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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 28 mai 2025, n° 22/04378

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association Centre Reeducation Invalides Civils (Sté)

Défendeur :

Association Centre Reeducation Invalides Civils (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

Mme Leclercq, Mme Asselain

Avocats :

Me Astie, Me Stanton, SCP Cabinet Denjean et Associés, SELARL Decker

TJ Toulouse, du 1 déc. 2022, n° 21/00437

1 décembre 2022

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [B] [U] a été engagé par l'association Centre Réeducation Invalides Civils (CRIC) le 1er janvier 1998 en tant que directeur général.

Il a été licencié pour faute grave par courrier notifié par huissier du 29 décembre 2015.

Il lui était reproché des défauts graves d'information et de gestion de la situation d'un hôtel dont le CRIC était l'associé unique, dans l'administration du personnel et dans le cadre d'un contrat conclu avec les hôpitaux de [Localité 5] ainsi que des abus dans l'utilisation du matériel de l'association.

M. [B] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse qui l'a débouté de ses demandes par un jugement du 7 décembre 2017.

Ce jugement a ensuite été infirmé par un arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Toulouse du 18 octobre 2019 qui a considéré le licenciement vexatoire et dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'association CRIC à lui verser une somme totale de 268 494,04 euros.

Parallèlement à ce contentieux, une enquête préliminaire a été engagée par M. [X] [S], ancien directeur d'un établissement du CRIC, le 16 février 2016 à la suite de la dénonciation auprès du parquet national et financier de Paris de dysfonctionnements de l'association d'utilité publique CRIC et notamment d'agissements à des fins personnelles de l'ancien directeur M. [B] [U].

Le CRIC a également déposé plainte contre X pouvant être M. [B] [U], M. [C] et Mme [G] le 17 mars 2016 pour des faits d'abus de biens sociaux et/ou escroquerie et/ou abus de confiance.

L'affaire a été classée sans suite le 9 octobre 2018 au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.

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Se considérant victime de fausses accusations de la part du CRIC et de M. [D] [T], son président, M. [U] les a fait assigner par acte d'huissier du 28 février 2020 afin de les voir condamner à lui verser une somme totale de 150 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi de ce fait.

Saisi par l'association CRIC et M. [T] d'un incident tendant à voir déclarer irrecevable la demande de M. [U], le juge de la mise en état a jugé, par une ordonnance du 10 mars 2022, que l'action de M. [U] fondée sur la dénonciation téméraire était recevable en ce que les faits allégués ne relevaient pas de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

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Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse, a :

- débouté M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté le CRIC et M. [T] de leur demande reconventionnelle de condamnation de M. [U] pour procédure abusive,

- condamné M. [U] aux dépens,

- condamné M. [U] à payer au CRIC et à M. [T] une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi, le premier juge s'est attaché à examiner la réalité des différents faits imputés par M. [U] au CRIC et à M. [T] pour déterminer s'ils étaient susceptibles d'engager leur responsabilité civile pour faute. Il a relevé que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi et qu'en dehors de ces cas, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne saurait être sanctionné sur le fondement de l'article 1240 du code civil, sauf dénigrement de produits ou de service.

Sur la dénonciation téméraire, le premier juge a relevé que les faits allégués n'avaient donné lieu à aucune poursuite ni condamnation pénale sur le fondement de la dénonciation téméraire régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale ni sur le fondement de la dénonciation calomnieuse réprimée par l'article 226-10 du code pénal, de sorte qu'aucune faute de dénonciation téméraire ne pouvait être imputée aux défendeurs.

Sur les propos accusatoires et mensongers, après reprise intégrale des éléments produits devant lui (propos retranscrits dans des attestations ; courriers de M. [T] aux membres de l'association ; procès-verbaux du conseil d'administration du CRIC ; rapport d'état des lieux commandé par le CRIC à la société Ozon pour identifier les causes d'un mal-être qui règnerait dans les structures), le tribunal a indiqué pour chacun d'eux si les propos étaient susceptibles d'être soumis à la loi du 29 juillet 1881 et dès lors d'être exclus du champ de l'article 1240 du code civil ou s'ils entraient au contraire dans le champ de cet article.

Le premier juge a conclu que la responsabilité du CRIC et de M. [T] n'était pas susceptible d'être engagée pour les propos produits devant lui par M. [U].

Sur la sollicitation de faux témoignages, le premier juge a écarté un premier courrier au motif que cette attestation ne concerne pas M. [U]. Il a écarté une seconde attestation au motif que celle-ci reposait uniquement sur la parole de son auteur, lequel avait été inconstant, produisant à quelques années d'intervalle des attestations contradictoires, la première (25 janvier 2017) dénonçant des pressions qu'aurait exercées M. [U] à son égard, la seconde (2 juin 2020) indiquant avoir été contacté pour produire un faux témoignage à l'encontre de M. [U]. Le tribunal souligne au demeurant que les faits allégués, s'ils étaient avérés, n'auraient causé aucun préjudice à M. [U], le témoignage ayant été produit dans le cadre d'une enquête préliminaire ayant donné lieu à un classement sans suite.

Sur les manoeuvres dilatoires imputées au CRIC et à M. [T] qui avaient demandé un sursis à statuer à la chambre sociale de Toulouse dans l'instance les opposant quant au licenciement de M. [U], du fait d'un dépôt de plainte quelques jours avant l'audience, le tribunal a relevé qu'il était constant que cette demande avait uniquement trait à la procédure relative au licenciement, que la demande avait au demeurant été rejetée par la cour, et a retenu qu'aucune faute ne pouvait être retenue pour ces faits.

Le premier juge a par ailleurs écarté la demande de condamnation pour procédure abusive formée par le CRIC et M. [T], aucune faute ne pouvant être imputée à M. [U] pour avoir introduit son action.

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Par acte du 20 décembre 2022, M. [B] [U] a interjeté appel des dispositions du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'elles l'ont débouté de l'intégralité de ses demandes et l'ont condamné aux dépens et au paiement au titre des frais irrépétibles.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 juillet 2023, M. [B] [U], appelant, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

'Et pour d'autres à déduire ou suppléer',

- réformer le jugement du tribunal judiciaire,

Et statuant à nouveau,

- le confirmer en ce qu'il a débouté le CRIC et M. [T] de leur demande au titre de la procédure prétendument abusive,

- « dire et juger » que l'association CRIC et que M. [D] [T] ont engagé leur responsabilité civile à l'égard de M. [B] [U] par leurs dénonciations téméraires, les fausses accusations, les faux témoignages sollicités auprès des salariés de l'association, le dépôt de plaintes infondées auprès du procureur de la République, les man'uvres dilatoires,

- débouter le CRIC et M. [T] de leur demande au titre de la procédure abusive et confirmer le jugement sur ce point,

- condamner l'association CRIC à verser à M. [B] [U] une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- condamner M. [D] [T] à verser à M. [B] [U] une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- condamner les défendeurs aux dépens dont distraction au profit de Maître Frechin de la Scp Denjean & Associés pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision,

- condamner les défendeurs au paiement de 3 000 euros chacun euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 avril 2023, l'association Centre Réeducation Invalides Civils (CRIC) et M. [D] [T], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour, au visa des articles 122 et 789-6 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable et bien fondé l'Association CRIC et M. [D] [T] en leur appel incident de la décision rendue le 1er décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Toulouse,

- confirmer le jugement rendu le 1er décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a :

débouté M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

condamné M. [U] aux dépens,

condamné M. [U] à payer au CRIC et à M. [T] une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles,

- infirmer le jugement rendu le 1er décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a :

débouté le CRIC et M. [T] de leur demande reconventionnelle de condamnation de M. [U] pour procédure abusive,

et statuant a nouveau

- condamner M. [U] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive,

- condamner M. [U] au paiement des dépens et frais irrépétibles et au paiement de 5 000 euros sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 2025 et l'affaire a été examinée à l'audience du 3 février 2025 à 14 h.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Au soutien de ses prétentions, M. [U] considère sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil que le CRIC et M. [T] ont engagé leur responsabilité civile à son égard 'par leurs dénonciations téméraires, les fausses accusations, les faux témoignages sollicités auprès des salariés de l'association, le dépôt de plaintes infondés auprès du procureur de la République, les man'uvres dilatoires' (dispositif des dernières conclusions déposées par M. [U] devant la cour).

2. En dehors des cas spécialement prévus par la loi, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n'en va autrement que si l'auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse étant alors caractérisé

(Civ. 1ère, 25 mars 2020, n° 19-11.554).

2.1 En l'espèce, il résulte des pièces versées au dossier que M. [X] [S], ancien directeur d'un centre dépendant de l'association CRIC et situé à [Localité 4] avait écrit au parquet national financier le 15 janvier 2016 pour mettre en cause la gestion anormale de cette association en visant diverses personnes dont M. [U], ancien directeur du CRIC et M. [C], ancien président de cette même association. M. [S] précisait devant les enquêteurs qu'il avait quitté cette association depuis le 31 décembre 2013 à la suite d'un licendiement qu'il estimait abusif. Il dénonçait la conduite simultanée de deux opérations de constructions de structures hôtelières, l'une associative dénommée Fluvia et l'autre purement privée, dénommée Park Wilson, dans laquelle étaient intéressés M. [U] et plusieurs autres dirigeants de l'association CRIC, laissant supposer que ces derniers auraient pu faire supporter à l'association des coûts de leur projet privé au bénéfice de l'identité de prestataires et de constructeurs.

2.2 M. [L] [I], alors demandeur d'emploi, a pour sa part écrit au procureur de la République de [Localité 5] le 6 février 2016. Entendu le 25 janvier 2017 par les services de police, il expliquait qu'ayant été recruté par M. [U] pour exercer au sein de l'association en qualité de responsable de maintenance et d'entretien des bâtiments, il avait souffert d'un harcèlement de la part de M. [U] en affirmant avoir été 'son homme à tout faire, sans avoir pour autant un salaire décent à la hauteur de mon travail et sans avoir de reconnaissance de sa part. Il parlait très mal aux gens, il ne les respectait pas. c'est un fumier'. Il précisait avoir rédigé cette 'lettre 'témoignage'' à la demande de MM. [T] et [R] et ajoutait notamment qu'il avait démonté des téléviseurs et autres matériels informatiques dans l'hôtel Park Wilson, avoir utilisé le fourgon de transport appartenant au CRIC pour le transports de stagiaires en formation vers cet hôtel alors que l'hôtel Fluvia était déjà ouvert et fonctionnait à 'bas régime'.

2.3 La lettre de licenciement pour faute grave du 29 décembre 2015, signée de M. [T], qui a été notifiée à M. [U] reprochait notamment à ce dernier d'avoir annoncé au bureau du conseil d'administration un résultat déficitaire de 600 000 euros de 'l'hôtel Fluvia - dont CRIC Association est l'associé unique au travers de la Sasu Confluences' après avoir décrit quelques mois plus tôt que cet établissement avait atteint son équilibre de gestion. Il lui était aussi reproché un grand nombre de contentieux en cours avec les salariés de l'association et un défaut de restitution de biens de l'association en sa possession demandée lors de l'entretien préalable.

2.4 Dans un courrier du 17 mars 2016 adressé par son conseil, l'association CRIC et la Sasu Confluences ont déposé plainte contre X... pouvant être MM. [B] [U], [E] [C] et Mme [W] [G] pour des faits d'abus de biens sociaux et/ou escroquerie et/ou abus de confiance. Le procès-verbal de synthèse, établi à la suite de l'enquête menée sur les faits dénoncés dans cette plainte, fait apparaître que M. [T] a indiqué avoir découvert fin 2015 que la situation financière de la résidence hôtelière Fluvia alors dirigée par Mme [G], l'épouse de M. [U], présentait des 'pertes abyssales de l'ordre de 660 K'' et a émis 'des doutes, sans être plus précis, sur l'origine de cette situation'. Il était rapporté que le commissaire aux comptes a expliqué aux enquêteurs que la situation financière de l'hôtel était la conséquence de plusieurs facteurs (un taux d'occupation inférieur aux prévisions du business plan, une masse salariale trop importante et un loyer très élevé), la société ayant souffert d'une succession de responsables comptables à qualifications variées. Il était aussi rapporté que M. [T] avait dénoncé un certain nombre de détournements 'encore une fois sans être précis, ni sur les faits, ni sur les dates' en produisant des attestations de salariés en exercice ou d'anciens salariés licenciés faisant état d'utilisation par M. [U] des ressources de l'association à des fins personnelles, les enquêteurs soulignant que 'les faits dénoncés étaient assez vagues, et très anciens. Les quelques auditions réalisées ne permettaient pas d'en apprendre plus, ni d'avérer ces faits'. L'analyse des flux financiers entre l'association et ses filiales ne faisait apparaître aucun détournement de fonds publics, les mouvements suspects enregistrés en l'absence de convention, répondant en fait à des besoins de trésorerie.

2.5 Ce procès verbal mentionne à la date du 1er mars 2018 : 'Des diverses auditions réalisées, et au vu de la situation vécue par cette association ces dernières années, avec notamment 5 à 6 dossiers aux prud'hommes en cours, deux directeurs généraux sucessifs licenciés, plus aucun directeur général à la tête de CRIC aujourd'hui, la liquidation judiciaire de la Sasu Confluences, il apparaît très clairement que cette dernière rencontre des difficultés voire une crise. Cependant, il semble que le coeur de cette affaire repose essentiellement sur la jalousie et un certain nombre d'inimitiés notamment envers M. [U] et son épouse Mme [G]'. Il est constant qu'à la suite de ces plaintes, M. [U] n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale, étant constaté qu'une seule a été initiée par l'association CRIC représenté par M. [T]. Un classement sans suite a été décidé par le procureur de la République de [Localité 5], après dessaisissement à son profit du parquet national financier, en motivant ce classement sur le caractère insuffisamment caractérisé de l'infraction dénoncée.

2.6 Par attestation établie le 7 janvier 2020, M. [I] a expliqué que M. [T] était venu le rencontrer 'début février' chez lui, accompagné d'administrateurs du CRIC, pour lui demander 'une fausse attestation à l'encontre de M. [U] en échange d'un poste à responsabilité au CRIC'. Il a indiqué avoir recopié le modèle de la lettre apportée par M. [H] et avoir ainsi agi en raison de son état psychologique à la suite d'une séparation douloureuse et d'une situation financière très précaire.

2.7 La cour relève que les plaintes litigieuses, caractérisées par des courriers dont un seul émane de l'association CRIC et adressé au procureur de la République, n'avaient pas pour effet de mettre, par elles-mêmes, en mouvement l'action publique et n'ont, en définitive, donné lieu à aucune poursuite pénale. Le jugement entrepris fait état d'une plainte avec constitution de partie civile, non produite au dossier, qui n'aurait pas fait l'objet d'une consignation. Il résulte des éléments du dossier qui viennent d'être rapportés que la situation financière d'un établissement dépendant d'une structure pilotée par l'association présentait dès la fin de l'année 2015 un déficit important qui a finalement abouti à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde par jugement du 1er septembre 2016 puis d'une liquidation judiciaire le 8 décembre 2016 révélant une créance de loyers et charges impayés de 5.149.808,77 euros (cf. Ordonnance du juge commissaire - pièce n° 11 du dossier des intimés). Les documents annexés à l'enquête pénale font apparaître comme associés dans les statuts de la Sarl Park Wilson qui gère une résidence hôtelière privée tant Mme [W] [G], M. [B] [U] que M. [N] [R], salariés selon le cas de la société Confluence ou de l'association CRIC et l'enquête, en l'état des pièces produites, ne comporte aucune vérification sur les allégations du premier plaignant relativement à des abus de bien entre la communauté d'intérêts supposée de ces acteurs à l'occasion de la construction simultanée de ces résidences hôtelières.

2.8 M. [O] qui avait été employé comme comptable durant cette période a été entendu et a fait état de non tenue ou de disparition de pièces comptables, de reconstitution de comptabilité, de fonds publics détournés de leur objet notamment relativement à sa propre rémunération et bien d'autres imputations de comportements frauduleux. Mme [V] [F], ayant occupé divers postes au sein des établissements et services du CRIC, a confirmé l'existence de difficultés de tenue de comptabilité, indiquant avoir édité et conservé le grand livre, la veille de son départ 'afin d'avoir une trace, car [A] [O] était accusé à tort par [U] [B] d'avoir détruit la comptabilité Fluvia', le présentant aux enquêteurs et le commentant en évoquant diverses anomalies dont une portant sur la surfacturation de machines à laver le sol pour permettre d'en livrer une à la société Park Wilson ou encore l'absence de mention de subventions publiques ou de fonds européens qui étaient attribuées pour le fonctionnement de l'établissemnt Fluvia. Les enquêteurs ont fait état d'une plainte déposée par M. [O] en 2012 pour dénoncer un montage au détriment de Pôle Emploi et de l'ARS relativement à ses activités réelles au sein de Fluvia et qui a été classée sans suite par le Parquet de [Localité 5] le 22 octobre 2012. L'intéressé leur expliquait alors que M. [U] avait recherché sa condamnation pour diffamation et qu'il avait bénéficié d'un non-lieu prononcé par le juge d'instruction et dont il donnait les références exactes.

2.9 Il suit de ces constatations que dans un tel contexte non seulement les conditions de l'engagement d'une action fondée sur la dénonciation téméraire ne sont pas réunies en l'absence de mise en oeuvre de l'action publique, il n'est pas établi que les auteurs de la dénonciation auprès de l'autorité judiciaire aient eu une connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés et, s'agissant des seuls intimés à savoir l'association CRIC et son président en exercice à l'époque de la plainte du 17 mars 2016, que ces derniers aient fait état de faits qu'ils savaient être matériellement inexacts.

3. M. [U] dénonce plus largement une attitude de mise en accusation adoptée en son égard en sollicitant de faux témoignages. Il est spécialement évoqué l'attestation précitée de M. [L] [I] revenant sur les termes de sa déposition devant les policiers.

3.1 Cette attestation n'a pas été produite au soutien d'une action pénale pour sollicitation de faux témoignage qui n'a jamais été engagée. Il n'est pas établi que M. [I] ait retrouvé un emploi au sein de l'association et il sera relevé que la lettre de ce dernier au parquet de [Localité 5] a été confirmée par ses propres déclarations faites devant un enquêteur du Service Régional de Police Judiciaire en évoquant des faits entrant en résonance avec ceux plus précisément développés un an plus tôt par M. [O] et Mme [F] lors de l'enquête préliminaire.

3.2 Il résulte des pièces du dossier que de nombreuses procédures de licenciement sont intervenues sous les différentes directions. M. [S] a été licencié par l'association alors dirigée par M. [U] et qui a été condamnée le 12 janvier 2018 par la cour d'appel de Toulouse en paiement de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. M. [S] a été réembauché par l'association du 16 août 2021 au 29 août 2022 étant précisé que M. [T] avait quitté la présidence de l'association en décembre 2020. Le licenciement de M. [U] a été jugé comme étant lui aussi dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel de Toulouse ayant, sur le chef principal tiré du défaut d'information de l'association sur la situation réelle de l'établissement Fluvia, notamment relevé que le président de l'association, M. [T] ne pouvait prétendre découvrir les chiffres de l'hôtel Fluvia le 8 décembre 2015 alors qu'il dirigeait et représentait la société Confluences et suivait la situation de cet établissement Fluvia depuis plus de trois ans au regard de ses fonctions de trésorier de l'association, occupées jusqu'en 2015. Le tribunal par une motivation circonstanciée et pertinente que la cour adopte a procédé à l'analyse des différentes attestations litigieuses en relevant selon le cas leur caractère imprécis, ou contradictoire ou ne concernant pas directement M. [U].

3.3 Dans son courrier du 15 janvier 2016 adressé au parquet national financier, M. [S] écrivait en évoquant le contenu d'une pièce jointe portant un résumé de faits rapportés par plusieurs salariés : 'Sans être en capacité de démêler le vrai du faux dans ces témoignages, je sais que chacun des membres du conseil d'administration participe de plusieurs réseaux' et mettait en doute l'impartialité de 'différentes administrations locales'. Ce résumé comporte de nombreuses affirmations à l'égard de nombreuses personnes, parfois en des termes crus et lapidaires, sans que ces éléments soient accompagnés de pièces justificatives ou aient fait l'objet d'une enquête. Il est indiqué sans grande précision des liens personnels ou de famille entre plusieurs responsables de l'association ou des organismes gravitant autour d'elle, M. [L] [I] étant, à titre d'exemple, présenté comme le 'beau fils d'un administrateur' (p. 9 de ce document annexé à l'enquête pénale).

3.4 Il suit de ces constats que la cour n'est pas en mesure en l'état des pièces et déclarations décousues produites au dossier, de déterminer chez M. [T], personne physique ou le CRIC, personne morale, une volonté de calomnier M. [U] en dénonçant à l'autorité judiciaire des faits remontant en réalité à la création de l'établissement Fluvia dans les années 2010-2012 dont la fausseté n'a pas été établie pas plus que le faux témoignage prêté à M. [I]. Lors de la clôture de leur enquête, les gendarmes ont indiqué que 'les investigations menées, dépouillées volontairement de toutes vérifications juridiques, fiscales, comptables et bancaires sur les personnes physiques et morales concernées, laissent 'entrevoir' de possibles infractions, délits d'appropriation et probité, mais encore prescrites car très anciennes exonérant de fait la responsabilité pénale de l'ex-directeur Mr. [U], [B]'.

3.5 Il ne peut être reproché dans ces circonstances à l'employeur de M. [U] d'avoir commis une faute dans l'exercice de son droit de se défendre dans le cadre de la procédure de licenciement en déposant une plainte sur ces faits et d'avoir sollicité à cette fin des sursis à statuer, les développements qui précèdent ne faisant apparaître dans le cadre de cette procédure prud'homale aucun abus dans l'exercice de sa liberté d'expression, ni statégie dolosive ou même relevant d'une légèreté blâmable devant être distinguée du caractère vexatoire du licenciement en raison des conditions dans lesquelles il a été notifié et pour lesquelles l'association a été condamnée au paiement des dommages et intérêts.

4. En conséquence, le jugement entrepris qui a débouté M. [U] de toutes ses demandes doit être confirmé.

5. Il ne ressort d'aucun élément de la présente procédure que M. [U] a abusé tant de son droit d'ester en justice comme l'a exactement jugé le tribunal que de son droit d'exercer une voie de recours. Le jugement sera également confirmé sur ce point et la demande reconventionnelle formée à ce titre devant la cour au motif impropre à caractériser un tel abus et tiré de la reproduction d'écritures déposées en première instance sera rejetée.

6. M. [U], partie principalement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu aux entiers dépens d'appel, le jugement étant confirmé à ce titre.

7. Les intimés sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés en phase d'appel. M. [U] sera tenu de leur payer la somme unique de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 1er décembre 2022 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Déboute l'association Centre Réeducation Invalides Civils et M. [D] [T] de leur demande reconventionnelle pour procédure d'appel abusive.

Condamne M. [B] [U] aux dépens d'appel.

Condamne M. [B] [U] à payer à l'association Centre Réeducation Invalides Civils et à M. [D] [T], pris ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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