CA Colmar, 1re ch. A, 7 mai 2025, n° 24/01082
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Outre-Foret Paysage (SAS), OFP Services (SAS)
Défendeur :
Outre-Foret Paysage (SAS), OFP Services (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Walgenwitz
Conseillers :
M. Roublot, Mme Rhode
Avocats :
Me Makowski, Me Bischoff - de Oliveira
EXPOSE DU LITIGE :
La SARL Société d'Exploitation [F] & Fils est spécialisée dans l'aménagement extérieur. Elle est dirigée par M. [I] [W].
Ont été créées en 2013, la société Transheiby, afin de transporter les matériaux sur les chantiers, ainsi qu'en 2018 la société Revêtement Extérieur [F] ([VD]), spécialisée dans la préparation d'enrobés, terrassement et pavage. Cette dernière est dirigée par Mme [D] [F].
M. [P] [X] a travaillé au sein de la société [F] & Fils en tant que conducteur de travaux et responsable d'équipe entre 1999 et juillet 2021, jusqu'à la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Son fils, M. [N] [X] a également travaillé au sein de cette société à compter de l'année 2012, puis a été embauché par la société [VD] à compter du 9 avril 2019 jusqu'au 20 décembre 2021, date à laquelle il a démissionné. Il y a exercé les fonctions de conducteur d'engins.
Ces derniers ont créé, le 1er février 2022, la société Outre-Forêt Paysage exerçant une activité liée aux travaux de terrassements courants et de travaux préparatoires. Celle-ci est représentée par M. [N] [X] en qualité de président, M. [P] [X] en étant le directeur général.
En avril 2023, M. [N] [X] a créé la société OFP Services, dont il est aussi le président, pour exercer une activité de services, d'aménagement et d'entretien paysager.
Se prévalant de ce que MM. [X] ont, dans l'intérêt des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, débauché et tenté de débaucher plusieurs salariés des sociétés [F] & Fils et [VD] et également détourné une partie de leur clientèle, ces dernières ont saisi sur requête le président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg afin de solliciter une mesure d'instruction avant-dire droit et non contradictoire dans les locaux de la société Outre-Forêt Paysage.'
Par ordonnances des 2 et 30 mai 2023, le président de la chambre commerciale a réservé à statuer dans l'attente d'éléments complémentaires permettant d'étayer la requête.
Par ordonnance du 17 juillet 2023, le président de la chambre commerciale a rejeté la demande des sociétés [F] & Fils et [VD], au motif qu'elles n'exposaient pas concrètement les motifs justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire.
Par courriers recommandés avec accusés de réception des 26 et 31 juillet 2023, les sociétés [F] & Fils et [VD] ont mis en demeure les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, M. [N] [X] et M. [P] [X] de mettre un terme spontanément à leurs agissements.
Par assignations délivrées le 16 août 2023, les sociétés [F] & Fils et [VD] ont fait citer les sociétés OFP Services, Outre-Forêt Paysage et les consorts [X] devant le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de voir prononcer une mesure d'instruction préparatoire.
Par ordonnance rendue le 21 février 2024, le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a'statué ainsi :
Déclarons la demande des sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur [F] ([VD]) recevable ;
Constatons qu'au regard du faisceau d'indices de parasitisme qu'elles invoquent, la Société d'Exploitation [F] et fils et la société Revêtement Extérieur [F] ([VD]) justifient d'un motif légitime à demander une mesure d'instruction dans les locaux des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, au domicile de Monsieur [P] [X], et au domicile de Monsieur [N] [X] ;
Commettons la SELARL '[HU] [A] et [V] [B], Huissiers de Justice associés', commissaires de justice avec siège [Adresse 1], avec faculté d'assistance et/ou de substitution par tout commissaire de justice de son choix, avec pour mission de Se rendre :
* Aux sièges de la société Outre-Forêt Paysage et de la société OFP Services, sis [Adresse 4], ou encore en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative ou financière de ces sociétés, ainsi qu'en tous autres lieux révélés à l'occasion des opérations de constats, où pourraient être conservés ou se trouver les éléments dont la remise est prescrite ou recherchés,
* Au domicile de Monsieur [P] [X] et au domicile de Monsieur [N] [X] situés [Adresse 4] ainsi qu'en tous autres lieux révélés à l'occasion des opérations de constats, où pourraient être conservés ou se trouver les éléments dont la remise est prescrite ou recherchés,
Disons que le commissaire de justice ainsi nommé aura pour mission de se faire communiquer ou rechercher, à l'effet d'en prendre copie sur support papier ou sur support informatique':
* Toutes correspondances (lettres, télécopies, e-mails, messages, SMS, Messages, Facebook...) échangées entre Monsieur [P] [X], [N] [X], [J] [Z], les sociétés OFP Services et Outre-Forêt Paysage, d'une part, et les clients et les salariés de la Société d'Exploitation [F] & Fils et la société Revêtement Extérieur [F] ([VD]) d'autre part, ainsi que tout élément relatif à l'activité de la société Outre-Forêt Paysage ;
* Toutes correspondances (lettres, télécopies, e-mails messages, SMS, messages, Facebook') échangées entre les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services d'une part, et l'une des personnes ci-dessous d'autre part, ainsi que tous éléments relatifs à leur embauche :
- Monsieur [J] [Z]
- Monsieur [J] [ZD]
- Monsieur [T] [O]
- Monsieur [R] [JJ]
* Tous éléments relatifs aux tentatives de débauchage par Messieurs [P] [X], [N] [X], [J] [Z], les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, de tout ou partie de l'effectif de la Société d'Exploitation [F] & Fils et la société Revêtement Extérieur [F] ([VD]) ;
* Tous bons de commande, devis, bons d'achat, contrats de service, réponses à appels d'offres et factures contenant un ou plusieurs des mots clés ci-dessous':
- Outre-Forêt Paysage
- OFP Services
- [F] & Fils
- [VD]
- [M]
- [WH]
- [KE]
- [RD]
- [L]
- [AV]
- [XX]
- EUROPE HOTEL
- SCI CEGE
- [GE]
- [ST]
- [BA]
- [C]
- [K]
- [Y]
Disons que les recherches prescrites s'effectueront sur une période allant du 1er février 2022 jusqu'au jour des constatations et que, pour ce faire, le ou les commissaire(s) de justice pourra(ont) notamment procéder à une recherche par mots clés en utilisant, si besoin est, les mots-clés suivants (en majuscules comme en minuscules, au singulier ou au pluriel, en abrégés ou déployés) :
'[F] & Fils',
'[VD]',
'Outre-Forêt Paysage',
'OFP Services',
'[X]',
'[Z]','
'[ZD]',
'[O]',
'[JJ]',
'[M]',
'[WH]',
'[RD]',
'[L]',
'[AV]',
'[XX]',
'EUROPE HOTEL',
'SCI CEGE',
'[GE]',
'[S]',
'[U]',
'[E]',
'[H]',
'[ST]'
'[BA]'
'[C]'
'[K]'
'[Y]'
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire à se faire accompagner et assister de tout expert ou technicien de son choix, notamment en matière informatique ;
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire à produire aux personnes présentes les pièces visées par la requête, ainsi qu'à consigner toutes déclarations faites au cours des opérations en relation avec la mission, mais en s'abstenant de toutes interpellations autres que celles nécessaires à l'accomplissement de celle-ci ;
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire et l'expert et technicien(s) choisi(s) par lui à accéder à 1'ensemble des serveurs et postes informatiques des personnes ou sociétés visées dans l'ordonnance ou de toute société qui la contrôlerait, mais également à tout support, tout système d'information renfermant les données recherchées et aux supports des salariés et dirigeants des dites sociétés, aux fins d'y rechercher, pour en prendre copie, les éléments relatifs aux faits litigieux ;
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire commis et l(es) expert(s) et technicien(s) choisi(s) par lui à se faire communiquer par les personnes ou sociétés visées dans l'ordonnance, leurs salariés, leurs dirigeants et/ou toute personne/prestataire externe, les codes d'accès et mots de passe de l'ensemble de supports et serveurs visés ci-avant, à y avoir accès, à installer tout logiciel ou brancher tout périphérique pour les besoins des opérations, à passer outre les éventuelles protections informatiques qui empêcheraient le commissaire de justice instrumentaire d'accomplir sa mission ;
Faisons injonction aux défendeurs d'y satisfaire, notamment en donnant l'accès 'Administrateur', pour accéder le cas échéant à tous supports de données de salariés se trouvant en télétravail le jour de l'exécution de la mission ou en donnant les instructions à d'éventuels prestataires externes en tant que de besoin, pour lever toute difficulté technique rencontrée ;
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire commis à se faire remettre par les sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur ([VD]) copie de leurs fichiers clients puis à se rendre au siège social de la société Outre-Forêt Paysage et de la société OFP Services situées [Adresse 4] ou à tout autre endroit que l'Huissier pourra découvrir au cours de ses opérations, aux fins de :
- se faire remettre copie de toutes les factures et tous les bons de commandes établis par les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services depuis leur création, l'éventuel fichier clients de ces sociétés et de le comparer aux fichiers clients des sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur [F] ([VD]) et relever dans son procès-verbal le nom des clients se trouvant sur les deux fichiers ou se trouvant sur les listings d'Outre-Forêt Paysage et d'OFP Services ainsi que sur les bons de commandes ou factures établis par Outre-Forêt Paysage ou par OFP Services ainsi que la date de début des relations commerciales entre lesdits clients et les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services,
- se faire communiquer le registre unique du personnel ainsi que les éventuels contrats de travail signés par les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services,
- déterminer le nombre de commandes passées par la société Outre-Forêt Paysage et par la société OFP Services à des clients des sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur ([VD]) et le chiffre d'affaires H.T. ainsi réalisé par chacune des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services,
- se faire communiquer copie du contrat de fournitures ou d'approvisionnement des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services permettant de déterminer les commandes passées par ces sociétés aux clients des sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur ([VD]),
- établir un constat de ses diligences et actes sous procès-verbal,
- faire tous constats utiles à la manifestation de la vérité.
Faisons interdiction aux personnes ou sociétés à qui l'ordonnance aura été signifiée, ainsi qu'à leurs dirigeants ou salariés, d'informer de la présente mission les personnes physiques et/ou morales directement concernées par le litige ou les tiers autres que leur avocat,
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire à se faire remettre et/ou rechercher, à compulser, copier, photographier ou photocopier, scanner les éléments trouvés, et à utiliser tout matériel, y compris trouvé sur place, jugé nécessaire par lui, à défaut utiliser ses propres moyens de copies, au besoin en les emportant temporairement en son étude ;
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire et/ou l(es) expert(s) et technicien(s) informatique(s) les assistant à procéder à toute recherche relative aux faits litigieux sur tous supports utiles appartenant aux sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et à MM. [P] et [N] [X] (externes et internes, clé USB, disque externe, et/ou périphériques de stockage, aux téléphones portables professionnels et, personnels, messageries instantanées, Facebook, Instagram, WhatsApp, Slack etc.), ainsi qu'aux bases de données distantes et/ou plateformes de travail, et/ou espaces virtuels de type Office 365, Cloud ou Dropbox, sans que cette liste soit limitative et les autorisons à faire activer la fonction eDiscovery, si elle existe ;
Disons que les recherches incluront également tout courriel (email) ou document effacé qui pourrait être récupéré par l'expert ou le technicien informatique au moyen d'un logiciel approprié ;
Autorisons le commissaire de justice instrumentaire et l(es) expert(s) et/ou le(s) technicien(s) choisi(s) par lui, à procéder si nécessaires à1'extraction des disques durs des unités centrales des ordinateurs concernés, à leur examen à l'aide des outils d'investigation de leur choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unité centrale respective après en avoir pris copie ;
Autorisons le commissaire de justice, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, en cas de difficultés rencontrées dans l'accès aux supports informatiques de la société, ou encore en cas d'obstruction aux mesures prescrites, à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie demanderesse, et l'autre copie servira au mandataire à procéder de manière différée, avec l'aide de l'expert ou technicien choisi par lui à l'ensemble des recherches visées ci-dessus ;
Disons que seront exclus du champ de la recherche tout document ou dossier intitule 'Personnel' 'Perso'ou 'Privé'et toutes correspondances en provenance ou à destination de tout avocat :
Disons que l'intervention du commissaire de justice devra avoir lieu durant les heures légales,
Disons que le commissaire de justice instrumentaire dressera constat du tout ;
Disons que le commissaire de justice instrumentaire devra procéder à sa mission au plus tard dans le délai d'un mois à compter de l'ordonnance ;
Disons que le commissaire de justice instrumentaire placera sous séquestre provisoire en double exemplaire en son étude pendant un délai d'un mois à compter de l'accomplissement de sa mission, sans qu'il puisse en donner connaissance aux demanderesses à l'exception des déclarations faites an cours des opérations, l'ensemble des éléments collectés, à partir du moment où la partie saisie, préalablement avisée de ce droit, déclarerait à le/les commissaire de justice instrumentaire qu'ils contiennent des éléments relatifs à la vie privée ou au secret des affaires ;
Disons qu'au-delà de ce délai d'un mois, en l'absence d'assignation en référé sur le fondement de l'article L153-1 du code de commerce, le commissaire de justice instrumentaire remettra à la partie demanderesse les éléments saisis au cours des opérations de constat, la mesure de séquestre provisoire étant levée ;
Enjoignons aux sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services de délivrer à la défenderesse, au plus tard dans les 8 jours suivant l'exécution du commissaire de justice de sa mission, une liste exhaustive des documents saisis afin de lui permettre le cas échéant d'agir sur le fondement de la protection du droit des affaires ;
Disons que le commissaire de justice instrumentaire tiendra à la disposition de la partie auprès de laquelle il les aura obtenus, sur un support informatique adapté, une copie des pièces séquestrées si cette remise n'a pu être faite sur place ;
Disons que la présente ordonnance sera exécutoire au seul vu de la minute ;
Déboutons les sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur [F] ([VD]) du surplus de leurs demandes ;
Déboutons la société Outre-Forêt Paysage, la société OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] de leurs demandes reconventionnelles en paiement de provisions ;
Condamnons in solidum, la société Outre-Forêt Paysage, la société OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] à verser à la société Société d'Exploitation [F] & Fils et à la société Revêtement Extérieur [F] ([VD]) la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons in solidum, la société Outre-Forêt Paysage, la société OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] aux entiers dépens ;
Rappelons l'exécution provisoire de la présente ordonnance.
La SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 29 février 2024.
La SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] - [VD], qui ont fait réaliser les opérations de constat le 11 mars 2024, se sont constituées intimées le 22 mars 2024.
Dans leurs dernières conclusions datées du 26 février 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces, la SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] demandent à la cour de':
'Déclarer les sociétés SAS Outre-Forêt Paysage et SAS OFP Services, Monsieur [P] [X] et Monsieur [N] [X], recevables et bien fondés en leur appel ;
Y faisant droit :
Infirmer l'ordonnance rendue le 21 février 2024 par la chambre des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg en en ce qu'elle a dit et jugé qu'il existait un faisceau d'indices de parasitisme commis par les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, Monsieur [P] [X] et Monsieur [N] [X], au détriment des sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) ;
Infirmer l'ordonnance rendue le 21 février 2024 par la chambre des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg en en ce qu'elle a dit et jugé que les sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) justifient d'un motif légitime à demander une mesure d'instruction dans les locaux des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, au domicile de Monsieur [P] [X] et au domicile de Monsieur [N] [X] ;
Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a commis la SELARL [HU] [A] et [V] [B], Huissiers de Justice associés, commissaires de justice afin de se rendre aux sièges des sociétés appelantes et au domicile de Monsieur [P] [X] et de Monsieur [N] [X], avec pour mission de se faire communiquer ou rechercher toutes correspondances et tous documents/éléments relatifs à l'activité de la société Outre-Forêt Paysage et de la société OFP Services et d'en dresser constat ;
Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, Monsieur [P] [X] et Monsieur [N] [X] de leurs demandes de condamnation provisionnelle des sociétés intimées à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour concurrence déloyale ;
Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, Monsieur [P] [X] et Monsieur [N] [X], au paiement d'un somme de 10 000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, Monsieur [P] [X] et Monsieur [N] [X] aux entiers dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau :
Ecarter des débats les annexes n°31 et 36 de la partie intimée ;
Débouter les sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions ;
Enjoindre aux sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) de restituer tout document obtenu dans le cadre des opérations de constat et d'appréhension de documents réalisées en date du 11 mars 2024 et leur faire interdiction d'en conserver copie ;
Très subsidiairement :
Ordonner que la mesure d'instruction sollicitée soit limitée, le cas échéant, uniquement à la recherche de preuves de débauchage de salariés ou uniquement à la recherche de preuves d'un détournement de la clientèle ;
Condamner les sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) au paiement d'une somme de 10 000 ' à titre de provision sur dommages et intérêts, pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
Condamner les sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) au paiement d'une somme de 10 000 ' à titre de provision sur dommages et intérêts, à titre de sanction des actes de concurrence déloyale commis par la manipulation des taux de TVA ;
Confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus ;
Condamner les sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) au paiement d'une somme de 20 000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les sociétés SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) aux entiers frais et dépens de la première instance et de l'appel.'
Dans leurs dernières conclusions datées du 6 octobre 2024, transmises par voie électronique le 7 octobre 2024, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces, la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] -[VD] demandent à la cour de':
'Sur l'appel principal
Ecarter des débats les conclusions et pièces régularisées par les appelants le 24 septembre 2024 en raison de leur production tardive,
Déclarer Messieurs [P] et [N] [X], les sociétés SAS Outre-Forêt Paysage et SAS OFP Services irrecevables, en tout cas, mal fondées en leur appel,
En conséquence,
Le rejeter,
Débouter Messieurs [P] et [N] [X], les sociétés SAS Outre-Forêt Paysage et SAS OFP Services de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Si par extraordinaire la Cour déclarait les parties appelantes recevables et bien fondées en leur appel et infirmait l'ordonnance rendue le 21 février 2024 en ce qu'elle a fait droit à la demande d'instruction des sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur [F] ([VD]), ces dernières demandent à la cour de :
Enjoindre les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et Messieurs [N] et [P] [X] sous astreinte de 1 000 ' par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à produire aux débats les éléments de preuve suivants permettant pour les demanderesses de prouver de manière certaine la commission des actes de détournement de clientèle et de salariés, ainsi que la commission des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à leurs préjudices et de pouvoir chiffrer leurs préjudices :
* Toutes correspondances (lettres, télécopies, e-mails, messages, SMS, Messages Facebook...) échangées entre Monsieur [P] [X], [N] [X], [J] [Z], la société Outre-Forêt Paysage, la société OFP Services d'une part, et les clients et les salariés la Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) d'autre part, ainsi que tout élément relatif à l'activité des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services ;
* Toutes correspondances (lettres, télécopies, e-mails messages, SMS, messages Facebook ...) échangées entre les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services d'une part, et l'une des personnes ci-dessous d'autre part, ainsi que tous éléments relatifs à leur embauche :
' Monsieur [J] [Z]
' Monsieur [J] [ZD]
' Monsieur [T] [O]
' Monsieur [R] [JJ]
* Tous les éléments relatifs aux tentatives de débauchage par Messieurs [P] [X], [N] [X], [J] [Z], les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, de tout ou partie de l'effectif de la Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) ;
* Tous les bons de commande, devis, bons d'achat, contrats de service, réponses à appels d'offres et factures contenant un ou plusieurs des mots clés ci-dessous :
' Outre-Forêt Paysage ' [GE]
' OFP Services ' [ST]
' [F] & Fils ' [BA]
' [VD] ' [C]
' [M] ' [K]
' [WH] ' [S]
' [KE] ' [U]
' [RD] ' [E]
' [L] ' [H]
' [AV] ' [Y]
' [XX]
' EUROPE HOTEL
' SCI CEGE
A titre subsidiaire :
Renvoyer l'affaire par-devant la juridiction du fond de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg à telle date qu'il plaira si le président du tribunal judiciaire estimait qu'il n'y a pas lieu à référé et ce, conformément à l'article 837 du Code de procédure civile,
Sur appel incident
Déclarer les sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) bien fondées en leur appel incident,
En conséquence,
Réformer l'ordonnance rendue le 21 février 2024 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a débouté les sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) du surplus de leurs demandes,
Et statuant à nouveau,
Ordonner la cessation immédiate des agissements fautifs des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et Messieurs [N] et [P] [X], se caractérisant par un détournement de la clientèle et des salariés des sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) que par des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, et ce, sous astreinte de 1'000 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
Condamner in solidum les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et Messieurs [N] et [P] [X] à payer la somme de 350 000 ' aux Sociétés d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) à titre d'indemnité provisionnelle relativement aux dommages et intérêts du fait des actes de détournement de clientèle, du détournement de salariés, et des actes de concurrence déloyale et parasitaire, et ce, sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
Condamner in solidum les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et Messieurs [N] et [P] [X] à payer aux sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et Revêtement Extérieur [F] ([VD]) la somme de 20 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamner in solidum à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.'
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 9 octobre 2024, puis renvoyée à l'audience du 5 mars 2025.
MOTIFS :
Au préalable, la cour rappelle que :
- aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,
- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à « dire et juger' lorsqu'elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).
Par ailleurs, la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes. Il lui appartient d'examiner, en premier lieu, les prétentions des parties, dont l'accueil est de nature à influer sur la solution du litige, sans s'arrêter à l'ordre dans lequel elles sont présentées, dès lors qu'elles tendent toutes à la même fin.
I - Sur la recevabilité de l'appel :
La SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] demandent à la cour de déclarer l'appel de la SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] irrecevable.
Elles ne présentent toutefois aucun moyen au soutien de cette prétention.
En conséquence, la SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] seront déclarés recevables en leur appel.
II - Sur les pièces et conclusions des parties :
Sur les conclusions et pièces de la SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] du 24 septembre 2024 :
La SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] demandent à la cour d'écarter des débats les conclusions des appelants du 24 septembre 2024, ainsi que les pièces qui y sont annexées.
Néanmoins, la cour ayant procédé à un renvoi afin que les intimées puissent prendre connaissance de ces conclusions et pièces ainsi que, le cas échéant, y répliquer, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.
Sur les annexes 31 et 36 de la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] :
La SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] demandent à la cour d'écarter des débats les pièces 31 et 36, présentées par la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F].
La cour rappelle qu'il résulte de l'article 202 du code de procédure civile qu'elle ne peut écarter une attestation au seul motif qu'elle est irrégulière en la forme (Cass. 1ère civ., 8'juill. 2020, n°'19-12.207)'; que l'adage 'nul ne peut se constituer une preuve à lui-même', désormais codifié à l'article 1363 du code civil, ne s'applique pas aux faits juridiques et qu'il lui appartient d'apprécier la valeur des preuves qui lui sont soumises.
En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter d'office des débats les pièces 31 et 36 présentées par la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F].
III - Sur les mesures sollicitées par la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] :
Sur la mesure d'instruction in futurum :
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 145 du code de procédure civile dispose que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Les mesures d'instruction ordonnées sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile doivent être circonscrites aux faits litigieux et proportionnées à l'objectif poursuivi (2ème civ., 24 mars 2022, n°20-22.955).
Les mesures générales d'investigation, en ce qu'elles portent sur l'ensemble de l'activité de la société adverse, sont prohibées (2ème civ., 31 janvier 2019, n°17-31.535). Elles ne doivent s'apparenter ni à une perquisition civile, ni à un audit de l'activité commerciale de la société visée (2ème civ., 5 janvier 2017, n°15-27.526).
En l'espèce, l'ordonnance déférée autorise notamment le commissaire de justice':
- Non seulement à se rendre aux sièges des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP services mais aussi 'en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative ou financière de ces sociétés ainsi qu'en tous autres lieux révélés à l'occasion des opérations de constat où pourraient être conservés ou se trouver des éléments dont la remise est prescrite ou recherchée' et aux domiciles de MM. [P] et [N] [G] tous autres lieux révélés à l'occasion des opérations de constat où pourraient être conservés ou se trouver des éléments dont la remise est prescrite ou recherchée' et plus généralement 'à tout autre endroit que l'huissier pourra découvrir au cours des opérations' ;
- A prendre copie de/du':
. Tout élément relatif à l'activité de la société Outre-Forêt Paysage,
. Tous bons de commande, devis, bon d'achat, contrats de service, réponses à appels d'offres et factures contenant notamment un de ces termes': Outre-Forêt Paysage / OFP services,
. Toutes les factures et tous les bons de commandes établis par les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP services depuis leur création ainsi que l'éventuel fichier clients de ces sociétés,
. Registre unique du personnel et des contrats de travail signés par les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP services,
. Contrat de fournitures ou d'approvisionnement des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP services,
. Toutes correspondances (lettres, télécopies, e-mails, messages, SMS, Messages, Facebook...) échangées entre MM. [P] [X], [N] [X], [J] [Z] d'une part et les clients et les salariés la Société d'Exploitation [F] & Fils et la société Revêtement Extérieur [F] ([VD]) d'autre part, y compris en conséquence les correspondances privées,
- A se faire remettre et/ou rechercher, à compulser, copier, photographier ou photocopier, scanner les éléments trouvés, et à utiliser tout matériel, y compris trouvé sur place, jugé nécessaire par lui, à défaut utiliser ses propres moyens de copies, au besoin en les emportant temporairement en son étude ;
- A procéder aux recherches, sur une période allant du 1er février 2022 jusqu'au jour des constatations, par mots clés en utilisant notamment les mots clés suivants : Outre-Forêt Paysage / OFP services, [X],
- A procéder à toute recherche relative aux faits litigieux sur tous supports utiles appartenant aux sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et à MM. [P] et [N] [X] (externes et internes, clé USB, disque externe, et/ou périphériques de stockage, aux téléphones portables professionnels et, personnels (souligné par la cour), messageries instantanées, Facebook, Instagram, WhatsApp, Slack etc.), ainsi qu'aux bases de données distantes et/ou plateformes de travail, et/ou espaces virtuels de type Office 365, Cloud ou Dropbox, sans que cette liste soit limitative (souligné par la cour)'et les autorisons à faire activer la fonction eDiscovery, si elle existe étant précisé que les recherches incluront également tout courriel (email) ou document effacé qui pourrait être récupéré par l'expert ou le technicien informatique au moyen d'un logiciel approprié';
- A accéder à 1'ensemble des serveurs et postes informatiques des personnes ou sociétés visées dans l'ordonnance ou de toute société qui la contrôlerait, mais également à tout support, tout système d'information renfermant les données recherchées et aux supports des salariés et dirigeants des dites sociétés, aux fins d'y rechercher, pour en prendre copie, les éléments relatifs aux faits litigieux ;
- A se faire communiquer y compris par un prestataire externe les codes d'accès et mots de passe de l'ensemble des supports et serveurs, à y avoir accès, à installer tout logiciel ou brancher tous périphériques pour les besoins des opérations, à passer outre les éventuelles protections informatiques, faisant en outre injonction aux défendeurs d'y satisfaire'(souligné par la cour) ;
- A se faire communiquer l'accès administrateur pour accéder à tous supports de données de salariés se trouvant en télétravail et à donner des instructions à d'éventuels prestataires externes,
- A procéder si nécessaires à1'extraction des disques durs des unités centrales des ordinateurs concernés, à leur examen à l'aide des outils d'investigation de leur choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unité centrale respective après en avoir pris copie ;
- A procéder, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, en cas de difficultés rencontrées dans l'accès aux supports informatiques de la société, ou encore en cas d'obstruction aux mesures prescrites, à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée.
Contrairement à ce qui est soutenu par les intimées, cette mission ne peut être considérée comme proportionnée à l'objectif poursuivi et suffisamment circonscrite et limitée.
Les mesures d'investigations s'apparentent à une véritable perquisition civile de la société, en ce qu'elle implique la mobilisation de l'ensemble de ses membres, la mise à disposition de ses équipements et matériels (imprimantes, scanners, photocopieurs) sur une durée illimitée, qu'elle donne la possibilité au commissaire de justice de procéder à une copie complète des fichiers, disques durs et autres supports, afin de procéder aux recherches de manière différée en son étude et exige des sociétés défenderesses, désormais appelantes, une collaboration active pour mener les opérations d'investigation.
Ces mesures ne sont en outre pas circonscrites, tant eu égard aux lieux des investigations qu'aux sociétés et documents concernés. La seule exclusion des documents ou dossiers intitulés 'Personnel', 'Perso' ou 'Privé', alors que des fichiers privés peuvent être copiés, n'est pas de nature à garantir les consorts [X] d'une immixtion dans leur vie privée.
Par ailleurs, les demandes de la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et de la SAS Revêtement Extérieur [F] sont extrêmement larges et permettent la réalisation d'un audit des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP services, en ayant accès à leurs fournisseurs, à leurs salariés ainsi qu'à leurs clients à travers l'ensemble des bons de commandes et factures émis depuis la création des sociétés, le commissaire de justice étant même autorisé à prendre copie de tout élément relatif à l'activité de la société Outre-Forêt Paysage. Ces mesures portent une atteinte excessive au secret des affaires.
Pour l'ensemble de ces motifs, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés, il y a lieu d'infirmer la décision déférée, en ce qu'elle a fait droit à la mesure d'instruction sollicitée par la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F].
Les mesures ayant été réalisées le 11 mars 2024, il y a lieu d'enjoindre aux sociétés intimées de restituer tous les documents obtenus dans le cadre des opérations de constat et d'appréhension de documents réalisées le 11 mars 2024 et de leur faire interdiction d'en conserver copie.
Sur la demande subsidiaire de communication de pièces :
L'article 145 du code de procédure civile énonce que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L'article 11 du code de procédure civile dispose que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction, sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.
Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.
Le demandeur doit indiquer clairement les pièces concernées et non solliciter un examen général des pièces détenues (2ème civ., 15 mars 1979). L'existence des pièces, dont la production est demandée, doit être établie au moins avec vraisemblance (2ème civ., 17 novembre 1993, n°92-12.922).
En l'espèce, la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] demandent à la cour d'enjoindre les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et Messieurs [N] et [P] [X] à produire aux débats les éléments de preuve suivants, permettant pour les demanderesses de prouver de manière certaine la commission des actes de détournement de clientèle et de salariés, ainsi que la commission des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à leurs préjudices et de pouvoir chiffrer leurs préjudices :
* Toutes correspondances (lettres, télécopies, e-mails, messages, SMS, Messages Facebook...) échangées entre Monsieur [P] [X], [N] [X], [J] [Z], la société Outre-Forêt Paysage, la société OFP Services d'une part, et les clients et les salariés la Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) d'autre part, ainsi que tout élément relatif à l'activité des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services ;
* Toutes correspondances (lettres, télécopies, e-mails messages, SMS, messages Facebook ...) échangées entre les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services d'une part, et l'une des personnes ci-dessous d'autre part, ainsi que tous éléments relatifs à leur embauche :
' Monsieur [J] [Z]
' Monsieur [J] [ZD]
' Monsieur [T] [O]
' Monsieur [R] [JJ]
* Tous les éléments relatifs aux tentatives de débauchage par Messieurs [P] [X], [N] [X], [J] [Z], les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, de tout ou partie de l'effectif de la Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) ;
* Tous les bons de commande, devis, bons d'achat, contrats de service, réponses à appels d'offres et factures contenant un ou plusieurs des mots clés ci-dessous :
' Outre-Forêt Paysage
' OFP Services
' [F] & Fils
' [VD]
' [M]
' [WH]
' [KE]
' [RD]
' [L]
' [AV]
' [XX]
' EUROPE HOTEL
' SCI CEGE
' [GE]
' [ST]
' [BA]
' [C]
' [K]
' [S]
' [U]
' [E]
' [H]
' [Y].
Ainsi, les pièces demandées ne sont pas identifiées avec précision, la demande visant seulement''toutes correspondances' ou 'tous les éléments relatifs aux tentatives de débauchage'.
En conséquence, la demande de communication de pièces sera rejetée.
Sur la demande infiniment subsidiaire de renvoi de l'affaire par-devant la juridiction du fond :
L'article 837 du code de procédure civile dispose qu'à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date, pour qu'il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d'un temps suffisant pour préparer sa défense. L'ordonnance emporte saisine de la juridiction.
En l'espèce, la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] demandent à la cour, si elle estimait qu'il existait une contestation sérieuse, de renvoyer l'affaire par-devant la juridiction du fond du tribunal judiciaire de Strasbourg, conformément au texte susvisé.
Or, la demande des intimées portant sur des mesures in futurum de l'article 145 du code de procédure civile relève de la compétence du juge des référés et non du juge du fond, qui ne peut être saisi sur ce fondement.
En outre, une partie ne peut demander au juge d'appel, sur le fondement de l'article 837 du code de procédure civile, de saisir directement le juge de premier degré (Cass. civ. 3ème, 8 octobre 2003, n°02-10.708).
En conséquence, la demande de renvoi devant le juge du fond sera rejetée.
Sur les demandes de cessation des comportements fautifs et de provision :
L'article 872 du code de procédure civile énonce que dans tous les cas d'urgence, le président peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 873 du code de procédure civile dispose que le président peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application des principes de liberté du travail et de liberté d'entreprendre, en l'absence d'une clause de non-concurrence, la simple embauche, dans des conditions régulières, des salariés d'une entreprise concurrente, n'est pas en elle-même fautive (Com., 28 sept. 2022, n°21-15.89).
Le recrutement, même massif et dans un temps rapproché, d'anciens salariés d'une entreprise concurrente, ne caractérise pas à lui seul un comportement déloyal, particulièrement s'il s'agit de départs volontaires et non provoqués (Com., 21 mars 2018, n°16-17.660). En revanche, le débauchage peut être déloyal, s'il relève d'une démarche de débauchage massif, portant sur des effectifs importants par rapport à l'ensemble de l'effectif du service considéré, ou un personnel disposant d'une qualification particulière (Com., 23 juin 2021, n°19-21.911).
Il n'y a pas concurrence déloyale s'il apparaît que la cause des départs massifs de salariés s'explique par un mauvais fonctionnement de la société qu'ils ont quittée (Cass. com., 9'févr. 1999': JurisData n°'1999-000567).
Enfin, pour être constitutif de concurrence déloyale, le débauchage fautif doit en outre produire un effet de désorganisation de l'entreprise, non une simple perturbation (Com., 11 janv. 2017, n°15-20.808).
Par ailleurs, il est de principe que la clientèle est libre de s'adresser au commerçant ou à l'entreprise de son choix. La liberté de la concurrence autorise le démarchage de la clientèle, puisque celle-ci ne peut faire l'objet d'aucun droit privatif (Com., 8 janv. 1991, n°89-11.367).
Le démarchage de la clientèle d'un concurrent, même de la part d'un ancien salarié, ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale, s'il n'est pas accompagné d'un acte déloyal ou contraire aux usages du commerce (Com., 9 juin 2015, n°14-13.263).
En revanche, le démarchage de la clientèle du concurrent devient illicite s'il s'accompagne de man'uvres déloyales. Ces man'uvres déloyales peuvent consister notamment, en une utilisation des listes, fichiers ou autres renseignements sur l'entreprise concurrente frauduleusement soustraits ou encore en un démarchage dans des conditions de nature à créer ou entretenir une confusion entre les deux entreprises.
Enfin, on ne peut en principe reprocher à un ancien salarié ou dirigeant d'exploiter l'expérience acquise auprès son ancienne entreprise, sans établir le caractère confidentiel des informations qui auraient été détenues par le salarié et qui auraient relevé d'un savoir-faire propre à l'entreprise (Com., 26 fév. 2013, n 12-13.721).
En l'espèce, la cour s'étonne que tout en sollicitant, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, des mesures d'instruction in futurum, afin d'obtenir les éléments de preuve permettant de 'prouver de manière certaine la commission d'actes de détournement de clientèle et de salariés, ainsi que la commission des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à leurs préjudices et de pouvoir chiffrer leurs préjudices', la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] sollicitent la condamnation des sociétés appelantes à':
- Ordonner la cessation immédiate des agissements fautifs des sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP services et Messieurs [N] et [P] [X], se caractérisant par un détournement de la clientèle et des salariés des sociétés Société d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]), que par des actes de concurrence déloyale et de parasitisme et ce, sous astreinte de 1'000 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- Condamner in solidum les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services et Messieurs [N] et [P] [X], à payer la somme de 350 000 ' aux Sociétés d'Exploitation [F] & Fils et SAS Revêtement Extérieur [F] ([VD]) à titre d'indemnité provisionnelle, relativement aux dommages et intérêts du fait des actes de détournement de clientèle, du détournement de salariés et des actes de concurrence déloyale et parasitaire et ce, sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
La SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] font état, dans leurs conclusions, du débauchage de ses salariés ainsi que du détournement de sa clientèle.
Sur le débauchage des salariés, les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services produisent des attestations, aux termes desquelles MM. [J] [Z], [J] [ZD] et [R] [JJ] indiquent qu'ils voulaient quitter la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] et qu'ils ont sollicité les consorts [X], pour être embauchés par les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services. En outre, les sociétés appelantes considèrent que les échanges de SMS, produits pour justifier des prétendues tentatives de débauchage, ne permettent pas d'identifier de manière certaine leur auteur et que la preuve de la désorganisation des entreprises intimées n'est pas rapportée.
Sur le démarchage de clients, les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services rappellent que le seul fait que les salariés ayant changé de société exploitent l'expérience acquise auprès de leur ancienne entreprise, sans établir le caractère confidentiel des informations qui auraient été détenues par eux et qui auraient relevé d'un savoir-faire propre à l'entreprise, n'est pas fautif, tout comme le fait que des clients aient souhaité suivre un salarié dont ils appréciaient le travail. Elles contestent tout démarchage fautif et produisent des attestations de clients indiquant qu'ils ont pris contact avec elles.
Ces éléments constituent des contestations sérieuses et il n'y a pas lieu à référé, tant sur la demande de cessation de comportements fautifs, que sur la demande de provision.
IV - Sur les demandes reconventionnelles de provision :
L'article 873 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
Sur l'existence d'une procédure abusive :
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services sollicitent la condamnation de la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et de la SAS Revêtement Extérieur [F], au versement d'une somme provisionnelle de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Elles ne démontrent, cependant, de manière suffisante, aucune mauvaise foi ou erreur grossière de la partie adverse.
Dès lors, il n'y a pas lieu à référé.
Sur les actes de concurrence déloyale par manipulation des taux de TVA :
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, les sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services soutiennent qu'il résulte des devis versés aux débats par les intimées qu'elles appliquent des taux de TVA minorés sur certaines prestations, ce qui leur procure un avantage indu par rapport à leurs concurrents directs.
La SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] rappellent qu'aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien.
Au regard des contestations sérieuses présentées par les intimées, il n'y a pas lieu à référé.
V - Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant, la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] - [VD] seront tenues des dépens des procédures de première instance, en infirmation de l'ordonnance déférée, et d'appel.
L'équité commande de condamner la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] à payer aux sociétés Outre-Forêt Paysage et OFP Services, ainsi qu'à M. [P] [X] et M. [N] [X], la somme globale de 6'000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre l'infirmation des dispositions de l'ordonnance déférée de ce chef, et leur demande à ce titre étant rejetée.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Déclare recevable l'appel formé par la SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X],
Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions et pièces de la SAS Outre-Forêt Paysage, la SAS OFP Services, M. [P] [X] et M. [N] [X] du 24 septembre 2024,
Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les annexes 31 et 36 de la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et de la SAS Revêtement Extérieur [F] - [VD],
Infirme l'ordonnance rendue le 21 février 2024 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant':
Enjoint à la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et à la SAS Revêtement Extérieur [F]'- [VD] de restituer tous les documents obtenus dans le cadre des opérations de constat et d'appréhension de documents réalisées le 11 mars 2024 et leur fait interdiction d'en conserver copie,
Rejette la demande de communication de pièces présentée par la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] - [VD],
Rejette la demande de renvoi de l'affaire devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg,
Dit n'y avoir lieu à référé sur'la demande de cessation immédiate des agissements fautifs des sociétés Outre-forêt et OFP services, présentée par la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] - [VD],
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision présentée par la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F] - [VD],
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision sur dommages et intérêts pour procédure abusive, présentée par les sociétés Outre-forêt et OFP services,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision sur dommages et intérêts à titre de sanction des actes de concurrence déloyale, présentée par les sociétés Outre-forêt et OFP services,
Condamne la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F]'- [VD] aux dépens des procédures de première instance et d'appel,
Condamne la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F]'- [VD] à payer aux sociétés Outre-forêt et OFP Services, ainsi qu'à M. [P] [X] et M. [N] [X], la somme globale de 6'000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL Société d'Exploitation [F] & Fils et la SAS Revêtement Extérieur [F]'- [VD] de leurs prétentions au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.