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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 28 mai 2025, n° 24/00354

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Wejust (SAS)

Défendeur :

Djust (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois-Stevant

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Pedroletti, Me Marcus Mandel, Me Mze, Me Gugenishvili, Me Fortunet

INPI, du 12 déc. 2023, n° OP 23-1640

12 décembre 2023

Exposé du litige

La société Wejust a, le13 février 2023, déposé la demande d'enregistrement de marque sous le n° 4936697 pour des produits et services en classes 9, 35, 36, 42 et 45.

Le 9 mai 2023, la société Djust a formé opposition sur le fondement des marques antérieures DJUST n° 4642437, enregistrée pour les services « logiciel-service (SaaS) », et n° 4866821, enregistrée pour les services « conception de logiciels ; développement de logiciels ; élaboration (conception) de logiciels ; installation de logiciels ; maintenance de logiciels ; logiciels en tant que services (SaaS) ».

La demande d'enregistrement de la marque a fait l'objet d'un retrait partiel inscrit le 27 juillet 2023 sous le n° 0891645.

Par décision du 12 décembre 2023, le directeur général de l'INPI (l'INPI) a reconnu l'opposition partiellement justifiée et a rejeté la demande d'enregistrement pour certains produits et services.

Le 11 janvier 2024, la société Wejust a formé un recours à l'encontre de cette décision.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 avril 2024, la société Wejust demande à la cour :

- de la recevoir en ses écritures, fins et conclusions,

- d'infirmer la décision n° 23-1639 (lire 23-1640) rendue par l'INPI en ce qu'elle a reconnu partiellement justifiée l'opposition formée par la société Djust à l'encontre de la marque n° 4936697,

- de juger que la marque n° 4936697 doit être enregistrée à l'INPI pour les produits et services visés à la demande d'enregistrement de la classe 42 en sus des classes déjà acceptées,

- de confirmer la décision pour le surplus,

- de condamner l'INPI en tous les dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 juin 2024, la société Djust demande à la cour de rejeter le recours en annulation formé par la société Wejust contre la décision d'opposition n°23-1640 rendue par l'INPI le 12 décembre 2023, en conséquence de confirmer la décision d'opposition n°23-1640 rendue par l'INPI le 12 décembre 2023, de débouter la société Wejust de toutes demandes contraires au présent dispositif, de condamner la société Wejust aux entiers dépens d'instance et à lui payer à la société la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses observations du 4 juillet 2024, l'INPI fait valoir que les demandes de la requérante, en ce qu'elles tendent à faire infirmer la décision déférée et juger que la marque JUST soit enregistrée, sont irrecevables en application de l'article R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle et, sur le fond, maintient son appréciation quant à l'existence d'un risque de confusion entre les marques en présence.

Le ministère public est d'avis que la cour confirme la décision de l'INPI. Cet avis a été communiqué par RPVA le 1er octobre 2024.

En cours de délibéré, la cour a soulevé d'office l'irrecevabilité du recours de la société Wejust en ce qu'il tend à l'infirmation partielle de la décision du directeur général de l'INPI et à l'obligation de ce dernier d'enregistrer la marque querellée en classe 42 en sus des classes déjà acceptées alors que le recours exercé à l'encontre d'une décision statuant sur une opposition à l'enregistrement d'une marque est un recours en annulation et non en réformation en vertu de l'article R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle.

Les parties ont été invitées à faire part de leurs observations sur cette fin de non-recevoir pendant le cours du délibéré avant le 1er mai 2025.

Par note remise au greffe et notifiée par RPVA le 17 avril 2025, la société Wejust demande à la cour de prendre en compte l'acte de saisine en ce qu'elle a bien été saisie d'une demande de réformation de la décision de l'INPI et non d'une demande d'infirmation.

Elle expose que la déclaration de saisine comporte clairement la demande formée devant la cour tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision de l'INPI, qu'aucune des parties n'a été trompée sur la nature du recours, la société Djust sollicitant ainsi le rejet du recours en annulation, que les parties se sont présentées dans un litige visant à la réformation de la décision et non à son infirmation, que ce n'est que par une erreur de plume que ses conclusions emploient le terme « infirmation ».

Elle ajoute que prononcer l'irrecevabilité de sa demande serait gravement préjudiciable à ses droits et la priverait d'un deuxième degré de juridiction alors même que l'ensemble des parties a compris l'enjeu du litige et est intervenu de manière contradictoire, que ce serait faire preuve d'un formalisme excessif.

Par note remise au greffe et notifiée par RPVA le 25 avril 2025, la société Djust s'en rapporte à la décision de la cour.

SUR CE,

L'article 125 du code de procédure civile dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

Or l'article R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle dispose :

« Les recours exercés à l'encontre des décisions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 411-4 sont des recours en annulation.

Les recours exercés à l'encontre des décisions mentionnées au deuxième alinéa du même article L. 411-4 sont des recours en réformation. Ils défèrent à la cour la connaissance de l'entier litige. La cour statue en fait et en droit. »

Les décisions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 411-4 sont notamment les décisions du directeur général de l'INPI prévues par le code de la propriété intellectuelle à l'occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle. Elles comprennent ainsi les décisions statuant sur une opposition à l'enregistrement d'une marque.

Dès lors que l'article R. 411-19 définit ainsi la nature des voies de recours ouvertes à l'encontre des décisions du directeur général de l'INPI, la cour doit soulever d'office la question de la recevabilité du recours exercé par la société Wejust et ce, quand bien mêmes les parties ont pu débattre contradictoirement de la demande d'enregistrement d'une marque formée par la société Wejust et de l'opposition exercée par la société Djust.

La cour n'a pas soulevé d'office la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité du recours parce que la société Wejust a employé dans ses conclusions le terme « infirmer » au lieu du verbe « réformer » mais parce qu'elle n'a pas exercé de recours en annulation, seul ouvert à l'encontre d'une décision de l'INPI statuant sur une opposition à l'enregistrement d'une marque.

L'acte de recours de la société Wejust indique ainsi : « il ['] s'agit d'un recours contre une décision du directeur général de l'INPI sur une demande en déchéance (sic) tendant à voir annuler ou réformer la décision en ce qu'elle a déclaré l'opposition reconnue partiellement justifiée en ce qu'elle porte sur les services suivants ['] déclaré la demande d'enregistrement partiellement rejetée pour les produits et services précités. »

Si cet acte de recours n'exclut pas le recours en annulation, la société Wejust a conclu sans ambiguïté à la seule infirmation de la décision contestée, peu importe que ce terme se substitue au mot « réformation », et non à son annulation.

La société Wejust confirme dans sa note en délibéré qu'elle a formé un recours en réformation. Elle n'invoque ni dans ses conclusions ni dans sa note en délibéré l'annulation de la décision du directeur général de l'INPI.

Les décisions statuant sur une opposition à l'enregistrement d'une marque pouvant faire l'objet d'un recours en annulation seulement et non d'un recours en réformation, le recours en réformation exercé par la société Wejust n'est pas recevable.

Il s'ensuit que le recours de la société Wejust sera déclaré irrecevable, que les dépens du recours seront laissés à sa charge et que les sociétés Wejust et Djust conserveront la charge des frais irrépétibles qu'elles ont elles-mêmes exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement,

Déclare irrecevable le recours exercé par la société Wejust ;

Condamne la société Wejust aux dépens du recours ;

Déboute les sociétés Wejust et Djust de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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