CA Bordeaux, ch. soc. A, 27 mai 2025, n° 22/04484
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
R. E.
Défendeur :
Conseil Management Emploi (SARL), CONSEIL MANAGEMENT EMPLOI (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hylaire
Président :
Mme Diximier
Conseiller :
Mme Tronche
Avocats :
Me Bardet, Me Pitault, SELARL Bardet & Associes, SELARL Stack Avocats
EXPOSÉ DU LITIGE
1 - Par contrat de travail à durée déterminée prenant effet le 18 janvier 2010 soumis à la convention collective nationale des salariés permanents des entreprises de travail temporaire, qui s'est poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er juillet 2010, Mme [R] [E] a été engagée en qualité de consultant développeur, statut cadre, par la SARL Conseil Management Emploi, enseigne Transicia, exerçant les activités de conseil en ressources humaines, recrutement et travail temporaire.
Par avenant signé le 1er mars 2014, elle a été promue consultant développeur, niveau G moyennant une rémunération d'un montant de 1 855,48 euros, outre le maintien de sa rémunération variable et un temps de travail de 26 heures 25.
Par convention tripartite du 31 mars 2016 prévoyant une clause dénommée 'clause de non-concurrence', le contrat de travail de Mme [E] a été transféré à la société Conseil Management Holding (société mère) - enseigne Transicia.
2 - Le 12 avril 2018, à la suite de la demande écrite formée le 26 mars 2018 par la salariée, celle - ci et son employeur ont signé une rupture conventionnelle fixant la sortie des effectifs de la salariée au 31 mai 2018, maintenant la clause de non- concurrence et mentionnant une liste de clients de la société Transicia avec lesquels la salariée ne devait pas avoir de contacts professionnels.
En contrepartie de la clause de non-concurrence, la société Transicia a versé à Mme [R] [E] la somme totale de 11 163, 24 euros brut, soit 563,80 euros brut par mois au titre de la première année représentant 20 % du salaire de référence de juin 2018 à juin 2019 et 281,90 euros brut par mois représentant 10% du salaire de référence de juillet 2019 à mai 2020 pour la seconde année outre les cotisations sociales afférentes.
3 - Considérant que depuis le 28 septembre 2018, Mme [R] [E] serait la présidente d'une société concurrente dénommée Teamside RH qu'elle aurait créée avec deux de ses anciens collègues qui auraient comme elle conclu une rupture conventionnelle, à savoir : M. [X] [N] (Directeur général) et Mme [B] [L] (Directeur général), que cette société aurait une activité similaire à la sienne et que de ce fait, Mme [R] [E] aurait violé la clause de non- concurrence mise à sa charge, les sociétés Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi ont saisi, par requête reçue le 28 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de voir condamner Mme [E] au paiement de dommages intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et pour exécution déloyale du contrat de travail et au remboursement de l'indemnité de non - concurrence versée.
4 - Par jugement du 26 août 2022, le conseil de prud'hommes, présidé par le juge départiteur, a :
- condamné Mme [E] à payer aux société Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi avec intérêts aux taux légal à compter du présent jugement les sommes de :
* 11 163, 24 euros en remboursement de l'indemnité de non concurrence outre le montant des cotisations sociales réglées en sus par l'employeur,
* 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de la clause de non concurrence,
* 1 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
- ordonné l'exécution provisoire des condamnations à concurrence de la moitié,
- condamné Mme [E] aux dépens et à payer aux sociétés Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
5 - Par déclaration communiquée par voie électronique le 30 septembre 2022, Mme [E] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 30 août 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES
6 - Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 février 2025, Mme [E] demande à la cour de :
- in limine litis,
- constater l'incompétence de la cour au profit du tribunal de commerce de Bordeaux et dès lors infirmer la décision en ce qu'elle a retenu la compétence de la juridiction prud'homale et renvoyer les intimés devant le tribunal de commerce de Bordeaux,
- si par extraordinaire, la cour retenait sa compétence,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
* considéré que la clause figurant dans le contrat de travail de Mme [E] doit être analysée en une clause de non-concurrence,
* condamné Mme [E] au paiement de la somme 11 163,24 euros en remboursement de l'indemnité de non-concurrence outre le montant des cotisations sociales,
* condamné Mme [E] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de la clause de non-concurrence, résultant du manque à gagner généré par la perte de chiffre d'affaires,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
* débouté les sociétés Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi de leurs demandes au titre du préjudice lié à la perte de valeur du fonds de commerce généré par la perte de clientèle, ainsi qu'au titre du préjudice moral allégué,
* condamné Mme [E] au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail,
* condamné Mme [E] au paiement de la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté Mme [E] de ses demandes formées à titre reconventionnel,
- en conséquence,
- débouter les sociétés Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi de l'intégralité de leurs demandes, toutes injustifiées et infondées,
- sur la demande nouvelle de nullité de la rupture conventionnelle,
- à titre principal, déclarer irrecevable la demande de nullité de la rupture conventionnelle, et au-delà prescrite
- à titre subsidiaire, débouter les sociétés conseil management holding et conseil management emploi de leur demande de nullité de rupture conventionnelle et par voie de conséquence de la demande de condamnation au titre du remboursement de l'indemnité afférente,
- en tout état de cause,
- faire droit à la demande reconventionnelle qu'elle a formée et condamner les sociétés conseil management holding et conseil management emploi à lui allouer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l'absence de clôture de sa messagerie professionnelle après son départ,
- faire droit à sa demande reconventionnelle et condamner les sociétés conseil management holding et conseil management emploi à lui allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- faire droit à sa demande reconventionnelle et condamner les sociétés conseil management holding et conseil management emploi à lui allouer la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
7 - Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 février 2025, les sociétés Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi demandent à la cour de':
- in limine litis,
- reconnaître la compétence du conseil de prud'hommes,
- sur le fond,
- constater la violation manifeste de la clause de non-concurrence de Mme [E] sur la période comprise entre le 31 mai 2018 et le 31 mai 2020,
- constater la violation manifeste par Mme [E] de son obligation de confidentialité et de discrétion caractérisant ainsi une exécution déloyale de son contrat de travail,
- et ainsi
- confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a :
* condamné Mme [E] à la restitution des sommes perçues au titre de l'indemnité de non-concurrence entre le 31 mai 2018 et le 31 mai 2020, pour un montant total de 11 163,24 euros brut outre le remboursement des charges sociales indument versées,
- condamner Mme [E] aux dépens,
- débouter Mme [E] de ses demandes,
- réformer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a limité la condamnation de Mme [E] :
* à 5 000 euros en réparation du préjudice causé par la violation de la clause de non-concurrence,
* à 1 000 euros en réparation du préjudice causé pour exécution déloyale du contrat de travail,
- et statuant à nouveau :
- condamner Mme [E] au paiement de 20 000 euros de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,
- annuler la ruptue conventionnelle conclue entre les parties le 12 avril 2018,
- condamner Mme [E] à 6 000 euros au titre du remboursement de l'indemnité de rupture conventionnelle,
- condamner Mme [E] au paiement de 132 904 euros de dommages et intérêts au titre de préjudice économique et financier résultant du manque à gagner généré par la perte du chiffre d'affaires inhérente à la violation de la clause de non-concurrence, sans que ce montant ne puisse être inférieur à 89 204 euros,
- dire que ces sommes porteront intérêt à compter de la saisine prud'homale avec anatocisme,
- condamner Mme [E] au paiement de 143 189 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice économique et financier résultant de la perte de valeur du fonds de commerce, généré par la perte de clientèle et de chiffres d'affaires,
- dire que ces sommes porteront intérêt à compter de la saisine prud'homale avec anatocisme,
- condamner Mme [E] au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de la violation de la clause de non-concurrence,
- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- assortir l'intégralité des condamnations d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- débouter Mme [E] de ses demandes reconventionnelles.
8 - A la demande des parties, l'ordonnance de clôture, prononcée initialement le 28 février 2025, a été révoquée et prononcée le 31 mars 2025 avant l'ouverture des débats.
9 - Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'EXISTENCE D'UNE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE :
Moyens des parties
10 - En s'appuyant sur le double visa du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et de l'article L. 1121-1 du code du travail selon lequel 'nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché', Mme [E] soutient que son contrat de travail ne contient aucune clause de non concurrence mais une clause de non- démarchage ou de non prospection qui ne lui fait pas interdiction d'exercer une activité concurrente pour le compte d'une société tierce ou pour son propre compte.
Elle ajoute que la clause contractuelle litigieuse ne fait pas expressément référence aux dispositions conventionnelles.
11 - Les intimées prétendent que l'article 7.4 de l'accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire permet l'insertion dans les contrats de travail des salariés d'une clause de non-concurrence.
Elles en déduisent que la salariée est soumise à la clause de non-concurrence insérée à l'article 2 de la convention tripartite de transfert du contrat de travail de Mme [R] [E] du 31 mars 2016 intitulé « Clause de non-concurrence » qui apporte toutes les précisions et justifications nécessaires à l'application d'une telle clause.
Ils concluent que cette clause de non-concurrence réunit l'ensemble des conditions cumulatives de validité posées par la jurisprudence et qu'elle doit pleinement s'appliquer à l'issue de la relation contractuelle avec la société Conseil Management Holding.
Réponse de la cour
12 - A la rupture du contrat de travail, l'obligation de loyauté pesant sur le salarié cesse, emportant pour lui la possibilité de récupérer une entière liberté de concurrence, sauf si une clause de non concurrence est stipulée dans son contrat de travail.
Conformément au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et à l'article L. 120-2 du code du travail, cette clause dont la validité s'apprécie à la date de la conclusion dudit contrat n'est valable que si tout à la fois :
- elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise,
- elle est limitée dans le temps et dans l'espace,
- elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié,
- elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière.
Seul le salarié peut invoquer cette nullité.
Il est acquis que les clauses dites de « clientèle » ou d'interdiction de démarchage, de détournement, de captation, etc... sont assimilées à des clauses de non-concurrence et doivent en respecter les conditions de validité (Soc. 30 mai 2007, n°06-40.655; Soc.13 juin 2007, n°06-41.753 ; Soc. 2 juillet 2008, n°07-40.618 10 décembre 2008, n°07-43.371 Soc. 19 mai 2009, n°07-40.222 ; Soc. 27 octobre 2009, n°08-41.501 ; Soc. 2 mars 2011, n°08-43.609 ; 15 février 2012, n°10-21.328 ; Soc. 3 juillet 2013, n°12-19.465 ; Soc. 9 juin 2015, n°13- 19.327 ; Soc. 2 décembre 2015, n°14-23.347).
La convention collective peut contenir des dispositions relatives à l'obligation de non-concurrence qui s'appliquent aux contrats de travail entrant dans son champ d'application, en vertu de l'effet impératif des conventions collectives à l'égard des contrats de travail, sauf stipulations plus favorables aux salariés.
13 - Au cas particulier, l'article 7.4 de l'accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire prévoit la possibilité de prévoir dans le contrat de travail une clause de non-concurrence de la façon suivante : 'Lorsque le contrat de travail comporte une clause de non-concurrence, celle- ci doit être limitée dans le temps - maximum deux ans - et dans l'espace.
Elle comporte, en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur autre que dans l'hypothèse de faute grave ou lourde, pendant la durée de la non-concurrence, une contrepartie financière qui ne pourra, en tout état de cause, être inférieure à un montant mensuel égal à 20 p. 100 de la moyenne mensuelle de la rémunération du salarié au cours de ses trois derniers mois de présence dans l'entreprise, pour la première année et à 10 p. 100 pour la seconde année. Toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne sera prise en compte que prorata temporis.
Les modalités de versement de la contrepartie financière ci-dessus visée seront fixées dans le contrat de travail.
L'employeur, en cas de cessation d'un contrat de travail qui prévoit une clause de non-concurrence, peut se décharger de la contrepartie financière en libérant le salarié de la clause d'interdiction, mais sous condition de prévenir ce dernier par écrit dans les quinze jours qui suivent la notification du préavis ou, en cas de non-observation du préavis, dans le mois qui suit la rupture effective du contrat de travail. Le contrat individuel de travail pourra également prévoir les modalités applicables en cas de non-respect par le salarié de l'engagement de non- concurrence.
Dans le cas de contrat à durée déterminée, la clause de non-concurrence ne peut excéder le double de la durée effective du contrat, avec une durée maximale d'un an.'
Par ailleurs, la convention tripartite de transfert du contrat de travail de Mme [E] signée le 31 mars 2016 entre les deux sociétés et la salariée, prévoit dans le chapitre des conditions générales un paragraphe 2 intitulé 'clause de non-concurrence' ainsi rédigé : ' Compte tenu de la nature des fonctions du salarié le mettant en relation avec la clientèle et compte tenu de la formation et des connaissances acquises au service de Transicia, le salarié s'interdit en cas de cessation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause, que ce soit à titre personnel ou pour le compte d'un tiers, directement ou indirectement, par personne physique ou morale interposée, de proposer aux clients avec lesquels il a été en contact, des services similaires à ceux fournis par Transicia.
Par services similaires fournis par Transicia, il faut entendre l'ensemble des services qui entrent dans leurs champs d'activité telles que réellement exercées au jour du départ effectif du salarié de Transicia.
Par clients, il faut entendre toute personne physique ou morale ayant eu recours aux services de Transicia ou dont les contrats étaient en cours de négociation au jour du départ effectif du salarié de Transicia.
La liste des clients ainsi définie sera établie par Transicia au jour du départ effectif du salarié.
Il est décidé une unification des clauses de non-concurrence, sous les conditions suivantes :
- une durée de deux ans de la clause de non-concurrence
- une limitation de la clause de non-concurrence à, à la fois une zone géographique de 80 (quatre-vingt) kilomètres autour du siège de la holding et la liste des clients présents en fichier à la date du départ.
Dans le cas où cette clause n'est pas levée par Transicia, conformément au droit du travail et à la convention collective, elle donnera lieu durant 2 ans à un versement trimestriel de l'indemnité de non-concurrence, correspondant à 20% du salaire de référence la première année et 10% la deuxième.'
Il en résulte en l'espèce que la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail est valide en ce que :
* elle était limitée dans l'espace à une zone géographique de 80 kilomètres autour du siège de la holding et à une liste de clients de Transicia, arrêtée à la date de départ de la société de la salariée, qui avaient été en contact avec cette dernière.
* elle était limitée dans le temps à 2 ans, conformément aux dispositions conventionnelles.
* elle était protectrice des intérêts légitimes de l'entreprise et des spécificités de l'emploi de Mme [E], dans la mesure où il s'agissait d'une salariée, cadre, en contact direct avec la clientèle en tant que consultante dont les fonctions pouvaient légitimement causer préjudice à la société en cas de rupture de la relation contractuelle ; la première phrase de l'article prévoyant la clause litigieuse ainsi rédigée : 'Compte tenu de la nature des fonctions du salarié le mettant en relation avec la clientèle et compte tenu de la formation et des connaissances acquises au service de Transicia...' le prévoyant clairement.
* elle interdisait certaines activités à la salariée, à savoir proposer aux clients avec lesquels elle avait été en contact, des services similaires à ceux fournis par Transicia (à savoir : activités de conseil en recrutement, en ressources humaines et en formation professionnelle), que ce soit à titre personnel ou pour le compte d'un tiers, directement ou indirectement, par personne physique ou morale interposée.
* elle était assortie d'une contrepartie financière, à savoir le versement trimestriel de 20% du salaire de référence la première année et 10% du salaire de référence la deuxième, conformément aux dispositions conventionnelles.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, contrairement à ce que soutient la salariée, comme aucune disposition légale ou conventionnelle ne pose le principe selon lequel pour que la clause litigieuse soit applicable, le contrat de travail qui la prévoit doit viser l'article 7.4 de la convention collective, les conditions de validité de la clause de non-concurrence qui s'inscrit dans le cadre posé par la jurisprudence et la convention collective applicables sont réunies.
Contrairement à ce que fait valoir Mme [E], il importe peu qu'elle veuille voir dans la clause figurant à son contrat une clause de non-détournement ou de non- prospection puisque cette clause est assimilée à une clause de non-concurrence dès lors que les conditions de validité énoncées ci-avant sont réunies et que tel est le cas en l'espèce.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué.
SUR L'EXCEPTION D'INCOMPÉTENCE PARTIELLE DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES AU PROFIT DU TRIBUNAL DE COMMERCE
Moyens des parties
14 - Après avoir rappelé les dispositions de l'article L 721-3 du code de commerce Mme [E] soutient que les demandes présentées à son encontre par les deux sociétés devant la juridiction prud'homale relèvent en réalité partiellement de la compétence du tribunal de commerce aux motifs que :
- son contrat de travail ne contient aucune clause de non-concurrence,
- les demandes de dommages et intérêts formées par les sociétés CMH et CME visent des agissements qui auraient été commis par la société Teamside RH et non par elle personnellement,
- il s'agit en réalité d'un problème de concurrence déloyale dont seul le tribunal de commerce peut connaître.
15 - En visant les articles L. 721-3 du code de commerce et L. 1411-1 du code du travail, les sociétés intimées répliquent que toutes leurs demandes sont fondées sur la violation de la clause figurant au contrat de travail de Mme [R] [E] et les conséquences financières qui en ont résulté pour elles.
De ce fait, les intimées en déduisent que la compétence du conseil de prud'hommes est acquise.
Réponse de la cour
16 - En vertu de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes a compétence pour statuer sur les litiges qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient.
En application de ces dispositions, le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur les demandes indemnitaires formées par l'employeur au titre de la violation par le salarié d'une clause prévue à son contrat de travail.
17 - Au cas particulier, comme la clause de non - concurrence figurant au contrat de travail de Mme [E] est valide, contrairement à ce que soutient la salariée, les demandes indemnitaires des deux sociétés sont fondées sur la violation de la clause de non concurrence qu'elles lui reprochent et sur le préjudice qui en est résulté pour elles.
Il en résulte donc que l'examen de la recevabilité et du bien-fondé de l'ensemble des demandes indemnitaires qu'elles ont formées - à savoir le remboursement des sommes perçues au titre de la contrepartie financière, le préjudice résultant du manque à gagner généré par la perte de chiffre d'affaires inhérente à la violation de la clause (132.904 euros), le préjudice résultant de la perte de valeur du fonds de commerce généré par la perte de clientèle et de chiffre d'affaires (143.189 euros) et le préjudice moral résultant de la violation de la clause (5.000 euros) - relèvent toutes de la compétence du conseil de prud'hommes.
L'exception d'incompétence doit être rejetée.
Le jugement attaqué est donc confirmé.
III - SUR LA VIOLATION DE LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE :
Moyens des parties
18 - Mme [E] soutient que les intimées échouent à démontrer qu'elle a personnellement proposé au nom de la société Teamside RH de manière active aux clients de Transicia les mêmes prestations que celles offertes par Transicia à sa clientèle dans la mesure notamment où les pièces produites par les intimées ne démontrent pas ses agissements fautifs et où les sociétés qu'elle a créées n'interviennent pas dans le domaine de l'intérim.
Elle produit des pièces émanant des clients inscrits sur la liste des clients Transicia visés par la clause de non-concurrence qui établissent, selon elle, que ce sont eux qui sont venus la solliciter et non elle qui les a démarchés.
19 - Les intimées prétendent qu'elles rapportent la preuve de la violation de la clause de non concurrence et de l'étendue des agissements concurrentiels de la salariée.
Réponse de la cour
20 - La clause de non-concurrence n'entrant en application qu'après la rupture du contrat de travail, seuls des faits postérieurs à cette rupture peuvent être pris en compte pour déterminer si le salarié a enfreint les obligations qui en résultent.
La violation de la clause de non-concurrence ne peut être déduite d'un manquement à l'obligation de fidélité et de loyauté durant l'exécution du contrat de travail (Cass. soc. 22 sept. 1993, n° 92-40.416 ; Cass. soc. 6 déc. 1994, n° 91-42.687).
Pour déterminer s'il y a eu violation de l'interdiction de non-concurrence, la portée de la clause s'apprécie :
- par rapport à l'activité réelle de l'entreprise et non par rapport à son objet social défini dans les statuts,
- par rapport à l'activité réelle du salarié et non à la dénomination de l'emploi.
Par ailleurs, pour qu'il y ait violation de la clause de non-concurrence, l'entreprise au service de laquelle le salarié est passé doit être en situation réelle de concurrence avec celle qu'il a quittée.
La clause par laquelle le salarié s'engage à ne pas reprendre contact avec les clients de son ancien employeur en vue de leur proposer une affaire comprend également l'interdiction pour lui d'entrer en relation de quelque manière que ce soit avec ces clients, même si ces clients se sont spontanément présentés à lui pour faire appel à ses services (Cass. soc. 22 janv. 1997, n° 95-40.235).
Enfin, il est acquis que le salarié qui a créé une société, dont il est le gérant et qui a une activité similaire à celle de son ancien employeur, viole la clause de non- concurrence puisque, par cette dernière, il devait s'interdire de s'intéresser, directement ou indirectement, ou pour le compte d'un tiers, à une entreprise concurrente et d'entrer au service d'une telle entreprise en qualité d'employé ou de représentant ou à tout autre titre.
Il incombe à l'ancien employeur de rapporter la preuve de la violation de la clause de non-concurrence et de démontrer qu'il exerce effectivement la même activité que le nouvel employeur.
20 - Au cas particulier :
¿ il convient de rappeler que :
- Mme [R] [E] a créé la société O2H Conseil dont elle est devenue présidente et qui a été immatriculée au RCS de [Localité 3] le 2 août 2018 ;
- Mme [R] [E] et [B] [L], M. [X] [N] ont créé
la société Teamside RH, immatriculée au RCS de [Localité 3] le 20 septembre 2018 dont Mme [R] [E] est devenue présidente à compter du 28 septembre 2018.
- ces sociétés ont pour activité : « Tous conseils en recrutement, tous conseils en ressources humaines, la formation professionnelle en lien avec ces domaines d'activités » comme l'établissent les statuts desdites société déposés au greffe du tribunal de commerce de Bordeaux outre les extraits KBIS de la société Teamside RH, les extraits du profil public LinkedIn et le site web de la société Teamside,
- par ordonnance sur requête du 17 avril 2019 rendue par le président du tribunal de commerce de Bordeaux, les sociétés Transicia ont été autorisées à faire constater par procès-verbal de constat d'huissier de justice les éventuels agissements fautifs de Mme [E] contraires à la clause de non concurrence qu'elle a signée.
- le procès-verbal de constat d'huissier de justice des 2 et 4 juillet 2019 mentionnent les investigations de l'huissier et de l'expert en informatique, M. [H], sur le matériel informatique présent dans les locaux de la société Teamside et la saisie de 12 761 pièces retenues sur les 13 441 trouvées, constituées de fichiers, de dossiers, de mails et de pièces jointes,
¿ il n'est pas contesté que Mme [R] [E] avait interdiction - sur le fondement de la liste qui lui avait été remise lors de la cessation de son contrat de travail - de proposer ses services en matière de conseil en ressources humaines et de recrutement, que ce soit à titre personnel ou pour le compte d'un tiers, directement ou indirectement par personne physique ou morale interposée, aux clients suivants : Compagnie Fiduciaire, [Localité 4], Claisienne, AGEFOS, Pavillon Prévoyance, Pichet Immobilier, Everlog, Domofrance, SQLI.
Pour établir la violation de la clause de non-concurrence, les sociétés Transicia versent aux débats outre le procès verbal de constat d'huissier de justice dressé les 2 et 4 juillet 2019 :
- pour la Compagnie Fiduciaire : une attestation de cette dernière déclarant avoir fait appel à Mme [R] [E], consultante en recrutement, en mai 2018 à l'issue de son départ de Transicia, et 8 factures d'honoraires de recrutement établies par la société Teamside RH entre octobre 2018 et mai 2019 ;
- pour la société [Localité 4] : un mail en date du 31 janvier 2019 adressé à cette dernière par Mme [R] [E] pour le compte de la société Teamside RH lui communiquant une offre de recrutement pour un responsable RH, une offre écrite d'intervention pour le recrutement d'un responsable RH établie par la société Teamside RH datée du 22 septembre 2020 et l'attestation de Mme [G], responsable des ressources humaines de la société [Localité 4] confirmant avoir fait appel aux services de Mme [R] [E] afin de l'accompagner dans le recrutement d'un poste RH ;
- pour la société Claisienne : une attestation de cette dernière qui déclare qu'en 2019, elle a contacté Mme [E] pour répondre à un appel d'offre pour le recrutement d'ETAM et que le cabinet de Mme [R] [E] a été retenu, un contrat de sous-traitance conclu le 5 avril 2019 avec la société Teamside RH représentée par sa présidente Mme [R] [E] et 11 factures d'honoraires de recrutement établies par la société Teamside RH entre février et juin 2019 ;
- pour Agefos : un mail du 18 décembre 2018 de Mme [E] pour le compte de la société Teamside RH lui adressant un devis pour le recrutement d'assistants de gestion et 2 factures d'honoraires de recrutement émises en janvier 2019 ;
- pour la société Pichet : 3 factures d'honoraires de recrutement émises en février, avril et mai 2019 par la société Teamside RH ;
- pour les sociétés Pichet, Pavillon et SQLI, le courriel du 11 décembre 2018 adressé par M. [F] à Mme [E] concernant les candidats recrutés par Teamside ;
- pour la société Everlog, une attestation de M. [S], DAF, déclarant avoir contacté Mme [E] après son départ de Transicia en mai 2018 pour intervenir sur un nouveau recrutement ;
- le courriel adressé le 15 juin 2018 par Mme [E] à M.[F] ainsi rédigé : « J'ai fait une ébauche de courrier pour se couvrir de la clause'Je dois l'envoyer à [U]'
A enrichir sans doute'Vous en pensez quoi '
Madame [E]
Nous avons un besoin en recrutement pour notre service clients et nous souhaiterions avoir recours à vos services via Teamside pour mener à bien cette recherche. Tous les éléments du poste à pourvoir vous seront communiqués afin d'établir un cahier des charges précis.
Je vous remercie, suite à notre sollicitation de nous adresser vos conditions commerciales. » ;
- les mails échangés entre Mme [E] et ses associés le 15 mai 2019 mentionnant les candidats recrutés et le chiffre d'affaires de la société Teamside RH réalisé en 2018 et 2019 par chacun des associés pour chaque client, notamment pour Pichet, AGEFOS et Clairsienne ;
- les factures d'honoraires de Teamside RH et refacturation pour les sociétés Pichet Immobilier, Clairsienne, Compagnie Fiduciaire et Agefos.
Contrairement à ce que la salariée soutient pour tenter de s'exonérer de toute responsabilité :
- la clause insérée dans son contrat de travail ne se limitait pas à lui interdire de démarcher les clients mais lui interdisait également de leur proposer des prestations en matière de recrutement ou de conseil en ressources humaines, peu important que la sollicitation émane du client lui-même,
- le fait même que la société Teamside facture des prestations aux clients de Transivia établit par lui-même qu'il y a eu au préalable des prestations réalisées,
- son ancien employeur ne lui reproche pas d'oeuvrer dans le secteur de l'intérim mais d'intervenir dans le secteur du conseil et du recrutement, sur lequel il intervient lui aussi,
- le courriel du 15 juin 2018 qu'elle a adressé à M . [F] et qui est reproduit ci- dessus, est particulièrement clair en ce qu'il vise expressément le souhait de Mme [E] 'de se couvrir de la clause' (sic) et démontre que la salariée était tout à fait consciente qu'une clause de non-concurrence pesait sur elle.
Il ne constitue pas comme elle souhaite en convaincre la cour un simple modèle mais une trame à remettre au préalable à tous les clients, transfuges de Transicia, avec lesquels elle veut conclure un contrat afin de tenter d'échapper à la clause comme en témoigne le courriel que lui a adressé la Compagnie fiduciaire qui a repris le mail de sollicitation préparé par Mme [E] (pièce 18 du dossier des intimées).
- le fait que les relations commerciales entre Transicia et SQLI aient cessé est totalement indifférent dès lors que le nom de cette société figurait parmi ceux répertoriés sur la liste des clients avec lequel elle ne devait pas travailler pendant deux ans, liste qu'elle avait signée et acceptée,
- c'est à elle principalement que sont adressées les demandes de devis qui lui sont envoyées par les anciens clients de Transicia, inscrits sur la liste litigieuse et c'est encore elle qui, en réponse, leur a présenté pour l'essentiel les devis, les propositions d'intervention, notamment à la Compagnie Fiduciaire, à Agefos et à [Localité 4].
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que :
- pour le compte de sa société Teamside RH (renommée par la suite STILL RH à la suite de la démission du directeur général, M. [N]) Mme [E] a proposé à des clients inscrits sur la liste dressée par Transicia qu'elle avait acceptée des prestations de conseil en recrutement,
- ses agissements concurrentiels qui ont débuté dès son départ de Transicia ont été effectués dans un périmètre de moins de 80 km autour du siège de la société holding CMH,
- ils ont été effectués à travers des sociétés commerciales concurrentes de Transicia, qu'elle avait créées et dont elle est la présidente, à savoir les sociétés Teamside RH et O2H Conseil.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a considéré que Mme [E] avait violé la clause de non concurrence figurant à son contrat de travail.
IV - SUR LES CONSEQUENCES DE LA VIOLATION DE LA CLAUSE DE NON- CONCURRENCE :
Sur la restitution des sommes versées au titre de l'indemnité de non concurrence :
Moyens des parties
21 - Mme [E] s'oppose à toute restitution des sommes qui lui ont été versées sur le fondement de la clause insérée dans son contrat de travail au motif qu'il s'agit d'une clause de non démarchage.
Elle ajoute que si la cour entendait faire droit à la demande de restitution, il appartient à l'employeur de démontrer la date à laquelle elle a cessé de respecter la clause concrètement.
22 - Les sociétés intimées prétendent que le procès verbal de constat d'huissier de justice établit que dès le mois de juin 2018, quelques jours après son départ de la société Transicia, Mme [E] préparait des stratagèmes pour récupérer les clients de celle - ci comme en atteste le courriel qu'elle a adressé le 15 juin 2018 à M. [N] et à Mme [L].
Elles sollicitent donc la restitution des sommes versées au titre de l'indemnité de non- concurrence.
Réponse de la cour
23 - La contrepartie financière de la clause de non-concurrence constitue la contrepartie de la limitation de la liberté d'exercer une activité professionnelle.
En cas de violation de la clause, le salarié perd le droit à la contrepartie.
La perte de ce droit ne vaut que pour l'avenir et qu'à compter du jour où la violation de l'obligation de non-concurrence a été constatée (Soc. 18 décembre 2024, pourvoi n° 23-19.381).
De ce fait, le salarié a droit au paiement de la contrepartie, tant qu'il respecte la clause.
24 - Au cas particulier, le jugement ayant déclaré que Mme [E] avait violé la clause de non concurrence vient d'être confirmé.
Cette violation est intervenue - comme l'établissent les pièces versées par l'employeur et énoncées ci-dessus - dès la sortie de la salariée des effectifs de Transicia.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [E] à payer à Transicia la somme de 11 163,24 euros représentant le montant brut de l'indemnité de non concurrence outre les cotisations salariales.
Sur les préjudices économique, financier et moral résultant de la violation de la clause de non-concurrence :
25 - En application de l'article 1231-1 du code civil, qui prévoit que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure', le salarié qui ne respecte pas son obligation de non-concurrence peut être condamné par le conseil des prud'hommes au paiement de dommages et intérêts à son ancien employeur.
Cette action contre le salarié est possible, y compris lorsque l'ancien employeur a engagé en parallèle une action pour concurrence déloyale contre le nouvel employeur du salarié (Cass. soc. 7 juill. 2004, no 99-45.771).
¿ sur le préjudice économique et financier résultant du manque à gagner généré par la perte du chiffre d'affaires inhérente à la violation de la clause de non-concurrence :
Moyens des parties
26 - Les intimées soutiennent que le préjudice qu'elles ont subi prend en compte le montant du chiffre d'affaires réalisé par Mme [R] [E] grâce aux clients de Transicia et constitue leur manque à gagner.
27 - Mme [E] objecte pour l'essentiel que les bases de calcul retenues par les intimées sont fausses dans la mesure où elles prennent en compte des prospects qui n'ont jamais conclu de contrats avec Teamside RH et des clients de Transicia qui avaient uniquement conclu avec celle-ci des contrats d'intérim.
Elle ajoute que de surcroît, ce n'est pas elle qui a réalisé le chiffre d'affaires sur lequel s'appuie Transicia pour calculer son préjudice mais Teamside RH, devenue Still RH et que de ce fait, l'action des intimées est mal dirigée.
Elle conclut au rejet de la demande.
Réponse de la cour
28 - Au cas particulier, le chiffrage réalisé par les sociétés intimées de leur préjudice commercial et financier a été établi sur la base de la facturation des honoraires de la société Teamside RH pour la période de juin 2018 à juin 2019 - récupéré par l'huissier de justice - qui a ensuite été multipliée par deux pour prendre en compte la deuxième année de violation de la clause de non-concurrence.
Cependant :
- les prospects figurant dans les tableaux ne sont pas mentionnés sur la liste des clients avec lesquels Mme [E] ne devait pas avoir de relations commerciales,
- Transicia mentionne dans ses tableaux de chiffrage le nom de certains de ses clients comme ayant été en relation commerciales avec Mme [E] alors que ceux-ci ont travaillé avec Transicia sur le secteur intérim et ne figurent pas dans la liste,
- les sociétés intimées ont retenu la période de juin 2019 à juin 2020 qui correspond pour partie à la période de la crise sanitaire qui a induit nécessairement pour toutes les entreprises - Transicia incluse - une baisse des recrutements et une chute de leurs chiffres d'affaires qui ne peuvent être imputées à Mme [E],
- aucun élément ne permet d'affirmer que les clients Transicia qui ont noué des relations commerciales avec Teamside auraient continué à travailler avec Transicia,
- aucun élément ne permet non plus d'affirmer que la baisse du chiffre d'affaires à laquelle Transicia s'est trouvée confrontée s'explique uniquement par la violation de sa clause de non-concurrence par la salariée et non par d'autres éléments extérieurs qui n'ont aucun lien avec les agissements fautifs de Mme [E].
Il en résulte donc que le lien de causalité entre les agissements fautifs de Mme [E] et le préjudice qui en est résulté pour Transicia n'est que partiel.
De ce fait, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer à la somme de
10 000 euros le préjudice commercial et financier subi par Transicia et de condamner Mme [E] à payer aux sociétés intimées ce montant.
Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.
¿ Sur le préjudice économique et financier résultant de la perte de valeur du fonds de commerce de la société d'exploitation CME en raison de la violation de la clause de-non concurrence :
Moyens des parties
29 - Les intimées soutiennent qu'à compter de juin 2018, Transicia a perdu plusieurs de ses clients historiques, tels que la Compagnie Fiduciaire ou le Groupe Pichet par exemple.
Elles ajoutent que la perte de clientèle et de chiffre d'affaires a entraîné une dépréciation de la valeur du fonds de commerce.
Elles estiment leur préjudice économique et financier à la somme de 143 189 euros, calculée conformément aux usages du secteur d'activité et aux techniques de valorisation telles que rappelées par le garant financier Socamett.
30 - Mme [E] s'en défend et conclut au rejet de cette demande.
Réponse de la cour
31 - Comme l'a relevé très justement le premier juge, aucun élément ne démontre que la perte de valeur alléguée par la société CME, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 1 263 490 euros en 2018 et de 1 128 058 euros en 2019 et dont la marge brute s'est élevée à 331 553 euros en 2018 et à 346 794 euros en 2019, résulte de la perte des clients auxquels Mme [R] [E] a proposé ses services.
En conséquence, aucun lien de causalité n'existe entre les agissements fautifs et l'éventuelle perte de valeur du fonds de commerce de la société CME.
En conséquence, les intimées doivent être déboutées de leur demande.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé de ce chef.
¿ Sur le préjudice moral :
Moyens des parties :
32 - Les intimées soutiennent qu'elles ont subi un préjudice moral distinct et que les agissements de Mme [E] ont porté atteinte à la réputation et à l'image de la société Transicia.
Elles ajoutent que la salariée avait la confiance de son employeur qui n'aurait pas pu imaginer une telle trahison de sa part, aidée de ses deux complices M. [X] [N] et Mme [L], tous d'anciens salariés de Transicia dont les contrats de travail ne comportaient pas de clause de non - concurrence.
33 - En réponse, Mme [E] conclut au rejet de la demande.
Réponse de la cour
34 - Il est acquis qu'une société, personne morale, est en droit d'obtenir réparation du préjudice moral qu'elle subit.
35 - Au cas particulier, les intimées ne rapportent aucun élément permettant d'étayer leurs allégations.
En conséquence, elles doivent être déboutées de leur demande de réparation de préjudice moral.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé.
IV - SUR L'EXECUTION DELOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Moyens des parties
36 - Mme [E] soutient que faute de clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail, il ne peut lui être reproché un manquement à une obligation de loyauté.
Elle ajoute qu'à titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement attaqué.
37 - Les intimées soutiennent qu'au mépris des articles 13 et 14 de son contrat de travail visant une clause d'exclusivité et une obligation générale de discrétion, Mme [E] a mis en place dès le mois de mars 2018, alors qu'elle était toujours salariée de Transicia, des stratagèmes avec l'aide de ses anciens collègues de travail pour tenter de contourner sa clause de non-concurrence.
Elles ajoutent qu'il en est résulté pour elles de surcroît une désorganisation du service et un préjudice d'image vis à vis de la clientèle.
Elles chiffrent leur demande de ce chef à la somme de 20 000 euros.
Réponse de la cour
38 - En application des dispositions des articles :
- L 1222-1 du code du travail : " Le contrat de travail est exécuté de bonne foi" .
- 9 du code de procédure civile : "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention".
Il en résulte qu'il appartient à l'employeur qui prétend que le salarié a exécuté de façon déloyale le contrat de travail d'établir l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
39 - Au cas particulier, le contrat de travail de la salariée prévoit :
* à l'article 13 que la salariée s'engage à respecter une stricte obligation de discrétion sur tout ce qui concerne l'activité de Transicia et également sur toute information dont elle pourrait avoir connaissance à l'occasion de son activité au sujet de tiers, notamment des clients de Transicia et de ses salariés ou candidats,
* à l'article 14 que la salariée ne pourra avoir une autre occupation professionnelle, même non concurrente ou ponctuelle, qu'avec l'accord écrit et préalable de Transicia et qu'elle s'interdit également, pendant l'exécution du contrat, de s'intéresser directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, à toute activité créée, en voie de création ou à créer, susceptible de faire concurrence à Transicia.
Or il résulte des pièces produites par les intimées, à savoir :
* un mail en date du 9 mars 2018 de M. [F] agissant pour le compte de la société Teamside, adressé à la salariée, lui envoyant des CV de candidats pour un poste de technicien pour la Compagnie Fiduciaire et mentionnant: "[R], voici 2 profils identifiés pour le poste de technicien pour la CF. J'ai vraiment besoin de faire un point avec eux sur les 3 postes et les rémunérations/poste.",
* un mail du 17 mars 2018 dans lequel M. [F] demande à Mme [E] si elle a eu un retour de la Compagnie Fiduciaire,
* un mail du 9 avril 2018 dans lequel M. [F] adressé à la Compagnie Fiduciaire dans lequel il indique : "je fais suite à votre récent échange avec [R]. Nous souhaiterions avec mon associé pouvoir venir vous rencontrer pour mieux comprendre vos postes à pourvoir en IT";
* des mails de la salariée en date des 10, 23 et 30 avril 2018 envoyés de sa messagerie professionnelle Transicia sur sa messagerie personnelle contenant en pièces jointes des CV de candidats et la matrice de compte-rendu d'entretien de candidat utilisé par Transicia,
* un mail de la salariée en date du 25 avril 2018 adressé à M. [F] lui transférant la demande de la société SQLI relatif à la recherche d'un profil Net senior, alors qu'elle avait répondu à cette dernière le 24 avril, au nom de Transicia, qu'elle n'avait pas de profil à lui proposer,
* un mail de Mme [E] du 2 mai 2028 transférant à M. [F] un courriel relatif aux besoins en recrutement de la société SQLI qu'elle avait reçu sur sa messagerie professionnelle Transicia en lui indiquant : 'à toi de jouer',
que la salariée - qui ne fournit aucune explication sérieuse sur ces mails et qui se borne à affirmer qu'elle n'a exercé aucune activité concurrente pendant l'exécution de son contrat de travail - a violé les obligations contractuelles prévues à son contrat de travail ainsi que l'obligation de loyauté à laquelle elle était tenue à l'égard de son employeur, à compter du mois de mars 2018 et sur une période de 3 mois.
Le préjudice qui en résulte pour les sociétés intimées a été évalué justement par le premier juge à la somme de 1000euros.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué de ce chef.
V - SUR L'ANNULATION DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE :
SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE
¿ Sur le caractère nouveau de la demande de nullité de la rupture conventionnelle :
Moyens des parties
40 - Sur le fondement des articles 564 et 566 du code de procédure civile, Mme [E] soulève l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la rupture conventionnelle présentée pour la première fois en appel.
41 - Les sociétés intimées objectent pour l'essentiel que la demande qu'elles présentent se rattache nécessairement au même fait originaire, à savoir l'agissement concurrentiel et déloyal de Mme [E].
Réponse de la cour
42 - En application des articles :
* 564 du code de procédure civile : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
* 565 dudit code : ' Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.'
* 566 dudit code : ' Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'
43 - Au cas particulier, la demande d'annulation de la rupture conventionnelle n'entre pas dans le cadre de l'article 564 du code de procédure civile.
Elle ne tend pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge dans la mesure où les demandes soumises au premier juge au titre de la violation de la clause de non concurrence visaient à obtenir des dommages intérêts alors que la demande présentée en appel tend à obtenir la nullité de la rupture du contrat de travail.
En revanche, elle n'est que la conséquence des demande des intimées formées au titre de la violation de la clause de non-concurrence.
En effet, il vient d'être établi ci - dessus que dans les mois précédents la rupture du contrat de travail, Mme [E] préparait minutieusement à bas bruit la création de la société Teamside qui allait exercer une activité concurrente à celle de son employeur et commençait à orienter vers celle-ci des clients habituels de son employeur.
Or c'est en toute bonne foi, que celui-ci - dans l'ignorance absolue des agissements frauduleux de sa salarié - a consenti, sur des bases totalement faussées et dolosives, à la rupture conventionnelle du contrat de travail que celle-ci lui demandait.
Ainsi, la demande de nullité de la rupture conventionnelle n'est que la conséquence de l'exécution déloyale du contrat de travail reprochée à la salariée.
De ce fait, la demande faite par l'employeur à ce titre n'est pas nouvelle.
En conséquence, elle est recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile.
¿ Sur la prescription :
Moyens des parties :
44 - Mme [E] soutient en substance que la demande présentée est prescrite pour avoir été présentée 7 ans après la rupture et non dans le délai d'un an courant à compter de la date d'homologation de la convention.
45 - Les sociétés intimées ne présentent aucune d'observation de ce chef.
Réponse de la cour
46 - En application de l'article L 1237-14 4 ° du code du travail, ' ...L'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.'
47 - Au cas particulier, la rupture conventionnelle a été signée le 12 avril 2018, pour une sortie des effectifs le 31 mai 2018.
Même à défaut de précision par Mme [E] de la date d'homologation de la convention, il n'en demeure pas moins que le délai de prescription de 12 mois aux fins de solliciter la nullité de la rupture conventionnelle était expiré lorsque les intimées ont formé pour la première fois devant la cour par conclusions du 13 février 2025.
En conséquence, il convient de déclarer cette demande irrecevable du chef tiré de la prescription annale inhérente à la rupture du contrat de travail.
VI - SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
¿ Sur la demande de dommages intérêts au titre du défaut de clôture de la messagerie professionnelle
Moyens des parties
48 - Mme [E] soutient que plusieurs mois après son départ de Transicia, sa messagerie professionnelle n'était toujours pas clôturée.
Elle demande la réparation du préjudice en résultant pour elle.
49 - Les sociétés intimées concluent au rejet de sa demande.
Réponse de la cour
50 - Il n'est pas contesté que la messagerie professionnelle de Mme [E] ouverte chez Transicia n'a pas été clôturée après son départ.
Cependant, la salariée n'établit pas le préjudice qui en est résulté pour elle.
Elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages intérêts.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé.
¿ Sur les dommages intérêts pour procédure abusive :
Moyens des parties
51 - Mme [E] soutient en substance que Transicia est animée par les intentions les plus belliqueuses à son égard et agit par pures représailles pour faire échec à son succès professionnel d'aujourd'hui.
Elle ajoute que leur action est purement mercantile.
52 - Les intimées s'en défendent et concluent au rejet de la demande en raison de l'absence de toute mauvaise foi, malice ou légèreté blâmable.
Réponse de la cour
53 - En application de l'article 32-1 du code de procédure civile : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
Il en résulte que la condamnation d'une partie au paiement d'une amende civile au profit du Trésor Public ne peut être prononcée qu'à l'initiative du juge et non des parties qui n'y ont aucun intérêt.
54 - Au cas particulier, l'action des sociétés intimées est fondée comme il vient d'être jugé.
En conséquence, l'abus d'ester en justice n'existe pas.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande ainsi formée.
VI - SUR L'ASTREINTE, LES DEPENS ET LES FRAIS ACCESSOIRES
55 - Il n'y a pas lieu d'assortir les condamnations à paiement d'une astreinte.
56 - Les dépens doivent être supportés par Mme [E].
57 - Il n'est pas inéquitable de condamner Mme [E] à payer aux sociétés intimées la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile tout en rejetant sa propre demande présentée sur le fondement des mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement prononcé le 26 août 2022 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux sauf en ce qu'il a condamné Mme [E] à payer aux société Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de la clause de non concurrence,
Infirmant de ce dernier chef,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [E] à payer aux SARL Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi, enseignes Transivia, la somme de 10 000 euros au titre du préjudice économique et financier résultant du manque à gagner généré par la perte du chiffre d'affaires inhérente à la violation de la clause de non concurrence,
Y ajoutant,
Déclare que la demande formée par les SARL Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi, enseignes Transivia, au titre de la nullité de la rupture conventionnelle n'est pas nouvelle,
Déclare prescrite et donc irrecevable la demande formée par les SARL Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi, enseignes Transivia au titre de la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [E],
Dit n'y avoir au prononcé d'une astreinte,
Condamne Mme [E] aux dépens,
Condamne Mme [E] à payer aux SARL Conseil Management Holding et Conseil Management Emploi, enseignes Transivia, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [E] de sa demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile.