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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 27 mai 2025, n° 23/19370

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/19370

27 mai 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 27 MAI 2025

(n° / 2025, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/19370 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CITWZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 novembre 2023 - Tribunal de commerce de Paris - RG n° 2023037426

APPELANT

Monsieur [N] [K]

Né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 8]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Louis GADDI, avocat au barreau de PARIS, toque D 541,

Assisté de Me Clément BRUYERE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 702,

INTIMÉES

S.E.L.A.R.L. AJRS, prise en la personne de Me [Z] [D], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS ANTELINK,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 510 227 432,

Dont le siège social est situé [Adresse 7]

[Localité 5]

Non constituée

S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES, prise en la personne de Me [E] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ANTELINK, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 533 357 695,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Justine CAUSSAIN, avocate au barreau de PARIS, toque : D0203,

Assistée de Me Frédéric MANGEL de la SELARL COLIGNON-MANGEL, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et Madame Constance LACHÈZE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Madame Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

En 2009, dans le cadre des lois sur l'innovation, M.[N] [K], enseignant-chercheur, inventeur de plusieurs brevets et auteur de logiciels dans le cadre de son activité au sein de l'Université [Localité 10] VII et à Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA), a été autorisé à diriger la SAS Antelink, créée à cette occasion et immatriculée le 7 octobre 2009, ayant pour objet l'édition de logiciels et l'assistance technique, dans le but de valoriser le portefeuille de brevets et de logiciels détenus par l'Université [Localité 10] VII et l'INRIA, via la concession des droits d'exploitation résultant du monopole conféré par les brevets.

M.[K], actionnaire majoritaire de la société Antelink, en a été le président jusqu'à sa démission le 3 août 2016.

Conformément à l'objet social de la société Antelink, un contrat de licence a été conclu le 27 mai 2010 entre la société Antelink, d'une part, et l'Université [Localité 10] VII et l'INRIA, d'autre part, pour une durée de 5 ans et renouvelable selon certains termes et conditions. Aux termes de ce contrat, la société Antelink se voyait concéder une licence d'utilisation de deux brevets, ainsi que de deux logiciels, qu'elle avait pour mission de développer et de commercialiser. Une faculté de rachat de ces actifs de propriété intellectuelle était prévue au profit de la société Antelink.

Au début de l'année 2016, l'INRIA, agissant tant en son nom qu'en qualité de mandataire de l'Université [Localité 10] VII, a résilié le contrat de licence liant la société et les établissements.

M.[K] a démissionné de ses fonctions de président de la société Antelink le 23 juillet 2016, et a sollicité sa réintégration dans ses fonctions d'enseignant-chercheur.

Par ordonnance du 3 août 2016, le tribunal de commerce de Paris a désigné la SELARL [D], prise en la personne de Maitre [Z] [D], en qualité d'administrateur provisoire de la société Antelink pour une durée de six mois.

Sur déclaration de cessation des paiements et par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Antelink et désigné la SELARL Actis Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [B] [I], en qualité de liquidateur judiciaire.

Le liquidateur judiciaire, qui avait été rendu destinataire de diverses marques d'intérêt quant à la reprise des brevets objet du contrat de concession a entrepris de les acquérir, ce qui supposait que le contrat soit toujours en cours .

L'INRIA ayant reçu le 28 juin 2018 une mise en demeure d'avoir à communiquer tous éléments de nature à justifier de ce que le contrat avait pu être valablement résilié avant le jugement d'ouverture et n'y ayant pas répondu, le liquidateur judiciaire a saisi le juge-commissaire, qui, par ordonnance en date du 24 juillet 2017, a constaté que le contrat de licences et de brevets conclu entre la société Antelink, d'une part, l'Université [Localité 10] VII et l'INRIA, d'autre part, était un contrat en cours au sens de l'article L 641-11-1 du code de commerce.

La liquidation judiciaire de la société Antelink a donc acquis les deux brevets au prix de 150.000 euros, a réglé en outre le paiement de la redevance exigible au titre du contrat de licence sur l'année 2017, soit 20.000 euros et a revendu ces actifs de propriété intellectuelle à la société Cast moyennant un prix de 250.000 euros.

Des divergences sont apparues entre le liquidateur judiciaire et l'ancien dirigeant M. [K], ce dernier estimant que l'Université [Localité 10] VII et l'INRIA avaient privé unilatéralement et sans préavis la société Antelink des moyens d'exercer son activité, ce qui avait entraîné sa liquidation judiciaire et qu'il y avait lieu d'engager une action en responsabilité contre l'Université [Localité 10] VII et l'INRIA, ce que le liquidateur a refusé de faire.

C'est dans ce contexte de relations tendues que, par requête datée du 22 mars 2023, le liquidateur judiciaire a sollicité du juge-commissaire la tenue d'une réunion en présence de M.[K], en expliquant que le dirigeant de la société Antelink souhaitait qu'il engage la responsabilité de l'Université et de l'[9] à la suite de la résiliation du contrat, qu'il ressortait cependant de la consultation du conseil habituel du liquidateur qu'une telle action en responsabilité n'avait aucune chance de prospérer, que M.[K] avait d'ailleurs été débouté par le tribunal judiciaire de Paris le 21 janvier 2022 de l'action qu'il avait engagée à titre personnel, en sa qualité de co-inventeur, à l'encontre de l'INRIA et de l'Université aux fins d'indemnisation de ses préjudices subis du fait de l'arrêt de la valorisation des brevets litigieux et de l'absence de transfert à son profit, le tribunal ayant notamment relevé que la notification de l'expiration du contrat de licence ne pouvait être à l'origine de la cessation des paiements de la société Antelink, cette dernière n'étant pas parvenue à assurer une exploitation rentable des inventions en cause, que malgré ces éléments M.[K] persistait à demander au liquidateur d'engager une action en responsabilité, qu'en application des articles L641-9 et L622-20 du code de commerce, le dirigeant de la société en liquidation judiciaire, ne dispose pas d'un droit propre à décider des actions à engager dans l'intérêt des créanciers, le choix de ces actions étant réservé au liquidateur. Aux termes de son exposé, le liquidateur judiciaire concluait qu'il apparaîssait dans ces conditions opportun qu'une réunion puisse se tenir avec le juge-commissaire, lequel était chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence.

Après la tenue d'une audience le 11 mai 2023, au cours de laquelle il a recueilli les observations de M.[K] et du liquidateur, le juge-commissaire a rendu une ordonnance le 1er juin 2023, au visa de l'article L621-9 du code de commerce, aux termes de laquelle, après avoir rappelé que la procédure sollicitée par M.[K] revêtait incontestablement un caractère patrimonial, qu'il s'agissait d'une action attitrée au liquidateur et que M.[K], qui plus est dirigeant démissionnaire, n'avait pas le pouvoir de forcer la mise en oeuvre d'une action patrimoniale, a jugé ' Qu'il y a donc lieu de s'en tenir aux seuls choix du liquidateur judiciaire agissant ès qualités, et d'écarter toute opposition de Monsieur [K], lequel n'est dans ces circonstances pas même recevable en un simple avis.'

L'ordonnance a été notifiée le 13 juin 2023 à M.[K].

Le 23 juin 2023, M.[K] a formé un recours devant le tribunal à l'encontre de cette ordonnance.

Par jugement en date du 7 novembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a dit le recours de M.[K] recevable, rejeté le recours et confirmé l'ordonnance déférée.

Par déclarations régularisées au greffe de la cour, les 1er et 5 décembre 2023, M.[K] a relevé appel de ce jugement.Par ordonnance en date du 9 janvier 2024 les deux procédures nées des appels ont été jointes .

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 mai 2024, M. [K] demande à la cour de le juger recevable et bien fondé en son appel, et en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, débouter la SELARL Actis mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [G], ès-qualités de liquidateur de la société Antelink, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en conséquence, juger que l'appel est parfaitement recevable, infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté son recours et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 1er juin 2023, en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes autres, plus amples ou contraires, statuant à nouveau, juger que la SELARLActis mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [G], ès-qualités de liquidateur de la société Antelink, est tenue d'engager une action en responsabilité contre l'INRIA et l'Université [Localité 10] VII en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des créanciers par la rupture fautive et/ou le défaut d'exécution du contrat de licence conclu avec la société Antelink et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 avril 2024, la SELARL Actis mandataires Judiciaires, en la personne de Maître [G], ès-qualités de liquidateur de la société Antelink, demande à la cour, à titre principal de constater que l'appel a été régularisé par M. [K] à titre personnel, en conséquence, le déclarer irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, confirmer le jugement, rejeter les demandes, fins et prétentions de M.[K], et condamner M. [K] à lui régler la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens.

La SELARL AJRS, en la personne de Maître [D], ès qualités d'administrateur provisoire de la société Antelink, assignée le 12 janvier 2024, n'a pas constitué avocat.

SUR CE,

- Sur la recevabilité de l'appel

Le liquidateur judiciaire soulève l'irrecevabilité de l'appel relevé par M.[K], pour défaut d'intérêt et de qualité à agir, cet appel ayant été nécessairement relevé à titre personnel puisqu'il ne peut agir au nom de la société Antelink compte tenu de sa démission intervenue le 23 juillet 2016, soit antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.Il considère que M.[K] agit dans une optique de revanche personnelle après que le jugement rendu le 21 janvier 2022 l'a débouté de son action personnelle contre l'INRIA et l'Université, qu'il cherche à instrumentaliser la liquidation judiciaire et que la nature purement vénale de sa demande apparaît quand il évoque le boni de liquidation qu'il est susceptible de percevoir en sa qualité d'actionnaire, en cas de succès de l'action. Il explique que c'est face à l'insistance dont faisait preuve M.[K] auprès de son étude et à son refus d'entendre la position définitive que le liquidateur avait adoptée au sujet de l'action en responsabilité, qu'il s'est trouvé dans la nécessité de saisir le juge-commissaire afin qu'il organise une réunion à son cabinet dans l'espoir de mettre un terme aux échanges infructueux avec M.[K], après qu'il lui soit expliqué de manière formelle, les règles de monopole du liquidateur.

M. [K] réplique qu'il a tant intérêt, que qualité à agir et que son appel est nécessairement recevable. S'il admet qu'ayant démissionné de ses fonctions de président de la société Antelinck avant l'ouverture de la procédure collective, il ne bénéficie plus de la qualité de dirigeant de droit de la société, il fait cependant valoir qu'il a systématiquement été traité comme tel par les organes de la procédure jusqu'à l'introduction de la présente instance, qu'il a en effet participé aux opérations de vérification du passif au cours desquelles ses observations ont été reprises par le liquidateur dans la réponse aux créanciers, ce qui a notamment conduit au rejet des créances déclarées par l'Université [11] pour 313.233,69 euros et par l'INRIA pour 1.855,97 euros, qu'en outre il est mentionné comme représentant légal dans le jugement du 17 décembre 2020 ordonnant la prorogation du délai pour la clôture des opérations de liquidation, que l'ordonnance du 14 janvier 2021 par laquelle le juge-commissaire a désigné un cabinet d'expertise-comptable afin de valoriser la société Antelink a été notifiée à la « Sas Antelink, prise en la personne de M. [N] [K] ', que le jugement du 4 novembre 2021 par lequel le tribunal de commerce de Paris a rejeté le recours exercé par l'INRIA à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 14 janvier 2021 le désigne en qualité de « Président », sans aucune référence à sa démission, que l'ordonnance du juge-commissaire du 13 juin 2023, confirmée par la décision entreprise, a de même été notifiée à la SAS Antelink, prise en la personne de M. [N] [K].

Il rappelle que c'est le liquidateur qui a saisi le juge-commissaire de la contestation qu'il avait formée, en le qualifiant de 'dirigeant' de la société Antelink, et que relèverait d'un estoppel caractérisé le fait pour le liquidateur de prétendre à présent qu'il serait dépourvu de qualité à agir, puisque c'est lui qui est à l'origine des débats judiciaires.

Il ajoute que quelle que soit sa qualité, il a bien qualité à agir dès lors qu'il est défendeur à la demande du liquidateur, que le jugement entrepris a expressément jugé recevable le recours qu'il a exercé sans aucune référence à sa qualité d'ex-dirigeant contre l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 5 juin 2023 et que sa qualité d'actionnaire majoritaire (77,5 %) de la société Antelinck suffit à lui conférer intérêt et qualité à agir dès lors qu'en cas d'action en responsabilité menée avec succès par le liquidateur à l'encontre de l'INRIA et de l'Université [Localité 10] VII, le boni de liquidation qui en résulterait aurait vocation à lui profiter à due concurrence de sa participation au capital social.

Sur ce la cour,

Il est constant qu'à la date de la requête du liquidateur, M.[K] n'était plus dirigeant de la société Antelinck puisqu'il avait démissionné de ses fonctions le 23 juillet 2016 soit plus d'un an avant l'ouverture de la liquidation judiciaire. M.[K], tout en soulignant le fait que le liquidateur le désignait dans la requête comme le dirigeant de la société Antelink, ne conteste pas avoir relevé appel à titre personnel.

L'article 546 du code de procédure civile dispose que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé et l'article 31 du même code, que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au rejet ou au succès d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demandes présentés en première instance.

S'il est étonnant que le juge-commissaire, auquel il était simplement demandé d'organiser une réunion avec M.[K], manifestement dans le but qu'il lui explique, avec l'autorité attachée à sa fonction, les régles qui gouvernent les actions patrimoniales dans le cadre d'une liquidation judiciaire, ait décidé de rendre une ordonnance pour cadrer le débat, force est cependant de constater qu'une décision judiciaire a bien été rendue et notifiée à M.[K] ainsi qu'au liquidateur judiciaire et que la recevabilité du recours formé par M.[K] à l'encontre de cette ordonnance n'a pas été contestée, le tribunal ayant uniquement relevé à cet égard que le recours avait été formé dans le délai de 10 jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Ainsi, ayant été jugé recevable par le jugement dont appel à défendre contre l'ordonnance rendue sur la requête du liquidateur, et la recevabilité de son recours contre l'ordonnance du juge-commissaire n'étant pas davantage discutée en appel, M.[K] a pris la qualité de partie et partant a qualité et intérêt à exercer une voie de recours contre le jugement qui l'a débouté de son recours et a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire.

Il s'ensuit que l'appel relevé par M.[K] est recevable.

- Sur le fond

Pour rejeter le recours de M.[K] et confirmer l'ordonnance du juge-commissaire, le tribunal a rappelé les dispositions des articles L 641-9-1 et L622-20 du code de commerce et le monopole dont dispose le liquidateur en matière d'action patrimoniale, et retenu que le liquidateur judiciaire avait apprécié l'opportunité de ne pas poursuivre compte tenu du risque probable que l'lNRlA et l'Université [11] demandent une expertise contradictoire et actualisée, ce dont la procédure n'avait pas les moyens et avait pris en compte dans son analyse, la décision du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2022 qui énonçait que M.[K] soutenait vainement que seule la notification par I'INRIA et l'Université de [11] de l'expiration du contrat de licence était à l'origine de la cessation de paiements de la société Antelink.

M.[R] demande à la cour de réformer le jugement et d'ordonner au liquidateur judiciaire, ès qualités, d'engager une action en responsabilité contre l'INRIA et l'Université [Localité 10] VII en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des créanciers par la rupture fautive et/ou le défaut d'exécution du contrat de licence conclu avec la société Antelink.

Il soutient qu'une action en reponsabilité non seulement est possible mais s'impose au liquidateur, qu'aux termes de l'article L622-20 du code de commerce, le liquidateur doit en effet agir dans l'intérêt collectif des créanciers, que le pouvoir d'appréciation conféré au liquidateur aurait dû le conduire à engager spontanément une action en responsabilité contre les co-contractants de la société Antelink, que d'ailleurs celui-ci, avant de faire volte-face, avait manifesté son intention d'engager une action en responsabilité dans un mail du 7 mai 2019, puis dans un courrier du 16 mars 2020, adressé à son avocat dans lequel il lui transmettait les documents remis par M.[K], l'informait que l'expert-comptable de la société accepterait d'effectuer une valorisation de la société Antelinck, pièce utile à l'action, et demandait si en terme de stratégie, il convenait d'abord d'assigner l'Université [13] ou bien d'engager des discussions transactionnelles une fois en possession de la valorisation de la société, puis en demandant et en obtenant du tribunal le 17 décembre 2020 la prolongation des opérations de liquidation au motif qu'un contentieux était en cours entre son administrée, l'INRIA et l'Université [11], et enfin en déposant une requête le 30 décembre 2020, visant à la désignation d'un technicien chargé de valoriser la société Antelink avant la rupture fautive du contrat de licence ayant conduit à sa liquidation.

Il ajoute qu'aucun argument d'ordre financier ne justifie l'abandon de l'action envisagée par le liquidateur judiciaire, alors que la liquidation judiciaire a bénéficié d'une plus-value nette de 80.000 euros TTC sur l'achat des actifs par la société Cast et a obtenu 6.000 euros de la part de l'INRIA titre de l'article 700 du code de procédure civile, que les honoraires du conseil du liquidateur pour engager cette procédure, qu'il avait proposé de prendre à sa charge, ont été fixés pour l'essentiel au résultat et qu'une expertise avait déjà été diligentée, laquelle était suffisante pour engager la responsabilité de l'université et de l'[9], qu'enfin l'échec de l'action engagée par M.[K] à titre personnel contre l'INRIA et l'Université [Localité 10] VII, ne présageait aucunement du sort de l'action à introduire par le liquidateur puisqu'il n'avait pas engagé la responsabilité des deux établissements au titre de la rupture fautive du contrat de licence passé avec la société Antelinck mais avait sollicité exclusivement la condamnation de l'INRIA et de l'Université [Localité 10] VII au titre de la faute commise en ne lui permettant pas de bénéficier des dispositions de l'article R611-12 du code de la propriété intellectuelle, le préjudice subi étant purement personnel.

Il fait valoir que le liquidateur en saisissant le juge-commissaire de la question de l'opportunité d'introduire une action en responsabilité à l'encontre de l'Université [Localité 10] VII et de l'INRIA et en soumettant cette question au débat judiciaire, s'est volontairement dessaisi de son monopole.

La SELARL Actis Mandataires judiciaires réplique que la demande de M. [K] se heurte à des règles de procédure collective d'ordre public et que même un dirigeant demeuré en fonction, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne peut contraindre le liquidateur judiciaire à entamer une quelconque action judiciaire dont le caractère est patrimonial et qu'il ne peut se dessaisir du monopole d'une telle action qui est d'ordre public.

Il rappelle qu'à compter du jugement d'ouverture et jusqu'à la date de la clôture de la procédure, le débiteur est frappé de dessaisissement quant à l'administration et la disposition de ses biens, que cette règle vaut autant pour les éléments du patrimoine existant au jour du jugement de liquidation, que pour ceux qui apparaîtraient avant la clôture de la procédure collective, qu'en l'espèce, l'action en responsabilité que M.[K] souhaite voir engager contre l'INRIA et l'Université de [Localité 12] revêt incontestablement un caractère patrimonial, visant en l'obtention de dommages et intérêts, qu'elle ne peut se rattacher à l'exercice d'un droit propre, que la mise en 'uvre d'une telle action patrimoniale est exclusivement réservée, y compris dans son opportunité, au liquidateur judiciaire, le dirigeant n'ayant aucun pouvoir coercitif à son encontre. Il souligne que l'appréciation de l'opportunité d'engager telle ou telle action d'ordre patrimonial lui appartient exclusivement et qu'en l'espèce, sa décision de ne pas en définitive poursuivre l'INRIA et l'Université de [Localité 12] tient à l'aléa judiciaire, le jugement qui a rejeté l'action engagée par M. [K] ayant considéré que la notification de l'expiration du contrat de licence ne pouvait être à l'origine de la cessation des paiements de la société Antelinck, ainsi qu'au coût (recours à une expertise) et à la longueur d'une procédure judiciaire.

Sur ce la cour,

Il résulte de l'article L. 622-20 du code de commerce que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Toutefois en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier contrôleur peut agir dans cet intérêt.

Selon l'article L. 641-4 du code commerce le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu'à la vérification des créances. Il peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.

Il résulte de ces textes que seul le liquidateur a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers et qu'à compter du jugement de liquidation judiciaire, il a seul qualité pour demander, dans l'intérêt collectif des créanciers, la réparation du préjudice subi par la société, la seule exception étant celle prévue, dans certaines conditions, en faveur du contrôleur.

Cette règle d'ordre public qui pose le monopole du liquidateur judiciaire ne peut pas faire l'objet d'un quelconque dessaissement par son titulaire qui dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour décider de l'opportunité d'engager les actions qu'il estime fondées et il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, de décider si le liquidateur judiciaire doit ou non engager une action en responsabilité contre l'Université [Localité 10] VII et l'INRIA. En réalité, il n'y avait pas lieu pour le juge-commissaire de se prononcer par voie d'ordonnance.

Il s'ensuit que le jugement doit être confirmé.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

En saisissant par voie de requête le juge-commissaire d'une difficulté l'opposant à l'ancien dirigeant relativement à son refus d'engager une action en responsabilité, le liquidateur a conduit le juge-commissaire à rendre une ordonnance susceptible de recours, alors qu'il n'y avait pas lieu de statuer, mais seulement de rappeler à M. [K], à la faveur d'un entretien contradictoire, les termes des articles L622-20 et L641-4 du code de commerce. Ce contentieux judiciaire n'aurait donc pas dû exister.

Dans ces conditions, les dépens seront laissés à la charge de la procédure collective et aucune considération d'équité ne justifie de condamner M.[K] au paiement d'une indemnité procédurale.

Les dispositions du jugement relatives aux frais irréptibles et aux dépens seront donc confirmés.

PAR CES MOTIFS

Dit recevable l'appel relevé par M.[K] à l'encontre du jugement du 7 novembre 2023,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute M. [N] [K] de ses demandes,

Y ajoutant,

Dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire,

Déboute la SELARL Actis mandataire judiciaire, ès qualités, de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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