CA Dijon, 2 e ch. civ., 22 mai 2025, n° 22/01217
DIJON
Arrêt
Autre
[S] [K] [L] [P]
C/
S.A.R.L. ALMATYS
S.A. FINANCO
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 22 MAI 2025
N° RG 22/01217 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GBHH
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 08 juillet 2021,
rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Beaune - RG : 20-000043
APPELANTE :
Madame [S] [K] [L] [P]
née le 16 Mars 1977 à [Localité 8] (21)
domiciliée :
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Eric RUTHER, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 106
INTIMÉES :
S.A.R.L. ALMATYS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Céline BOUILLERET, membre de la SCP BERGERET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 14
S.A. FINANCO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège social sis :
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-Laure BERNARDOT, membre de la SELAS BERNARDOT AVOCAT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 151
assistée de Me Julie PAGE, membre de la SCP AVOCATS DUPONNAT, avocat au barreau de BREST
PARTIE INTERVENANTE :
SCP BTSG², prise en la personne de Me [U] [G], es qualité de liquidateur de la SAS ALMATYS,
domiciliée :
[Adresse 7]
[Localité 1]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 mars 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 22 Mai 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Mme [S] [P] a signé le 2 avril 2013 auprès de la SARL Almatys un bon de commande portant sur la fourniture et la pose de deux poêles à granulés et une isolation des combles pour un montant de 13 000 euros payés comptant.
Elle a commandé le 20 novembre 2013, auprès de la même société, un ballon thermodynamique pour un montant de 3 500 euros.
Pour assurer le financement de ces derniers travaux, elle a souscrit auprès de la SA Financo un crédit d'un montant de 3 500 euros, d'une durée de 185 mois et assorti d'un taux d'intérêts conventionnels de 4,80 %.
L'installation a eu lieu fin novembre 2013.
Par actes d'huissier des 19 et 20 mars 2018, Mme [S] [P] a fait assigner la société Almatys et la société Financo devant le tribunal de grande instance de Dijon aux fins, notamment, de voir prononcer la nullité des deux bons de commande des 2 avril et 20 novembre 2013 et du contrat de crédit affecté et, subsidiairement, constater que la société Financo a engagé sa responsabilité contractuelle au titre des fautes commises la privant de sa créance de restitution.
Suivant ordonnance du 25 novembre 2019, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Dijon incompétent au profit du tribunal d'instance de Beaune.
Le 28 novembre 2018, Mme [P] a déposé plainte pour usage de faux.
Par jugement du 08 juillet 2021, le tribunal de proximité de Beaune a :
- déclaré irrecevables les demandes de nullité des deux contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent présentées par Mme [S] [P] ;
- débouté Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné Mme [S] [P] à exécuter le contrat de prêt souscrit auprès de la société Financo jusqu'à son terme ;
- condamné Mme [S] [P] à payer à la société Financo la somme de cinq cents euros (500 euros) et à la SARL Almatys la somme de cinq cents euros (500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [S] [P] au paiement des dépens de l'instance.
Par déclarations des 28 juillet et 21 septembre 2021, Mme [S] [P] a relevé appel de ce jugement.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 21 septembre 2021.
La SARL Almatys et Financo ont constitué avocat à hauteur de cour.
Le 10 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au bénéfice de la société Almatys par le tribunal de commerce de Nice. La SCP BTSG, prise en la personne de Maître [U] [G], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Almatys.
L'instance a été interrompue et le liquidateur judiciaire n'ayant pas été appelé à la cause, l'affaire a été radiée du rôle par décision du 14 juin 2022.
Le 2 août 2022, Mme [P] a fait assigner la SCP BTSG en intervention forcée par acte délivré à personne morale et sur ses conclusions, l'affaire a té réinscrite le 06 octobre 2022, sous le numéro RG 22/01217.
La société Financo et Mme [P] ont déclaré leur créance à la procédure collective par lettres du 19 avril 2022 pour la première et du 5 avril 2022 pour la deuxième.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'appelante notifiées le 07 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [S] [P] demande à la cour, au visa des anciens articles L 121-21 et suivants, L 111-1 et R 121-3 à R 121-6 du code de la consommation, ainsi que de l'article 6 et des articles 1146 et suivants (anciens) du code civil, de :
- déclarer qu'il a été bien appelé, et mal jugé ;
- réformer et infirmer le jugement entrepris sur les chefs de jugements suivants, et statuant à nouveau,
En ce qui concerne le premier chef du jugement critiqué sur l'irrecevabilité des demandes de nullité des contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent,
- réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes de nullité des deux contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent.
Statuant à nouveau,
- déclarer que les conditions légales de saisine du juge des contentieux de la protection ont été respectées ;
- la déclarer recevable en ses demandes de nullité des contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent ;
- déclarer qu'il n'y a pas lieu de la débouter en ses demandes.
En ce qui concerne le deuxième chef du jugement critiqué sur son débouté de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à exécuter le contrat de prêt,
- réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
l'a condamnée à exécuter le contrat de prêt souscrit auprès de la SA Financo jusqu'à son terme.
statuant à nouveau,
En ce qui concerne la SAS Almatys,
A titre préliminaire,
- lui donner acte qu'elle se pliera aux vérifications d'écritures qu'ordonnera la cour d'appel de Dijon afin de déterminer si les signatures figurant sur les documents ont été imitées.
A titre principal,
- déclarer que la SARL Almatys n'a pas respecté les règles d'ordre public du code de la consommation ;
- déclarer que les deux bons de commande comportent de graves irrégularités ;
- en conséquence, déclarer irréguliers les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013.
A titre subsidiaire,
- déclarer qu'elle a été victime d'une pratique commerciale trompeuse de la part de la SARL Almatys ;
- déclarer que cette pratique commerciale trompeuse est constitutive d'un dol ;
- en conséquence, déclarer irréguliers les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013.
A titre infiniment subsidiaire,
- déclarer que son consentement a été vicié par erreur ;
- en conséquence, déclarer irréguliers les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013.
A titre très infiniment subsidiaire,
- déclarer que la SARL Almatys a gravement manqué à ses obligations contractuelles pour les causes avant dites ;
- déclarer que la SARL Almatys a engagé sa responsabilité contractuelle pour les causes avant dites.
En ce qui concerne la SA Financo,
- déclarer que la SA Financo a commis de graves manquements, à savoir :
en s'étant rendue complice de la SARL Almatys en acceptant de prêter son concours à une opération irrégulière et illicite,
en n'ayant pas respecté son devoir d'information et de conseil à son égard,
en ayant débloqué des fonds à la SARL Almatys sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation.
- déclarer que ces fautes graves engagent la responsabilité de la SA Financo ;
- déclarer qu'il en est résulté pour elle un préjudice qui doit à titre subsidiaire s'analyser en une perte de chance ;
En toute hypothèse,
- prononcer la nullité ou la résolution des bons de commande des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013 avec toutes conséquences de droit ;
- prononcer la nullité ou la résolution du contrat de crédit affecté de la SA Financo en date du 20 novembre 2013 ;
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Almatys à la somme de 26 751,31 euros ;
- condamner la SA Financo à lui rembourser l'ensemble des échéances qu'elle a réglées, augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation ;
- condamner la SA Financo à lui régler les sommes suivantes, augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation :
850,31 euros au titre des travaux de remise en état,
3 200 euros au titre du préjudice moral,
- condamner la SA Financo à lui régler la somme de 350 euros au titre de son préjudice financier, augmentées des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;
- à titre principal, déclarer que les fautes commises par la SA Financo la privent de sa créance de restitution ;
- débouter la SA Financo de l'ensemble de ses demandes ;
-à titre subsidiaire, déclarer qu'elle a subi un important préjudice lié à la perte de chance de ne pas contracter ;
- condamner la SA Financo à lui régler la somme de 3 500 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter.
En ce qui concerne le chef de jugement critiqué par la SAS Almatys : le rejet de sa demande reconventionnelle,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Almatys de sa demande reconventionnelle ;
- débouter la SAS Almatys de l'ensemble de ses demandes.
En ce qui concerne le troisième chef du jugement critiqué sur sa condamnation à payer la somme de 500 euros à la SA Financo et 500 euros à la SARL Almatys sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
l'a condamnée à payer à la société Financo la somme de cinq cent euros (500 euros) et à la SARL Almatys la somme de cinq cent euros (500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
l'a condamnée au paiement des dépens de l'instance.
statuant à nouveau,
- débouter la SA Financo et la SARL Almatys en leurs demandes ;
- condamner la SA Financo à lui régler la somme de 6 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SAS Almatys aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui devront comprendre le coût du procès-verbal de constat de Maître Sébastien Pinard en date du 27 juillet 2021, en jugeant que Maître Eric Ruther, avocat, pourra procéder à leur recouvrement comme cela est prescrit à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'intimée n° 4 notifiées le 09 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société Financo demande à la cour, au visa des articles 1373, 1137, 1182, 1347, 1240, 1178 et 1229 du code civil, des articles L121-23 et suivants (anciens) et R. 121-5 du code de la consommation, ainsi que de l'article 285 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le tribunal de proximité de Beaune (RG 11-20-000043) en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les demandes de nullité des deux contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent présentées par Mme [S] [P],
débouté Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes,
condamné Mme [S] [P] à exécuter le contrat de prêt souscrit auprès d'elle jusqu'à son terme,
condamné Mme [S] [P] à lui payer la somme de cinq cents euros (500 euros) ['] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [S] [P] au paiement des dépens de l'instance.
A titre subsidiaire,
- ordonner avant dire droit une vérification d'écritures afin de déterminer si les signatures figurant sur l'ensemble des documents contractuels ont bien pour auteur Mme [S] [P], notamment celles figurant sur les deux exemplaires de l'offre de crédit en date du 20 novembre 2013, la fiche de dialogue en date du 20 novembre 2013, l'attestation simplifiée en date du 20 novembre 2013, le bon de commande en date du 20 novembre 2013, le procès-verbal de fin de chantier en date du 05 décembre 2013, la demande de financement et l'autorisation de prélèvement en date du 5 décembre 2013, le coupon de demande de déblocage des fonds en date du 5 décembre 2013.
A titre subsidiaire, si la nullité ou la résolution du contrat de vente et celle subséquente du contrat de crédit étaient prononcées,
- condamner Mme [S] [P] à lui restituer le montant du capital prêté au titre du contrat de prêt en date du 20 novembre 2013, soit la somme de 3 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- dire et juger qu'elle aura en ce cas à rembourser à Mme [S] [P] les échéances réglées ;
- ordonner la compensation entre les créances réciproques par application des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil ;
- débouter Mme [S] [P] de ses demandes contraires et ses demandes indemnitaires ;
- débouter la SARL Almatys de ses demandes en garantie à son encontre.
A titre infiniment subsidiaire, si la cour dispensait Mme [S] [P] de lui restituer le capital emprunté,
- fixer sa créance au passif de la SARL Almatys à la somme de 3 500 euros correspondant à sa demande relative à l'application des dispositions de l'article 1240 du code civil,
En tout état de cause,
- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Bernardot, membre de la Selarl Andre-Ducreux-Renevey-Bernardot, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions notifiées le 24 janvier 2022, la société Almatys a demandé à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal de proximité de Beaune en date du 8 juillet 2021,
- débouter Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes
y ajouter:
- condamner Mme [S] [P] à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire
Vu l'appel incident,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
Vu l'article R221-40 du code de l'organisation judiciaire
- débouter Mme [S] [P] de ses nouvelles demandes à savoir la demande de verification d'écriture et de designation d'expert,
- dire et juger irrecevables l'ensemble des nouvelles demandes,
débouter Mme [S] [P] de sa demande d'expertise,
- réformer le jugement du tribunal de proximité de Beaune en date du 8 juillet 2021,
reconventionnellement,
- condamner Mme [P] à la somme de 16.500 euros au titre de dommages et intérêts pour enrichissement sans cause,
A titre éminemment subsidiaire,
- condamner la SA Financo à relever et garantir la SARL Almatys de toute condamnation pouvant intervenir a son encontre ;
- débouter Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [S] [P] a la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [S] [P] aux entiers dépens.
La société BTSG, ès qualités de liquidateur de la société Almatys, n'a pas constitué avocat.
Par acte du 14 février 2025, Mme [S] [P] a fait signifier ses conclusions à la société BTSG, ès qualités, par acte délivré à personne morale.
La clôture est intervenue le 04 mars 2025.
Sur ce la cour,
A titre liminaire, la cour observe que certaines des demandes tendant à voir 'constater', 'dire et juger', 'déclarer'... ne constituent qu'un rappel de moyens ou d'arguments mais ne contiennent aucune prétention au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile. Elles ne saisissent donc pas la cour qui ne statuera pas sur ces 'demandes'.
1/ Sur la demande en nullité des deux contrats principaux
La cour observe à l'instar de Mme [P] que le premier juge a décaré irrecevables ses demandes en nullité des deux contrats principaux sans préciser le fondement juridique de cette irrecevabilité puis a débouté l'intéressée des mêmes demandes.
En l'absence de fin de non recevoir soulevée par les parties ou d'office par le premier juge, il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a déclaré ces demandes irrecevables.
Mme [P] reconnaît avoir signé les deux bons de commande, objet du litige.
Pour conclure à leur nullité, elle soutient que les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013 ne respectent pas les dispositions impératives du code de la consommation sur le démarchage à domicile.
La société Financo estime, au contraire, que le contrat du 20 novembre 2023, qui seul la concerne, n'encourt pas la nullité comme répondant aux dispositions du code de la consommation.
Les contrats de vente litigieux ayant été conclus courant 2013, ils sont soumis aux dispositions des articles L 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur version issue de la loi n°93-949 du 27 juillet 1993.
L'article L121-23 du code de la consommation, dans sa version applicable, prévoit que les opérations visées à l'article L 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes':
' noms du fournisseur et du démarcheur,
' adresse du fournisseur,
' adresse du lieu de conclusion du contrat,
' désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
' conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,
' prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L313-1,
' faculté de renonciation prévue à l'article L121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L 121-23, L 121-24, L 121-25 et L'121-26.
Selon l'article L121-24, dans sa version applicable, le contrat visé à l'article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25. Un décret en Conseil d'Etat précise les mentions devant figurer sur ce formulaire.
Or, en l'espèce, et comme le soutient l'appelante, le nom du démarcheur ne figure ni sur le premier bon de commande du 02 avril 2013, ni sur le second bon de commande du 20 novembre 2013, la seule mention sur le premier bon de commande du prénom '[F]' n'étant pas conforme au texte.
En outre, les mentions sur les formulaires de rétractation 'l'envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception' et 'l'expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ou si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant' ne sont pas soulignées ni mentionnées en caractères gras et ce en violation des dispositions de l'article R121-5 du code de la consommation, dans sa version applicable.
La violation des dispositions susvisées, qui sont d'ordre public, est sanctionnée par la nullité.
Les bons de commande signés par Mme [P] ne sont pas conformes aux dispositions des articles L 121-23, L 121-24 et R121-5 susvisés alors en vigueur.
Reprenant à son actif la motivation du premier juge et se fondant sur les dispositions de l'article 1338 du code civil, dans sa version applicable, la société Financo rappelle que la nullité dont se prévaut l'appelante n'est que relative et qu'elle a été couverte par l'exécution volontaire par l'intéressée de ses obligations, faisant observer que celle-ci a recéptionné le matériel commandé, accepté l'installation de ce dernier sans réserve et s'est acquittée de la totalité du prix, au moyen du déblocage du prêt, dont elle assure le remboursement.
La nullité encourue par le professionnel en cas de méconnaissance des obligations d'information précontractuelle ou contractuelle prévues par le code de la consommation s'agissant des contrats conclus à la suite d'un démarchage est relative. Il est donc possible d'y renoncer.
Il résulte de l'article 1338 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, que la confirmation d'un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l'affecte.
Pour qu'une confirmation d'un acte nul puisse être constatée, sur ce fondement, il doit être établie une exécution volontaire en connaissance de cause de la nullité.
La reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement, ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n°22-16.115, publié).
Une telle demande de confirmation fait défaut en l'espèce.
De plus, le fait que Mme [P] ait signé les bons de commande, poursuivi l'exécution des contrats conclus, accepté l'installation du matériel et remboursé le crédit afférent au deuxième bon de commande, ne suffit pas à démontrer qu'elle avait connaissance des causes de nullité des contrats.
Le fait qu'elle ait ou non signé le procès verbal de fin de chantier et continué à régler les mensualités de remboursement du prêt ne saurait valoir confirmation de l'acte nul dès lors que la preuve de la connaissance par l'intéressée du vice l'affectant n'est pas rapportée.
En conséquence, en l'absence de confirmation des actes nuls, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de prononcer la nullité des contrats principaux.
En application de l'article L622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
En l'espèce, l'action de Mme [P] ayant été engagée avant l'ouverture de la liquidation judiciaire au bénéfice du vendeur, cette instance, interrompue, a repris son cours après mise en cause du mandataire liquidateur et il convient en conséquence de fixer la créance de l'appelante au passif de la procédure collective de la société Almatys, soit à la somme de 16 500 euros au titre de la restitution du prix de vente.
A cette somme, il y a lieu d'ajouter les frais de remise en état des lieux après retrait du matériel, à hauteur de 850,31 euros.
Mme [P], ne justifiant pas d'un préjudice moral en lien avec les manquements du vendeur, doit être déboutée de ce chef de demande.
Le liquidateur, ès qualités, pourra reprendre possession du matériel, sans que le vendeur, tenu à la restitution du prix par l'effet de la nullité, ne puisse prétendre être indemnisé de l'utilisation de la chose vendue ou de l'usure en résultant, ce qui conduira au rejet des prétentions indemnitaires de la société Almatys.
2/ Sur la nullité du contrat de prêt
Si Mme [P] conteste être la signataire du procès verbal de fin de chantier, de la fiche de dialogue déclarative, de la demande de financement et d'autorisation de prélèvement, elle reconnait, au terme de ses écritures, avoir signé le contrat de crédit.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une vérification d'écriture qui n'est pas nécessaire à la solution du litige.
En application de l'article L 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'acte litigieux, le contrat de crédit est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.
Le jugement déféré est infirmé et le contrat de crédit en cause est caduc de plein droit.
3/ Sur la demande de restitution du capital prêté
L'annulation du contrat de crédit, en conséquence de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de services, emporte obligation pour l'emprunteur de rembourser le capital prêté et pour le prêteur de rembourser les échéances réglées par l'emprunteur.
Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou en partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Tel que le soutient l'appelante, en accordant un financement sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et de prestation de services était affecté de causes évidentes de nullité, dont elle aurait dû informer l'emprunteur, la société de crédit, en sa qualité de professionnelle, a commis une faute.
Pour priver la société de crédit de son droit à restitution du capital prêté, l'emprunteur doit démontrer que le comportement fautif de cette dernière lui a causé un préjudice.
En l'espèce, la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur placé en liquidation judiciaire.
L'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la société de crédit qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
Il convient donc en l'espèce de débouter la société Financo de la demande en restitution du capital prêté.
4/ Sur les travaux de remise en état, le préjudice moral et le préjudice financier
Mme [P] demande la condamnation du prêteur à lui payer à titre de dommages-intérêts les sommes suivantes:
- 850, 31 euros au titre des frais de travaux de remise en état,
- 3 200 euros au titre du préjudice moral,
- 350 euros au titre des frais d'expertise en écriture.
Les travaux de remise en état ainsi que le préjudice moral dont se plaint Mme [P] sont le résultat des défaillances du vendeur dans l'exécution des travaux et non des manquements de la société de crédit, dont la complicité alléguée n'est pas avérée.
L'expertise en écriture, non contradictoire, et sans valeur probante, n'était pas utile à la solution du litige de sorte que les frais inhérents doivent rester à la charge de l'appelante.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts.
5/ Sur la demande de fixation de créance du prêteur au passif de la liquidation judiciaire du vendeur
La société Financo demande la fixation de sa créance au passif de la liquidation de la société Almatys à la somme de 3 500 euros en application de l'article 1240 du code civil au motif que la nullité du contrat est imputable à la faute de cette dernière pour lui avoir dissimulé les conditions de leur souscription.
L'article L.311-33 du Code de la consommation, devenu l'article L.312-56 du même code, dispose que si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
Toutefois, alors que la société Financo a participé, par sa propre négligence, à son préjudice, elle doit être déboutée de cette demande.
6/ Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est infirmé sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
La société Financo et la société Almatys seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés par Me Ruther conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Financo et la société Almatys seront en outre condamnées, in solidum, à payer à Mme [P] une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [S] [P] de ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre de la SA Financo,
Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,
Prononce la nullité des contrats principaux conclus les 2 avril 2013 et 20 novembre 2013 entre Mme [S] [P] et la SARL Almatys,
Fixe les créances de Mme [S] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Almatys aux sommes de 16.500 euros et 850,31euros,
Dit que la SARL Almatys, représentée par son liquidateur judiciaire, pourra reprendre possession du matériel,
Déboute la SARL Almatys de la sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
Prononce la caducité subséquente du contrat de crédit souscrit le 20 novembre 2013 auprès de la SA Financo,
Déboute la SA Financo de sa créance de restitution,
Condamne la SA Financo à restituer les échéances réglées par Mme [S] [P], outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute Mme [S] [P] de ses demandes de dommages-intérêts dirigées à l'encontre de la SA Financo,
Déboute la SA Financo de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Almatys,
Condamne in solidum la SA Financo et la Sarl Almatys, représentée par son liquidateur judiciaire, aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés par Me Ruther conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la SA Financo et la Sarl Almatys, représentée par son liquidateur judiciaire, à payer à Mme [S] [P] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
C/
S.A.R.L. ALMATYS
S.A. FINANCO
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 22 MAI 2025
N° RG 22/01217 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GBHH
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 08 juillet 2021,
rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Beaune - RG : 20-000043
APPELANTE :
Madame [S] [K] [L] [P]
née le 16 Mars 1977 à [Localité 8] (21)
domiciliée :
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Eric RUTHER, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 106
INTIMÉES :
S.A.R.L. ALMATYS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Céline BOUILLERET, membre de la SCP BERGERET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 14
S.A. FINANCO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège social sis :
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-Laure BERNARDOT, membre de la SELAS BERNARDOT AVOCAT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 151
assistée de Me Julie PAGE, membre de la SCP AVOCATS DUPONNAT, avocat au barreau de BREST
PARTIE INTERVENANTE :
SCP BTSG², prise en la personne de Me [U] [G], es qualité de liquidateur de la SAS ALMATYS,
domiciliée :
[Adresse 7]
[Localité 1]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 mars 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 22 Mai 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Mme [S] [P] a signé le 2 avril 2013 auprès de la SARL Almatys un bon de commande portant sur la fourniture et la pose de deux poêles à granulés et une isolation des combles pour un montant de 13 000 euros payés comptant.
Elle a commandé le 20 novembre 2013, auprès de la même société, un ballon thermodynamique pour un montant de 3 500 euros.
Pour assurer le financement de ces derniers travaux, elle a souscrit auprès de la SA Financo un crédit d'un montant de 3 500 euros, d'une durée de 185 mois et assorti d'un taux d'intérêts conventionnels de 4,80 %.
L'installation a eu lieu fin novembre 2013.
Par actes d'huissier des 19 et 20 mars 2018, Mme [S] [P] a fait assigner la société Almatys et la société Financo devant le tribunal de grande instance de Dijon aux fins, notamment, de voir prononcer la nullité des deux bons de commande des 2 avril et 20 novembre 2013 et du contrat de crédit affecté et, subsidiairement, constater que la société Financo a engagé sa responsabilité contractuelle au titre des fautes commises la privant de sa créance de restitution.
Suivant ordonnance du 25 novembre 2019, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Dijon incompétent au profit du tribunal d'instance de Beaune.
Le 28 novembre 2018, Mme [P] a déposé plainte pour usage de faux.
Par jugement du 08 juillet 2021, le tribunal de proximité de Beaune a :
- déclaré irrecevables les demandes de nullité des deux contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent présentées par Mme [S] [P] ;
- débouté Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné Mme [S] [P] à exécuter le contrat de prêt souscrit auprès de la société Financo jusqu'à son terme ;
- condamné Mme [S] [P] à payer à la société Financo la somme de cinq cents euros (500 euros) et à la SARL Almatys la somme de cinq cents euros (500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [S] [P] au paiement des dépens de l'instance.
Par déclarations des 28 juillet et 21 septembre 2021, Mme [S] [P] a relevé appel de ce jugement.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 21 septembre 2021.
La SARL Almatys et Financo ont constitué avocat à hauteur de cour.
Le 10 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au bénéfice de la société Almatys par le tribunal de commerce de Nice. La SCP BTSG, prise en la personne de Maître [U] [G], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Almatys.
L'instance a été interrompue et le liquidateur judiciaire n'ayant pas été appelé à la cause, l'affaire a été radiée du rôle par décision du 14 juin 2022.
Le 2 août 2022, Mme [P] a fait assigner la SCP BTSG en intervention forcée par acte délivré à personne morale et sur ses conclusions, l'affaire a té réinscrite le 06 octobre 2022, sous le numéro RG 22/01217.
La société Financo et Mme [P] ont déclaré leur créance à la procédure collective par lettres du 19 avril 2022 pour la première et du 5 avril 2022 pour la deuxième.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'appelante notifiées le 07 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [S] [P] demande à la cour, au visa des anciens articles L 121-21 et suivants, L 111-1 et R 121-3 à R 121-6 du code de la consommation, ainsi que de l'article 6 et des articles 1146 et suivants (anciens) du code civil, de :
- déclarer qu'il a été bien appelé, et mal jugé ;
- réformer et infirmer le jugement entrepris sur les chefs de jugements suivants, et statuant à nouveau,
En ce qui concerne le premier chef du jugement critiqué sur l'irrecevabilité des demandes de nullité des contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent,
- réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes de nullité des deux contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent.
Statuant à nouveau,
- déclarer que les conditions légales de saisine du juge des contentieux de la protection ont été respectées ;
- la déclarer recevable en ses demandes de nullité des contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent ;
- déclarer qu'il n'y a pas lieu de la débouter en ses demandes.
En ce qui concerne le deuxième chef du jugement critiqué sur son débouté de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à exécuter le contrat de prêt,
- réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
l'a condamnée à exécuter le contrat de prêt souscrit auprès de la SA Financo jusqu'à son terme.
statuant à nouveau,
En ce qui concerne la SAS Almatys,
A titre préliminaire,
- lui donner acte qu'elle se pliera aux vérifications d'écritures qu'ordonnera la cour d'appel de Dijon afin de déterminer si les signatures figurant sur les documents ont été imitées.
A titre principal,
- déclarer que la SARL Almatys n'a pas respecté les règles d'ordre public du code de la consommation ;
- déclarer que les deux bons de commande comportent de graves irrégularités ;
- en conséquence, déclarer irréguliers les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013.
A titre subsidiaire,
- déclarer qu'elle a été victime d'une pratique commerciale trompeuse de la part de la SARL Almatys ;
- déclarer que cette pratique commerciale trompeuse est constitutive d'un dol ;
- en conséquence, déclarer irréguliers les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013.
A titre infiniment subsidiaire,
- déclarer que son consentement a été vicié par erreur ;
- en conséquence, déclarer irréguliers les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013.
A titre très infiniment subsidiaire,
- déclarer que la SARL Almatys a gravement manqué à ses obligations contractuelles pour les causes avant dites ;
- déclarer que la SARL Almatys a engagé sa responsabilité contractuelle pour les causes avant dites.
En ce qui concerne la SA Financo,
- déclarer que la SA Financo a commis de graves manquements, à savoir :
en s'étant rendue complice de la SARL Almatys en acceptant de prêter son concours à une opération irrégulière et illicite,
en n'ayant pas respecté son devoir d'information et de conseil à son égard,
en ayant débloqué des fonds à la SARL Almatys sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation.
- déclarer que ces fautes graves engagent la responsabilité de la SA Financo ;
- déclarer qu'il en est résulté pour elle un préjudice qui doit à titre subsidiaire s'analyser en une perte de chance ;
En toute hypothèse,
- prononcer la nullité ou la résolution des bons de commande des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013 avec toutes conséquences de droit ;
- prononcer la nullité ou la résolution du contrat de crédit affecté de la SA Financo en date du 20 novembre 2013 ;
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Almatys à la somme de 26 751,31 euros ;
- condamner la SA Financo à lui rembourser l'ensemble des échéances qu'elle a réglées, augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation ;
- condamner la SA Financo à lui régler les sommes suivantes, augmentées des intérêts légaux à compter de l'assignation :
850,31 euros au titre des travaux de remise en état,
3 200 euros au titre du préjudice moral,
- condamner la SA Financo à lui régler la somme de 350 euros au titre de son préjudice financier, augmentées des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;
- à titre principal, déclarer que les fautes commises par la SA Financo la privent de sa créance de restitution ;
- débouter la SA Financo de l'ensemble de ses demandes ;
-à titre subsidiaire, déclarer qu'elle a subi un important préjudice lié à la perte de chance de ne pas contracter ;
- condamner la SA Financo à lui régler la somme de 3 500 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter.
En ce qui concerne le chef de jugement critiqué par la SAS Almatys : le rejet de sa demande reconventionnelle,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Almatys de sa demande reconventionnelle ;
- débouter la SAS Almatys de l'ensemble de ses demandes.
En ce qui concerne le troisième chef du jugement critiqué sur sa condamnation à payer la somme de 500 euros à la SA Financo et 500 euros à la SARL Almatys sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
l'a condamnée à payer à la société Financo la somme de cinq cent euros (500 euros) et à la SARL Almatys la somme de cinq cent euros (500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
l'a condamnée au paiement des dépens de l'instance.
statuant à nouveau,
- débouter la SA Financo et la SARL Almatys en leurs demandes ;
- condamner la SA Financo à lui régler la somme de 6 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SAS Almatys aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui devront comprendre le coût du procès-verbal de constat de Maître Sébastien Pinard en date du 27 juillet 2021, en jugeant que Maître Eric Ruther, avocat, pourra procéder à leur recouvrement comme cela est prescrit à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'intimée n° 4 notifiées le 09 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société Financo demande à la cour, au visa des articles 1373, 1137, 1182, 1347, 1240, 1178 et 1229 du code civil, des articles L121-23 et suivants (anciens) et R. 121-5 du code de la consommation, ainsi que de l'article 285 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le tribunal de proximité de Beaune (RG 11-20-000043) en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les demandes de nullité des deux contrats principaux et celle subséquente du contrat de crédit afférent présentées par Mme [S] [P],
débouté Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes,
condamné Mme [S] [P] à exécuter le contrat de prêt souscrit auprès d'elle jusqu'à son terme,
condamné Mme [S] [P] à lui payer la somme de cinq cents euros (500 euros) ['] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [S] [P] au paiement des dépens de l'instance.
A titre subsidiaire,
- ordonner avant dire droit une vérification d'écritures afin de déterminer si les signatures figurant sur l'ensemble des documents contractuels ont bien pour auteur Mme [S] [P], notamment celles figurant sur les deux exemplaires de l'offre de crédit en date du 20 novembre 2013, la fiche de dialogue en date du 20 novembre 2013, l'attestation simplifiée en date du 20 novembre 2013, le bon de commande en date du 20 novembre 2013, le procès-verbal de fin de chantier en date du 05 décembre 2013, la demande de financement et l'autorisation de prélèvement en date du 5 décembre 2013, le coupon de demande de déblocage des fonds en date du 5 décembre 2013.
A titre subsidiaire, si la nullité ou la résolution du contrat de vente et celle subséquente du contrat de crédit étaient prononcées,
- condamner Mme [S] [P] à lui restituer le montant du capital prêté au titre du contrat de prêt en date du 20 novembre 2013, soit la somme de 3 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- dire et juger qu'elle aura en ce cas à rembourser à Mme [S] [P] les échéances réglées ;
- ordonner la compensation entre les créances réciproques par application des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil ;
- débouter Mme [S] [P] de ses demandes contraires et ses demandes indemnitaires ;
- débouter la SARL Almatys de ses demandes en garantie à son encontre.
A titre infiniment subsidiaire, si la cour dispensait Mme [S] [P] de lui restituer le capital emprunté,
- fixer sa créance au passif de la SARL Almatys à la somme de 3 500 euros correspondant à sa demande relative à l'application des dispositions de l'article 1240 du code civil,
En tout état de cause,
- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Bernardot, membre de la Selarl Andre-Ducreux-Renevey-Bernardot, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions notifiées le 24 janvier 2022, la société Almatys a demandé à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal de proximité de Beaune en date du 8 juillet 2021,
- débouter Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes
y ajouter:
- condamner Mme [S] [P] à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire
Vu l'appel incident,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
Vu l'article R221-40 du code de l'organisation judiciaire
- débouter Mme [S] [P] de ses nouvelles demandes à savoir la demande de verification d'écriture et de designation d'expert,
- dire et juger irrecevables l'ensemble des nouvelles demandes,
débouter Mme [S] [P] de sa demande d'expertise,
- réformer le jugement du tribunal de proximité de Beaune en date du 8 juillet 2021,
reconventionnellement,
- condamner Mme [P] à la somme de 16.500 euros au titre de dommages et intérêts pour enrichissement sans cause,
A titre éminemment subsidiaire,
- condamner la SA Financo à relever et garantir la SARL Almatys de toute condamnation pouvant intervenir a son encontre ;
- débouter Mme [S] [P] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [S] [P] a la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [S] [P] aux entiers dépens.
La société BTSG, ès qualités de liquidateur de la société Almatys, n'a pas constitué avocat.
Par acte du 14 février 2025, Mme [S] [P] a fait signifier ses conclusions à la société BTSG, ès qualités, par acte délivré à personne morale.
La clôture est intervenue le 04 mars 2025.
Sur ce la cour,
A titre liminaire, la cour observe que certaines des demandes tendant à voir 'constater', 'dire et juger', 'déclarer'... ne constituent qu'un rappel de moyens ou d'arguments mais ne contiennent aucune prétention au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile. Elles ne saisissent donc pas la cour qui ne statuera pas sur ces 'demandes'.
1/ Sur la demande en nullité des deux contrats principaux
La cour observe à l'instar de Mme [P] que le premier juge a décaré irrecevables ses demandes en nullité des deux contrats principaux sans préciser le fondement juridique de cette irrecevabilité puis a débouté l'intéressée des mêmes demandes.
En l'absence de fin de non recevoir soulevée par les parties ou d'office par le premier juge, il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a déclaré ces demandes irrecevables.
Mme [P] reconnaît avoir signé les deux bons de commande, objet du litige.
Pour conclure à leur nullité, elle soutient que les bons de commande en date des 02 avril 2013 et 20 novembre 2013 ne respectent pas les dispositions impératives du code de la consommation sur le démarchage à domicile.
La société Financo estime, au contraire, que le contrat du 20 novembre 2023, qui seul la concerne, n'encourt pas la nullité comme répondant aux dispositions du code de la consommation.
Les contrats de vente litigieux ayant été conclus courant 2013, ils sont soumis aux dispositions des articles L 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur version issue de la loi n°93-949 du 27 juillet 1993.
L'article L121-23 du code de la consommation, dans sa version applicable, prévoit que les opérations visées à l'article L 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes':
' noms du fournisseur et du démarcheur,
' adresse du fournisseur,
' adresse du lieu de conclusion du contrat,
' désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
' conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,
' prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L313-1,
' faculté de renonciation prévue à l'article L121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L 121-23, L 121-24, L 121-25 et L'121-26.
Selon l'article L121-24, dans sa version applicable, le contrat visé à l'article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25. Un décret en Conseil d'Etat précise les mentions devant figurer sur ce formulaire.
Or, en l'espèce, et comme le soutient l'appelante, le nom du démarcheur ne figure ni sur le premier bon de commande du 02 avril 2013, ni sur le second bon de commande du 20 novembre 2013, la seule mention sur le premier bon de commande du prénom '[F]' n'étant pas conforme au texte.
En outre, les mentions sur les formulaires de rétractation 'l'envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception' et 'l'expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ou si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant' ne sont pas soulignées ni mentionnées en caractères gras et ce en violation des dispositions de l'article R121-5 du code de la consommation, dans sa version applicable.
La violation des dispositions susvisées, qui sont d'ordre public, est sanctionnée par la nullité.
Les bons de commande signés par Mme [P] ne sont pas conformes aux dispositions des articles L 121-23, L 121-24 et R121-5 susvisés alors en vigueur.
Reprenant à son actif la motivation du premier juge et se fondant sur les dispositions de l'article 1338 du code civil, dans sa version applicable, la société Financo rappelle que la nullité dont se prévaut l'appelante n'est que relative et qu'elle a été couverte par l'exécution volontaire par l'intéressée de ses obligations, faisant observer que celle-ci a recéptionné le matériel commandé, accepté l'installation de ce dernier sans réserve et s'est acquittée de la totalité du prix, au moyen du déblocage du prêt, dont elle assure le remboursement.
La nullité encourue par le professionnel en cas de méconnaissance des obligations d'information précontractuelle ou contractuelle prévues par le code de la consommation s'agissant des contrats conclus à la suite d'un démarchage est relative. Il est donc possible d'y renoncer.
Il résulte de l'article 1338 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, que la confirmation d'un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l'affecte.
Pour qu'une confirmation d'un acte nul puisse être constatée, sur ce fondement, il doit être établie une exécution volontaire en connaissance de cause de la nullité.
La reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement, ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n°22-16.115, publié).
Une telle demande de confirmation fait défaut en l'espèce.
De plus, le fait que Mme [P] ait signé les bons de commande, poursuivi l'exécution des contrats conclus, accepté l'installation du matériel et remboursé le crédit afférent au deuxième bon de commande, ne suffit pas à démontrer qu'elle avait connaissance des causes de nullité des contrats.
Le fait qu'elle ait ou non signé le procès verbal de fin de chantier et continué à régler les mensualités de remboursement du prêt ne saurait valoir confirmation de l'acte nul dès lors que la preuve de la connaissance par l'intéressée du vice l'affectant n'est pas rapportée.
En conséquence, en l'absence de confirmation des actes nuls, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de prononcer la nullité des contrats principaux.
En application de l'article L622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
En l'espèce, l'action de Mme [P] ayant été engagée avant l'ouverture de la liquidation judiciaire au bénéfice du vendeur, cette instance, interrompue, a repris son cours après mise en cause du mandataire liquidateur et il convient en conséquence de fixer la créance de l'appelante au passif de la procédure collective de la société Almatys, soit à la somme de 16 500 euros au titre de la restitution du prix de vente.
A cette somme, il y a lieu d'ajouter les frais de remise en état des lieux après retrait du matériel, à hauteur de 850,31 euros.
Mme [P], ne justifiant pas d'un préjudice moral en lien avec les manquements du vendeur, doit être déboutée de ce chef de demande.
Le liquidateur, ès qualités, pourra reprendre possession du matériel, sans que le vendeur, tenu à la restitution du prix par l'effet de la nullité, ne puisse prétendre être indemnisé de l'utilisation de la chose vendue ou de l'usure en résultant, ce qui conduira au rejet des prétentions indemnitaires de la société Almatys.
2/ Sur la nullité du contrat de prêt
Si Mme [P] conteste être la signataire du procès verbal de fin de chantier, de la fiche de dialogue déclarative, de la demande de financement et d'autorisation de prélèvement, elle reconnait, au terme de ses écritures, avoir signé le contrat de crédit.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une vérification d'écriture qui n'est pas nécessaire à la solution du litige.
En application de l'article L 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'acte litigieux, le contrat de crédit est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.
Le jugement déféré est infirmé et le contrat de crédit en cause est caduc de plein droit.
3/ Sur la demande de restitution du capital prêté
L'annulation du contrat de crédit, en conséquence de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de services, emporte obligation pour l'emprunteur de rembourser le capital prêté et pour le prêteur de rembourser les échéances réglées par l'emprunteur.
Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou en partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Tel que le soutient l'appelante, en accordant un financement sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et de prestation de services était affecté de causes évidentes de nullité, dont elle aurait dû informer l'emprunteur, la société de crédit, en sa qualité de professionnelle, a commis une faute.
Pour priver la société de crédit de son droit à restitution du capital prêté, l'emprunteur doit démontrer que le comportement fautif de cette dernière lui a causé un préjudice.
En l'espèce, la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur placé en liquidation judiciaire.
L'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la société de crédit qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
Il convient donc en l'espèce de débouter la société Financo de la demande en restitution du capital prêté.
4/ Sur les travaux de remise en état, le préjudice moral et le préjudice financier
Mme [P] demande la condamnation du prêteur à lui payer à titre de dommages-intérêts les sommes suivantes:
- 850, 31 euros au titre des frais de travaux de remise en état,
- 3 200 euros au titre du préjudice moral,
- 350 euros au titre des frais d'expertise en écriture.
Les travaux de remise en état ainsi que le préjudice moral dont se plaint Mme [P] sont le résultat des défaillances du vendeur dans l'exécution des travaux et non des manquements de la société de crédit, dont la complicité alléguée n'est pas avérée.
L'expertise en écriture, non contradictoire, et sans valeur probante, n'était pas utile à la solution du litige de sorte que les frais inhérents doivent rester à la charge de l'appelante.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts.
5/ Sur la demande de fixation de créance du prêteur au passif de la liquidation judiciaire du vendeur
La société Financo demande la fixation de sa créance au passif de la liquidation de la société Almatys à la somme de 3 500 euros en application de l'article 1240 du code civil au motif que la nullité du contrat est imputable à la faute de cette dernière pour lui avoir dissimulé les conditions de leur souscription.
L'article L.311-33 du Code de la consommation, devenu l'article L.312-56 du même code, dispose que si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
Toutefois, alors que la société Financo a participé, par sa propre négligence, à son préjudice, elle doit être déboutée de cette demande.
6/ Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est infirmé sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
La société Financo et la société Almatys seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés par Me Ruther conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Financo et la société Almatys seront en outre condamnées, in solidum, à payer à Mme [P] une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [S] [P] de ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre de la SA Financo,
Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,
Prononce la nullité des contrats principaux conclus les 2 avril 2013 et 20 novembre 2013 entre Mme [S] [P] et la SARL Almatys,
Fixe les créances de Mme [S] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Almatys aux sommes de 16.500 euros et 850,31euros,
Dit que la SARL Almatys, représentée par son liquidateur judiciaire, pourra reprendre possession du matériel,
Déboute la SARL Almatys de la sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
Prononce la caducité subséquente du contrat de crédit souscrit le 20 novembre 2013 auprès de la SA Financo,
Déboute la SA Financo de sa créance de restitution,
Condamne la SA Financo à restituer les échéances réglées par Mme [S] [P], outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute Mme [S] [P] de ses demandes de dommages-intérêts dirigées à l'encontre de la SA Financo,
Déboute la SA Financo de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Almatys,
Condamne in solidum la SA Financo et la Sarl Almatys, représentée par son liquidateur judiciaire, aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés par Me Ruther conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la SA Financo et la Sarl Almatys, représentée par son liquidateur judiciaire, à payer à Mme [S] [P] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,