CA Rennes, 4e ch., 28 mai 2025, n° 24/00982
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Abeille IARD & Santé (Sté), Ideal Baies (SARL), Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Desalbres
Vice-président :
M. Roussel
Conseiller :
Mme Malardel
Avocats :
Me Renard, Me Baczkiewicz, Me Toussaint, Me Duval
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Le 4 décembre 2009, Mme [T] [L] épouse [E] et M. [J] [E] ont acquis une maison construite en 1920 avec sous-sol (cave-garage), rez-de-chaussée (salon-séjour, cuisine) et deux étages (deux chambres-salle de bains à chaque étage) à usage de résidence secondaire, située [Adresse 4] moyennant la somme de 220 000 euros.
Préalablement à la vente, la société Agendarmor a réalisé les diagnostics obligatoires.
Les époux [E] ont pris possession des lieux le 1er janvier 2011.
Dans le cadre d'un projet de rénovation du bien, sont intervenus :
- la société EN.CO.RE pour des travaux de démolition, doublage, isolation et maçonnerie, aujourd'hui liquidée et radiée, assurée par Aviva, devenue Abeille Iard et Santé,
- la société Guégan pour des travaux sur les cheminées,
- la société Idéal Baies, assurée par la société CRAMA [Localité 6], pour la pose des menuiseries extérieures fournies par la société Dika Menuiseries,
- la société Valenz Design, assurée par les sociétés MMA IArd et MMA Iard Assurances Mutuelles, pour la pose d'un poêle à bois avec conduit,
- la société Cuisine Camille Le Foll pour la création et l'installation d'une cuisine,
- la société Sophie Bernaud pour l'installation électrique,
- M. [X] pour des travaux de peinture,
- la société Jean-Pierre Richard pour des travaux de plomberie, de chauffage et d'électricité.
En juillet 2014, au cours des travaux, M. et Mme [E] ont constaté le développement de champignons lignivores sous la fenêtre du deuxième étage, pignon sud. En septembre 2014, ils ont confié à la société Provost-Thoraval la réalisation de travaux de traitement et de prévention de l'attaque fongique.
En parallèle, les époux [E] ont déclaré le sinistre auprès de leur assureur habitation, la MAIF, laquelle a missionné le cabinet Polyexpert aux fins d'expertise amiable.
Le 29 janvier 2015, le cabinet Paturel a établi à la demande des maîtres de l'ouvrage un état parasitaire et constaté le développement végétatif de champignons lignivores au sous-sol, rez-de-chaussée et au premier et deuxième étage, ainsi que la présence de vrillettes.
M. et Mme [E] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins d'expertise. Il a été fait droit à la demande par ordonnance du 10 septembre 2015.
La société Provost-Thoraval a été placée en liquidation judiciaire le 2 septembre 2015.
Par ordonnance du 10 mars 2016, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Agendarmor et ses assureurs MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, à la société Aviva assureur de EN.CO.RE, à la CRAMA assureur de Idéal Baies, l'entreprise du Bâtiment Jean-Michel Géguan et la société TCA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Provost-Thoraval.
Par ordonnance du 1er décembre 2016, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Allianz Iard, assureur de la société Agendarmor.
L'expert, M. [D], a déposé son rapport le 16 septembre 2019.
Par actes des 23 et 26 décembre 2019, M. et Mme [E] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc la société Agendarmor et ses assureurs les MMA et Allianz Iard, la société Aviva Assurances en qualité d'assureur de la société EN.CO.RE, liquidée, la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA, la société Jean-Michel Guégan, M. [O] [X], la société Mic en tant qu'assureur de la société Provost-Thovaral, la société Jean-Pierre Richard, la CRAMA en tant qu'assureur de la société Jean-Pierre Richard, la société MMA Iard Assurances Mutuelles en tant qu'assureur de la société Valenz Design en indemnisation de leurs préjudices.
Suivant exploit en date du 17 mai 2021, les sociétés Jean-Pierre Richard, Idéal Baies et la CRAMA ont assigné la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société Dika Menuiseries.
Les procédures ont été jointes par ordonnance du 5 juillet 2022.
Par jugement en date du 23 janvier 2024, le tribunal judiciaire a :
- constaté la réception tacite des ouvrages réalisés par les sociétés Idéal Baies, Entreprise de Bâtiment Jean Michel Guégan, société Jean-Pierre Richard, Valenz Design, et M. [O] [X], au titre de la rénovation de l'immeuble de M. [J] [E] et madame [T] [L] épouse [E] à la date du 11 avril 2014,
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leur demande visant à constater la réception tacite et sans réserve des ouvrages réalisés par la société Provost-Thoraval,
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leur demande visant à constater la réception tacite et sans réserve des ouvrages réalisés par la société EN.CO. RE,
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leurs demandes dirigées contre M. [O] [X],
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leurs demandes dirigées contre la société Entreprise de Bâtiment Jean Michel Guégan,
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leurs demandes dirigées contre la société Valenz Design et son assureur les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles,
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leurs demandes dirigées contre la société EN.CO.RE et son assureur la société Abeille Iard,
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leurs demandes dirigées contre la société Jean-Pierre Richard et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7],
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leurs demandes dirigées contre le cabinet Agendarmor et ses assureurs la société Allianz Iard et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles ET MMA Iard venant aux droits de la société Covea Risks,
- débouté la société Idéal Baies de ses demandes à l'encontre de la société Dika Menuiseries et de son assureur la SMABTP,
- constaté que les ouvrages réalisés sont grevés d'un désordre consistant en une attaque fongique aggravée par des infiltrations,
- dit que ce désordre engage la responsabilité décennale de la société Idéal Baies,
- constaté que l'assureur de la société Idéal Baies est la CRAMA dite Groupama [Localité 7] et qu'elle doit sa garantie à son assurée,
- fixé le montant des travaux de reprise des dommages matériels subis par l'ouvrage à la somme de 80 153,06 euros TTC,
- dit que M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] ont participé à hauteur de 30% à la réalisation de leur dommage,
- en conséquence déduit du montant des travaux de reprise la somme de 24 045,91 euros TTC,
- fixé la somme restant due par le constructeur au titre des travaux de reprise à la somme de 56 107,15 euros TTC,
- dit que l'ensemble de ces sommes sera actualisé en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 16 septembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise et le présent jugement et augmenté des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- condamné in solidum la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7] à payer à M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] la somme de 56 107,15 euros TTC, indexée sur le dernier indice BT 01 du coût de la construction à la date du jugement, l'indice de base étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- dit que la responsabilité contractuelle de la société Provost-Thoraval est engagée,
- constaté que la compagnie Mic Insurance est l'assureur responsabilité civile de la société Provost-Thoraval et qu'elle doit sa garantie,
- condamné in solidum la société Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance à payer à M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] la somme de 13 251, 41 euros TTC,
- constaté que la CRAMA dite Groupama [Localité 7] n'est pas fondée à appeler en garantie la compagnie Mic Insurance au titre du dommage matériel et en conséquence l'a débouté de ses demandes en ce sens,
- constaté que la compagnie Mic Insurance n'est pas fondée à appeler en garantie la compagnie CRAMA dite Groupama [Localité 7] au titre du dommage matériel et en conséquence l'a débouté de ses demandes en ce sens,
- constaté que la CRAMA dite Groupama [Localité 7] est l'assureur de la société Idéal Baies et lui doit sa garantie au titre des dommages immatériels,
- constaté que la compagnie Mic Insurance est l'assureur de la société Provost-Thoraval et qu'elle lui doit sa garantie au titre des dommages immatériels,
- condamné la société Idéal Baies in solidum avec son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7] à payer à M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] la somme de 3 000 euros pour leur préjudice de jouissance au titre de l'année 2014- 2015,
- dit que dans les rapports entre coobligés et s'agissant de la contribution à la dette la somme de 3 000 euros sera supportée à hauteur de :
- 70% pour la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7],
- 30% pour les époux [E],
- condamné in solidum les sociétés Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7] ainsi que la société Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance au paiement de la somme de 21 000 euros, pour la période de 2015 à 2021, à M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] au titre de leur préjudice de jouissance,
- dit dans les rapports entre les coobligés et s'agissant de la contribution à la dette, la somme de 21 000 euros sera supportée pour la période 2015-2021 à hauteur de :
- 35% pour l'entreprise Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7],
- 35% pour l'entreprise Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance,
- 30% pour les époux [E],
- et leur a accordé recours et garantie les uns contre les autres dans les proportions qui précèdent et dans les limites des sommes qui ont donné lieu à condamnation,
- dit que la compagnie Mic Insurance est fondée à opposer sa franchise et plafonds de garantie à son assuré, au tiers lésé et à la société Idéal Baies,
- dit que la compagnie CRAMA dite Groupama [Localité 7] est fondée à opposer sa franchise et plafonds de garantie à son assuré, au tiers lésé et à la société Provost Thoraval,
- condamné in solidum la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7], ainsi que la société Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance à payer à M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] la somme de 9 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- dit que dans les rapports entre coobligés et s'agissant de la contribution à la dette, cette somme sera répartie comme suit :
- 50% pour la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7],
- 50% pour société Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance,
- condamné M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] à payer à :
- la société [X],
- la société Guégan,
- la société Jean-Pierre Richard, et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7],
- la société Valenz-Design, et son assureur les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles
- la société Agendarmor ses assureurs la société Allianz Iard et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard venant aux droits de la société Covea Risks,
- la société EN.CO.RE et son assureur et son assureur la société Abeille Iard,
la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Idéal Baies à payer à la société Dika Menuiseries ainsi qu'à son assureur la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E], la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7], ainsi que la société Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance in solidum au paiement des entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise,
- dit dans les rapports entre les coobligés et s'agissant de la contribution à la dette, les dépens seront supportés comme suit :
- 35% pour l'entreprise Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7],
- 35% pour l'entreprise Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance,
- 30% pour les époux [E],
- et leur a accordé recours et garantie les uns contre les autres dans les proportions qui précèdent et dans les limites des sommes qui ont donné lieu à condamnation,
- débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] de leurs demandes visant à voir les parties succombantes condamnées aux dépens de l'instance de référé,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Mme et M. [E] ont interjeté appel de cette décision le 20 février 2024, intimant la société Abeille Iard et Santé, la CRAMA [Localité 6] et la société Idéal Baies.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions du 11 octobre 2024, Mme et M. [E] demandent à la cour de :
- débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- réformer le jugement rendu en ce qu'il ;
- les a déboutés de leur demande visant à constater la réception tacite et sans réserve des ouvrages réalisés par la société EN.CO.RE,
- les a déboutés de leurs demandes dirigées contre la société EN.CO.RE et son assureur la société Abeille Iard,
- a fixé le montant des travaux de reprise des dommages matériels subis par l'ouvrage à la somme de 80 153,06 euros TTC,
- a dit qu'ils ont participé à hauteur de 30% à la réalisation de leur dommage,
- en conséquence, a déduit du montant des travaux de reprise la somme de 24 045,91 euros TTC,
- a fixé la somme restant due par le constructeur au titre des travaux de reprise à la somme de 56 107,15 euros TTC,
- a dit que l'ensemble de ces sommes sera actualisé en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 16 septembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise et le présent jugement et augmenté des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- a condamné in solidum la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7] à leur payer la somme de 56 107,15 euros TTC indexée sur le dernier indice BT 01 du coût de la construction à la date du jugement, l'indice de base étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- a retenu une part de responsabilité contre eux de 30% et laissé à leur charge 30% de 3000 euros pour leur préjudice de jouissance au titre de l'année 2014- 2015,
- a retenu une part de responsabilité contre eux et laissé à leur charge 30% de 21 000 euros pour leur préjudice de jouissance sur la période 2015-2021,
- les a condamnés à payer à la société EN.CO.RE et son assureur et son assureur la société Abeille Iard la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles,
- les a condamnés au paiement des entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise dans leurs relations avec la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA dite Groupama [Localité 7], et dans leur relation avec la société Abeille Iard, assureur de la société EN.CO.RE,
- a dit que 30% des dépens seront supportés par eux,
- les a déboutés de leurs demandes visant à voir les parties succombantes condamnées aux dépens de l'instance de référé,
- confirmer le jugement en ses autres dispositions,
Statuant de nouveau sur les dispositions critiquées et à compléter :
- constater la réception tacite et sans réserve des ouvrages réalisés par les sociétés EN.CO.RE, au titre de la rénovation totale de leur immeuble (première tranche) à la date du 11.04.2014, ou subsidiairement du 1.07.2014,
- constater la réception tacite et sans réserve des ouvrages réalisés par la société EN.CO.RE après découverte de l'infiltration par menuiseries du pignon sud du 1er étage et de l'attaque parasitaire (deuxième tranche) à la date du 29.06.2015,
- condamner in solidum la société Abeille, ès qualités d'assureur de la société EN.CO.RE, et la société Idéal Baies solidairement avec son assureur, la CRAMA [Localité 6] à leur régler la somme de 214 880 euros TTC indexée sur l'indice BT01 publié à la date du 16/09/2019 à comparer avec l'indice publié à la date de l'arrêt à intervenir,
- condamner in solidum la Société Abeille, ès qualités d'assureur de la société EN.CO.RE et la société Idéal Baies solidairement avec son assureur, la CRAMA à leur régler la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice financier en lien avec l'impossibilité d'habiter leur maison pour l'année 2014-2015, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice,
- condamner la société Abeille, ès qualités d'assureur de la société EN.CO.RE, in solidum avec la société Idéal Baies solidairement avec son assureur, la CRAMA, et in solidum avec la société Mic Insurance, assureur de Provost Thoraval, à leur régler la somme de 21 000 euros au titre de leur préjudice financier en lien avec l'impossibilité d'habiter leur maison pour la période de 2015 à 2021, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice,
- condamner in solidum la société Abeille, ès qualités d'assureur de la société EN.CO.RE et la société Idéal Baies solidairement avec son assureur, la CRAMA à leur régler la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel,
- condamner la société Abeille, ès qualités d'assureur de la société EN.CO.RE, in solidum avec la société Idéal Baies solidairement avec son assureur, la CRAMA, et in solidum avec la société Mic Insurance aux entiers de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamner in solidum la société Abeille, ès qualités d'assureur de la société EN.CO.RE, et la société Idéal Baies solidairement avec son assureur, la CRAMA, aux dépens des procédures de référé ayant donné lieu à la désignation de M. [D] ainsi qu'aux dépens d'appel.
Dans leurs dernières écritures du 7 août 2024, la société Idéal Baies et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles (CRAMA) de [Localité 6] demandent à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- débouter M. et Mme [E], et toute autre partie, de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées à leur encontre,
Subsidiairement,
- condamner la société Abeille et santé à les relever et les garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur égard,
En tout état de cause,
- condamner solidairement, ou les uns à défaut des autres, M. et Mme [E] et la société Abeille et Santé à leur verser une somme de 7 830 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles,
- condamner solidairement, ou les uns à défaut des autres, M. et Mme [E] et la société Abeille et Santé aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Cabinet Duval, avocat.
Dans ses dernières conclusions du 24 octobre 2024, la société Abeille Iard et Santé demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [J] [E], Mme [T] [L], épouse [E] de leurs demandes visant à constater la réception tacite et sans réserve des ouvrages réalisés par la société EN.CO.RE,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [J] [E] et Mme [T] [L], épouse [E] de leurs demandes dirigées contre elle et la société EN.CO.RE,
- confirmer, la condamnation de M. [J] [E] et Mme [T] [L], épouse [E] à lui payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,
- débouter les époux [E], la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA de toutes leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle,
À titre subsidiaire,
- condamner la société Idéal Baies et son assureur la CRAMA à la relever et la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son égard,
- juger qu'elle pourra opposer ses franchises contractuelles, telles que prévues aux conditions particulières versées aux débats, revalorisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre la date de prise d'effet du contrat et la date de déclaration du sinistre,
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. [J] [E] et Mme [T] [L], épouse [E], la société Idéal Baies et son assureur la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelles Agricoles de [Localité 6] à payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- condamner in solidum les époux [E] la société Idéal Baies et son assureur la Caisse Régionale d'Assurance Mutuelles Agricoles de [Localité 6] aux entiers dépens.
MOTIFS
I. Sur la réception des travaux
M. et Mme [E] font grief au tribunal de n'avoir pas constaté la réception tacite des travaux de la société EN.CO.RE le 11 avril 2014 à l'instar de ceux de l'ensemble des autres constructeurs intervenus dans le cadre de la rénovation. S'agissant des travaux réalisés en 2015 par l'entrepreneur, ils demandent que la réception tacite soit constatée au 29 juin 2015.
La société Abeille Iard et Santé demande confirmation du jugement.
Aux termes de l'article 1792-6 alinéa 1er du code civil la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Il n'est pas contesté que les travaux de rénovation lourde sur la maison de [Localité 8], qui ont nécessité l'emploi de techniques de construction et l'ajout de matériaux, constituent un ouvrage.
Il convient de rappeler la chronologie des travaux, telle qu'elle résulte de l'expertise judiciaire et des pièces, notamment de l'acte de vente, des diagnostics et factures produites par les appelants :
- le 4 décembre 2009 : acte de vente avec diagnostic attestant de la présence de petites vrillettes au sous-sol, dans la cave et au troisième étage dans les combles et d'un taux d'humidité des murs supérieur à 22%,
- le 1er janvier 2011, prise de possession des lieux, un an après la vente, compte tenu de l'accord passé pour que les anciens propriétaires y restent jusque fin 2010,
- programme de rénovation du printemps 2011 au 1er avril 2014 :
S'agissant des travaux de la société EN-CO-RE :
- factures des 20 janvier 2011 et 9 février 2011 : travaux de démolition, doublages et isolation dans la salle de bains du 2e étage, la cuisine, le séjour en pignon,
- travaux de juillet à novembre 2013 : aménagement extérieur, reprise des eaux pluviales, destruction du balcon du deuxième étage, reprise du mur de clôture et fissures pour assainir le pignon présentant des traces importantes d'humidité,
S'agissant des travaux de la société Idéal Baies
- fourniture et pose des fenêtres du premier et second étage facturées le 14 mars 2011,
- fin de la pose des fenêtres rez-de-chaussée et premier étage : facture du 3 juillet 2012,
- juillet 2014 : découverte de champignons sur une tablette en bois massif trempée et déformée située sous la fenêtre du deuxième étage.
- septembre et octobre 2014 : intervention de la société Provost-Thoraval qui réalise un traitement préventif et curatif après avoir déposé des doublages et enduits sur le pignon rue et sur le retour des façades et découpe des plafonds sur 1,50m de largeur sur trois niveaux,
- juin 2015 : deuxième intervention de la société EN.CO.RE.
Il n'est pas discuté qu'au 11 avril 2014, tous les travaux de couverture, plomberie, électricité, la création de cuisine, l'installation du poêle à bois, la pose des sols, les travaux de peintures et ceux du menuisier et de la société EN.CO.RE étaient terminés et réglés pour un montant total de 80 153,06 euros TTC à l'exception de trois ouvertures commandées et non posées par la société Idéal Baies.
Il incombe à celui qui invoque la réception tacite de la démontrer. La prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserve, ce qui vaut également pour la réception par lot ou par tranches de travaux (3e Civ.16 mars 2022, 20-16.829).
En l'espèce, les appelants sont bien fondés à soutenir que les travaux de la société EN.CO.RE qu'ils avaient payés et dont ils avaient pris possession le 11 avril 2014 étaient réceptionnés à l'instar de ceux des autres intervenants à la construction.
Le tribunal ne pouvait en effet retenir que l'intervention de cette société en juin 2015 empêchait toute réception à cette date puisque toutes les prestations réalisées en 2015 sont en lien avec la découverte de champignons en juillet 2014, postérieurement à l'achèvement des travaux initialement prévus et à leur réception.
Ainsi, suite à la révélation de l'attaque fongique, la société Provost-Thoraval est intervenue pour réaliser un traitement préventif et curatif. Un état parasitaire a été réalisé le 29 janvier 2015 par le cabinet Paturel et un devis estimatif de traitement curatif du bois le 10 février 2015 par la société INS Bretagne.
M. et Mme [E] ont réglé à la société EN.CO.RE le 8 janvier 2015, la somme de 7 778,40 euros relative à la facture n°2467 correspondant à la situation n°1 dont l'objet est 'travaux liés à la présence de mérule' sans qu'il ne soit détaillé les travaux.
Cependant sur la facture n°583 du 18 mai 2015 figurent des travaux dans la cave, de piochement de l'enduit intérieur, de réparation de pannes identifiées par la société de traitement, travaux qui ne sont bien que la conséquence de la découverte de champignons en juillet 2014.
Il résulte de la dernière facture de la société EN.CO.RE que les parties se sont mises d'accord pour que l'ensemble des travaux envisagés ne soient pas réalisés et la société a remboursé la somme de 2 591,99 euros aux maîtres de l'ouvrage le 13 août 2015.
Dès lors, le constat de la réception tacite des travaux de la société EN.CO.RE réalisés en janvier, février 2011 et de juillet à novembre 2013 sera fixé à la même date que celui des autres intervenants à la construction, soit le 11 avril 2014 et celui des travaux réalisés en 2015 dont le solde a été réglé le 13 août 2015 sera constatée à cette date. Le jugement est infirmé de ces chefs.
II. Sur les responsabilités
A. Les constructeurs
L'expert a constaté :
- la présence de coniophores des caves sur toute la façade Est (du sous-sol au R+2),
- de la pourriture fibreuse dans la cave,
- une attaque de grosses vrillettes dans les wc du rez-de-chaussée signe de l'existence préalable de champignons lignivores, l'infestation par cet insecte nécessitant une prédigestion enzymatique,
- le défaut d'étanchéité de la menuiserie R+2 ayant pour origine un défaut de mise en 'uvre des joints de compression périphérique,
- dans la chambre orientée sud-ouest, des infiltrations au niveau de la porte-fenêtre (située sur le pignon sud) en partie basse avec des passages d'eau localisés au niveau des joints de compression et entre l'ouvrant et le dormant,
- côté Est de la porte d'entrée, par rapport à la fenêtre située façade sud-ouest côté rue face à la cuisine : des infiltrations entre l'allège et l'appui de fenêtre, des fissures en façade dans la brique, des infiltrations au niveau du joint de compression,
- sur la fenêtre situe du côté Ouest de la porte d'entrée, des infiltrations au niveau du joint de compression et par l'allège (infiltrations par la façade).
L'expert précise que les tests d'arrosage effectués ont mis en évidence des défauts de pose entrainant des infiltrations à la jonction entre l'appui et les dormants de deux fenêtres au R+2 et deux fenêtres au rez-de-chaussée.
M. [D] a également décelé des infiltrations au niveau des souches de cheminées et à la jonction de la platine de la cheminée installée pour le poêle à bois.
1. Sur la société Idéal Baies
Les travaux de la société Idéal Baies sont à l'origine d'infiltrations d'eau dans la maison. La cour constate que contrairement à ce que soutient le menuisier, leur origine n'est pas limitée aux manquements dans la pose de deux menuiseries, mais à leur mise en oeuvre tant au rez-de-chaussée qu'au premier et second étage. De ces désordres qui portent atteinte au clos découle une impropriété à destination de l'ouvrage qui caractérise leur nature décennale.
Dès lors, sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil et la garantie décennale de son assureur CRAMA mobilisable.
2. Sur la société EN.CO.RE
Les appelants contestent la décision du tribunal qui n'a pas retenu la responsabilité de la société EN.CO.RE. Ils font valoir qu'elle a participé à la rénovation de leur maison et que ses ouvrages doivent être démolis pour rendre la maison habitable, que sa responsabilité est ainsi engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
La société Abeille Iard et Santé réplique que les travaux de son assurée ne sont pas à l'origine des infiltrations dans l'immeuble ni du développement du champignons et n'ont pas participé à l'aggravation du désordre. Elle précise qu'il n'y avait pas d'humidité dans les murs des étages au moment de travaux et que la société EN.CO.RE est intervenue avant la société Guéguan qui a réalisé sa prestation sur les souches de cheminée et la société Idéal Baies sur les menuiseries. Elle estime que l'entretien des façades ne relève que de la responsabilité des appelants.
Selon M. [D] tous les appuis de fenêtre sont fuyards et les allèges sous les ouvertures extérieures présentent des fissures infiltrantes. Selon lui, la société EN.CO.RE a nécessairement vu les murs saturés en humidité et les pièces de bois dégradées par la pourriture et aurait dû avertir les maîtres de l'ouvrage. L'expert indique qu'elle ne pouvait engager de travaux d'envergure sans s'assurer de la pérennité de son ouvrage.
S'agissant d'une responsabilité de plein droit, la mise en 'uvre de la responsabilité décennale des constructeurs suppose l'existence d'un lien d'imputabilité entre le dommage constaté et l'activité des personnes réputées constructeurs.
En l'espèce, il ressort de la facture de situation du 9 juillet 2013 que la société EN-CO-RE a démoli le balcon situé en pignon, y compris la reprise de l'enduit, et qu'elle a rebouché au mortier une fissure en façade arrière.
Dès lors, l'entrepreneur avait une connaissance exacte de l'état de la maçonnerie ayant lui-même opéré une reprise de fissure.
De plus, contrairement à ce que soutient la société Abeille Iard et Santé, la saturation en humidité des murs préexistait au commencement des travaux de la société EN.CO.RE. Il résulte de son rapport et de l'acte de vente que la société Agendarmor avait noté des mesures hygrométriques des murs à plus de 22% et dans la cave. Le diagnostiqueur avait ainsi recommandé d'abaisser le taux d'humidité des murs à un taux inférieur à 15%, d'assurer une ventilation des pièces et d'éliminer les parties infestées.
La cour fait ainsi sien l'avis de l'expert judiciaire qui rappelle (page 80) que l'entrepreneur a, a minima, accepté les supports, qu'elle a accédé aux murs en moellons, aux pièces de bois dégradées par la pourriture, à l'excès d'humidité d'autant qu'elle est intervenue en janvier et février 2011, période pluvieuse en Bretagne.
En procédant à des travaux d'isolation et de doublage sur des supports humides, après avoir travaillé sur la maçonnerie au rebouchage d'une fissure, avoir remplacé des arrières linteaux des fenêtres de la partie cave (expertise page 91) et avoir une parfaite connaissance de l'état de la maçonnerie, la société EN.CO.RE a contribué à l'aggravation du désordre et au développement des champignons et réalisé des ouvrages ou parties d'ouvrages en pure perte, ceux-ci ayant dû être partiellement déposés dès septembre 2014 avant le traitement fongicide opéré par la société Provost-Thoraval.
L'entrepreneur a ainsi contribué par ses travaux aux dommages qui ont rendu l'immeuble inhabitable et impropre à sa destination. Sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil. La garantie décennale de la société Abeille Iard et Santé est acquise.
B. Sur l'exonération de responsabilité
Les maîtres de l'ouvrage font valoir qu'il n'est pas démontré qu'ils ont commis une faute, que le tribunal ne pouvait retenir une part de responsabilité à leur encontre.
La société Idéal Baies et la CRAMA demandent que les époux [E] assument une part importante de responsabilité s'en rapportant à la motivation du tribunal, ajoutant qu'ils doivent assumer les conséquences de l'état préexistant du bâti.
Ainsi que le rappellent les maîtres de l'ouvrage, il est constant que la faute ne peut découler de l'absence de maître d''uvre (3e Civ., 18 décembre 2001 ; 30 mars 2005), les entrepreneurs ayant au contraire en cette occurrence une obligation de devoir d'information et de conseil renforcée. Le tribunal ne pouvait retenir la légèreté de M. et Mme [E] qui n'ont pas eu recours à un homme de l'art.
En revanche, l'attention de M. et Mme [E] a été attirée dans l'acte de vente sur la présence d'humidité dans les murs et la nécessité d'abaisser le taux d'humidité et les acquéreurs ont déclaré en avoir une parfaite connaissance et en avoir fait leur affaire personnelle. Ils ne justifient toutefois pas avoir suivi ces recommandations et porté ces informations à la connaissance des intervenants à la rénovation et sont fautifs à ce titre.
Pour autant, les époux [E], profanes en matière de construction auraient dû être conseillés par les différents constructeurs. En conséquence, la part de responsabilité retenue par les premiers juges est trop importante et sera réduite à 15%. Le jugement est infirmé sur ce point.
III. Sur l'indemnisation
A. Sur le préjudice matériel
M. [D] a estimé le montant des travaux à la somme de 207 102 euros TTC outre les travaux de démolition déjà engagés, soit 214 880 euros TTC.
Les appelants demandent que leur préjudice matériel soit fixé à la somme de 214 880 euros TTC correspondant aux travaux nécessaires après dépose des aménagements pour traiter le bois et la maçonnerie puis repose.
La société Idéal Baies et la CRAMA objectent que le montant des travaux pour reprise des seuls défauts des menuiseries n'est pas connu et que son montant ne pourra en tout état de cause qu'être limité à la somme retenue par le tribunal de 80 153,06 euros TTC.
La société Abeille Iard et Santé fait valoir que les travaux de structure doivent rester à la charge des appelants ainsi que les travaux d'assèchement de l'immeuble.
Le tribunal a limité le montant de la reprise des désordres à celui des travaux de rénovation. Ce faisant, il n'a pas pris en compte les travaux de reprise nécessités par le développement de la mérule et du coniophore des caves qui découlent directement de l'augmentation de l'humidité de la maison et des travaux réalisés sur des supports humides et contaminés.
M. [D] a procédé à un chiffrage précis des travaux de reprise en déduisant du montant des travaux retenus ceux qui auraient dû être engagés au début des travaux de rénovation par M. et Mme [E].
En revanche, le coût des travaux de la charpente, de la couverture et de fumisterie pour la reprise des désordres de la charpente à hauteur de 15 458 euros, qui ne sont pas imputables aux sociétés Idéal Baies et EN.CO.RE, sera déduit du montant des travaux de reprise.
Le montant du préjudice matériel sera être fixé à la somme de 169 508,70 euros TTC (214 880-15 458 =199 422-15%).
Les sociétés Idéal Baies, CRAMA et Abeille Iard et Santé seront condamnées in solidum à payer cette somme par voie d'infirmation. L'indemnité sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 16 septembre 2019 jusqu'à la date de l'arrêt.
B. Sur le préjudice de jouissance
Le tribunal a fixé le préjudice de jouissance résultant de l'inhabitabilité de la maison à usage secondaire à 3 000 euros par année.
Il a condamné la société Idéal Baies in solidum avec son assureur la CRAMA à payer à M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] la somme de 3 000 euros pour leur préjudice de jouissance au titre de l'année 2014- 2015 et condamné in solidum les sociétés Idéal Baies et son assureur la CRAMA ainsi que la société Provost-Thoraval et son assureur la compagnie Mic Insurance au paiement de la somme de 21 000 euros, pour la période de 2015 à 2021.
Les appelants demandent que la société Abeille Iard et Santé soit également condamnée in solidum à payer les sommes retenues par le tribunal.
La société Abeille Iard et Santé rétorque qu'aucun préjudice ne peut être revendiqué avant la fin des travaux de la société EN.CO.RE du 18 mai 2015 et insiste sur l'usage secondaire de la maison.
La société Idéal Baies et la CRAMA considèrent que ce préjudice est exclusivement imputable à la société Provost-Thoraval.
Il a été vu que les travaux étaient terminés le 11 avril 2014. Les désordres ont été découverts en juillet 2014 et les opérations pour tenter d'éliminer les champignons ont débuté fin 2014. À compter de cette date, la maison n'était plus habitable. Si les travaux de la société Provost-Thoraval ont été inefficaces, les sociétés EN.CO.RE et Idéal Baies sont à l'origine du désordre de sorte qu'elles sont responsables du préjudice subi jusqu'à leur réparation.
Eu égard à l'occupation occasionnelle de la maison, l'indemnité allouée par les premiers juges sera réduite à la somme de 2 000 euros par année, cette somme tenant compte de la responsabilité des maîtres de l'ouvrage dans l'apparition des désordres.
Aucune partie n'a intimé la société MIC dont la condamnation est définitive. S'agissant de la société Provost-Thoraval qui a été condamnée alors qu'elle était liquidée sans que son liquidateur n'ait été appelé à la cause ni qu'ait été prononcée une fixation au passif de la liquidation, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Les sociétés Idéal Baies, CRAMA et Abeille Iard et Santé seront condamnées in solidum à payer la somme de 2 000 euros par mois aux époux [E] pour la période 2014/2015 avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019 et in solidum avec la société MIC de 2015 à 2021 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Le jugement est infirmé.
IV. Sur les recours en garantie
A. Sur le préjudice matériel
La société Idéal Baies et la CRAMA sollicitent la garantie de la société Abeille Iard et Santé qui réciproquement forme une demande de garantie contre elles.
Les infiltrations d'eau par les menuiseries qui ont contribué au développement des champignons entrainent une responsabilité prépondérante de la société Idéal Baies.
Le partage de responsabilité sera fixé comme suit :
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 70%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 30 %
La société Idéal Baies et la CRAMA, d'une part, et la société Abeille Iard et Santé, d'autre part, seront condamnées à se garantir réciproquement dans ces proportions.
B. Sur les préjudices immatériels
La part de responsabilité de la société Provost-Thoraval assurée par la société MIC Assurance ayant été fixée à 35% sans contestation des parties pour la période 2015/2021, les parts de responsabilités seront fixées comme suit :
Pour 2014/2015 :
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 70%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 30 %
Pour 2015/2021 :
- le pourcentage de la dette de la société MIC en sa qualité d'assureur de la société Provost-Thoraval a été fixé par le jugement à 35%.
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 45,5%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 19,5%
La société Idéal Baies et la CRAMA, d'une part, et la société Abeille Iard et Santé, d'autre part, seront condamnées à se garantir réciproquement dans ces proportions, en ce compris pour les dépens de première instance.
V. Sur les autres demandes
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [E] à payer la somme de 1 500 euros à la société EN.CO.RE liquidée et à la société Abeille Iard et Santé ainsi qu'aux dépens de première instance sauf à l'égard de la société MIC.
Les sociétés Idéal Baies, CRAMA et Abeille Iard et Santé seront condamnées in solidum avec la société MIC aux dépens de première instance, en ce compris les frais de référé et de l'expertise judiciaire. Les parties se garantiront comme indiqué au IV.B.
Les sociétés Idéal Baies, CRAMA et Abeille Iard et Santé seront condamnées in solidum à payer une indemnité supplémentaire de 4 000 euros à M. et Mme [E] en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le partage de responsabilité sera fixé comme suit :
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 70%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 30 %
La société Idéal Baies et la CRAMA, d'une part, et la société Abeille Iard et Santé, d'autre part, seront condamnées à se garantir réciproquement dans ces proportions au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté la réception tacite des ouvrages réalisés par les sociétés Idéal Baies, au titre de la rénovation de l'immeuble de M. [J] [E] et Mme [T] [L] épouse [E] à la date du 11 avril 2014,
- dit que ce désordre engage la responsabilité décennale de la société Idéal Baies,
- dit que la CRAMA doit sa garantie à son assurée,
- en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens sauf en ce qui concerne les recours en garantie,
L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau
Constate la réception tacite des travaux de la société EN.CO.RE réalisés entre 2011 et 2013 à la date du 11 avril 2014,
Constate la réception tacite des travaux de la société EN.CO.RE réalisés en 2015 le 13 août 2015,
Fixe la part de responsabilité de M. et Mme [E], maîtres de l'ouvrage à 15% du montant total du préjudice,
Condamne in solidum les sociétés Idéal Baies, CRAMA [Localité 6] et Abeille Iard et Santé à payer à M. et Mme [E] la somme de 169 508,70 euros TTC au titre des travaux de reprise, avec actualisation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 16 septembre 2019 jusqu'à la date de l'arrêt,
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 70%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 30 %
Condamne la société Idéal Baies et la CRAMA [Localité 6], d'une part, et la société Abeille Iard et Santé, d'autre part, à se garantir réciproquement dans ces proportions,
Condamne in solidum les sociétés Idéal Baies, CRAMA [Localité 6] et Abeille Iard et Santé à payer à M. et Mme [E] une indemnité de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance pour l'année 2014/2015 avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019,
Condamne in solidum les sociétés Idéal Baies, CRAMA [Localité 6] et Abeille Iard et Santé avec la société MIC à payer à M. et Mme [E] la somme de 14 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance pour les années 2015 à 2021 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
pour 2014/2015 :
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 70%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 30 %
Pour 2015/2021 :
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 45,5%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 19,5%
Condamne la société Idéal Baies et la CRAMA [Localité 6], d'une part, et la société Abeille Iard et Santé, d'autre part, à se garantir réciproquement dans ces proportions,
Condamne la société Idéal Baies et la CRAMA [Localité 6], d'une part, et la société Abeille Iard et Santé, d'autre part, à se garantir réciproquement dans les mêmes proportions qu'au titre du préjudice de jouissance pour la période 2015/2021 pour les dépens de première instance,
Déboute la société Abeille Iard et Santé de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance,
Condamne les sociétés Idéal Baies, CRAMA et Abeille Iard et Santé in solidum avec la société MIC aux dépens de première instance, en ce compris les frais de référé et de l'expertise judiciaire,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Y ajoutant
Condamne in solidum les sociétés Idéal Baies, CRAMA [Localité 6] et Abeille Iard et Santé à payer à M. et Mme [E] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés Idéal Baies, CRAMA [Localité 6] et Abeille Iard et Santé aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
- la société Idéal Baies, assurée par la CRAMA : 70%
- la société EN.CO.RE, assurée par la société Abeille Iard et Santé : 30 %
Condamne la société Idéal Baies et la CRAMA [Localité 6], d'une part, et la société Abeille Iard et Santé, d'autre part, à se garantir réciproquement dans ces proportions au titre des frais irrépétibles et dépens d'appel.