CA Cayenne, ch. com., 28 mai 2025, n° 24/00100
CAYENNE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Profil Guyane de l'Ouest (SARL), Amazone Metal (SARL), Profil Guyane (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Goillot
Conseillers :
M. Sochas, Mme Baudis
Avocats :
Me Denis, Me Maruani, Me Chelle, Me Beulque
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [S] [P], ingénieur spécialisé dans le profilage du métal, a créé en Guyane diverses sociétés.
Par acte d'huissier en date du 22 mars 2012, M. [S] [P] a fait assigner la SARL Amazone Metal et la SARL Profil Guyane de l'Ouest devant le tribunal mixte de commerce aux fins de voir ces dernières condamnées à lui rembourser ses comptes courants d'associé et lui payer les sommes versées à la BNP Paribas en exécution de l'engagement de caution souscrit au profit de la société Amazone Metal. Les sociétés défenderesses ont opposé la nullité des conventions de compte courant d'associé et demandé reconventionnellement l'annulation d'une convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB ainsi que la condamnation de M. [P] à leur payer des dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire en date du 27 août 2015, le tribunal mixte de commerce de Cayenne a :
- déclaré nulles les conventions de comptes courants ouverts dans les livres des sociétés Amazone Métal et Profil Guyane de l'Ouest,
- déclaré nulle la convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB,
- débouté M. [P] de l'ensemble de ses prétentions,
- condamné M. [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 463 972,68' à titre de dommages et intérêts au titre du compte courant ainsi annulé,
- débouté la société Amazone Métal et Profil Guyane de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné M. [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 3000' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [S] [P] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt rendu le 3 avril 2017, la cour d'appel de Cayenne a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et déclaré irrecevables la société Amazon Metal et la société Profil Guyane de l'Ouest en leurs demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
M. [S] [P] a formé un pourvoi en cassation, et par arrêt rendu le 10 avril 2019, la chambre commerciale financière et économique de la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne en date du 3 avril 2017, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [P] en condamnation de la société Amazon Metal à lui payer la somme de 374 691,06' compte tenu de la mise en jeu de son engagement de caution et déclaré irrecevables les sociétés Amazon Metal et Profil Guyane de l'Ouest en leur demande de dommages et intérêts, et a renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt devant la cour d'appel de Fort-de-France.
M. [S] [P] a saisi la cour d'appel de Fort-de-France par déclaration de saisine.
Par arrêt contradictoire en date du 25 mai 2021, la chambre civile de la cour d'appel de Fort de France, juridiction de renvoi, a :
- dit que la saisine de la présente cour, juridiction de renvoi, est recevable,
Au fond,
- confirmé le jugement rendu le 27 août 2015 par le tribunal mixte de commerce de Cayenne sauf en ce qu'il a déclaré nulles les conventions de compte courant ouvert dans les livres des sociétés Amazone Métal et Profil Guyane de l'Ouest et en ce qu'il a débouté M. [S] [P] de ses demandes en remboursement des comptes courant d'associés,
Statuant de nouveau sur les points infirmés,
- condamné la SARL Amazone Métal à payer à M. [S] [P] la somme de 157 262,18' au titre du remboursement de son compte courant d'associé, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 22 mars 2012,
- condamné la SARL Profil Guyane de l'Ouest à payer à M. [S] [P] la somme de 25327,94' au titre du remboursement de son compte courant d'associé, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 22 mars 2012,
Y ajoutant,
- Dit que la condamnation de M. [S] [P] en paiement de la somme de 463 972,68' à titre de dommages-intérêts à la SARL Amazone Métal au titre de la nullité du compte courant débiteur TMB Macapa sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2012,
- condamné M. [S] [P] aux entiers dépens d'appel,
- Condamné M. [S] [P] à payer à la SARL Amazone Métal et à la SARL Profil Guyane de l'Ouest la somme de 10 000' à chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes.
M. [S] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de France rendu le 25 mai 2021.
Par arrêt en date du 20 décembre 2023, la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation, a :
- cassé et annulé l'arrêt rendu le 25 mai 2021 entre les parties par la cour d'appel de Fort de France, mais seulement en ce qu'il condamne M. [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 463 972,68' à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- remis sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, les a renvoyées devant la cour d'appel de Cayenne,
- condamné les sociétés Amazone Métal, Profil Guyane et Profil Guyane de l'Ouest aux dépens,
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes,
- dit que sur les diligences du procureur général près la cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.
La chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation a notamment relevé les éléments suivants :
Vu les articles L223-22 et L223-23 du code de commerce :
4. Aux termes du premier de ces textes, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion,
5. Aux termes du second, les actions en responsabilité prévues à l'article L223-22 du code de commerce se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation,
6. Pour retenir que la prescription quinquennale est applicable à la demande de la société Amazone Métal et en déduire que cette demande n'est pas prescrite, l'arrêt, après avoir retenu que M. [P], ancien gérant de cette société, est le réel titulaire du compte courant débiteur, par le jeu de l'interposition de la société TMB, retient qu'en application de l'article L223-21 du code de commerce, toute convention de compte courant débiteur est nulle, notamment lorsqu'elle a été obtenue par personne interposée, qu'une telle nullité a pour conséquence l'anéantissement rétroactif du contrat en toutes ses dispositions et l'obligation pour le titulaire du compte courant débiteur par interposition de personne de restituer les fonds, et que l'action en nullité de la convention de compte courant débiteur présentée par la société Amazone métal, qui est distincte de l'action en responsabilité du dirigeant visée à l'article L223-22 du code de commerce, est soumise au délai de prescription quinquennale prévu l'article L110-4 du code de commerce.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle condamnait M. [P], par confirmation du jugement entrepris, non pas à la restitution du solde débiteur du compte courant ouvert au nom de la société TMB, personne interposée, à la suite de l'annulation de la convention de découvert en compte, mais au paiement de dommages et intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Par déclaration formée le 18 mars 2024, M. [S] [P] a saisi la présente cour d'appel en tant que juridiction de renvoi, en limitant la portée de l'appel aux points retenus par la cour de cassation. Par seconde déclaration de saisine formée le 26 mars 2024, il a saisi la présente cour d'appel aux mêmes fins.
Par avis du 3 avril 2024, l'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile, à l'audience du 10 octobre 2024.
La déclaration de saisine suite à renvoi après cassation a été signifiée par acte du 8 avril 2024 par M. [S] [P] à la SARL Profil Guyane de l'Ouest et la SARL Amazone Métal.
La SAS profil Guyane, la SARL Profil Guyane de l'Ouest et la SARL Amazone Métal ont constitué avocat le 16 avril 2024.
Les premières conclusions de M. [S] [P] ont été déposées le 12 mai 2024 et notifiées le 10 mai 2024 à M. [M] et le 12 mai 2024 à la SMABTP.
Les sociétés intimées ont déposé leurs conclusions le 11 juillet 2024.
Par ordonnance en date du 15 octobre 2024, la conseillère a ordonné la jonction des instances n°RG 24/00117 et n°RG 24/00100 sous le numéro de procédure la plus ancienne.
Selon dernières conclusions N°1 transmises le 10 septembre 2024, M. [S] [P] sollicite, au visa des articles 14, 117, 126, 547, 648 et suivants, 1032, 1033, 1034, 1037 et 1037-1 du code de procédure civile, que la cour d'appel de renvoi :
- le déclare recevable et bien-fondé,
- infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce mixte de Cayenne le 27 août 2015, en ce qu'il a :
- déclaré nulle les conventions de comptes courants ouverts dans les livres des sociétés Amazone Métal et Profil Guyane de l'Ouest,
- déclaré nulle la convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB,
- débouté M. [P] de l'ensemble de ses prétentions,
- condamné M. [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 463 972,68' à titre de dommages et intérêts, au titre du compte courant ainsi annulé,
- condamné M. [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 3000' en application des dispositions de l'article 700 du CPC,
- condamné M. [P] à payer à la société Profil Guyane de l'Ouest la somme de 3000' en application des dispositions de l'article 700 du CPC,
- condamné M. [P] aux entiers dépens,
Et statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés:
- déclare irrecevable comme prescrite la demande de la société Amazone Métal tendant à engager la responsabilité de M. [P] au titre du compte courant de la société TMB (Macapa), et à rembourser la somme de 463972,68' à titre de dommages et intérêts, au titre dudit compte courant annulé,
- déboute en tout état de cause la société Amazone Métal de sa demande de dommages et intérêts relative à la responsabilité personnelle de M. [P], ès qualité de gérant, pour l'ouverture du compte courant TMB (Macapa),
- déboute les sociétés Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest, Profil Guyane, de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, et notamment en ce qu'elles tendent à obtenir la condamnation de M. [P] à remboursement le compte courant, ouvert par une tierce personne, conformément à la décision de la cour de cassation,
- condamne les sociétés Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest, Profil Guyane, chacune, à verser à M. [P] la somme de 10 000' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne les mêmes, solidairement, aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, M. [P] fait valoir pour l'essentiel la fin de non-recevoir des demandes des sociétés Amazone Metal et Profil Guyane de l'Ouest tirée de la prescription de l'action à l'encontre de M. [P], dirigeant.
L'appelant soutient que M. [P] ne peut être condamné que sur le fondement de sa responsabilité en qualité de gérant, laquelle repose sur une prescription de 3 ans, et non sur le fondement de l'action en restitution qui ne peut s'appliquer qu'aux personnes qui ont reçu directement et pas à des tiers, fut-elle par personne interposée.
Selon conclusions transmises le 11 juillet 2024, les sociétés Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest et Profil Guyane sollicitent que la cour, statuant après renvoi sur cassation partielle, et au visa des articles L110-4 et L223-21 du code de commerce, 1355, 1331, 1202 et suivants du code civil, 480 du code de procédure civile, vu les décisions antérieures et l'étendue de la saisine de la cour de céans,
- dise et juge Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest, Profil Guyane bien fondées et recevables en leurs demandes et argumentations,
vu l'arrêt de cassation partielle intervenu
- déclare définitif le jugement entrepris du TMC de Cayenne du 27 août 2015, en ce qu'il a :
- déclaré nulles les conventions de comptes courants ouverts dans les livres des sociétés amazone Métal et Profil Guyane de l'Ouest,
- déclaré nulle la convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB,
- débouté M. [P] de l'ensemble de ses prétentions,
In limine litis,
En conséquence, déclare M. [S] [P] irrecevable en ses demandes suivantes tendant à réformer le jugement du TMC de Cayenne du 27 août 2015 en ce qu'il a :
- déclaré nulles les conventions de comptes courants ouverts dans les livres des sociétés amazone Métal et Profil Guyane de l'Ouest,
- déclaré nulle la convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB,
- débouté M. [P] de l'ensemble de ses prétentions,
Et en ses demandes suivantes :
Et statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés:
- déclare irrecevable comme prescrite la demande de la société Amazone metal tendant à engager la responsabilité de M. [P] au titre du compte courant de la société TMB (Macapa) et à rembourser la somme de 463972,68' à titre de dommages et intérêts, au titre du compte courant annulé,
- déboute en tout état de cause la société Amazone métal de sa demande de dommages et intérêts relative à la responsabilité personnelle de M. [P], és qualité de gérant, pour l'ouverture du compte courant TMB (Macapa),
- déboute les sociétés Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest et Profil Guyane de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
Ces demandes se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Fort de France en ses points non soumis à cassation partielle et à l'étendue de la saisine de la cour suite à cassation partielle,
- en tout état de cause, les rejette;
Au fond,
Vu l'arrêt de cassation partielle intervenu,
- déclare définitif le jugement entrepris du TMC Cayenne du 27 août 2015 en ce qu'il a:
- déclaré nulles les conventions de comptes courants ouverts dans les livres des sociétés Amazone Métal et Profil Guyane de l'Ouest,
- déclaré nulle la convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB,
en tant que de besoin, le confirme,
- En tout état de cause, rejette M. [S] [P] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Réforme le jugement entrepris du TMC de Cayenne du 27 août 2015 sur le seul point suivant, seul point soumis à cassation :
Condamne M. [P] à payer à la société Amazone Metal la somme de 463 972,68' à titre de dommages et intérêts, au titre du compte courant ainsi annulé,
Statuant à nouveau sur ce seul point réformé:
- condamne M. [S] [P], es-qualité d'associé de la société amazone Metal, titulaire d'un compte courant débiteur par personne morale interposée TMP Macapa, et déclaré nul en application de l'article L 223-21 du code de commerce, à rembourser à la société Amazone Metal la somme de 463 972,68' correspondant au solde débiteur dudit compte courant nul,
Et y ajoutant,
- constate l'absence de demandes principales à l'encontre des sociétés Profil Guyane et Profil Guyane de l'Ouest, non concernées par les chefs de renvoi sur cassation;
- condamne M. [S] [P] au paiement des intérêts au taux légal sur cette somme, à compter du 13 juin 2012, date de la première demande en remboursement des comptes TMB Macapa,
- ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code de procédure civile,
- condamne M. [S] [P] à verser, au titre de la procédure pendante devant la cour de céans, et à chacune des concluantes, une somme de 10000' au titre des dispositions de l'article 700 du CPC,
- condamne M. [S] [P] aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce les dépens des précédentes instances.
Au soutien de leurs demandes, les sociétés Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest et Profil Guyane font valoir en substance que la cassation partielle est justifiée en ce que si l'action intentée sur le fondement de l'article L223-21 du code de commerce est une demande en remboursement d'un compte courant d'associé qui se résoud en une condamnation en remboursement de l'assuré, l'action diligentée sur le fondement des articles L223-19 et 22 du code de commerce est une action en responsabilité à l'encontre d'un dirigeant ( et non un associé) pour faute détachable de ses fonctions, laquelle se résoud en attribution de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Elles en concluent que la nullité du compte courant d'associé entraîne le remboursement du solde débiteur du compte courant déclaré nul. Les intimées relèvent que la nullité du compte courant d'associé débiteur [P], détenu par interposition de personne morale TMB Macapa, est consacrée et définitive au regard de la portée de la cassation partielle intervenue, et que le seul point soumis à cassation partielle est que la nullité de l'article L223-21 du code de commerce a pour conséquence l'anéantissement rétroactif du contrat et non l'attribution de dommages et intérêts.
Les sociétés intimées soutiennent par ailleurs que les demandes de M. [P] sont irrecevables, en ce qu'il sollicite l'infirmation de points définitifs et non soumis à la présente cour , puisque non affectés par la cassation partielle.
MOTIFS
Sur la saisine de la présente cour de renvoi après cassation
Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
L'article 638 du même code prévoit que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
Il est admis que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister , quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée.
En l'espèce, il convient de constater que la présente cour de renvoi n'est saisie que du chef atteint par la cassation partielle prononcée par la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation dans son arrêt en date du 20 décembre 2023, soit uniquement en ce que l'arrêt de la cour d'appel de Fort de France du 25 mai 2021, en confirmant le jugement entrepris du tribunal mixte de commerce en date du 27 août 2015, a condamné M. [P] à payer à la société Amazone Metal la somme de 463972,68' à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ces conditions, la présente juridiction de renvoi n'est saisi que de ces derniers points, l'ensemble des autres chefs ayant été définitivement jugés au vu des décisions successives de l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne du 3 avril 2017 tel que cassé partiellement par l'arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la cour de cassation rendu le 10 avril 2019, et de l'arrêt de la cour d'appel de Fort de France en date du 25 mai 2021 tel que cassé partiellement par l'arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la cour de cassation rendu le 20 décembre 2023.
Aussi, l'ensemble des demandes des parties autres que celles relatives aux chefs atteints par la cassation partielle seront déclarées irrecevables.
Sur la condamnation de M. [P] à payer à la société Amazone métal une somme au titre du compte courant ouvert au nom de la société Amazone Métal Macapa (TMB Macapa).
Aux termes de l'article L223-21 du code de commerce, à peine de nullité du contrat, il est interdit aux gérants associés autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers. Cette interdiction s'applique aux représentants légaux des personnes morales associées.
L'interdiction s'applique également aux conjoints, ascendants et descendants des personnes visées à l'alinéa précédent ainsi qu'à toute personne interposée.
Aux termes de l'article L 223-22 du code de commerce, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Les dispositions de l'article L223-23 du code de commerce prévoient que les actions en responsabilité prévues à l'article L 223-22 du code de commerce se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.
Le jugement du tribunal mixte de commerce en date du 27 août 2015 a fait application des dispositions de l'article L 223-21 du code de commerce pour déclarer M. [P], alors dirigeant de la société Amazone Métal, responsable des emprunts effectués et condamner ce dernier à rembourser le compte courant ouvert dans les livres de la société Amazone Métal à hauteur de 463 972,68'. Ce faisant, il a condamné M. [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 463972' à titre de dommages et intérêts au titre du compte courant ainsi annulé
La cour d'appel de Fort de France, relevant que la cour de cassation avait fait grief à la juridiction d'avoir fait application de l'article L223-21 du code de commerce et de ne pas avoir constaté que la société TNB était une personne interposée, a constaté que la société TMB (Telhas Metalicas do Brasil ou Tuiles métalliques du Brésil) était une société de droit brésilien constituée par M. [P] qui en détenait 99,67% des parts et en assurait la gérance, et que le compte courant débiteur inscrit dans les livres de la société Amazone Métal ne pouvait profiter qu'à M. [P] qui se trouve être en définitive le réel titulaire du découvert par le jeu de l'interposition de la société TMB.
La cour d'appel, faisant application des dispositions de l'article L223-21 du code de commerce, a constaté que le tribunal mixte de commerce de Cayenne a prononcé à bon droit la nullité de la convention de compte courant Macapa-TMB.
L'action en nullité de la convention de compte courant débiteur, distincte de l'action en responsabilité du dirigeant, est soumise au délai de prescription quinquennale de droit commun de l'article L110-4 du code de commerce, étant admis que le délai de 5 ans commence à courir à compter du jour où le titulaire de l'action a eu connaissance de la cause de nullité.
En l'espèce, il est constant qu'il a été découvert, à la suite d'un audit financier réalisé postérieurement à la démission de M. [P] de ses fonctions de gérant de la SARL Amazone Métal l'existence dans les livres de la société amazone Métal d'un compte courant d'associé dénommé 'Macapa' présentant un solde débiteur de 435 569,68', compte courant correspondant à une société dénommée TMB située à Macapa au Brésil, et dont M. [P] était associé majoritaire et gérant. Les éléments du dossier font ressortir que la société TMB est une société de droit brésilien qui a été constituée par M. [P] qui en détenait 99,67% des parts et en assurait la gérance.
Il convient de relever que les sociétés intimées ont sollicité devant la cour d'appel de Fort de France que cette dernière déclare que la demande d'Amazone Métal est une demande en nullité et remboursement d'un découvert en compte courant d'associé détenu par une personne morale interposée en application de l'article L 223-21 du code de commerce, déclare cette demande en paiement non prescrite et déclare M. [P] personnellement responsable des sommes figurant sur la convention ouverte dans les livre de la société amazone Métal.
Les sociétés intimées sollicitent sur ce point dans le cadre de la présence instance de saisine de la cour d'appel sur renvoi après cassation partielle que M. [P] soit condamné, és qualité d'associé de la société Amazone Métal titulaire d'un compte courant débiteur par personne morale interposée TMB Macapa , et déclaré nul en application de l'article L223-21 du code de commerce, à rembourser à la société Amazone Métal la somme de 463 972,68' correspondant au solde débiteur dudit compte courant nul.
Il convient de rappeler que dans le cadre de l'instance devant le tribunal mixte de commerce, les sociétés défenderesses ont sollicité qu'en application des dispositions de l'article L223-21 du code de commerce, la nullité de la convention soit constatée et que M.[P] soit condamné à verser à la société une somme de 463972,68' au titre du solde débiteur du compte courant de la société TMB.
Dans ces conditions, et au vu de l'ensemble de ces éléments, retenant que la présente cour est tenue par les prétentions émises par les parties, il sera constaté que le tribunal mixte de commerce a exactement déclaré nulle la convention de compte courant ouvert au nom de la société TMB, et condamné M. [P] à payer à la société Amazone métal la somme de 463 972,68' , et ce avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2012, date de la première demande en remboursement des sommes, mais qu'il devra être infirmé en ce qu'il a indiqué que cette somme était due à titre de dommages et intérêts au titre du compte courant annulé, alors que M. [P] est en réalité condamné à payer cette somme au titre de la restitution du solde débiteur du compte courant qu'il détenait par personne morale interposée TMB'Macapa'.
La demande tendant à la capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1343-2 du code procédure civile ne pourra qu'être rejetée au regard du fondement juridique erroné soutenu.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement entrepris sera confirmé relativement aux frais irrépétibles et aux dépens.
Au vu de la solution du litige, M. [S] [P] sera condamné à payer aux sociétés Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest et Profil Guyane la somme de 3 000' chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés pour la présente procédure, et sera débouté de ses demandes à ce titre.
M. [S] [P] sera condamné aux dépens de la présente procédure .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne en date du 3 avril 2017 tel que cassé partiellement par l'arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la cour de cassation rendu le 10 avril 2019;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Fort de France en date du 25 mai 2021 tel que cassé partiellement par l'arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la cour de cassation rendu le 20 décembre 2023;
Et statuant sur les seuls points objets de la cassation partielle prononcée par l'arrêt de la chambre commerciale financière et économique de la cour de cassation;
DECLARE irrecevables les demandes des parties autres que celles relatives aux chefs atteints par la cassation partielle visée ci-dessus;
CONFIRME le jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne en date du 27 août 2015 (RG N° 2012 000534) sauf en ce qu'il a condamné M. [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 463 972,68' à titre de dommages et intérêts,
Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,
CONDAMNE M. [S] [P] à payer à la société Amazone Métal la somme de 463972,68' au titre de la restitution du solde débiteur du compte courant qu'il détenait par personne morale interposée TMB'Macapa,
Et y ajoutant,
DEBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
DEBOUTE M. [S] [P] de ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [S] [P] à payer aux sociétés Amazone Métal, Profil Guyane de l'Ouest et Profil Guyane la somme de 3 000' chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés pour la présente procédure,
CONDAMNE M. [S] [P] aux dépens de la procédure d'appel.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la conseillère et la Greffière.