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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 28 mai 2025, n° 24/03018

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/03018

28 mai 2025

N° RG 24/03018 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JXZP

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 28 MAI 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00504

Tribunal judiciaire de Rouen du 11 juillet 2024

APPELANTE :

Madame [P] [V]

née le 8 août 1986 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée et assistée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-GREGOIRE LECLERC, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Madame [H] [N]

née le 17 juin 1993 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Géraldine DE PELLISSIER, avocat au barreau de Rouen

Monsieur [D] [T]

né le 15 janvier 1990 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Géraldine DE PELLISSIER, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 24 février 2025 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 24 février 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au

28 mai 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 mai 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 3 décembre 2020, Mme [H] [N] et M. [D] [T] ont acquis auprès de Mme [P] [V] une maison mitoyenne située au [Adresse 2] à [Localité 3]. Ils ont réalisé des travaux avant la conclusion de la vente, conformément à une clause du contrat.

Après réalisation de la vente, les acheteurs ont constaté des infiltrations d'eau par la toiture, de l'humidité sur un mur du pignon, ainsi que l'accès difficile pour l'entretien et la réparation de la chaudière. Le 15 février 2021, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les acquéreurs ont informé Mme [V] de la présence d'infiltrations d'eau. Ils ont sollicité une solution amiable mais Mme [V] n'a formulé aucune proposition d'indemnisation.

M. [K] [M], expert du cabinet Mahé Villa, mandaté par l'assureur protection juridique des acquéreurs, a établi un rapport d'expertise amiable le 25 mai 2021, dans lequel il constate des infiltrations d'eau et de l'humidité dans la maison.

Par acte extrajudiciaire du 17 janvier 2022, Mme [N] et M. [T] ont assigné Mme [V] pour solliciter une expertise judiciaire. Par ordonnance du 15 mars 2022, M. [W] [S] a été désigné en qualité d'expert. Il a établi son rapport le 15 septembre 2022.

Par acte extrajudiciaire du 24 janvier 2023, Mme [N] et M. [T] ont assigné Mme [V] devant le tribunal judiciaire de Rouen aux fins de la voir condamner à les indemniser de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés et du devoir d'information.

Saisi par conclusions d'incident notifiées le 30 janvier 2024 par Mme [V], le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rouen a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité soulevé par Mme [V],

- réservé les dépens,

- condamné Mme [V] à verser la somme de 700 euros à Mme [N] et

M. [T] au titre des frais irrépétibles,

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 20 novembre 2024 à 9 heures, les conclusions au fond de Mme [V] étant attendues le 30 septembre pour permettre aux acquéreurs d'y répliquer.

Par déclaration reçue au greffe le 21 août 2024, Mme [V] a formé appel de l'ordonnance.

Par décision du président de chambre du 2 septembre 2024, l'affaire a été fixée à bref délai suivant les dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions uniques notifiées le 2 octobre 2024, Mme [P] [V] demande à la cour, au visa des articles 1641 du code civil, et 700 du code de procédure civile, de :

- la recevoir en son appel, ses conclusions et ses demandes,

y faisant droit,

- réformer l'ordonnance entreprise en son entier dispositif,

en conséquence, statuant à nouveau,

- débouter Mme [N] et M. [T] de toutes leurs demandes,

- juger irrecevables les demandes formulées par Mme [N] et M. [T] à son encontre,

en conséquence, et en tout état de cause,

- condamner Mme [N] et M. [T] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Elle soutient essentiellement que la décision attaquée mérite la réformation en ce que la garantie des vices cachés ne peut pas s'appliquer compte tenu de la clause d'exclusion des vices cachés présente à l'acte qui trouve pleinement à s'appliquer, d'une part, et de l'absence de tout désordre qui aurait été connu de la venderesse et inconnu des acheteurs, telle que l'aurait relevé l'expert judiciaire, d'autre part. Elle fait valoir que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, en premier lieu, la qualité de professionnel de l'immobilier ne peut être invoquée par les acquéreurs pour permettre l'exclusion de la garantie des vices cachés à son égard ; qu'en second lieu, conformément aux observations de l'expert judiciaire, les désordres allégués étaient apparents lors de la vente du bien.

Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2025, Mme [H] [N] et

M. [D] [T] demandent à la cour, au visa des articles 31, 122, 789 du code de procédure civile, 1103, 112-1, 1602, 1603, 1615 et 1641 et suivants du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance entreprise,

y ajoutant,

- condamner Mme [V] à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [V] aux dépens de l'appel avec le droit pour Me Géraldine de Pellisier de recouvrer directement les frais avancés, au titre de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeter toutes conclusions contraires,

- débouter Mme [V] de toutes ses demandes.

Sur le défaut d'information et les vices cachés connus de Mme [V], ils soutiennent qu'il leur a fallu une expertise amiable et une expertise judiciaire pour connaître les graves anomalies affectant le bien acheté, lesquelles étaient connues de Mme [V] puisqu'elle a entretenu et a réparé elle-même, avec l'aide de son partenaire et de son père, l'immeuble litigieux. Ils reprennent les conclusions de l'expert judiciaire pour démontrer l'existence de vices cachés.

Il est renvoyé aux conclusions ci-dessus pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 24 février 2025.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1643 suivant précise qu'il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Mme [V] se prévaut de la clause stipulée dans l'acte authentique de vente du

3 décembre 2020 précisant en page 9 au titre de l'état du bien que :

« L'ACQUEREUR prend le BIEN dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le VENDEUR pour quelque cause que ce soit notamment en raison :

. des vices apparents,

. des vices cachés.

S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas :

. si le VENDEUR a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction sauf si l'ACQUEREUR a également cette qualité,

. ou s'il est prouvé par l'ACQUEREUR dans les délais légaux que les vices cachés étaient en réalité connus du VENDEUR. »

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, cette clause ne constitue pas une fin de non-recevoir mais un moyen de défense au fond : elle suppose que la cour d'appel examine le bien-fondé des prétentions au titre de l'existence des vices cachés et de la qualité du vendeur.

La décision sera infirmée en ce qu'elle « rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité soulevé par Mme [V] ».

La fin de non-recevoir alléguée sera rejetée.

Sur les frais de procédure

Le juge de la mise en état n'a pas statué sur les dépens mais les a réservés de façon opportune. L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a condamné Mme [V] à payer à M. [T] et Mme [N] au paiement d'une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, Mme [V] est partie perdante et supportera les dépens dont distraction au profit de Me Géraldine de Pellissier en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée à payer à M. [T] et Mme [N] la somme de

1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité soulevé par Mme [P] [V],

- condamné Mme [P] [V] à verser la somme de 700 euros à Mme [H] [N] et M. [D] [T] au titre des frais irrépétibles,

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir alléguée par Mme [P] [V],

Condamne Mme [P] [V] à payer à M. [D] [T] et Mme [H] [N] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties pour le surplus des demandes,

Condamne Mme [P] [V] aux dépens dont distraction au profit de Me Géraldine de Pellissier en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,

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