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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 22 mai 2025, n° 21/09927

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Garnier (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Dupont, Mme Girousse

Avocats :

Me Pelit-Jumel, Me Daoudal, Me Chaillou, Me Dubois Sauty de Chalon

T. com. Meaux, du 13 janv. 2020

13 janvier 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 1er janvier 2014, M. [K] [D] a consenti à la SARL [Localité 6] Réparation de Palettes (ci-après la société VRP) un bail portant sur une parcelle de 2.200 m² comprenant un local à usage d'atelier d'une surface de 250 m² et un local à usage de bureau et de pièces de vie d'une superficie de 60 m², le reste étant dédié à un usage de parking.

Par acte du 22 septembre 2017, la SARL VRP a fait assigner M. [K] [D] devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins, notamment, de voir appliquer le contrat conclu le 1er janvier 2014 dans toutes ses dispositions.

Par jugement du 13 janvier 2020, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société VRP et désigné Me [L] [C] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre du 24 janvier 2020, le liquidateur judiciaire a résilié le bail liant la société VRP à M. [K] [D].

Par jugement en date du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a :

condamné M. [K] [D] à payer à la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, la somme de 68.200 euros au titre de la part des loyers indument versée ;

condamné M. [K] [D] à payer à la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, la somme de 4.800 euros en réparation du préjudice subi du fait de la reprise partielle des locaux loués ;

condamné M. [K] [D] à payer à la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, la somme de 30.862,77 euros au titre de l'indemnisation de la perte de marge brute ;

condamné M. [K] [D] à payer à la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, la somme de 4.000 euros au titre du remboursement des travaux de rénovation de toiture ;

débouté la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, de sa demande tendant à la suspension des loyers, ainsi que du surplus de ses demandes ;

débouté M. [K] [D] de sa demande tendant à voir résilier le bail ;

déclaré irrecevables les demandes de M. [K] [D] visant à la condamnation en paiement de la société [Localité 6] réparation de palettes ;

condamné M. [K] [D] à payer à la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance ;

ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Le 30 juillet 2021, M. [K] [D] a régularisé une requête en rectification d'erreur matérielle, relativement au jugement du 4 mars 2021, devant la cour d'appel de Paris.

Par arrêt en date du 16 février 2022, la cour d'appel de Paris a :

dit que le dispositif du jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux devra être rectifié ainsi qu'il suit :

condamné M. [K] [D] à payer à la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, la somme de 62.800 euros au titre de la part des loyers indument versée ;

au lieu de :

condamné M. [K] [D] à payer à la société [Localité 6] réparation de palettes, prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire, la somme de 68.200 euros au titre de la part des loyers indument versée ;

dit que la décision rectificative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement et qu'elle sera notifiée comme le jugement ;

laisse les dépens à la charge du trésor public.

Par déclaration en date du 23 avril 2021, M. [K] [D] a interjeté appel partiel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 14 décembre 2023, M. [K] [D], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la cour de :

confirmer le jugement prononcé le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a débouté la société VRP de sa demande en suspension du paiement des loyers du 17 août 2018 au 9 décembre 2019 ;

infirmer le jugement prononcé le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux en toutes ses autres dispositions ;

En conséquence, statuant à nouveau :

débouter la SELARL Garnier-[C] agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [Localité 6] Réparation de Palettes de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la SELARL Garnier-[C] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [Localité 6] Réparation de Palettes de l'ensemble de ses demandes au paiement de la somme de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions déposées le 10 septembre 2021, la SELARL Garnier-[C] agissant par Me [L] [C], intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :

confirmer le jugement du 4 mars 2021 en toutes ses dispositions à l'exception de la condamnation au titre de la reprise partielle des lieux par Monsieur [K] [D] ;

En conséquence, statuant à nouveau :

condamner Monsieur [K] [D] à payer à la société VRP prise en la personne de Maître [L] [C] ès qualité de liquidateur judiciaire, une indemnité correspondant à 30% du loyer à titre de diminution de loyer du mois d'avril 2016 jusqu'au 17 août 2018, soit la somme de 8.855 euros HT (300 euros HT par mois) et, subsidiairement, la somme 25.650 euros HT si c'est un loyer mensuel de 3.000 euros HT qui était retenu par la cour ;

débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes ;

condamner Monsieur [K] [D] à payer à la société VRP la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Monsieur [K] [D] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRET

Il n'est pas contesté par les parties que le bail qu'elles ont conclu le 1er janvier 2014 a été résilié le 24 janvier 2020 par Me [L] [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société VRP.

Sur la nature juridique de l'acte conclu le 1er janvier 2014

L'appelant soutient que le contrat conclu avec la société VRP est une convention d'occupation précaire et qui ne peut lui être reproché de n'avoir pas visé la cause de précarité dans ledit contrat dans la mesure où ni lui, ni la preneuse ne sont des professionnels du droit ou des baux et qu'en outre la conclusion d'une convention d'occupation précaire ne répond à aucune condition de forme particulière, pouvant d'ailleurs aussi bien être conclue à l'oral qu'à l'écrit. L'appelant estime encore que dans la mesure où il était constant qu'existait une cause de précarité dont la preneuse avait parfaitement connaissance et à laquelle le congé donné à celle-ci le 19 septembre 2016 faisait référence, le premier juge n'aurait pas dû qualifier le contrat le liant à la société VRP de « bail commercial » et sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement déféré sur ce point et qu'elle juge que le contrat en cause est une convention d'occupation précaire. L'intimée relève que le contrat liant la société VRP à l'appelant est intitulé « Bail commercial » et fait référence à plusieurs dispositions du statut des baux commerciaux. En outre elle soutient qu'il ne peut être déduit de sa seule durée ' un an renouvelable ' le fait qu'il s'agirait d'une convention précaire, étant précisé qu'aucune clause de précarité n'est visée dans le contrat en cause. Dès lors, dans la mesure où l'appelant ne fait pas la preuve de ce qu'un accord serait intervenu entre les parties sur une cause de précarité liée à des circonstances objectives déterminées au moment de la conclusion du bail, il y aurait lieu de rejeter la demande de l'appelant et de confirmer le jugement déféré sur ce point en qualifiant de bail commercial le contrat conclu entre les parties.

Selon un principe prétorien codifié postérieurement à l'espèce à l'article L. 145-5-1 du code de commerce par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, La convention d'occupation précaire, non soumise au statut des baux commerciaux, se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties. Le terme de la convention doit donc être marqué par d'autres causes que la seule volonté de ces dernières. Elle suppose en outre que lesdites circonstances particulières fassent l'objet d'une mention dans la convention, ou à tout le moins, que la preuve de leur existence au moment de la conclusion de celle-ci et de leur acceptation par les parties comme cause de précarité, soit caractérisée.

Il est constant que la modicité de la redevance prévue en contrepartie de l'occupation et la brièveté de cette dernière ne constituent pas des indices de précarité.

S'il n'existe aucune circonstance objective de précarité de l'occupation des lieux de nature à compromettre la possibilité pour la locataire de se prévaloir du statut des baux commerciaux, ce dernier trouve automatiquement à s'appliquer, sauf preuve de l'existence d'un bail dérogatoire visé à l'article L. 145-5 du code de commerce.

En l'espèce, l'appelant soutient que le contrat le liant à la preneuse - intitulé « Bail commercial » - a été conclu pour un an renouvelable en attendant la délivrance par la mairie de [Localité 6] d'un permis en vue de construire des bureaux pour sa propre activité sur une partie de la parcelle louée et que la preneuse avait parfaitement connaissance de cette cause de précarité. Or, dans la mesure où l'appelant ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature ni à étayer l'existence de cette cause de précarité, si ce n'est ledit permis dont il ressort au demeurant qu'il a été déposé plus d'un an après la conclusion du bail, ni de l'acceptation de cette cause de précarité par la preneuse lors de la conclusion du contrat en cause, il y a lieu de considérer qu'il n'existe aucune circonstance objective de précarité de l'occupation des lieux de nature à compromettre la possibilité pour la locataire de se prévaloir du statut des baux commerciaux et qu'ainsi le contrat conclu entre les parties le 1er janvier 2014 est un bail commercial soumis au statut régi par les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, comme l'a justement considéré le premier juge sur un autre fondement.

Sur la restitution partielle des loyers

L'appelant expose, sans néanmoins n'en tirer aucune conséquence, ni prétention, que les pièces communiquées par la partie adverse permettent d'établir que le montant du loyer de 1.000 euros qui figure au bail produit par celle-ci et dont il conteste l'authenticité, n'a jamais été d'actualité et que le montant des sommes dont il est certain qu'elles ont été versées en règlement des loyers dus, démontre que le montant initial du loyer était en réalité de 1.500 euros HT. Il soutient qu'en outre rien ne permet d'affirmer que toutes les sommes décaissées par la société VRP l'ont été effectivement en versement des loyers qui lui étaient dus, car l'augmentation du loyer au montant mensuel de 3.000 euros HT, prévue par un avenant du 1er janvier 2015, procédait en réalité d'un accord amiable intervenu entre les parties en contrepartie de travaux de bétonnage du parking, réalisés en novembre 2014 par le bailleur à la demande de la preneuse qui ne disposait pas de la trésorerie suffisante pour réaliser ces derniers. Il ne s'agissait donc pas, selon l'appelant, du résultat d'une indexation, d'une révision ou de la fixation du loyer en renouvellement, contrairement à ce que le premier juge a considéré, mais du remboursement, par la preneuse, du montant de travaux réalisés à son bénéfice par le bailleur. L'appelant prétend encore que si l'avenant communiqué n'est pas signé c'est parce qu'il n'a pas retrouvé son exemplaire signé et que la société VRP, qui en dispose, se garde de le communiquer, ce qui démontrerait sa mauvaise foi. Enfin, l'appelant soutient que le paiement répété et sans réserve par la société VRP du « nouveau loyer » fait preuve de l'existence de cet avenant, et qu'en conséquence, c'est à tort que le jugement déféré a considéré que les sommes versées au titre de ce dernier constituaient un trop-perçu de 62.800 euros dont il devrait restitution.

L'intimée expose pour sa part que la société VRP n'a jamais donné son accord pour une modification du loyer et n'a payé que sous la pression et la menace d'une résiliation annuelle du bail et que ni les dispositions légales, ni les stipulations du bail ne prévoient une telle augmentation du loyer, en dehors de l'indexation de celui-ci sur l'indice du coût de la construction. Elle soutient par ailleurs qu'elle n'a jamais eu connaissance du document daté du 1er janvier 2015, intitulé « avenant du bail ' fixation du loyer », qui n'a jamais été signé par la preneuse et qui semble avoir été rédigé pour les besoins de la cause, afin de justifier a posteriori des montants payés indûment et que le bailleur ne rapporte pas la preuve de ce que la réalisation des travaux de bétonnage du parking l'aurait été à la demande de la preneuse, ni que celle-ci aurait accepté de voir son loyer tripler de ce fait. Quoi qu'il en soit, et quand bien même la preneuse aurait accepté ladite augmentation du loyer, celle-ci serait, comme l'a jugé le tribunal judiciaire, contraire aux dispositions d'ordre public du code de commerce régissant les baux commerciaux. Elle estime donc que c'est à juste titre que le premier juge a condamné l'appelant à rembourser la somme de 62.800 euros au titre de ce trop-perçu pour les années 2014, 2015 et 2016, étant entendu que la preneuse a bien versé le loyer de 1.000 euros HT par mois, contractuellement prévu, sur toute l'année 2017. L'intimée demande en conséquence la confirmation du jugement déféré sur ce point.

En l'espèce, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en considérant que la société VRP avait justifié avoir payé des loyers pour un montant supérieur au montant mensuel de 1.000 euros prévu au contrat de bail versé aux débats, sur la période considérée, sans que M. [K] [D] ne parvienne à démontrer la pertinence de cette augmentation par la réalisation de travaux de réfaction du parking dont il ne réussit ni à démontrer la nécessité ni qu'ils ont été sollicités par la preneuse.

Il sera simplement ajouté que contrairement à ce que soutient M. [K] [D], les parties n'ont pas la liberté de renégocier librement le loyer en dehors des dispositions d'ordre public prévues au statut applicable aux baux commerciaux, relatives à la révision du loyer.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation liée à la modification des lieux loués

L'appelant expose tout d'abord qu'il avait toujours été convenu entre les parties qu'il reprendrait une partie des lieux loués pour y réaliser des travaux d'élévation immobilière, comme en atteste le congé délivré le 19 septembre 2016 ainsi que le permis de construire, pièces versées aux débats. Il soutient ensuite qu'il n'avait aucunement l'obligation de mettre à la disposition de la société VRP des solutions de repli afin qu'il puisse réaliser des travaux dans les lieux donnés en location puisque cette dernière aurait dû quitter les lieux, mais qu'il a malgré tout proposé un local de transition à 5 km que la preneuse n'a jamais visité et installé à ses frais un bâtiment préfabriqué. Enfin, il fait valoir que contrairement à ce qu'affirme la société VRP, seuls 60 m² ont été amputés de la parcelle et non 30 % de la surface louée, réclamant ainsi l'infirmation de la décision déférée par laquelle il s'est trouvé condamné au paiement d'une somme de 4.800 euros de dommages-intérêts du fait de la reprise des lieux loués.

L'intimée expose que le bailleur a unilatéralement repris possession d'une partie du terrain loué en le clôturant et en procédant à la destruction d'un local de 60 m2 implanté sur cette partie. Elle soutient que les travaux entrepris ont entrainé de graves désagréments pour la société VRP et que la modification des lieux loués, constatée par huissier, constitue un manquement du bailleur aux dispositions des articles 1719 et 1723 du code civil. Contrairement aux affirmations de l'appelant, aucun accord n'aurait été donné pour cette restitution d'une partie des locaux loués. Par ailleurs, l'intimée estime qu'elle justifie par la production des copies de chèques établis à l'ordre de l'appelant et de relevés de compte démontrant l'encaissement, qu'elle s'est bien acquittée des loyers au titre des mois de juin et d'août 2017 ainsi que d'octobre 2017 à août 2018, de sorte que l'indemnisation ne saurait être limitée, comme l'a estimé le premier juge, aux seuls mois d'avril 2016 à mai 2017, ainsi que juillet et septembre 2017 pour la somme totale de 4.800 euros. Enfin, l'intimée se prévaut de ce que l'appelant n'a jamais formulé aucune demande de paiement de loyers à l'encontre de la société VRP et n'a déclaré aucune créance au liquidateur à ce titre, reconnaissant donc avoir été réglé de l'intégralité des loyers jusqu'au 17 août 2018, ce qui porterait le montant de l'indemnité dû à la preneuse à la somme de 8.550 euros (30 % x 1.000 x 28,5 mois). A titre subsidiaire, si la cour reconnaissait que le loyer mensuel a été porté à 3.000 euros au lieu de 1.000 euros, il conviendra de condamner l'appelant à la somme de 25.650 euros (30 % x 3.000 x 28.5).

Aux termes des articles 1719 et 1723 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. Le bailleur ne peut en outre, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée.

Conformément aux dispositions de l'article L. 145-6 du code de commerce, applicable à l'espèce, le bailleur d'un local à usage commercial, industriel ou artisanal peut, au cours du bail originaire ou d'un bail renouvelé, reprendre les lieux en tout ou partie pour exécuter des travaux nécessitant l'évacuation des lieux compris dans un secteur ou périmètre prévu aux articles L. 313-4 et L. 313-4-2 du code de l'urbanisme et autorisés ou prescrits dans les conditions prévues auxdits articles, s'il offre de reporter le bail sur un local équivalent dans le même immeuble ou dans un autre immeuble. Cette offre précise les caractéristiques du local offert, lequel doit permettre la continuation de l'exercice de l'activité antérieure du locataire. L'offre doit être notifiée un an à l'avance. Le locataire doit, dans un délai de deux mois, soit faire connaître son acceptation, soit saisir des motifs de son refus la juridiction compétente, faute de quoi il est réputé avoir accepté l'offre.

Enfin aux termes des dispositions de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2016 applicable à l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l'exécution de celle-ci. Il appartient par ailleurs au créancier de l'obligation inexécutée de rapporter la preuve de l'inexécution, de son dommage et du lien de causalité qui existe entre les deux.

En l'espèce il est suffisamment démontré par la preneuse au moyen de six procès-verbaux de constats d'huissier et trois ordonnances de référés versées aux débats, que le bailleur a repris une partie des locaux loués en avril 2016 en vue de la détruire et faire édifier au même endroit à son bénéfice un immeuble à usage de bureaux. Le bailleur ne le conteste pas, soutenant même avoir prévu ces travaux dès avant la signature du contrat de bail, en avoir informé la preneuse au préalable ainsi que par un courrier recommandé avec accusé de réception du 19 septembre 2016 qui tentait de mettre fin au bail au 31 décembre 2016 et produit également le permis de construire afférent auxdits travaux délivré par la Mairie de [Localité 6] suite à une demande de permis de construire déposée le 25 novembre 2015.

Il est en outre constant que lesdits travaux ont non seulement entraîné des désagréments pour la preneuse, mais aussi une modification définitive des lieux loués. Il est également admis par les parties que les locaux en cause correspondent à l'immeuble de 60 m2 édifié sur la parcelle d'une dimension totale de 2.200 m2 selon le bail conclu le 1er janvier 2014, les pièces produites par les parties dans le but de démontrer que les surfaces en cause sont différentes, n'étant pas jugées probantes.

C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé qu'il y avait lieu d'indemniser l'intimée du fait du préjudice lié à la reprise injustifiée et irrégulière d'une partie des biens loués, et que la reprise desdits locaux, lesquels abritaient une cuisine, un réfectoire, un bureau et des sanitaires devait être évaluée à 30 % du montant du loyer, étant précisé qu'il ressort des différents constats d'huissier dressés à la demande de la preneuse, que les préfabriqués mis en place par l'appelant n'étaient pas de nature à remplacer l'immeuble détruit dans les conditions prévues à l'article L. 145-6 du code de commerce, en raison de leur exiguïté et leur inconfort, l'appelant ne démontrant pas avoir proposé à la preneuse de reporter le bail sur un local équivalant comme le lui impose l'article précité.

C'est également à juste titre que le premier juge a estimé qu'il appartenait à la preneuse qui réclame l'indemnisation d'un préjudice lié au défaut de délivrance des locaux loués de prouver s'être bien acquittée des loyers afférents aux locaux en cause, pour la période en cause.

En l'espèce, le premier juge a considéré que l'intimée ne rapportait pas la preuve du paiement effectif de son loyer pour le mois de juin 2017, le mois d'août 2017 et les mois d'octobre à décembre 2017, ainsi qu'au titre de l'année 2018, la simple production de copies de chèques prises isolément n'étant pas suffisamment probante.

En cause d'appel, il convient de constater que les pièces produites par l'intimée, à savoir les copies de chèques corroborées par celles des relevés bancaires faisant apparaître les débits correspondant aux montants desdits chèques, sont de nature à rapporter la preuve du paiement effectif des loyers pour la période allant du mois d'avril 2016 - date de la reprise de l'immeuble de 60 m2 par M. [K] [D] - jusqu'au 17 août 2018 - date de la reprise totale des lieux-, de sorte qu'il convient de condamner l'appelant au paiement de la somme totale de 8.550 euros (30 % x 1.000 x 28,5) à titre de dommages-intérêts consécutifs à la reprise d'une parties des lieux loués.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la suspension du paiement du loyer du 17 août 2018 au 9 décembre 2019

Ce point ne faisant plus l'objet de contestations, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnisation au titre de la perte de marge brute à compter du 17 août 2018 jusqu'au 9 décembre 2019

L'appelant expose que l'entrepôt loué a fait l'objet d'un cambriolage visant spécifiquement les câblages électriques, mettant toute l'installation hors d'état de fonctionner et que la société VRP n'étant pas assurée, elle ne fit pas réparer l'installation électrique et quitta les lieux en tentant de faire peser sur l'appelant sa carence et la charge de ces réparations.

L'appelant soutient encore que les constats d'huissier réalisés par elle-même et la preneuse constatent l'abandon des lieux, que cette situation contrevenait aux articles 8 et 9 du contrat de bail du 1er janvier 2014 et que si un portail a été installé par l'appelant c'est pour faire cesser les risques d'intrusion et de squattage et non en raison d'une reprise fautive des lieux. L'appelant fait valoir en outre que la société VRP n'a jamais réinvesti les lieux et a mis à disposition d'autres entreprises son personnel dès le mois d'avril 2018 et qu'ainsi la perte de marge brute subie ne saurait lui être imputée, la société VRP faisant l'un de ses meilleurs chiffres d'affaires sur le mois d'octobre 2018 et que des retraits en espèces particulièrement significatifs ont été effectués sur son compte alors même qu'elle faisait face à de graves difficultés financières. Enfin, l'appelant soutient que la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société VRP l'a d'ailleurs été à l'initiative de l'URSSAF et qu'il ne saurait payer pour cette gestion fautive, sachant qu'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif semble envisagée dans le cadre de cette procédure, ce qui démontre à nouveau la faute du dirigeant. L'appelant sollicite donc la réformation du jugement l'ayant condamné au paiement de la somme de 30.862,77 euros au titre de l'indemnisation du préjudice économique subi par la société VRP.

L'intimée insiste de nouveau sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et soutient que son soi-disant abandon des locaux est contredit par différents constats d'huissier. Les pièces adverses 25, 26 et 27 ne permettraient pas d'imputer à la société VRP l'absence de tout câblage électrique et, du fait de la privation de son local et de ses outils d'exploitation à compter du 17 août 2018, la société VRP aurait vu son chiffre d'affaires diminuer, ne lui permettant pas de faire face aux échéances du plan de continuation. Elle soutient que la société VRP a réussi à maintenir un chiffre d'affaires minimum grâce à deux de ses clients qui lui ont proposé de venir traiter leurs palettes sur place, mais qu'elle a perdu toutes ses affaires avec ses autres clients et n'a pu en trouver de nouveaux, de sorte que l'intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement déféré sur ce point.

Aux termes des dispositions de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2016 applicable à l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l'exécution de celle-ci. Il appartient par ailleurs au créancier de l'obligation inexécutée de rapporter la preuve de l'inexécution, de son dommage et du lien de causalité qui existe entre les deux.

Aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur a, notamment, l'obligation de délivrer la chose objet du bail au preneur et de lui en assurer la jouissance paisible tout au long de la durée du contrat. Le bailleur n'est libéré de son obligation que s'il rapporte la preuve qu'il a été mis fin au contrat de bail conformément aux dispositions légales ou que le bail a été valablement cédé à un autre locataire.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le 17 août 2018, M. [K] [D] a fait installer un portail cadenassé à l'entrée de la parcelle objet du contrat de bail en cause, dont il était seul à détenir la clé, privant ainsi totalement la preneuse du lieu d'exploitation de son activité. Il est également avéré par les pièces versées aux débats, que M. [D] continuait à accéder aux lieux loués pour les besoins de la réalisation de ses propres travaux. Il n'est également pas contesté que malgré la remise des clés du cadenas le 18 octobre 2018 par le bailleur au représentant de la preneuse, suite aux injonctions sous astreinte délivrées par plusieurs ordonnances de référé à l'encontre du bailleur, les lieux se trouvaient toujours inexploitables à défaut de toute alimentation électrique de ces derniers. Il faudra attendre le 9 décembre 2019 pour que le courant et les câblages électriques soient réinstallés par le bailleur.

C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que M. [K] [D] avait opéré une reprise totale des lieux loués pour la période allant du 17 août 2018 au 9 décembre 2019. C'est également à bon droit que le premier juge a considéré qu'il y avait lieu de réparer le préjudice économique subi par la preneuse du fait de la violation, par le bailleur, de ses obligations de délivrance et d'entretien.

C'est en outre par motifs détaillés auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, que le premier juge a considéré que la société VRP avait démontré avoir, du fait de la privation de la jouissance des locaux loués, subi la perte d'une partie de ses clients réguliers, représentant un préjudice économique estimé à juste titre à la somme de 21.850 euros pour l'année 2018 et 9.012,77 euros pour l'année 2019, et a ainsi condamné M. [K] [D] à indemniser la société VRP à hauteur de 30.862,77 euros à ce titre.

Il sera simplement précisé que le bailleur ne verse pas aux débats de pièces susceptibles de prouver que la société VRP aurait mis ses salariés à disposition d'autres entreprises durant ladite période, et ne prouve pas plus en quoi les retraits de fortes sommes d'argent liquide, qui apparaissent bien sur les relevés de compte de la preneuse, ou la mise en 'uvre par le juge-commissaire d'une procédure en vérification des créances antérieures, seraient des éléments de nature à amoindrir le préjudice économique subi par la preneuse.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de remboursement des travaux de rénovation de la toiture

L'appelant expose qu'un incendie s'est déclaré en 2013 dans les locaux exploités à l'époque par la société DSA Emballages et a causé la nécessité de réparer une partie de la toiture, qu'il appartenait à ladite société DSA Emballages de réparer à défaut d'être assurée. Il soutient qu'au demeurant, les travaux chiffrés par l'assureur s'élevaient non pas à 4.000 euros mais bien à 95.931 euros, et que la société VRP s'est acquittée de cette facture sans réserve, car elle procédait d'un accord entre l'appelant et M. [H], le gérant de ladite société, frappé d'une procédure de faillite personnelle, lequel serait par ailleurs le gérant de fait de la société VRP.

Pour sa part, l'intimée admet que lorsque l'appelant a loué les locaux objet du présent litige à la société VRP, la toiture avait été préalablement détruite du fait d'un incendie survenu en juillet 2013, mais dont la société VRP ne saurait être tenue comme responsable. Elle soutient donc qu'il s'agit d'un manquement aux dispositions de l'article 1720 du code civil et qu'en demandant au locataire de prendre à sa charge les frais de réparation de la toiture, l'appelant n'a pas respecté les dispositions du bail, étant précisé qu'il n'est en outre pas rapporté la preuve que l'incendie serait intervenu du fait de la société DSA Emballages, qui n'est d'ailleurs pas partie à la cause.

Aux termes des articles 1719 du code civil précité, le bailleur a notamment l'obligation de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir celle-ci en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et de lui en assurer la jouissance paisible tout au long de la durée du contrat.

En outre, selon l'article 5 du contrat de bail conclu le 1er janvier 2014 entre les parties, le bailleur est tenu de l'exécution des grosses réparations définies à l'article 606 du code civil, lesquelles concernent notamment les voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

En l'espèce, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en considérant que les travaux en question relevaient des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil et devaient en conséquence être mis à la charge du bailleur en application de l'article 5 du bail, de sorte qu'il convenait de condamner M. [K] [D] à payer à la société VRP prise ne la personne de son liquidateur judiciaire, la somme de 4.000 euros.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

Succombant en ses prétentions, Monsieur [K] [D] sera condamné à payer à la société VRP prise en la personne de Maître [L] [C], es-qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'appel.

Les demandes de Monsieur [K] [D] seront donc rejetées sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux le 4 mars 2021 (RG 18/02084) en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts dus au titre de la reprise partielle des lieux par Monsieur [K] [D] du mois d'avril 2016 au 17 août 2018 ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne Monsieur [K] [D] à payer à la société [Localité 6] Réparation de Palettes prise en la personne de Maître [L] [C] es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 8.850 euros à titre de dommages-intérêts dus au titre de la reprise partielle des lieux par Monsieur [K] [D] du mois d'avril 2016 au 17 août 2018 ;

Déboute Monsieur [K] [D] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [K] [D] à payer à la société [Localité 6] Réparation de Palettes, prise en la personne de Maître [L] [C] es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.

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