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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 7 mai 2025, n° 22/01975

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

M. Seitz, M. Gauthier

Avocats :

SELARL DPG, Me Bos-Degrange

TJ Lyon, du 30 mars 2021, n° 14/00017

30 mars 2021

Selon bail commercial sous seing privé du 21novembre 1986, M. et Mme [N] ont donné en location à M. [P] et [R] un immeuble de quatre étages sis [Adresse 6], à usage d'hôtel de tourisme et habitation personnelle.

Ce bail a été consenti pour une période de 9 ans courant à compter du 24 juin 1982, contre paiement d'un loyer annuel annuel de 63.750 francs.

Les parties au contrat ont conclu le 11 décembre 1991 un nouveau bail commercial portant sur les mêmes locaux, consenti pour une durée de 9 ans courant à compter du 24 juin 1991, contre paiement d'un loyer annuel de 84.772 francs, soit 12.923,45 euros hors taxes et hors charges.

Ce second contrat s'est poursuivi par tacite reconduction jusqu'à la signification, selon acte extra-judiciaire du 14 janvier 2004, d'une demande de renouvellement pour une nouvelle péridoe de 9 ans à compter du 15 juillet 2004.

Le bail a alors été reconduit pour une nouvelle période de 9 ans contre paiement d'un loyer annuel hors taxes et hors charges de 15.268,44 euros, résultant de l'indexation du loyer initial.

Selon acte du 12 février 2007, M. [R] a cédé le fonds de commerce à M. [P], qui est demeuré seul exploitant.

Par acte extra-judiciaire du 27 décembre 2012, la société civile immobilière [A], venant aux droits des consorts [N], a dénoncé ledit bail pour son échéance au 14 juillet 2013, en offrant le renouvellement à compter du 15 juillet 2013, aux prix annuel de 77.600 euros.

Par assignation du 16 avril 2014, faisant suite à mémoire préalable du 26 février 2014, M. [P] a saisi le juge des loyers du tribunal de grande instance de Lyon en fixation du loyer du bail renouvellé au prix contractuel indexé.

Par jugement avant-dire-droit du 12 novembre 2014, le juge des loyers a commis M. [M] en qualité d'expert avec mission de :

- visiter les locaux loués à M. [S] [P], les décrire et préciser les équipements spécifiques dont ils disposent pour l'activité hôtelière,

- donner tous les éléments permettant d'apprécier s'ils peuvent être affectés à un autre usage et les travaux que peut nécessiter une telle affectation,

- vérifier les éléments permettant de déterminer la valeur locative des locaux au 15 juillet 2013, en fonction des usages pratiqués dans la branche d'activité hôtelière,

- recueillir les dires et observations des parties sur ses investigations et y répondre.

Selon acte authentique reçu le 11 février 2019, M. [P] a cédé son fonds de commerce à la société Hôtel Neptune.

Par ordonnance du 29 mai 2019, M. [Z] a été commis en qualité d'expert aux lieu et place de M. [M]. L'expert a déposé son rapport le 19 février 2020.

Par jugement du 30 mars 2021, le juge des loyers a :

- dit que les locaux donnés à bail à Monsieur [P] par la société [A] son monovalents et qu'ils échappent alors à la règle du plafonnement ;

- fixé à la somme de 46'900 euros hors taxes et hors charges (le loyer du bail n'étant pas assujetti à la TVA) le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 15 juillet 2013, avec intérêts au taux légal sur chaque échéance d'arriéré, conformément aux dispositions de l'article 1155 du Code civil et capitalisé selon les modalités de l'article 1154 du même code;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, en sont inclus l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision ;

- fait masse des dépens et dits qu'ils seront supportés par moitié par chacune des deux parties.

M. [P] a relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 07 avril 2021.

Par ordonnance du 18 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire, en l'absence d'exécution par l'appelant de la décision de première instance.

Tirant les conséquences de cette décision, M. [P] a exécuté le jugement frappé d'appel et l'affaire a été portée derechef au rôle des instances en cours.

Aux termes de ses conclusions déposées le 23 juin 2021, M. [P] demande à la cour, au visa des articles 276 et 455 du code de procédure civile et des articles L. 145-34, L. 145-36 et R. 145-10 du code de commerce, de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [F] [Z] du 19 février 2020,

- constater que les lieux loués concernent une partie d'immeuble, lequel n'a pas été construit en vue d'une seule utilisation,

- dire et juger que l'aménagement des locaux loués à usage d'hôtel fera accession, le cas échéant, au bailleur en cas de cessation de ce commerce, soit en fin de jouissance, ce qui interdit toute monovalence par accession au 15 juillet 2013,

- dire et juger subsidiairement, s'il devait y avoir accession des aménagements, que les lieux loués ne peuvent être qualifiés de 'monovalents' en l'absence d'aménagements spécifiques et structurels dont l'enlèvement justifierait des tavaux importants et onéreux,

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré sans motif, ni analyse des moyens du preneur 'que le caractère de monovalence de ces locaux est avéré',

- réformer le jugement en ce qu'il a fixé la valeur locative à la somme de 46.900 euros hors taxes et hors charges par an, au 15 juillet 2013, en application de l'article R. 145-10 du code de commerce suivant la méthode dite hôtelière,

- dire et juger que le loyer de renouvellement doit être fixé au prix contractuel indexé suivant la variation de l'indice du coût de la construction,

- fixer à la somme de 21.162,41 euros par an, en principal, le loyer du bail renouvel entre les parties au 15 juillet 2013, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,

- condamner la société [A] à lui verser une indemnité de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées le 31 août 2021, la société [A] demande à la cour, au visa des articles 75 et 564 du code de procédure, de l'article R.145-31 du code de commerce, des dispositions 'des articles L.145-36 prises en application de l'article R. 145-10 du code de commerce' (sic) et de celles de l'article 1154 du code civil (applicable aux faits et à la date du congé avec offre de renouvellement et à la date du bail renouvelé, le 15 juillet 2013, de :

- rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise sollicitée par M. [P], la dire, irrecevable et non fondée

En conséquence :

- dire l'appel recevable mais non fondé, en ce qui concerne la contestation de la monovalence des locaux donnés à bail à M. [P],

- fixer le montant annuel du loyer du bail renouvelé au 15 juillet 2013, à 46.900 euros HT/HC, le loyer du bail des locaux en objet est pas assujetti à la TVA,

- condamner M. [S] [P] à lui verser en outre la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance, comprenant entre autres, les frais d'expertise judiciaire.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 27 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 19 juin 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 14 novembre 2024. Le délibéré a été prorogé au 07 mai 2025.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise :

Vu les articles 112 et 175 du code de procédure civile ;

M. [P] soutient que l'expert ne s'est pas prononcé sur les chefs de mission tenant à :

- l'indication des équipements spécifiques dont disposent les locaux pour l'activité hôtelière,

- l'indication des éléments permettant d'apprécier si ces locaux peuvent être affectés à un autre usage et l'indication, le cas échéant des travaux que peut nécessiter une telle affectation.

Il lui reproche également de s'être prononcé sur le caractère monovalent du local en dehors de tout chef de mission.

Il ajoute que l'expert n'a pas répondu à la sollicitation du conseil du bailleur ensuite de son pré-rapport.

Il lui reproche enfin de n'avoir pas répondu aux observations de son propre conseil et d'avoir interrogé le magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise sur la difficulté posée par ces observations, sans suspendre le délai accordé pour les dires, en violation de l'article 276 du code de procédure civile.

Il considère que le rapport d'expertise mérite en conséquence l'annulation.

La société [A] réplique, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, que la demande d'annulation du rapport d'expertise est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

Elle ajoute que cette demande est également irrecevable pour n'avoir pas été soulevée avant toute défense au fond, en application de l'article 175 du code de procédure civile, renvoyant au régime applicable aux exceptions de procédure.

Sur ce :

En application de l'article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

En vertu de l'article 112 du même code, la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.

Il est constant en l'espèce que M. [P] n'a pas conclu à la nullité du rapport d'expertise devant le premier juge, mais a saisi ce magistrat d'une défense au fond, tenant à l'absence de monovalence des locaux pris à bail.

Il s'ensuit que les irrégularités de la procédure d'expertise invoquées par M. [P] à l'appui de sa demande sont couvertes par la défense au fond élevée devant le premier juge et que sa prétention s'en trouve irrecevable.

Sur le caractère monovalent du local commercial :

Vu l'article L 145-36 du code de commerce ;

Vu l'article R. 145-10 du même code ;

M. [P] fait valoir que le caractère monovalent d'un local commercial se déduit :

- de sa construction en vue d'une seule utilisation (monovalence par construction),

- de son aménagement en vue d'une seule utilisation et de l'impossibilité de l'affecter à un autre usage sans réaliser d'importants investissements (monovalence par aménagement).

Il considère y avoir lieu d'écarter la monovalence par construction, en rappelant que l'immeuble litigieux a été construit au XIXème siècle pour abriter différents commerces en rez-de-chaussée et des logements aux étages.

Il ajoute que le bailleur ne bénéficie de la monovalence par aménagement qu'à la condition que les aménagements réalisés par le preneur soient devenus sa propriété par voie d'accession. Il explique que cette condition fait défaut au cas d'espèce, le bail commercial conditionnant l'accession des aménagements au bailleur à la cessation de l'activité hôtelière.

Il soutient également que la monovalence par aménagement suppose :

- que les aménagements considérés soient spécifiques à une activité et revêtent un caractère structurel lourd,

- que les travaux nécessaires à un changement d'affectation revêtent également un caractère structurel. Elle considère que le rapport d'expertise ne permet nullement de caractériser la réunion de ces différentes conditions.

Il affirme, au visa d'un rapport d'expertise privé établi par M. [O], que les locaux litigieux peuvent être convertis à un usage de bureaux ou d'habitation sans modification lourde et structurelle des lieux.

Il conclut en conséquence au caractère polyvalent des locaux commerciaux.

La société [A] réplique que la clause invoquée par M. [P] pour dénier l'accession des aménagements au bailleur concerne en réalité l'obligation de remise en état en fin d'occupation.

Elle ajoute que les aménagements réalisés afin de permettre l'activité hôtelière ont été réalisés entre 1941 et 1992 et préexistent à la conclusion du contrat de bail. Elle considère en conséquence que M. [P] ne peut se prévaloir de l'absence d'accession au bailleur de ces aménagements pour dénier la monovalence des locaux.

L'intimée soutient en second lieu que le rapport d'expertise privé de M. [O] n'est pas contradictoire et qu'il n'est étayé par aucun devis de nature à donner foi aux affirmations de cet expert relatives à la modestie des travaux nécessaires à un changement d'affectation.

Elle explique qu'il ressort au contraire des devis communiqués par ses soins à l'expert judiciaire que le changement d'affectation en vue de l'usage de bureau ou d'habitation nécessite des investissements s'établissant à plus de 1.600.000 euros. Elle plaide en conséquence que l'importance des investissements et l'ampleur des travaux nécessaires à la banalisation des locaux litigieux postule leur monovalence.

Elle se prévaut en dernier lieu :

- de ce que l'affectation hôtelière est monovalente par nature,

- de que l'ancienneté de cette affectation justifie également le caractère monovalent.

Sur ce :

En application de l'article L. 145-36 du code de commerce, les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

En vertu de l'article R. 145-10 du même code, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Doit être considéré monovalent (susceptible d'une seule utilisation au sens des dispositions susmentionnées) le local ayant fait l'objet d'aménagements spécifiques permettant un seul type d'exploitation et ne pouvant être affecté à un autre usage commercial sans réalisation de travaux importants et coûteux.

Il n'importe pas à cet égard que les aménagements considérés aient été réalisés à la construction de l'immeuble ou ultérieurement, à la condition toutefois qu'ils soient la propriété du bailleur, fût-ce le cas échéant par voie d'accession, à la date de fixation du loyer commercial.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les lieux pris à bail sont situés aux quatre étages de l'immeuble sur rue de la copropriété du [Adresse 1] et qu'ils sont exploités comme hôtel non classé, de type hôtel de préfecture. Ces locaux sont accessibles depuis l'unique entrée sur rue de la copropriété et les quatre étages sont desservis par un escalier, en l'absence d'ascenceur.

L'expert judiciaire a précisé que la configuration des lieux était la suivante :

- au premier étage : un couloir comprenant des équipements à usage de la clientèle (réfrigérateur, télévision, machine à café, etc.) et desservant la réception ouverte sur l'appartement personnel du preneur à bail, outre 6 chambres avec sanitaires communs (dont 1 collective et 5 doubles) et une chambre aveugle à l'usage de buanderie/réserve,

- au deuxième étage : un couloir desservant 9 chambres (dont 2 collectives et 7 doubles), 1 chambre non louée réservée à la femme de ménage, des sanitaires communs et une douche,

- au troisième étage : un couloir desservant 9 chambres (dont 4 collectives et 5 doubles) et un placard,

- au quatrième étage, sous les combles : un couloir desservant neuf chambres (dont 6 simples, 2 collectives et 1 double).

L'expert judiciaire a ajouté qu'en dépit de quelques travaux de rafraîchissement réalisés dans les chambres au cours des années précédant les accedits mais postérieurement à la date de référence, ces chambres étaient dépourvues de tout élément de confort, en rappelant que les sanitaires et la douche présent au premier et au second étage étaient communs.

Il a précisé que l'ensemble nécessitait d'importants travaux de rénovation, résultant d'une nécessaire mis aux normes (système électrique, zinguerie etc...).

Aux termes d'un rapport privé établi sur demande de la société [A], la société M-Tech a confirmé la necessité d'opérer des travaux de rénovation et de transformation, en détaillant la nature de ces travaux selon l'usage attendu des locaux.

Il résulte des photographies jointes à ces rapports que l'exiguité des pièces et l'état de vétusté des locaux font obstacle à tout usage de bureaux sans rénovation et redistribution des cloisons.

Il ressort par ailleurs du rapport M-Tech que l'exploitation à usage de bureau nécessite une mise aux normes des accès, la réfection des niveaux pour la réalisation des plateaux, la création de cloisons et blocs portent coupe-feu, la mise aux normes de l'installation électrique, la redistribution des espaces pour répondre aux normes administratives afférentes à l'espace minimal de travail par salarié, ainsi que l'installation d'une ventilation avec VMC et d'un ascenceur. La société M-Tech a chiffré le coût des travaux correspondants à 1.613.040 euros TTC.

Le fait que les différentes pièces ne communiquent pas entre elles, qu'elles donnent sur un couloir commun et qu'il n'existe que deux ensembles de douches et sanitaires communs pour 4 étages fait obstacle à ce que les locaux soient affectés à l'usage d'habitation dans leur configuration actuelle.

En outre, il résulte du rapport M-Tech que l'exploitation à usage d'habitation nécessite une mise aux normes de l'ensemble du système électrique sur 4 étages, le curage des plateaux et la redistribution des cloisons en vue de la création de logements, la mise en oeuvre de cloisons intérieures coupe-feu et isolées phoniquement, la création de gaines et de placards techniques pour le passage des différents conduits (électricité, eau, évacuations), la mise en place de blocs portes palières coupe-feu, la mise en oeuvre de carrelages dans les pièces humides, et de parquets dans les pièces à vivre. La société M-Tech a chiffré le coût des travaux correspondants à 1.630.200 euros TTC.

La cour ajoute que l'usage d'habitation nécessite également la mise en place d'une douche et de toilettes dans chacun des logements (12 au total) et la reconfiguration corrélative des réseaux de distribution d'eau et d'évacuation.

Ces éléments permettent d'écarter l'analyse de l'expert privé [O], selon laquelle la conversion des locaux à l'usage de bureaux ou d'habitations ne nécessiterait que des travaux de petite rénovation et de redistribution des cloisons, avec enlèvement ou adjonction de quelques douches selon le cas. Ils établissent au contraire :

- que les locaux ne peuvent servir, en leur état contemporain du rapport d'expertise, à d'autre usage que celui d'hôtel de préfecture auquel ils se trouvent affectés de par leur aménagement spécifique,

- que leur conversion à l'usage de bureaux nécessitera des travaux étendus et fort couteux, affectant la structure de l'immeuble, s'agissant de l'installation de gaines et conduits verticaux sur plusieurs étages, de la redistribution des réseaux de distribution et d'évacuation d'eau ou l'installation d'un ascenceur.

Les conditions de la monovalence se trouvent donc réunies au cas d'espèce.

L'affirmation selon laquelle les locaux sont affectés à l'exploitation hôtelière depuis 1941 n'est pas contredite par l'appelant et celui-ci ne démontre aucunement que les aménagements spécifiques à cette exploitation ont été réalisés durant le temps de son occupation, plutôt qu'en amont de celle-ci.

M. [P] ne peut en conséquence se prévaloir de la clause insérée aux baux de 1982 et 1991, selon laquelle 'en cas de cessation de commerce de l'hôtel, le locataire des lieux à ce moment sera tenu de rendre les locaux dans l'état indiqué sur l'état de lieux dont il est fait mention plus haut, à moins qu'à ce moment-là intervienne une entente avec le propriétaires pour l'acceptation et la conservation des lieux transformés' pour soutenir que les aménagements ne seraient point encore la propriété de la société [A], en l'absence d'accession au bailleur.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a retenu le caractère monovalent des locaux litigieux.

Sur la fixation du loyer commercial :

Vu l'article L 145-36 du code de commerce ;

Vu l'article R. 145-10 du même code ;

M. [P] fait valoir qu'en l'absence de monovalence des locaux et de modification substantielle des facteurs locaux de commercialité, le plafonnement du loyer commercial prévu à l'article L. 145-34 du code de commerce a vocation à s'appliquer. Il conclut en conséquence à la fixation du loyer annuel à la somme de 21.162,41 euros.

La société [A] réplique que la monovalence des locaux postule le déplafonnement du loyer et commande de fixer celui-ci en considération de la méthode hôtelière appliquée par l'expert judiciaire et validée par le juge des loyers commerciaux.

Elle ajoute qu'à considérer les locaux polyvalents, le loyer résultant de l'application de la clause de révision s'élèverait à 25.226,79 euros hors taxes et hors charges.

Sur ce :

En vertu de l'article R. 145-10 du même code, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Tel est le cas de locaux de caractère monovalent affectés à l'exploitation hôtelière, pour lesquels le loyer se détermine en fonction d'une méthode dite hôtelière définie par l'usage et la jurisprudence.

L'expert judiciaire a appliqué cette méthode pour parvenir à l'estimation d'un loyer annuel de 46.900 euros hors taxes et hors charges et M. [P] ne conteste pas le choix de la méthode hôtelière non plus que les paramètres pris en compte par l'expert pour aboutir à son estimation.

La cour adopte en conséquence les motifs par lesquels le premier juge a écarté la règle du plafonnement des loyers commerciaux et validé l'estimation expertale réalisée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;

M. [P] succombe à l'instance d'appel. En l'absence d'appel incident formé par la société [A] relativement aux frais irrépétibles et dépens de première instance, la cour ne peut cependant aggraver la situation de l'appelante sur la foi de son appel. Il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance, en ce inclus les frais d'expertise judiciaire, et de condamner M. [P] à supporter les dépens de l'instance d'appel.

L'équité commande de condamner M. [P] à payer à la société [A] la somme de 4.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour et de rejeter sa propre demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé en dernier ressort,

- Confirme le jugement prononcé le 30 mars 2021 entre les parties par le juge des loyers commerciaux de [Localité 7] sous le numéro RG 14/00017 ;

Y ajoutant :

- Condamne M. [S] [P] aux dépens de l'instance d'appel ;

- Condamne M. [S] [P] à payer à la société [A] la somme de 4.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de l'instance d'appel et rejette sa propre demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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