéficier de la clause élusive de garantie. Le jugement sera dès lors confirmer en ce qu'il a débouté
M. [K] de ses demandes à leur encontre.
L'appel en garantie contre les Mma Iard assurances mutuelles est dès lors sans objet.
Sur les frais de procédure
Le jugement entrepris sera confirmé au titre des dépens et des frais irrépétibles.
M. [K] échoue en cause d'appel et en supportera les dépens ainsi que les dépens de référé et les frais d'expertise.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront donc déboutées de leurs prétentions.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [N] [K] aux dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise.