Livv
Décisions

CA Grenoble, ch. com., 15 mai 2025, n° 24/00305

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 24/00305

15 mai 2025

N° RG 24/00305 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MDBS

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Déborah PERCONTE

la SELARL FAYOL AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 15 MAI 2025

Appel d'un jugement (N° RG 22/00862)

rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 12]

en date du 12 décembre 2023

suivant déclaration d'appel du 11 janvier 2024

APPELANTE :

S.A.S. FRAUNIE PLANTS au capital de 47.400 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montauban sous le numéro 347 647 695, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Déborah PERCONTE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me BLANC-DURAND, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A. HM CLAUSE au capital de 10.061.492,50 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de ROMANS sous le numéro 435 480 546, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 9]

[Localité 1]

représentée et plaidant par Me Jacob KUDELKO de la SELARL FAYOL AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 février 2025, Mme FAIVRE, Conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE

La société HM Clause exerce une activité de recherche, production et commercialisation de semences potagères et florales.

La société [Z] Plants exerce une activité de production de plants maraîchers, de melons, de racines et de tubercules et consacre une partie de son activité au greffage de plants de melon.

Afin de réaliser son activité, la société [Z] Plants se procure des semences de porte-greffes auprès des fournisseurs dominants sur le marché, et notamment la société HM Clause.

Par ailleurs, une partie de son activité consiste à faire germer des graines fournies par ses clients et à leur revendre le plant viable pour la production horticole a posteriori. Ce procédé est dit à « graines fournies » (GF).

A ce titre, elle a fait l'acquisition au cours de l'année 2019, de semences de porte-greffes de melon d'une nouvelle variété dénommée « Vigus » ou « CLX PG274 ».

La société [Z] Plants s'est plainte de ce que des portes-greffe Vigus étaient défectueux et a fait dresser plusieurs constats d'huissier le 26 mars 2019, le 29 mars 2019 et le 12 avril 2019 et a bloqué le paiement des factures émises pour la somme de 91.682,99 euros. Un protocole d'accord a été régularisé entre les parties le 24 octobre 2019 pour mettre un terme à leur différend en exécution duquel, la société HM Clause a émis un avoir d'un montant de 55.000 euros à l'égard de la société [Z] Plants, laquelle s'est engagée à payer à la société HM Clause la somme de 36.682,99 euros correspondant entre le montant des factures bloquées et l'avoir émis par cette dernière.

En 2020, la société [Z] a semé des graines de porte-greffes Vigus.

Le 17 février 2020 la société HM Clause a adressé à la société [Z] Plants un courrier recommandé aux fins de paiement d'une somme de 102.392 euros au titre des commandes passées, faisant état de ce que le protocole n'était pas signé par la société [Z] Plants.

Se plaignant à nouveau de la défectuosité des semences de porte-greffe Vigus, la société [Z] a fait dresser un constat d'huissier les 5 et 13 mars 2020.

Par acte d'huissier du 15 mars 2022, la société [Z] Plants a fait délivrer assignation à la société HM Clause devant le tribunal judiciaire de Valence aux fins de voir :

- juger que la responsabilité de la société HM Clause est engagée à l'égard de la société [Z] Plants sur le fondement de la garantie des vices cachés et ou de la garantie des produits défectueux et ou de la responsabilité délictuelle,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 61.185.74 euros à titre d'indemnisation de ses pertes d'exploitation pour l'année 2020,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 72.055.98 euros à titre d'indemnisation des surcoûts en main d''uvre subis en 2020,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 57.695.54 euros à titre d'indemnisation de son manque à gagner net sur l'année 2021,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 288.777 euros au titre d'indemnisation de son préjudice moral et de sa perte de clientèle,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société HM Clause aux entiers dépens.

Par jugement du 12 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Valence a :

- débouté la société [Z] Plants de l'intégralité de ses fins et prétentions,

- condamné la société [Z] Plants à payer à la société HM Clause la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [Z] Plants aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 janvier 2024, la société [Z] Plants a interjeté appel de ce jugement.

Prétentions et moyens de la société [Z] Plants:

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 4 décembre 2024, la société [Z] [Localité 8], demande à la cour au visa des articles 1641 et suivants, subsidiairement des articles 1245 et suivants, et encore plus subsidiairement des articles 1240 et 1604 du code civil de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Valence en date du 12 décembre 2023 en tant qu'il a méconnu le principe de liberté de la preuve,

- infirmer le jugement en tant qu'il a écarté la responsabilité de la société HM Clause, et par conséquent,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 98.234,69 euros au titre d'indemnisation de ses pertes d'exploitation pour l'année 2020,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 145.538,41 euros à titre d'indemnisation des surcoûts en main d''uvre subis en 2020,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 53.406,46 euros à titre d'indemnisation de son manque à gagner net sur les années 2021 et 2022, - condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 160.219,38 euros, à titre d'indemnisation du préjudice résultant pour elle de l'atteinte à son image et à sa réputation,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamner la société HM Clause à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société HM Clause aux entiers dépens.

Pour justifier de l'impossibilité et de l'inutilité d'une expertise judiciaire, elle indique que :

- cette expertise n'était matériellement plus réalisable dès lors que la société HM Clause a cessé, dès 2022, la production et la commercialisation des semences de Vigus en France et que si l'intimée prétend que cette variété est encore commercialisée sans difficulté en Italie, elle n'en apporte toutefois pas la preuve,

- il aurait été techniquement impossible d'organiser cette expertise dans des conditions garantissant l'impartialité des résultats, alors que les opérations de greffage, et la culture qui en résulte, sont d'une technicité extrême, que très peu de professionnels savent maîtriser.

Elle fait grief au jugement déféré, d'avoir méconnu le principe de la liberté de la preuve résultant de l'article 1358 du code civil lequel dispose que « hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être rapportée par tout moyen » en lui reprochant ne pas avoir diligenté d'expertise judiciaire et d'avoir retenu que l'expertise de M. [P], non contradictoire effectuée en 2022 ne saurait valoir un quelconque début de preuve de la défectuosité des porte-plants Vigus puisque la technique de greffage n'a pas été réalisée sur ce produit, alors que:

- cette expertise non contradictoire n'en constitue pas moins un commencement de preuve mobilisable par le juge, comme cela résulte de l'arrêt du 13 septembre 2018 (Cass, Civ 2ème, 13 septembre 2018 n°17-20.099) et que cette expertise a été réalisée par un expert agréé auprès de la cour d'appel de Toulouse, ingénieur de formation auprès de l'Ecole [11], lesquels experts judiciaires sont soumis à une obligation d'indépendance et de compétence nécessaire à l'exercice de leur mission judiciaire d'expertise,

- cet expert, après avoir observé son greffage sur des plants de melon de différentes variétés, qui n'étaient effectivement pas des portes-greffe Vigus, a constaté un taux de réussite du greffage de 100% huit jours après sa première visite

- cette expertise a eu lieu le 28 avril 2022, et a porté sur des melons de variétés Arum et Bornéo, greffés sur des portes-greffes des variétés Dinero et Magnus et si le tribunal reproche à la société [Z] Plants le fait que « la technique de greffage n'a pas été réalisée sur ce produit », il omet de prendre en considération le fait que la variété 'Vigus' avait déjà été retirée du marché par la société HM Clause en 2022, excluant la possibilité de réaliser une analyse portant sur un porte-greffe 'Vigus',

- ce rapport permet donc de prouver qu'elle maîtrise parfaitement la technique du greffage de melon sur melon, avec et sans bouturage, et il en découle que la mortalité des plants greffés sur Vigus ne peut être imputée à sa technique ou à ses compétences, dès lors que réalisant ces mêmes tests sur des portes-greffes d'autres variétés, la totalité des plants a bien pris,

- cette expertise, qui constitue donc un commencement de preuve, a en outre été complétée par de nombreux constats d'huissiers, lesquels portent précisément sur la culture litigieuse de 'Vigus' en 2020, soit :

* un constat d'huissier les 5 et 13 mars 2020 réalisé sur le site de [Localité 7] à [Localité 10] qui a ainsi constaté que les plants greffés sur d'autres variétés que les portes-greffes 'Vigus' (variété Magnus) étaient en bon état alors que les plants greffés sur porte-greffes 'Vigus' étaient beaucoup moins vivaces, avec des feuilles de couleur vert clair, voire jaune, voire encore séchées, lorsque le porte-greffe est un Magnus, l'huissier ayant calculé un taux d'échec de 0,6%, tandis que lorsque le porte-greffe est un Vigus, l'huissier a calculé un taux d'échec allant de 26,5% à 67%,

* un constat d'huissier dressé le 12 mars 2020, une journée après qu'elle a livré des plants à l'exploitation de M. et Mme [E] qui a observé, à chaque fois, que les plants de melon Arpon greffés sur Vigus avaient des feuilles tâchées, par endroits déchirées et des traces blanches, ou encore que les feuilles étaient crispées, déchirées ou nécrosées avec des tâches marrons et blanches,

* les constats d'huissier dressés les 16 et 17 mars 2020 au sein de l'exploitation La Petite Rouquette témoignent de la très mauvaise santé des plants de melon Gecko greffés sur 'Vigus',

- elle a donc versé de nombreuses pièces démontrant, d'une part, que les plants greffés sur 'Vigus' n'étaient pas viables et, d'autre part, que ni son professionnalisme, ni les conditions climatiques, sanitaires ou météorologiques n'ont pu être à l'origine de la forte mortalité des porte-greffes Vigus.

Elle fait grief au jugement déféré d'avoir statué infra petita en retenant l'absence de vice caché du fait de l'absence de démonstration d'un vice intrinsèque affectant les plans de melons, alors qu'elle fondait également ses demandes sur le défaut de délivrance conforme et la responsabilité du fait des produits défectueux.

Au soutien de sa demande fondée sur la garantie des vices cachés, elle expose que :

- c'est par une erreur de droit que le tribunal a jugé qu'aucun élément ne permet de déterminer les portes-greffes défectueux vendus directement, de nature à fonder son action sur la garantie des vices cachés, alors que:

* l'action directe en garantie des vices cachés est accessoire à la chose vendue et est transférée aux différents acquéreurs et sous-acquéreurs, comme cela résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass. Civ. 3 ème, 16 novembre 2005 ; Cass. Com., 22 mai 2012, 11-18.125),

* ainsi que l'a relevé le tribunal, les portes-greffes défectueux 'Vigus' ont été vendus soit directement à elle, soit à des maraîchers qui les lui ont confiés pour l'opération de greffage,

* elle était liée par un contrat de vente avec ses clients maraîchers, tandis que ces derniers étaient également liés par un contrat de vente avec la société HM Clause, les semences étant livrées soit directement par la société HM Clause, soit par un de ses distributeurs, la société Prioron,

* par ce contrat de vente au terme duquel les clients maraîchers lui confient les semences, à charge pour elle de livrer des plants viables, la propriété des semences Vigus a été transférée et c'est elle qui assume le risque de leur perte et subit les conséquences de celle- ci, le cas échéant,

* dans ce contexte, en application de la théorie de l'accessoire, les droits attachés au contrat de vente ont également été transférés et cette chaîne de contrats a donc été translative de propriété ce qui permet de fonder une action en garantie des vices cachés,

* en application de la jurisprudence relative aux relations contractuelles entre semencier et producteur de plants, (Cass. Com, 22/05/2012, n° 11-18.125), elle dispose d'une action directe contre le semencier, la société HM Clause, en garantie ou en responsabilité,

* elle a également acquis la propriété des portes-greffes grâce au droit d'accession inscrit à l'article 546 du code civil, puisque par l'union des portes-greffes aux greffons, plants de melon, elle a acquis la propriété du plant tout entier,

* il résulte de ses conditions générales de vente qu'elle est propriétaire des plants greffés, lesquels contiennent le porte-greffe incorporé, et ce jusqu'au paiement complet par ses clients,

- cette garantie suppose un vice caché et à ce titre, il est de jurisprudence constante que les vendeurs professionnels sont tenus de connaître les vices affectant la chose vendue (Cour de cassation, 25 janvier 2005, n°01-13.958) et un tel principe a déjà été mis en 'uvre dans le domaine des semences (Cour de cassation, 25 janvier 2005, n° 01-13.958),

- la société HM Clause est un vendeur professionnel, spécialisé dans la vente de semences depuis 1954, donc en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, elle était dès lors tenue de connaître le vice affectant ses semences, et particulièrement ses semences de portes-greffes 'Vigus',

- le vice affectant les semences de Vigus ne peut qu'être antérieur à la vente, puisqu'il ne peut être déduit d'un élément extérieur ou d'une quelconque faute de sa part, dès lors qu'elle à une parfaite maîtrise des méthodes de préparation et de plantation de l'agriculteur, qu'elle a développé une méthode de greffage qui a porté ses fruits depuis maintenant plus de 20 ans, qu'elle jouit d'une belle notoriété et n'a jamais eu à faire face, par le passé, à des pertes de plants telles que celles résultant de l'utilisation des portes-greffes 'Vigus',

- la qualité de ses méthodes de production se constate aisément lorsque l'on compare l'aspect et la santé des plants greffés sur portes-greffes Vigus avec ceux des plants greffés sur d'autres variétés de portes-greffes (Magnus) et si les symptômes étaient dus à une autre cause que la déficience des Vigus (des conditions météorologiques ou des parasites par exemple), d'autres plants greffés de l'exploitation auraient également été affectés, ce qui n'a absolument pas été le cas,

- il ressort de l'expertise diligentée qu'elle maîtrise parfaitement la technique du greffage de melon, et que la mortalité des plants greffés sur 'Vigus' ne peut être imputée à sa technique ou à ses compétences dès lors que les tests réalisés sur des portes-greffes Dinero et Magnus, montrent que la totalité des plants a bien pris,

- l'intimée reconnaît elle-même son expertise et sa compétence s'agissant du greffage de plants de melon, puisqu'elle a régulièrement recours à ses services afin de procéder à des essais de pureté variétale de ses nouvelles variétés destinées à être commercialisées,

- il n'existe aucune cause extérieure aux dommages, alors que si les symptômes étaient dus à une autre cause que la déficience des 'Vigus', d'autres plants greffés de l'exploitation auraient également été affectés, tels que les plants greffés sur le porte-greffe Magnus, ce qui n'est pas le cas, puisque les constats d'huissier, assortis de leurs photos, témoignent précisément de la bonne santé des plants greffés sur Magnus,

- en réponse à l'intimée, elle indique que la manipulation du produit n'exclut pas la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation de délivrance conforme, tant que la manipulation a été faite conformément aux préconisations d'utilisation, ou à tout le moins, de façon appropriée, ce qui est le cas en l'espèce, la société HM Clause n'ayant émis aucune préconisation d'utilisation, si bien qu'à l'évidence elle n'a pas pu les méconnaître, et que par ailleurs, elle est experte de la technique de greffage et elle a manipulé les produits litigieux d'une façon tout à fait usuelle, adaptée et conforme à ses compétences, l'intimée n'apportant aucun élément contraire,

- la visite d'un expert à l'exploitation de la société [Z] a également permis de justifier du professionnalisme de ses employés et du soin apporté aux espaces de production,

- la société HM Clause lui confie le soin de réaliser des essais de pureté variétale, ce qui corrobore le fait que son expertise soit reconnue,

- le porte-greffe 'Vigus' est un « nouveau » modèle, selon les mentions figurant sur le catalogue de la société HM Clause il s'agit d'un « hybride F1 », présenté comme plus vigoureux mais dont les caractéristiques sont mal connues, car résultant d'un croisement récent entre deux lignées parentales distinctes, de sorte que son efficacité ne peut donc pas être démontrée par son temps de présence sur le marché ou son utilisation ancienne par la clientèle de la société HM Clause,

- le vice affectant les portes greffes les rends impropres à l'usage auquel ils sont destinés, dès lors que:

* l'usage pour lequel les portes-greffes ont été achetés est naturellement que le porte-greffe soit apte à recevoir un greffon de melon et permette à celui-ci de prospérer,

*à ce titre, le catalogue HM Clause indique bien que la semence 'Vigus' est un « nouveau porte-greffe melon, très vigoureux, avec un système racinaire très puissant'» et la page de présentation du porte-greffe 'Vigus' promet que celui-ci aura une très bonne aptitude au greffage,

- or le porte-greffe 'Vigus' est incapable de délivrer des plants greffés viables, comme cela résulte des constats d'huissiers,

- il ressort d'ailleurs des conclusions en réplique de l'intimée que la commercialisation du produit n'a en réalité même pas été maintenue et bien qu'elle affirme que la commercialisation du 'Vigus' aurait été arrêtée en raison d'une différence de prix de 10% par rapport au 'Magnus', elle ne présente toutefois aucune pièce à ce soutien, et l'arrêt complet de la commercialisation du produit démontre bien que celui-ci n'apportait pas de résultat satisfaisant pour les clients,

- la société HM Clause n'apporte aucune pièce, à part une expertise interne non contradictoire qui permettrait de démentir l'existence d'un vice affectant les portes-greffes Vigus.

Pour justifie de la mise en 'uvre de la garantie des produits défectueux, elle expose que :

- pour écarter ce régime, le tribunal s'est fondé sur l'absence de preuve d'une défectuosité intrinsèque, devant préexister à l'opération de greffage, alors qu'il ne s'agit pas de conditions exigibles au titre de ce régime de responsabilité,

- cette responsabilité de l'article 1245 du code civil suppose la présence d'un produit défectueux (qui peut être un produit du sol, article 1245-2), l'existence d'un dommage d'un montant supérieur à 500 euros et un lien de causalité entre le produit défectueux et le dommage,

- selon l'article 1245-3 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre,

- les semences de portes-greffes 'Vigus' sont des produits défectueux dès lors qu'ils ont causé la perte de nombreux greffons et la perte consécutive de nombreux plants maraîchers de melon,

- les semences sont des produits du sol, en ce sens qu'elles sont issues de plantes, d'arbustes, ou d'arbres, et qu'elles sont destinées à rejoindre le sol pour assurer la reproduction de ces végétaux, elles peuvent donc entrer dans le champ d'application de ce régime,

- les dommages résultant de la défectuosité des semences 'Vigus', est bien supérieur à 500 euros,

- les portes-greffes issus de ces semences ne présentaient pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, puisqu'en effet le défaut de ces portes-greffes résultait de leur inaptitude à recevoir des greffons de melon.

Pour justifier d'un défaut de délivrance conforme, elle expose que :

- l'assemblée plénière de la Cour de cassation admet que la responsabilité délictuelle peut être engagée pour une faute contractuelle en retenant que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (Ass. plén. 6 oct. 2006, n°05-13.255) et cette solution a été rappelée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation dans une décision du 13 janvier 2020 (Cass. ass. plén. n°17-19963) qui retient que « le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement »,

- or, si les porte-plants défectueux 'Vigus' ont été vendus soit directement à elle, soit à des maraîchers qui les lui ont confiés pour l'opération de greffage, cette jurisprudence de l'assemblée plénière lui permet d'engager la responsabilité délictuelle de la société HM Clause sur le fondement d'une faute contractuelle dans ses relations avec ses clients maraîchers,

- l'obligation de délivrance des articles 1604 et suivants du code civil, est une obligation de résultat (Cass, Civ. 1, 12 juin 1990, n° 88-19.318), de sorte que la seule constatation d'une différence entre ce qui est délivré et ce qui est attendu suffit à engager la responsabilité du vendeur,

- la Cour de cassation précise que l'obligation de délivrance prend en compte la destination de la chose, de sorte qu'il y a manquement lorsque le produit est inapte et impropre à l'usage auquel l'acquéreur le destine (Cass, Civ 1ère , 20 mars 1989, n°87-18.517),

- le potentiel technique d'un produit appartient ainsi au domaine de la non-conformité et par conséquent, une productivité inférieure à ce qui est attendu constitue une non-conformité (Cass, Com, 7 juillet 1998, n° 96-14.818),

- l'objet du contrat conclu avec les clients de la société HM Clause est la vente de semences de portes-greffes voués à recevoir un greffon de melon, de sorte qu'une semence de porte-greffe doit donner naissance à une plante sur laquelle il est possible de greffer un greffon, lequel va lui-même donner lieu à une plante capable de s'épanouir,

- l'aptitude d'un porte-greffe à recevoir un greffon est donc une caractéristique essentielle qui est attendue du produit et en conséquence, l'obligation de délivrance conforme exige que la société HM Clause livre des portes-greffes qui ne soient pas affectés d'un défaut entraînant la mort d'un nombre considérable de plants,

- or, les conditions générales de vente de la société HM Clause prévoit notamment:

* que le vendeur garantit à l'acheteur « une marchandise loyale, saine et marchande, et ce en l'état de la connaissance technique lors de la période de production, conformément à la réglementation et aux usages du commerce des semences »,

* que la responsabilité du vendeur pourra être retenue « partiellement ou totalement, qu'en cas de vice ou de non-conformité reconnu(e), établi(e) et dont l'action n'est pas prescrite »,

- le caractère essentiel de l'aptitude d'un porte-greffe à recevoir un greffon ressort également de la clause limitative de responsabilité contenue dans les conditions générales de vente qui précisent en effet trouver une application particulière s'agissant de « (la) faculté germinative, de (la) conformité aux résistances aux souches ou races de maladies reconnues à ce jour »,

- le catalogue de la société HM Clause indique bien que la semence 'Vigus' est un « nouveau porte-greffe melon, très vigoureux, avec un système racinaire très puissant et promet que celui-ci aura « une très bonne aptitude au greffage'»,

- le catalogue et le contrat de vente présentent ainsi clairement le porte-greffe 'Vigus', comme un produit résistant, viable et apte au greffage': il s'agit de caractéristiques légitimement attendues du porte-greffe,

- or, les plants litigieux étaient bien des 'Vigus', et il n'existe aucun doute sur leur traçabilité, puisque les numéros de lots qui lui ont été livrés soit directement par la société HM Clause, soit par la société Prioron, laquelle est le distributeur exclusif de la société HM Clause dans le Gard sont parfaitement connus (H19444 et H194445) et apparaissent sur les bons de livraison des graines, sur les factures, ainsi que sur les photographies prises par l'huissier, et que s'agissant du client [E], qui est le client ayant commandé le nombre le plus important de plants, le bon de livraison des 274.000 semences de 'Vigus' a directement été émis par la société HM Clause, et il était destiné à la société [Z], il y est inscrit que ces graines ont été fournies par le client [E],

- ces semences 'Vigus' livrées présentaient effectivement une non-conformité par rapport à ses attentes légitimes, dès lors que celles-ci ne se sont pas correctement soudées avec le scion, ce qui a entraîné la mort de nombreux plants, comme cela résulte des nombreux constats d'huissier, de sorte que l'inaptitude à recevoir des greffons est évidente,

- les portes-greffes 'Vigus' offrent donc assurément une productivité inférieure à celle qui peut légitimement être attendue et en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, cela relève bien d'un défaut de conformité (Cass. Com., 7 juillet 1998, n° 96-14.818).

Pour justifier d'un manquement de la société HM Clause à son obligation d'information et de conseil, elle expose que :

- l'obligation d'information et de conseil pesant sur le vendeur professionnel a été déduite de l'obligation de délivrance fixée aux articles 1604 et 1605 du code civil, il s'agit d'une obligation pré contractuelle, qui doit donc être communiquée avant la conclusion du contrat (Cass, Civ. 1re, 25 juin 1996, n° 94-16.702),

- selon la cour d'appel de Douai, cette obligation d'information du vendeur, s'étend aux propriétaires successifs, dès lors que cette obligation est un droit directement attaché à la chose vendue,

- en outre, le vendeur est également tenu à cette obligation d'information et de conseil envers les acheteurs professionnels lorsque la compétence de l'acheteur ne lui donne pas très précisément les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens livrés (CA de [Localité 4], 30 novembre 2017, n°15-005.74; CA de [Localité 5], 19 mai 2014, n° 313/2014) et il en va notamment ainsi lorsque le produit vendu est nouveau ou récemment commercialisé,

- de même, le vendeur de semences d'une nouvelle variété, est tenu de renseigner son client sur les conditions précises permettant d'obtenir une germination correcte des graines (Civ. 1 re , 4 mai 1994, n°32-13.377),

- le caractère nouveau d'un produit justifie à lui seul un devoir de conseil et d'information étendu du vendeur au profit d'un acquéreur professionnel, la jurisprudence a précisé l'étendue de l'obligation d'information et de conseil,

- outre, l'information sur les caractéristiques du produit, la jurisprudence considère qu'il incombe au vendeur de s'assurer de l'aptitude du produit à répondre aux besoins de l'acheteur, et, aussi, de conseiller sur les précautions d'emploi et d'utilisation qu'appelle le même bien pour que son utilisation soit conforme à sa destination (Cass, Civ. 1 ère, 30 mai 2006, n° 03-14.275),

- le défaut d'information sur les conditions d'emploi du produit prive l'utilisateur du moyen d'en faire un usage correct, conforme à sa destination (Cass Civ. 1 re , 23 avr. 1985, n°83-172.82.),

- les producteurs de melons sont liés par un contrat de vente avec la société HM Clause ou avec son distributeur, la société Prioron, pour la fourniture des semences de portes-greffes et de greffons et, d'autre part, les producteurs de melon sont également liés par un contrat de vente avec elle pour la fourniture de plants de melon greffés, de sorte qu'elle est bien propriétaire des semences 'Vigus' puisque par le procédé de graines-fournies, les semences de portes-greffes, et les semences de melon sont commandées par ses clients et lui sont livrés,

- c'est à tort que le jugement déféré a considéré qu'elle disposait de l'expérience requise en matière de greffage, au regard de son ancienneté et de son expertise, alors qu'au contraire, elle n'était pas en mesure d'apprécier les caractéristiques précises des semences 'Vigus',

- les problèmes déjà rencontrés en 2019 avec les portes greffes auraient évidemment dû inciter la société HM Clause, en tant que vendeur professionnel, à la renseigner sur les modalités précises d'utilisation de son produit,

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'elle disposait de l'expérience requise en matière de greffage, au regard de son ancienneté et de son expertise, alors que si elle dispose d'une certaine ancienneté et d'une grande expérience en matière de greffage, ses compétences ne lui permettent toutefois pas d'apprécier, d'emblée, les caractéristiques particulières d'une variété nouvellement mise sur le marché, telle que la variété 'Vigus', s'agissant par exemple de ses sensibilités climatiques ou sanitaires particulières et que par ailleurs, le porte-greffe 'Vigus' était un produit nouvellement commercialisé, ce qui justifiait une obligation de conseil d'autant plus étendue que l'acheteur, même professionnel, ne pouvait se fier à son expérience pour connaître les modalités optimales d'emploi du bien,

- le catalogue de la société HM Clause ne comprend aucune information sur les caractéristiques techniques des semences 'Vigus', ni sur ses conditions d'utilisation,

- la société HM Clause détenait des informations utiles pour garantir un usage optimal des portes-greffes puisqu'elle affirme avoir procédé à des analyses internes ayant conclu à des résultats satisfaisant et que lors d'une visite des techniciens de la société HM Clause en 2019, il lui aurait été suggéré que le 'Vigus' avait une telle vigueur qu'il aurait fallu le greffer comme une courge c'est-à-dire le couper au niveau de la tige pour le transplanter, de sorte que l'intimée détenait des informations sur la bonne méthode d'utilisation des semences et rien ne justifie qu'elle les ait communiquées à sa cliente avant la conclusion de la vente.

Au soutien de sa demande indemnitaire tenant aux pertes financières liées à la mortalité des plants en 2020, elle indique que :

- les cultures de portes-greffes 'Vigus' ont conduit à une forte mortalité de nombreux greffons, de sorte qu'elle n'a pas pu livrer ou facturer à ses clients la totalité des plants commandés et elle a dans certains cas dû émettre des avoirs, ou procéder à des ajustements de commande, tout ceci ayant induit des pertes financières considérables,

- les pertes financières correspondantes à chaque client sont calculées de la manière suivante : (Quantité commandée ' Quantité livrée) x prix de vente habituel du plant greffé.

Au soutien de sa demande indemnitaire tenant aux pertes financières liées aux surcoûts de main d''uvre en 2020, elle fait valoir que :

- l'adaptation de la procédure de production à la méthode du bouturage des portes-greffes, sur conseil de la société HM Clause, qui n'a pas donné satisfaction, a toutefois engendré des coûts supplémentaires puisqu'en effet,

cette technique implique des manipulations supplémentaires indispensables, lesquelles ajoutent un temps de travail considérable à ses salariés,

- le tableau de relevé des heures des greffeuses atteste que le recours à la technique du bouturage nécessite un temps supérieur pour ces greffeuses,

- en raison de la surcharge de travail importante, elle a été obligée de faire appel en 2020, à des travailleurs intérimaires,

- il en est donc résulté une augmentation considérable du coût de la main d''uvre pour ses salariés d'un montant de 122.373 euros, auxquels doivent également s'ajouter les 23.155,41 euros de rémunération des travailleurs intérimaires. Cela revient donc à une augmentation totale de 145.528,41 euros.

Au soutien de sa demande indemnitaire de perte de chance d'obtenir un gain, soit un manque à gagner net en 2021 et en 2022, elle indique que :

- elle a certainement subi une perte de chance d'obtenir des gains supplémentaires puisqu'elle a constaté une diminution des commandes de la part de clients qui lui commandaient pourtant habituellement de grandes quantités de plants de melon greffés,

- cette baisse de commandes, voire cet arrêt total de commandes est directement imputable à la déficience des semences 'Vigus', et des difficultés que celle-ci a provoqué dans l'organisation de son exploitation,

- l'absence de renouvellement d'une commande constitue, ici, la perte d'une éventualité favorable,

- l'évaluation financière de la perte de gain pour chaque client peut être calculée selon la formule suivante : Moyenne des quantités annuelles commandées x (prix de vente moyen ' coût de production 2020).

Au soutien de sa demande au titre du préjudice résultant de la perte d'image et d'atteinte à la réputation elle expose que :

- elle a manifestement vu son image et sa réputation se dégrader en raison des problèmes liés au porte-greffe 'Vigus',

- la société La Petite Rouquette et la société Saint Michel ont même fait dresser des constats d'huissier afin de prouver à leur fournisseur que les plants reçus étaient inutilisables,

- les clients qui n'ont pas commandé de plants greffés sur portes-greffes Vigus ont aussi subi des retards de livraison, ou ont vu leur commande insatisfaite et ces éléments ont terni son professionnalisme et dégradé les relations commerciales entretenues habituellement avec des clients fidèles jusque-là.

Au soutien de sa demande indemnitaire pour préjudice moral, elle fait valoir que :

- les problèmes du porte-greffe 'Vigus' en 2019 et 2020 ont généré stress et anxiété pour M. [J] [Z], fondateur de la société [Z] Plants, ainsi qu'à ses enfants, M. [I] [Z] et Madame [F] [Z] qui sont très impliqués dans l'entreprise,

- ce stress a provoqué chez M. [J] [Z] un accident ischémique transitoire (AIT) en octobre 2019, puisque dans son courrier au confrère pour faire suite à son arrivée au service neurologique de [Localité 3], son médecin relatait que son patient, M. [J] [Z], « le 23 octobre 2019, après une contrariété, a présenté des troubles sensitifs facio-brachiaux accompagnés de dysarthrie »,

- la famille [Z] a dû répondre aux nombreuses réclamations et plaintes de ses clients, ainsi que leur proposer des solutions de remplacement satisfaisantes et cette situation a donc été très inconfortable pour l'activité de la société et lui a causé un préjudice moral important.

Prétentions et moyens de la société HM Clause:

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 11 juillet 2024, la société HM Clause demande à la cour au visa des articles 1641, 1245 et 1240 du code civil de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valence,

En conséquence :

- débouter la société [Z] Plants de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner la société [Z] Plants à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

In limine litis, sur la preuve, elle expose que :

- l'appelante raisonne à l'envers et pose pour acquis l'existence d'une surmortalité qu'elle impute nécessairement au produit estimant qu'il incomberait à la société HM Clause de démontrer le contraire,

- or même dans les régimes posant une présomption de responsabilité le demandeur n'est pas déchargé de toute preuve, et pour bénéficier de la présomption un minimum probatoire est requis, soit, pour les vices cachés, la preuve d'un défaut grave inhérent à la chose vendue et antérieure à la vente et pour la délivrance conforme, la preuve d'une non-conformité, et enfin, pour le produit défectueux, la preuve d'un défaut du produit 'Vigus',

- ce n'est que si la preuve de ce préalable est rapportée que la présomption de responsabilité va s'enclencher,

- pour la société Frauné Plants, la preuve de l'existence d'une surmortalité et la cause de cette surmortalité imputable au produit serait rapportée par le biais des constats d'huissier qu'elle produit ainsi que des données de l'expertise amiable réalisée,

- or les constats d'huissier sont largement insuffisants pour rapporter une telle preuve, l'huissier n'ayant pas assisté aux opérations de greffage, il n'a pas contrôlé la traçabilité des produits qui lui ont été présentés, et n'étant pas technicien ou expert agronome, il ne peut se prononcer sur l'imputation au produit,

- l'expertise amiable est, quant à elle, hors sujet et inexploitable en ce qui concerne le présent contentieux, dès lors que l'expert est intervenu en 2022, il n'a pas examiné ou analysé le produit 'Vigus', et s'est limité à valider de manière générale le savoir faire en matière de greffage de l'appelante,

- le tribunal a jugé ces éléments de preuve insuffisants pour mobiliser les régimes de responsabilité visés et c'est dans cette optique qu'il a reproché à l'appelante d'avoir fait l'économie d'une expertise judiciaire, échouant dès lors dans la preuve qui lui incombe quel que soit le fondement juridique de son action,

- devant la cour, l'appelante ne produit aucun élément de preuve complémentaire.

Pour contester la garantie des vices cachés, elle expose que :

- il incombe à l'appelante de rapporter la preuve d'un vice affectant la chose vendue à savoir la semence de la variété 'Vigus',

- le seul taux d'échec excipé n'est pas un élément suffisant pour établir la réalité du vice et ce d'autant plus que le taux d'échec lui-même n'est pas établi et repose sur les seules affirmations de l'appelante,

- en tout état de cause il s'agit de la conséquence d'une défaillance et non de l'origine de celle-ci, qui demeure indéterminée,

- à ce titre, le process d'élevage des plants et le greffage incombent au seul producteur de plants soit la société [Z] Plants et en l'état, la cause de l'éventuelle surmortalité affectant les plants n'est pas connue, et rien ne permet de mettre hors de cause le process interne de l'appelante (bouture, taille et culture') dans la mesure où elle est intervenue sur le produit,

- les constats d'huissier qui fondent la demande ne sont pas contradictoires mais réalisés à la seule demande de l'appelante, en outre, l'huissier intervenant n'est pas un professionnel du greffage de sorte qu'il ne peut que prendre note des déclarations qui lui sont faites, et qui sont invérifiables et il est bien évidemment incapable de différencier un plant 'Vigus' d'un plant 'Magnus'ou

autre, il n'a pas assisté aux opérations de greffage et n'est donc pas en mesure de se prononcer sur la technique mise en 'uvre et le fait qu'il revienne à plusieurs jours d'intervalle ne permet pas de savoir s'il y a eu une manipulation du produit entre temps ou si le produit présenté est le même,

- les nécroses et tâches constatées par l'huissier peuvent provenir d'une attaque de parasites et seule une analyse des plants aurait pu déterminer l'origine de l'infection, ce que l'appelante n'a pas fait,

- la société [Z] Plants procède par hypothèses et relève par exemple que l'huissier a constaté que les plants greffés sur les portes-greffes 'Vigus' avaient l'air moins vivaces, ce qui n'est pas une démonstration et elle procède par affirmations péremptoires, sans jamais établir la réalité de ses dires,

- la visite d'un expert en avril 2022, n'est pas de nature à apporter le moindre élément probant quant à l'existence d'un vice sur des plants de 2019 ou 2020, alors que lors de sa venue les plants n'existent plus et que s'il est soutenu que la visite avait pour but de valider la qualité du process professionnel de l'appelante, on s'interroge sur l'objectivité des constats réalisés par l'expert qui relève un taux de reprise de 100% qui remet en cause la crédibilité de l'analyse, outre que les constatations réalisées ne portent pas sur le porte-greffe Vigus,

- c'est pour des raisons de prix que les ventes ont baissé et que le produit n'a pas été maintenu à la commercialisation en France après 2022 pour autant contrairement à ce qu'affirme l'appelante, ce produit n'a pas été retiré du marché puisqu'il est toujours commercialisé en Italie sans difficulté répertoriée à ce jour,

- la régularité de son produit s'appuie également sur un rapport d'expertise interne qui n'a relevé aucune anomalie concernant son état sanitaire, sa pureté et ses qualités germinatives,

- elle produit les attestations d'autres utilisateurs du produit commercialisé qui confirment tous ses qualités et ces pépiniéristes sont des professionnels aguerris et reconnus, indépendants et rigoureux, ils sont représentatifs du métier et de la compétence de pépiniériste lorsqu'il s'agit de maîtriser de nombreuses espèces et de s'adapter à de nombreuses thématiques techniques.

Pour contester sa responsabilité au titre des produits défectueux, elle expose que :

- le défaut du produit s'entend de l'atteinte à la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre,

- l'actionnement de la présomption de responsabilité implique donc la preuve d'une atteinte à la sécurité et donc de démontrer la réalité de la surmortalité alléguée et le défaut de sécurité du produit,

- l'appelante soutient que les semences 'Vigus' sont des produits défectueux, au motif qu'ils ont causé la perte de nombreux greffons et la perte consécutive de nombreux plants maraîchers de melons,

- elle pose donc pour postulat acquis que les graines et portes-greffes sont nécessairement à l'origine de la mort des greffons,

- mais il n'est pas fourni le moindre élément probant de ce que les plants de la société [Z] Plants ont subi une surmortalité, laquelle ressort des éléments non contradictoires de l'appelante et plus précisément des constats d'huissier réalisés le 5 et 13 mars 2020, lequel huissier n'est pas un professionnel du greffage ou des plants et n'est pas en mesure d'établir ou de valider la nature du plant examiné autrement qu'en se fondant sur les déclarations de la société [Z] Plants, tous les constats reposant sur les affirmations faites par l'appelante et rappelées en préambule du procès-verbal,

- l'huissier n'a pas assisté aux opérations de greffage, il ne peut certifier en l'absence de vérification qu'il s'agissait bien d'un plant Vigus provenant de la société HM Clause,

- il est en outre fait état dans le constat du respect des préconisations de greffage, alors qu'il lui est par ailleurs reproché un manquement à l'obligation d'information pour n'avoir assorti ses semences d'aucune préconisation de cet ordre,

- il n'est pas davantage démontré l'origine de la surmortalité qui n'est absolument pas identifiée, et rien ne permet de conclure que celle-ci n'est pas en lien avec les techniques de greffage mis en 'uvre par le producteur de plants ou la gestion de l'acclimatation,

- enfin en l'absence de toute traçabilité rien ne permet, non plus, de confirmer que les produits en cause sont bien des produits de la société HM Clause.

Pour contester l'existence d'un défaut de délivrance conforme, elle indique que:

- l'appelante se place sur le terrain de la responsabilité délictuelle, reconnaissant que les graines semées ou portes-greffes n'ont pas été fournies directement par la société HM Clause mais qu'il s'agit pour la plupart de graines achetées ou fournies par ses propres clients, l'essentiel des acquisitions provenant de la société Prioron, qui n'est pas sa filiale, comme l'affirme à tort la société [Z] Plants,

- aucun élément de traçabilité ne permet de valider que les plants objets de la surmortalité sont bien des plants 'Vigus', l'huissier n'ayant pas assisté aux opérations de semis ou de greffage,

- il ne suffit sûrement pas d'affirmer que les plants sont des plants de la variété 'Vigus' pour s'estimer exempté de toute preuve complémentaire, étant précisé que l'huissier n'est pas en mesure d'identifier le plant qui lui est présenté,

- la surmortalité est au mieux la conséquence et non l'origine de la défaillance et ne permet pas à elle seule de conclure à un défaut du produit 'Vigus',

- il appartient donc bien là encore à l'appelante de démontrer que les semences sont trop fragiles pour supporter un greffon si elle souhaite rechercher sa responsabilité,

- o r, la résistance des semences a été vérifiée et validée par des tests internes qu'elle a réalisés, et aucun élément technique n'est produit par la partie adverse remettant en cause ces conclusions,

- la délivrance conforme emporte une obligation de résultat s'agissant de l'état sanitaire, la pureté, la germination et les caractéristiques génétiques agronomiques du produit livré, lesquelles ne sont à aucun moment remises en cause,

- à ce titre, si le produit n'avait nécessité aucune manipulation l'existence d'une surmortalité pourrait suffire à caractériser la défaillance mais en l'espèce, tel n'est pas le cas, puisque le produit acquis a été transformé par l'appelante, par l'intermédiaire de la technique de greffage il a été adjoint au porte-greffe un greffon, et cette opération relève du seul savoir-faire confidentiel du producteur de plants, opération sur laquelle elle-même n'a aucune influence,

- c'est en cela que le tribunal a rappelé qu'il appartenait à la société [Z] Plants de rapporter la preuve que la défectuosité préexistait avant toute opération de greffage, lequel tribunal a parfaitement compris que le produit d'origine avait été modifié de sorte qu'il ne peut être exclu que cette modification soit à l'origine de la surmortalité excipée.

Pour contester le manquement à l'obligation d'information et de conseil, elle soutient que :

- l'appelante se prévaut d'arrêts rendus concernant les choux-fleurs et les navets, or dans ces deux cas il ne s'agissait pas d'espèces sujettes à greffe de sorte que les produits n'étaient pas manipulés et dans le cas du choux-fleur, il était mis en cause les caractéristiques génétiques,

- si l'appelante soutient que le produit serait nouveau et nécessiterait une attention particulière, il convient de relever que s'il est nouveau en terme génétique en revanche l'espèce melon auquel appartient la variété 'Vigus' est la même que 'Dinero et Magnus' commercialisée depuis longtemps, et l'appelante a commandé le même produit en 2018 et 2019 et la production 2020 est issue de semences qui n'ont pas été facturées directement par la société HM Clause, de sorte qu'il est donc difficile de soutenir que le produit est nouveau,

- aucune société semencière ne préconise de techniques de greffage, il est évident qu'il ne lui appartient pas de donner des conseils sur les procédés de greffage aux pépiniéristes, pas plus que des conseils sur le traitement des cultures (par exemple) à un maraîcher.

Pour contester le préjudice au titre des pertes financières liées à la mortalité des plants en 2020, elle fait valoir que :

- le préjudice réclamé n'est pas établi,

- le même préjudice était chiffré à 61.185.74 euros dans le cadre de l'assignation d'origine et à hauteur de 75.300.29 dans le cadre des écritures de première instance et il est désormais sollicité la somme de 98.234.69 euros, de sorte que la modification incessante du poste renforce le caractère imprécis et non fondé de la demande,

- aucune pièce tangible n'est produite à l'appui de cette demande, le chiffrage se base sur un tableau établi par la seule appelante et il est désormais explicité la perte client par client avec production de l'historique tiers non certifié,

- les éléments produits ne sont ni exploitables ni probants, dès lors notamment que :

* concernant la commande [E] il est affirmé que sur une commande de 252.000 plants réalisés à partir de graines livrées directement par la société HM Clause il n'a pu être livré que 182.316 plants, le bon de livraison produit porte la mention graines fournies par le client [E],

* si les bons de livraison produits confirment que 182.316 plants ont été livrés il n'est pas établi qu'il n'y ait pas eu d'autres livraisons ni les quantités effectivement greffées par la société [Z] Plants,

* s'agissant des autres clients il est précisé que les graines proviennent de la société Prioron, alors que l'analyse des bons de commande ne permet en aucun cas de confirmer qu'il s'agit de produits qu'elle a fournis.

Pour contester le préjudice résultant d'un surcoût de main d''uvre, elle indique que :

- ce surcoût valorisé à 72.055,98 euros dans l'assignation, sans offre de preuve est désormais porté à 145.528,41 euros soit plus du double de la réclamation d'origine, de sorte que cette revalorisation témoigne d'un doute sur la quantification du préjudice par la demanderesse elle-même,

- il est affirmé que deux technico-commerciaux ont conseillé de changer de méthode pour éviter une plus grande mortalité des plants, mais aucune pièce n'est versée à l'appui de cette affirmation péremptoire, et dans ce cas, le préjudice ne peut être imputé, alors que le choix de la technique de greffage incombe au seul producteur de plants,

- dans tous les cas, même si le produit 'Vignus' a nécessité une méthode de greffage plus chronophage, elle ne peut être imputée au semencier dont le produit ne porte pas de mention sur la méthode elle-même.

Pour contester tout préjudice relatif au manque à gagner pour 2021 et 2022, elle expose que :

- ce préjudice chiffrée à 53.406,46 euros était actionné pour 57.695.54 euros dans l'assignation pour la seule année 2021, soit une diminution de 50 %, cette variation de chiffre établissant ainsi que le chiffrage n'est pas établi et ne repose sur aucune donnée comptable tangible, sinon comment expliquer que le même préjudice de manque à gagner passe du simple au double au grés des écritures,

- les calculs proposés sont particulièrement obscurs et varient au gré des écritures,

- aucun élément ne permet de confirmer le non renouvellement des commandes, les contrats d'approvisionnement n'étant pas produits,

- la perte d'un client ne constitue pas en elle-même un manque à gagner, celui-ci pouvant avoir été remplacé par un autre et il ne suffit pas de montrer que certains clients sont partis pour établir la réalité de son préjudice, il doit démontrer que ces clients n'ont pu être remplacés.

Pour s'opposer à la demande en paiement de 160.219,38 euros au titre de la perte de clientèle pour les trois années à venir, elle indique que :

- à l'origine ce poste était chiffré à 288.777 euros sur les cinq années à venir (5 x 57 695,54),

- le montant de l'annuité a été réévaluée de 57.695,54 à 53.406,46 euros,

- la simple présentation de la réclamation fait qu'il s'agit d'un préjudice futur et éventuel non indemnisable,

- les tergiversations sur le chiffrage témoignent de son manque de sérieux.

Pour s'opposer à la demande au titre du préjudice moral, elle expose que :

- cette réclamation est justifiée par le stress et l'anxiété générés pour [J] et ses enfants, alors qu'aucune de ces personnes n'est partie à la présente instance, de sorte que la demande est mal fondée,

- toute activité est génératrice de stress et d'anxiété et doit se heurter à la gestion d'imprévus du quotidien, lesquels imprévus ne sauraient donner lieu à indemnisation d'un préjudice moral.

Enfin, elle réaffirme qu'en l'état aucun des postes de préjudices réclamés n'est établi, de sorte que la réclamation financière n'est pas fondée et ne peut prospérer.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 27 février 2025 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 15 mai 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la garantie des vices cachés

Conformément à l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on le destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Par ailleurs, selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En application de ces dispositions, tout rapport d'expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties et ce, alors même qu'il n'a pas été contradictoirement établi. Enfin, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties (Cass. ch. mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18.710, Cass. 1re civ., 6 juill. 2022, n°'21-12.545).

Le juge qui se fonde exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, méconnaît l'article 16 du code de procédure civile et ce, peu important que cette expertise ait été réalisée en présence des parties (2e Civ.,13 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.099).

En l'espèce, à titre liminaire, la cour relève que les demandes indemnitaires formulées par la société [Z] Plants concernent les portes-greffes achetés en 2020, ainsi qu'elle l'indique dans ses écritures au terme desquelles elle fait valoir que si un protocole d'accord passé entre les parties le 24 octobre 2019 a mis fin au différend relatif aux portes-greffes achetés à la société [Z] Plants en 2019, il ne répare pas les préjudices subis en 2020, affirmant avoir semé 381.980 graines de portes-greffes 'Vigus' en provenance de la société HM Clause.

Au soutien de son action en responsabilité sur le fondement des vices cachés, la société [Z] Plants se prévaut d'un rapport de constat de greffage portant sur des plants de melons établi à sa demande, le 1er septembre 2022, par M. [P], expert agrée près la cour d'appel de Toulouse.

Or, comme le relève justement l'intimée, cette expertise qui constate 100% de reprise s'agissant de l'état du greffage auquel M. [P] a assisté le 28 avril 2022 au sein de l'entreprise [Z] Plants, consiste seulement à valider le savoir faire de cette dernière sans examiner le greffage du produit «'Vigus'» litigieux, puisque l'étude menée a porté sur des portes-greffes «'Dinero'» et «'Magnus'».

Par ailleurs, si la société [Z] soutient que le porte-greffe'«'Vigus'»' a été retiré du marché en 2020, empêchant toute expertise sur ce produit, cette affirmation, qui est au demeurant contestée par l'intimée, n'est pas démontrée.

Comme il est encore relevé, l'affirmation selon laquelle l'appelante maîtrise la technique du greffage, qui est contenue dans un rapport dressé à sa demande et de manière non contradictoire, deux ans après le sinistre évoqué et portant sur d'autres variétés de portes-greffes, ne permet pas de mettre hors de cause le processus interne à la société [Z] Plants dans la survenance de la perte des portes-greffes «Vigus'» dont elle se prévaut.

De même, les constats d'huissiers dressés en 2019 ne sont pas de nature à étayer l'existence d'un vice caché s'agissant de portes-greffes semés en 2020. Le procès-verbal de constat dressé par Me [R], les 5 et 13 mars 2020, qui fait état de photographies qui ne sont pas jointes et qui indique que les plants «'Arpons sur'Vigus'» sont moins vivaces que les plants «'Arpons sur Magnus'», ne fait pas davantage preuve d'un vice caché affectant les portes-greffes 'Vigus', que l'huissier, non professionnel du greffage, n'est pas en mesure de distinguer d'autres variétés autrement que par les affirmations unilatérales de l'appelante qui l'a mandaté, Me [R] ne faisant mention d'aucun élément d'identification des plans, notamment d'aucun étiquetage.

Le constat dressé par Me [U] les 16 et 17 mars 2020 qui relève la présence de plants morts sur l'exploitation du Gaec la Petite Rouquette, client de la société [Z] Plants et dont il résulte des seules déclarations qu'il s'agit de plants greffés sur «'Vigus'», est également insusceptible de caractériser un vice caché, et en tout état de cause de démontrer qu'il s'agit bien des portes-greffes'«'Vigus'» fourni par l'appelante, l'huissier ne faisant état d'aucune traçabilité des produits qui lui ont été soumis.

Enfin, le constat dressé par Me [X] le 12 mars 2020, qui contient des photographies en gros plan de feuilles prises sur l'exploitation agricole des sociétés Saint Michel et Les Lavandins et relevant l'existence sur certains plants de feuilles tâchées par endroits et de taches blanches, est également insusceptible de caractériser un vice affectant les semences vendues par l'intimée, alors que le constat de l'huissier est taisant sur le nom et la variété des plants examinés dans le cadre de cette mission.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la société [Z] Plants qui échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché affectant les plants de portes-greffes «'Vigus'» acquis en 2020 auprès de la société HM Clause doit être déboutée de sa demande indemnitaire sur ce fondement et le jugement déféré doit être confirmé.

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Conformément à l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié à un contrat avec la victime.

En application de ce texte, pour engager la responsabilité du producteur, la défectuosité du produit doit consister en un défaut de sécurité ayant causé un dommage à une personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même (Civ 1ère, 9 juillet 2003 n°00-21.163).

En l'espèce, la société [Z] Plants, qui n'a procédé à aucune expertise judiciaire des semences de portes-greffes «'Vigus'» vendues par l'intimée et qui se prévaut d'une expertise amiable non contradictoire validant sa technique de greffage portant sur d'autres plants que les portes-greffes «'Vigus'» ainsi que de constats d'huissier qui n'établissent pas l'origine des portes-greffes dont il est constaté l'absence de vivacité, échoue là-encore à démontrer le défaut de sécurité des portes-greffes «'Vigus'», faute d'établir que les semences de ces portes-greffes ont causé la perte de nombreux greffons et consécutivement de plans maraîchers de melons.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la société [Z] Plants doit également être déboutée de sa demande indemnitaire sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Sur le défaut de délivrance conforme

En application de l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Le défaut de conformité provient d'une différence entre la chose convenue et la chose livrée.

Lorsque la qualité de la chose est moindre que celle prévue ou qu'il manque une caractéristique perçue comme une composante de sa qualité, la chose est affectée d'un défaut de conformité sans l'être par un vice caché.

L'obligation de délivrance conforme est une obligation de résultat et la seule constatation de la différence entre ce qui est délivré et ce qui est attendu suffit à engager la responsabilité du vendeur.

En l'espèce, comme le relève justement l'appelante, les conditions générales de vente de la société HM Clause stipulent dans leur article 1.1 ainsi qu'il suit que': «'le vendeur garantit à l'acheteur une marchandise saine et marchande, et ce en l'état de la connaissance technique lors de la production, conformément à la réglementation et aux usages du commerce des semences'».

Il n'est pas davantage contesté que le porte-greffe «'Vigus'» est présenté par la société HM Clause dans son catalogue comme un nouveau porte-greffe melon très vigoureux avec un système racinaire très puissant et avec une très bonne aptitude au greffage.

Enfin, la société [Z] Plants se prévaut également de l'article 1.2 desdites conditions générales de ventes, lesquelles stipulent ainsi qu'il suit': «'en raison de la nature, des produits vendus (produits vivants, soumis à de nombreux aléas extérieurs lors de leur utilisation), les résultats obtenus ne dépendent pas uniquement de la variété et de la qualité de la semence. Par conséquent,

l'acheteur est seul responsable de la détermination des conditions d'utilisation des semences, et doit s'assurer notamment de l'adéquation de ces conditions d'exploitation, de ces conditions géographiques locales, de la période de culture, envisagée, de son sol, de ses moyens, tels que connaissance, expérience technique, techniques et opérations culturales, matériels, tels que test et méthode de contrôle et équipement et de façon plus générale de son contexte, agronomique, climatique, atmosphérique, sanitaire, environnemental et économique avec les cultures, les techniques et les variétés présentées ou, selon le cas, l'acheteur est responsable de la communication à ses propres clients de l'information nécessaire, afin de permettre à ceux-ci de déterminer leurs propres conditions d'utilisation des semences et autres conditions précitées'».

Si comme le soutient l'appelante, la responsabilité de la société HM Clause peut être retenue en cas de non conformité établie, encore faut-il démontrer que la chose reçue n'est pas celle attendue, c'est à dire établir que les portes-greffes «'Vigus'» sont dépourvus d'aptitudes à recevoir des greffons de melons et que cette inaptitude ne provient pas des conditions d'utilisation des semences, comme le stipule expressément les conditions générales de vente.

Or, la surmortalité des portes-greffes'«'Vigus'», outre qu'elle ne peut résulter des seuls constats d'huissiers versés aux débats qui ne comportent aucune vérification de l'origine des produits présentés à ces huissiers, ne permet pas de conclure ipso facto à un défaut de conformité des portes-greffes «'Vigus'», alors que, comme le soutient justement l'appelante, le produit a subi une manipulation de la part de la société [Z] Plants qui est intervenue sur les portes-greffes pour appliquer sa technique de greffage et adjoindre un greffon au produit, opération sur laquelle la société HM Clause n'a aucune influence.

Il s'ensuit que la preuve n'est pas rapportée que les portes-greffes «'Vigus'» vendus par la société HM Clause n'étaient pas aptes au greffage. La société [Z] Plants doit en conséquence également être déboutée de sa demande indemnitaire sur le fondement du défaut de délivrance conforme.

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil

Conformément à l'article 1194 du code civil, les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

En application de ces dispositions, le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu ( Cass. 1re civ., 11 mai 2022, n° 20-22.210).

L'obligation de conseil du vendeur à l'égard de son client sur l'adaptation du matériel vendu à l'usage auquel il est destiné n'existe à l'égard de l'acheteur professionnel que dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du matériel vendu ( Cass. com., 19 févr. 2002, n° 99-13.100';Cass. com., 21 nov. 2006, n° 05-11.002'; Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-13.077).

En outre, selon l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

L'intensité de l'obligation d'information du vendeur professionnel varie selon qu'il contracte avec un acheteur professionnel de la même spécialité ou avec un acheteur profane. D'après la jurisprudence, l'obligation d'information du fabricant ou du vendeur professionnel à l'égard de l'acheteur professionnel

n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés (- Cass. com., 9 avr. 2013, n° 11-17.029'; Cass. com., 13 déc. 2016, n° 15-12.794).

Le vendeur doit fournir tous les renseignements relatifs à l'usage du produit et notamment les précautions à prendre lors de son utilisation.

Le fabricant doit donner à l'acheteur d'un produit nouveau, fut-il professionnel de ce produit, les renseignements nécessaires à son usage et l'informer des risques pouvant en résulter et des précautions à prendre lors de son utilisation ( Cass. com., 2 mai 1990, n° 88-17.092'; Cass. 1re civ., 4 mai 1994, n° 92-13.377'; Cass. 3e civ., 18 févr. 2004, n° 02-17.523';Cass. com., 21 sept. 2010, n° 09-14.484).

En l'espèce, la société [Z] Plaints ne peut, sauf à se contredire, faire grief à la société HM Clause de ne lui avoir fourni aucune information lui permettant d'utiliser le produit conformément à sa destination tout en affirmant n'avoir commis aucune erreur dans le greffage des portes-greffes «'Vigus'».

En outre, si le porte-greffe «'Vigus'» est un produit nouveau, commercialisé à partir de 2019, il est également constant que la société HM Clause est une société semencière qui ne dispose d'aucune connaissance technique en matière de greffage, de sorte qu'il ne peut utilement lui être reproché d'avoir omis de transmettre à l'appelante des informations sur la bonne méthode d'utilisation des semences, laquelle méthode relève du savoir faire appartenant à la seule société [Z] Plants, en sa qualité de pépiniériste.

Enfin, comme l'indique la société [Z] Plants elle-même, la fiche technique relative au produit «'Vigus'» précise ainsi qu'il suit qu'il est «'à essayer sous abris froids après le 20 mars, sinon en plein champ dans tous les créneaux, de la chenille précoce à l'arrière saison cf tableau'» et un tableau explique les périodes où le semis est recommandé, mentionnant la période «'créneau optimal'» et la période «'créneau possible'». Contrairement à ce que soutient l'appelante, ces informations ne sont pas générales et elles comportent bien des données précises s'agissant de la sensibilité climatique, cette dernière mentionnant d'ailleurs que le tableau récapitulatif figurant dans la fiche technique indique que le «'Vigus'» peut être planté en tout temps, sauf sous grands abris ou il doit l'être en période tardive.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société HM Clause n'a commis aucun manquement à son obligation d'information et de conseil et l'appelante doit également être déboutée de sa demande indemnitaire sur ce fondement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

La société [Z] Plants doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à la société HM Clause la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il convient en outre de confirmer le jugement déféré. Il y a également lieu de débouter la société [Z] Plants de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Déboute la société [Z] Plants de sa demande telle que portée en cause d'appel à la somme de 98.234,69 euros au titre d'indemnisation pour perte d'exploitation 2020,

Condamne la société [Z] Plants à payer à la société HM Clause la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la société [Z] Plants de sa dermande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société [Z] Plants aux dépens d'appel.

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site