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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 3 juin 2025, n° 23/01379

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

W. J.

Défendeur :

Domofinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Vice-président :

M. Pothier

Conseiller :

Mme Picot-Postic

Avocats :

Me Fouquaut, Me Czub, Me Castres, Me Reinhard

TJ Rennes, du 22 mai 2023, n° 21/00045

22 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE:

A la suite d'un démarchage à domicile, M. [W] [J] et Mme [E] [T], son épouse (les époux), ont, selon bon de commande du 17 janvier 2019, commandé à la société Solution Eco Energie (ci après dénommée Soleco) exerçant sous l'enseigne « Centre de transition énergétique » la fourniture et l'installation d'un ensemble de panneaux photovoltaïques en auto consommation à hauteur d'un montant de 34 900 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société Domofinance leur a consenti, selon offre préalable acceptée le même jour, un crédit de 34 900 euros, remboursable en 120 mensualités de 356,90 euros hors assurances, et moyennant des intérêts au taux nominal annuel de 3,87%.

Les fonds ont été versés à la société Soleco au vu d'une fiche de réception des travaux du 19 février 2019.

Courant août 2020, les époux [J] ont procédé au remboursement anticipé du prêt à hauteur de 32 817,53 euros.

Constatant différentes irrégularités qui affectaient la pose de l'installation, M. [J] et Mme [J] ont sollicité une expertise de M. [P], lequel dressait un avis technique le 25 octobre 2020 aux termes duquel il indiquait que l'installation ne répondait ni au bon de commande, ni à la facture, ni même aux réglementations en vigueur, outre le fait que l'installation était hasardeuse compte tenu des anomalies de raccordement et impropre à sa destination d'économie.

C'est dans ce contexte que suivant actes des 4 et 14 janvier 2021, les époux [J] ont assigné la société Domofinance et la société Solution Eco Energie aux fins d'annulation des conventions souscrites. La jonction des deux procédures a été ordonnée. Suivant acte du 28 octobre 2021, Me [H] [K] a été assignée, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Solution Eco Energie, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 19 mai 2021.

Suivant jugement du 2 février 2023, le tribunal judiciaire de Vannes a :

- débouté M. [W] [J] et Mme [H] [T] épouse [J] de leurs demandes tendant à voir constater la nullité ou prononcer la résolution du contrat principal,
- dit en conséquence n'y avoir lieu à nullité du contrat de prêt,
- dit n'y avoir lieu de retenir une faute du prêteur en le privant de sa créance en restitution,
- débouté M. [J] et Mme [H] [T] épouse [J] de leur demande indemnitaire à raison de la faute de l'établissement prêteur ou du vendeur,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. [W] [J] et Mme [H] [T] épouse [J] à verser à la société Domofinance la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire, - condamné M. [W] [J] et Mme [H] [T] épouse [J] aux dépens.

Suivant déclaration du 3 mars 2023, les époux [J] ont interjeté appel.

En leurs dernières conclusions du 7 janvier 2025, les époux [J] demandent à la cour :

Vu les articles L.111-1 1°, 2°, 3°, 5° et 6°, L.211-1, L.221-5, L.221-7, L.221-9, L.242-1, L.311-1, L.312-1 et suivants, L.312-44 à L.312-56 du code de la consommation
Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1112-1, 1130 et suivants, 1182, 1224, 1225, 1231-1,1240, 1583, 1602 du code civil,
Vu les articles L.421-17, R.421-17 et R.421-9, R.462-1 du code de l'urbanisme,

- juger autant recevable que bien fondé leur appel,
- débouter la société Solution Eco Energie et la société Domofinance de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- réformer le jugement en ce qu'il a :
¿ les a déboutés de leurs demandes tendant à voir constater la nullité ou prononcer la résolution du contrat principal,
¿ dit en conséquence n'y avoir lieu à nullité du contrat de prêt,
¿ dit n'y avoir lieu de retenir une faute du prêteur en le privant de sa créance en restitution,
¿ les a déboutés de leur demande indemnitaire à raison de la faute de l'établissement prêteur ou du vendeur,
¿ les a condamnés à verser à la société Domofinance la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
¿ rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- statuant à nouveau,
- juger que les prestations n'ont été que partielles et que la société Domofinance, en débloquant les fonds rapidement sur la base d'un certificat de livraison type et sans vérifier les règles élémentaires et d'ordre public du code de la consommation sur le démarchage à domicile, a commis une ou plusieurs fautes, en lien avec le préjudice qu'ils ont subi qui doit priver cette banque de son droit au remboursement du crédit,
- juger que les règles applicables en matière de démarchage à domicile n'ont pas été respectées,
- juger que le bon de commande avec la société Solution Eco Energie comporte plusieurs irrégularités,
- juger qu'il n'existe aucun détail ou chiffrage poste par poste du matériel à livrer ou installer et des prestations à assurer, qu'il n'y a aucune précision sur les caractéristiques ou marques des différents matériels, micro-onduleurs et accessoires,
- juger que les caractéristiques techniques sont de plus largement insuffisantes et ne mentionnent ni la marque et ni les références des produits vendus, la surface et le poids des panneaux, les caractéristiques des panneaux en termes de rendement, de capacité de production et de performances,
- juger que le contrat principal ne comporte pas de mention sur le délai de livraison et d'installation mise en service,
- juger qu'il n'y a aucune précision sur les modalités de financement à crédit,
- juger que font défaut les mentions sur les garanties légales au sens de l'article L.111-1 5° du code de la consommation et R.111-1 et R. 111-2 9° du code de la consommation,
- juger que fait défaut la mention sur la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, - juger que le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation du consommateur est irrégulier,
- juger que les conditions générales de vente sont parfaitement illisibles,
- juger que le bon de commande est nul,
- juger que la société Solution Eco Energie n'a pas respecté son obligation précontractuelle de conseil,
- juger que le contrat d'achat et d'exécution de la prestation et de contrat de crédit accessoire conclu avec la société Domofinance forment un tout indivisible,
- juger que la société Domofinance en sa qualité de professionnel du crédit aurait dû s'assurer de la validité du bon de commande au regard des règles sur le démarchage à domicile,
- juger que la société Domofinance ne saurait utilement contester une telle obligation en invoquant qu'il est tiers au contrat principal, qu'il n'existe pas d'obligation expresse en ce sens et qu'elle n'a pas nécessairement à sa disposition le bon de commande,
- juger en effet qu'en application de l'article L.311-1 11° du code de la consommation le contrat principal et le contrat de crédit forment une opération commerciale unique, si bien que du fait de l'indivisibilité des contrats, l'établissement de crédit doit procéder préalablement aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et des consommateurs en réclament au besoin le bon de commande qui en l'espèce, lui aurait permis de déceler immédiatement que le contrat principal était affecté de plusieurs causes évidentes de nullité,
- juger que la société Domofinance a fautivement omis de vérifier l'opération qu'elle finançait et la validité du bon de commande,
- juger que la société Domofinance se devait de s'interroger sur le délai particulièrement bref séparant la signature du contrat de l'attestation de livraison, délai manifestement incompatible avec la complète réalisation de l'opération financée,
- juger que la société Domofinance a commis une faute dans l'accord de financement, ainsi que dans le déblocage des fonds,
- prononcer en conséquence l'annulation tant du bon de commande que du contrat de crédit,
- juger que la demande d'annulation ou de résolution est nécessairement rétroactive et que les parties doivent être replacées dans la situation qui était la leur avant la signature des contrats liés,
- juger qu'ils n'ont jamais entendu couvrir la nullité ou renoncer en toute connaissance de cause à se prévaloir de la nullité,
- donner acte aux requérants qu'ils tiennent à la disposition du liquidateur de la société Solution Eco Energie l'ensemble des matériels posés à leur domicile,
- par ailleurs,
- juger en tout état de cause que le contrat encourt la résolution judiciaire,
prononcer, à tout le moins, la résolution judiciaire du contrat du 17 janvier 2019 et du crédit affecté avec Domofinance,
- juger que la société Solution Eco Energie et la société Domofinance ont commis des fautes qui leur ont causé des préjudices,
- juger qu'il existe de nombreuses malfaçons relatives à l'installation photovoltaïque et aux autres matériels installés, et un problème de rendement colossal, imputables à la société Solution Eco Energie et que cette société a gravement manqué à ses obligations contractuelles et précontractuelles,
- juger que cela constitue par conséquence une inexécution des obligations de la société Solution Eco Energie,
- juger que le contrat principal sera résolu faute d'exécution par la société Solution Eco Energie,
- prononcer en conséquence la résolution de la vente et, partant, du contrat de crédit affecté conclu avec la société Domofinance en ce que les deux forment une opération commerciale unique,
- par ailleurs,
- juger que la société Domofinance a débloqué les fonds, l'exécution de la prestation de service n'était que partielle et que rien ne permettait à la banque de s'assurer du caractère complet de cette exécution,
- juger que la société Domofinance, en sa qualité de professionnelle du crédit, a commis une faute de négligence en débloquant les fonds sans s'assurer que l'installation ne soit complètement exécutée,
- juger que la société Domofinance a ainsi libéré les fonds sans s'assurer que les prestations administratives obligatoires liées à ce type d'installation aient été exécutées,
- juger que la faute de l'organisme de crédit le prive du droit de réclamer aux requérants le remboursement des sommes prêtées et que la privation de la créance de restitution de la banque, compte tenu de ses fautes constitue l'exact préjudice des emprunteurs,
- juger que les parties doivent être remises en l'état antérieur à la conclusion desdits contrats,
- leur donner acte qu'ils offrent donc de restituer le matériel en contrepartie de l'annulation ou résolution du contrat principal et du contrat de crédit, sous réserve bien sûr de remise en état de la toiture,
- juger s'agissant de la remise en l'état, que la société Solution Eco Energie devra récupérer l'installation photovoltaïque et tous les biens installés et remettre bien sûr en l'état les lieux tels qu'ils étaient avant la pose de l'installation,
- en conséquence,
- juger que la société Domofinance devra leur rembourser la somme de 32 817,53 euros, outre les échéances mensuelles prélevées de septembre 2019 à août 2020, soit 12 échéances de 375,74 euros à savoir une somme totale de 37 326,41 euros,
- condamner la société Domofinance à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi du fait de leurs fautes et négligences,
- à titre subsidiaire,
- condamner la société Domofinance à leur verser la somme de 45 092,50 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils ont subi,
- condamner la société Domofinance à leur payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.

En ses dernières conclusions du 17 janvier 2025, la société Domofinance demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- subsidiairement,
- débouter les époux [J] de leur demande visant à voir le prêteur privé de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'elle n'a pas commis de faute,
- débouter les époux [J] de leur demande visant à la voir le prêteur privé de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à son égard,
- par conséquent,
- débouter les époux [J] de leur demande visant à la voir condamnée à leur rembourser toutes les sommes versées, en ce compris le capital prêté,
- débouter les époux [J] de toute autre demande, fins ou prétentions,- condamner la société Solution Eco Energie à lui payer la somme de 34 900 euros à titre de garantie outre la somme de 7 928 euros à titre de dommages et intérêts,
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie à hauteur de 42 828 euros à titre chirographaire,
- à titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société Solution Eco Energie à lui payer la somme de 42 828 euros à titre de dommages et intérêts,
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie à hauteur de 42 828 euros à titre chirographaire,
- en tout état de cause,
- condamner la partie succombant à lui payer la somme de 2 400 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Aux termes des articles L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

le prix du bien ou du service,

les modalités de paiement,

en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,

le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,

l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.

M. [J] et Mme [O] font valoir au soutien de leur appel que le bon de commande n'indiquerait pas :

- le prix du bien ou du service,

- le délai de livraison et/ou d'installation,

- les caractéristiques essentielles du bien et du service: il est indiqué en minuscule que les panneaux sont de marque Recom ou équivalent ; il n'existe aucune indication des caractéristiques de l'installation en terme de performances et de rendement,

- le bordereau de rétractation qui ne correspond pas à ce qui est prévu par les décrets applicables,

- l'existence et les modalités de mise en oeuvre des garanties légales qui ne contiennent aucune mention d'information sur la responsabilité civile décennale obligatoire,

- la mention de la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.

Cependant, il n'y a pas lieu d'indiquer le prix unitaire de chacun des éléments fournis, le texte précité n'imposant au contraire, à peine de nullité, que la seule mention du prix global de l'opération.

En revanche, il est exact que ne figure pas sur le bon de commande versé aux débats la marque du micro-onduleur fourni, alors pourtant que, s'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.

Il est exact également que le bon de commande ne comporte pas d'information sur son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant et sur les garanties légales offertes au consommateur, les articles 8 et 9 des conditions générales étant insuffisantes pour le renseigner pleinement sur les garanties qui lui sont offertes au titre de la garantie légale de conformité, la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, la garantie commerciale et le service après-vente.

Le bon de commande ne contient aucune indication sur la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien et à exécuter la prestation.

Par ailleurs, les dispositions relatives aux modalités de rétractation d'un contrat conclu 'hors établissement' sont prévues à l'article L. 221-18 du code de la consommation dont il résulte que le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25 et que ce délai court à compter de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens, même si pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation dès la conclusion du contrat.

Outre que le bordereau qui figure au contrat ne respecte pas ce modèle type et vise des articles abrogés, il ne respecte pas non plus les dispositions de l'article L. 221-18 puisqu'il mentionne un délai de 14 jours à partir de la commande.

Enfin, le bon de commande ne mentionne pas non plus les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation.

La société Domofinance ne saurait utilement soutenir que la sanction encourue, lorsque le bordereau de rétractation comporte des irrégularités, est la prorogation du délai de rétractation de douze mois, dès lors que la prorogation du délai de rétractation prévue par l'article L 221-20 du code de la consommation n'est pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l'annulation du contrat en vertu de l'article L 221-19.

La société Domofinance soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les époux [J] auraient renoncé à invoquer en acceptant la livraison et la pose des matériels, en étant en mesure dès la signature du bon de commande d'apprécier si le contenu de ce dernier était conforme aux dispositions légales reprochées, en signant le certificat de réception des travaux, en procédant au remboursement du crédit et en n'ayant jamais émis la moindre contestation sur la régularité du contrat.

Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.

D'une part, les conditions générales du contrat ne reproduisent pas les dispositions du code de la consommation applicables à la cause, mais les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation abrogées au moment de la conclusion du contrat. D'autre part, aucun acte ne révèle qu'entre la conclusion et l'exécution du contrat, les époux [J] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que l'ordre donné à la banque de verser les fonds entre les mains du vendeur ne suffisant pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.

Dès lors, rien ne démontre que c'est en pleine connaissance des irrégularités affectant le bon de commande que M. et Mme [J] ont laissé intervenir à leur domicile la société Soleco pour y réaliser les travaux d'installation d'une centrale photovoltaïque.

Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande en résolution pour manquement du fournisseur à ses obligations contractuelles, de proncer la nullité du contrat conclu le 17 janvier 2019 entre M. [J] et Mme [J] et la société Soleco.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les époux [J] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat.

Si, au titre des restitutions réciproques des parties consécutives à l'annulation du contrat de vente, la société Soleco devrait pouvoir reprendre le matériel installé et remettre la toiture en l'état, la demande de reprise des panneaux par la société, placée en liquidation judiciaire, se heurte au principe d'ordre public selon lequel le liquidateur d'une entreprise en liquidation judiciaire ayant cessé son activité ne peut être condamné à l'exécution d'une obligation de faire, celle-ci ne pouvant que se résoudre en dommages-intérêts à déclarer et à fixer au passif de la procédure collective.

Cette demande sera donc déclarée irrecevable.

Sur la nullité du contrat de prêt

Aux termes des dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Domofinance est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.

En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Soleco emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la société Domofinance.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nullité du contrat de prêt.

La nullité du prêt a aussi pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par l'empruntrice.

Les époux [J] demandent à cet égard à la cour d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de retenir une faute du prêteur le privant de sa créance en restitution.

Ils demandent la condamnation de la société Domifinance à leur payer la somme de 37 326 euros, comprenant, outre le capital emprunté qui a été remboursé par anticipation, les 12 échéances mensuelles prélevées de septembre 2019 à août 2020, en faisant valoir que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds sans vérifier la régularité formelle du contrat de vente, et, d'autre part, sans s'assurer de l'exécution complète du contrat principal au vu d'une fiche de réception des travaux incomplète et imprécise.

La société Domofinance soutient quant à elle que l'annulation du contrat de vente emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté, sous déduction des sommes déjà versées, que les époux [J] ont d'ores et déjà remboursé intégralement le crédit par anticipation, de sorte que le prêteur devra conserver le capital prêté.

Elle prétend également que le prêteur n'est pas tenu de conseiller les emprunteurs sur l'efficacité juridique d'un contrat auquel il est tiers, que son exemplaire de bon de commande ne souffrait pas d'irrégularités susceptibles d'entraîner l'annulation du contrat de vente et que les époux [J] sont mal fondés à se prévaloir de l'éventuelle irrégularité du contrat principal après y avoir renoncé.

Elle invoque enfin l'absence de préjudice et de lien de causalité avec l'éventuelle faute qu'elle aurait commise.

Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.

Or, en l'occurrence, la fiche de réception des travaux signée par M. [J] le 19 février 2019 faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci après avoir procédé à la visite des travaux exécutés, déclare que 'l'installation (livraison et pose) est terminée ce jour et correspond au bon de commande n° 6379 du 17 janvier 2019 (et...) en conséquence de quoi (... prononce) la réception des travaux sans réserve avec effet à la date du 10 février 2019 (et) demande à Domofinance d'adresser à l'entreprise (...) un règlement de 34 900 euros correspondant au financement de cette opération'.

La société Domofinance, qui n'est pas un professionnel de la pose des panneaux et ne disposait pas de moyens techniques pour évaluer le temps nécessaire à la réalisation de l'ensemble des prestations accessoires, pouvait donc légitimement en déduire que l'ensemble des biens commandés avaient été livrés et l'intégralité des prestations accessoires d'installation réalisées, en se fiant aux déclarations figurant sur une fiche de réception des travaux non équivoque établie par l'empruntrice sous sa responsabilité.

En revanche, il est de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Or, il a été précédemment relevé que le bon commande conclu avec la société Soleco par l'intermédiaire de laquelle celle-ci faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas se libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de M. [J] et Mme [J] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier, en dépit de l'absence d'indication de la marque de l'onduleur, de la garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par la société Soleco, du délai de livraison, des coordonnées du médiateur de la consommation et de l'absence d'un bordereau de rétractation conforme.

Le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, la société Domofinance a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice des emprunteurs consistant pour ceux-ci à ne pas pouvoir obtenir, auprès de la venderesse mise en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'est plus propriétaire.

Il est en effet de principe que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

En conséquence, les époux [J] sont bien fondés à demander que le prêteur soit privé de son droit à restitution du capital prêté.

Les époux [J], qui n'ont commis aucune faute et ont remboursé par anticipation le capital prêté, sont en conséquence fondés à obtenir la restitution des échéances de remboursement qu'ils ont réglées en exécution du contrat de prêt annulé jusqu'au remboursement par anticipation du prêt, outre le capital emprunté.

La société Domofinance sera donc condamnée à payer aux [J] la somme de 32 817,53 euros au titre de ce capital emprunté, remboursé par anticipation, outre la somme de 4 508,88 euros correspondant aux échéances mensuelles prélévées de septembre 2019 à août 2020, sommes non contestées par l'intimée.

Les époux [J] sollicitent par ailleurs une somme de 3 000 euros en soutenant que la résistance des sociétés Soleco et Domofinance a nécessairement généré un préjudice certain et distinct.

Cependant, faute de justifier d'un préjudice distinct qu'ils n'explicitent d'ailleurs nullement, les époux [J] seront déboutés de la demande de ce chef.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des époux [J] en paiement de dommages-intérêts d'un montant de 45 092,50 euros formée subsidiairement contre la société Domofinance à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, la banque ayant été condamnée à leur rembourser le capital emprunté et les échéances payées de septembre 2019 à août 2020.

L'annulation du contrat principal étant survenue du fait du vendeur, la société Domofinance est fondée à rechercher sa garantie quant au remboursement du prêt en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce. Elle justifie avoir déclaré sa créance le 17 juin 2021 à hauteur de 42 828 euros.

En conséquence, il convient de faire droit à sa demande de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Soleco à la somme de 34 900 euros correspondant au capital emprunté.

En revanche, elle a été privée du gain des intérêts par sa propre faute en ne relevant pas les causes de nullité apparentes du bon de commande, de sorte que la société Domofiance sera déboutée de sa demande en fixation d'une créance de 7 928 euros à titre de dommages-intérêts.

- Sur les demandes accessoires

Partie succombante, la société Domofinance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Arnaud Fouquaut.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les époux [J] à payer à la société Domofiance la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des époux [J] l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de la procédure d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Infirme le jugement rendu le'2 février 2023 par le tribunal judiciaire de'Vannes'en toutes ses dispositions ;

Prononce l'annulation du contrat conclu le 17 janvier 2019 entre M. [W] [J] et Mme [E] [T] épouse [J] et la société Solution Eco Energie ;

Déclare irrecevable la demande de reprise par la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie des matériels posés au domicile de M. et Mme [J] ;

Prononce l'annulation subséquente du contrat de crédit conclu le 17 janvier 2019 entre monsieur [W] [J] et madame [E] [T] épouse [J] d'une part et la société Domofinance d'autre part ;

Condamne la société Domofinance à payer à monsieur [W] [J] et madame [E] [T] épouse [J] la somme de 32 817,53 euros au titre du capital emprunté, remboursé par anticipation, outre la somme de 4 508,88 euros correspondant aux échéances mensuelles prélévées de septembre 2019 à août 2020 ;

Fixe la créance de la société Domofinance au passif chirographaire de la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie à la somme de 34 900 euros ;

Condamne la société'Domofinance à payer à monsieur [W] [J] et madame [E] [T] épouse [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Domofinance aux dépens de première instance et de la procédure d'appel et dit qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Arnaud Fouquaut ;

Rejette les autres demandes.

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