CA Amiens, 1re ch. civ., 13 mai 2025, n° 24/00673
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
[P]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
AF/VB/DPC
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU TREIZE MAI
DEUX MILLE VINGT CINQ
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 24/00673 - N° Portalis DBV4-V-B7I-I7YL
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU DIX HUIT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [T] [P]
né le 02 Novembre 1979 à [Localité 5] (80)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Aude GILBERT-CARLIER, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
Ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
APPELANT
ET
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Francis DEFFRENNES de la SCP THEMES, avocat au barreau de LILLE
INTIMEE
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 18 mars 2025 devant la cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, Mme Anne BEAUVAIS et Mme Emilie DES ROBERT, Conseillères, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de Mme Agnès FALLENOT et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 mai 2025, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 13 mai 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
* *
DECISION :
Selon offre préalable acceptée le 28 septembre 2017, la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNP) a consenti à M. [T] [P] un crédit affecté d'un montant de 16 200 euros, avec intérêts contractuels de 5,65 % l'an, remboursable en 180 mensualités, destiné à financer un «GS102 avec autoconsommation » suivant bon de commande n° 35402 signé le même jour entre M. [P] et la société DBT pro (la société DBT).
Les travaux ont été réalisés et les fonds ont été débloqués par la banque entre les mains de la société DBT le 15 décembre 2017.
Par jugement rendu le 9 janvier 2020, le tribunal de commerce de Marseille a placé la société DBT en liquidation judiciaire. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 8 octobre 2020.
Par actes du 27 septembre 2022, M. [P] a assigné la société BNP devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Amiens afin d'engager sa responsabilité et d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement rendu le 18 décembre 2023, le tribunal judiciaire d'Amiens a :
- déclaré l'action recevable,
- débouté M. [P] de ses demandes indemnitaires,
- condamné M. [P] à payer à la société BNP la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [P] aux entiers dépens.
Par déclaration du 9 février 2024, M. [P] a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision, à l'exception de celui ayant déclaré son action recevable.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 6 mai 2024, M. [P] demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- le déboute de ses demandes indemnitaires ;
- le condamne à payer à la société BNP la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamne aux entiers dépens ;
- déboute les parties de toutes autres demandes ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- déclare recevable son action ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamner la société BNP à lui verser les sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 16 200 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
- 10 704,34 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit ;
En tout état de cause,
Condamner la société BNP à lui payer les sommes suivantes :
- 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouter la société BNP de l'intégralité de ses prétentions plus amples ou contraires ;
Condamner la société BNP à supporter les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 5 août 2024, la société BNP demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Débouter M. [P] de l'intégralité de ses prétentions,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait considérer qu'elle a commis une faute dans le déblocage de fonds,
- dire et juger qu'elle ne saurait être privée de sa créance de restitution compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour M. [P],
- En conséquence, confirmer le jugement et débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes,
- A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi et condamner à tout le moins M. [P] à lui restituer une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,
En tout état de cause,
- Débouter M. [P] de sa demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires,
- Condamner M. [P] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024.
MOTIFS
Il sera observé à titre préliminaire que le chef de la décision querellée ayant déclaré recevable l'action de M. [P] n'a pas été dévolu à la cour et est devenu définitif. Dès lors, en application de l'article 562 du code de procédure civile, il ne sera pas répondu à la prétention présentée par M. [P] visant à faire confirmer le jugement entrepris de ce chef.
1. Sur le bien-fondé de l'action en responsabilité engagée par M. [P] à l'encontre de la société BNP
1.1. Sur la faute
M. [P] plaide que le bon de commande établi par la société DBT, par l'intermédiaire de laquelle la banque faisait corrélativement présenter ses offres de crédit, comporte des irrégularités. En effet, il omet de mentionner :
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, en ce que font défaut :
- la marque, le poids, la taille et la surface totale occupée et la technologie (mono ou polycristallins) des panneaux photovoltaïques ;
- la marque et la puissance des micro-onduleurs ;
- le mode de pose des panneaux (en intégration au bâti ou en surimposition) et les caractéristiques du matériel utilisé ;
- la marque, le poids, la taille et la puissance de chauffe du ballon thermodynamique ;
- le prix unitaire des biens commandés ;
- la ventilation entre le coût des biens et le coût de la main-d''uvre.
- la date ou le délai précis de livraison des biens, en ce qu'il se borne à indiquer, s'agissant des conditions d'exécution du contrat, que le délai de livraison est « Décembre 2017 », sans plus de précision ;
- les modalités de financement, en ce qu'il ne précise ni le coût total de l'assurance emprunteur, ni le coût total du crédit assurance incluse ;
- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, et les coordonnées du médiateur compétent, en ce qu'il fait mention de la possibilité d'avoir recours à une médiation conventionnelle au sens de l'ancien article L.534-7 du code de la consommation, qui n'était plus en vigueur au moment de la conclusion du contrat.
Ces causes de nullité affectant le bon de commande litigieux caractérisent la faute commise par l'établissement de crédit, qui a ainsi financé une opération manifestement irrégulière, et a débloqué les fonds entre les mains du vendeur sans procéder à la vérification du contrat de vente sur la base duquel le contrat de crédit était conclu et sans alerter son client sur ses irrégularités.
M. [P] ajoute que la banque a manifestement libéré les fonds sans son autorisation expresse et non équivoque.
Il réfute avoir réitéré son consentement. Il plaide que les faits postérieurs à la signature des contrats ne sauraient être analysés en une volonté manifeste et non équivoque de sa part de couvrir les irrégularités du bon de commande et de renoncer à toute action en responsabilité contre la banque. Il soutient que les irrégularités dénoncées relèvent d'un manquement à l'ordre public et que la nullité qui en résulte s'analyse en une nullité absolue, insusceptible de confirmation. Il souligne qu'il n'est nullement démontré qu'il a eu connaissance des vices affectant le contrat et l'intention de le réparer.
La société BNP répond que le bon de commande précise les biens offerts et les services proposés par la société DBT, les délais de livraison et d'exécution au travers de la mention suivante : « Délai de livraison : Décembre 2017 », ainsi que les conditions de paiement. Elle soutient que les dispositions du code de la consommation n'imposent pas d'y faire figurer le prix de chaque produit vendu, ni le coût de l'installation, ou la puissance des biens objets du bon de commande, étant souligné qu'en l'espèce, la puissance et la capacité des panneaux solaires et du ballon thermodynamique sont précisés sur le bon de commande querellé. Par ailleurs, l'article L.121-23 6° du code de la consommation impose seulement de faire mention du « prix global à payer et modalités de paiement ».
La banque ajoute que la Cour de cassation est venue préciser qu'en cas de non-respect des dispositions de l'article L 121-23 du code de la consommation (devenu l'article L.121-18-1 puis l'article L.221-5 dudit code), la sanction est la nullité relative du contrat de vente. Elle se prévaut de ce que M. [P] n'a pas fait usage de son droit de rétractation et qu'il s'acquitte régulièrement des échéances de remboursement du prêt souscrit depuis le mois de juin 2018. De plus, il a accepté la livraison et la pose des panneaux photovoltaïques et des autres biens par la société DBT sans la moindre réserve. Il a donc amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des vices l'affectant sur le fondement de l'article L.221-5 du code de la consommation et ce en toute connaissance des dispositions applicables.
Elle plaide en outre que M. [P] ne peut en aucun cas faire peser sur l'établissement financier un devoir d'observation des mentions figurant sur le contrat de vente souscrit ou encore de vérification de l'effectivité de la prestation réalisée.
Sur ce,
Au regard de la date de conclusion du contrat, les textes applicables sont ceux issus de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
Dans le cadre d'un contrat conclu hors établissement, et en application des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et celles relatives aux conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation, ainsi qu'un exemplaire daté du contrat, sur papier signé par les parties comprenant toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 accompagné du formulaire type de rétractation codifié à l'annexe de l'article R. 221-1 du même code.
L'article L. 111-1 précise notamment que le professionnel communique au consommateur les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service ; le prix du bien ou du service ; en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat en application de l'article L. 242-1 du même code.
Sur la base de ces dispositions, il a notamment été jugé que :
- le bon de commande n'a pas à détailler, dans le prix global qu'il indique, la part respective du coût des matériels, des travaux de pose, des démarches administratives et du raccordement au réseau ERDF à la charge du vendeur (Civ. 1re, 11 janvier 2023, n° 21-14.032) ;
- constitue une caractéristique essentielle la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat (Civ. 1ère, 24 janvier 2024, n° 21-20.691) ;
- le délai de livraison est aisément déterminable, dès lors qu'il permet à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations (Civ. 1re, 20 décembre 2023, n° 22-13.014) ;
- la mention du recours à une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges et les modalités d'accès à celle-ci sur le bon de commande est requise à peine de nullité (Civ. 1re, 18 septembre 2024, n° 22-19.583).
En l'espèce, le bien financé, désigné sous l'appellation « GS102 avec autoconsommation », est détaillé comme suit au bon de commande :
« 1 kit 2Kwc GS10 en autoconsommation
avec
8 panneaux
8 micro onduleurs
1 passerelle de communication
1 ballon thermodynamique 190 L
1 comwatt
installation en autoconsommation
installation garantie 20 ans constructeurs ».
Il indique donc bien que la puissance nominale de l'installation est de 2 Kwc.
Il précise par ailleurs, en page 2, dans l'encart portant sur les garanties, que l'onduleur central est de marque SolarEdge et les micro-onduleurs de marque Enphase.
Il est patent que M. [P] ajoute aux textes précédemment rappelés en ce qui concerne les caractéristiques essentielles des biens commandés, le bon de commande n'ayant pas à préciser, contrairement à ce qu'il plaide, le poids, la taille, la surface totale occupée et la technologie des panneaux photovoltaïques, le mode de pose des panneaux, le poids, la taille et la puissance de chauffe du ballon thermodynamique, le prix unitaire des biens commandés, la ventilation entre le coût des biens et le coût de la main-d''uvre.
Par ailleurs, le délai de livraison indiqué, à savoir « décembre 2017 », lui a permis de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations, tandis que les modalités de financement indiquées lui ont permis de connaître la durée du contrat, le nombre, le coût et la périodicité des échéances hors et avec assurance, le taux nominal et le taux effectif global du crédit, ainsi que le coût total de l'achat à crédit.
Enfin, la société BNP n'a libéré les fonds que sur une attestation de conformité de l'installation visée par le consuel le 14 décembre 2017.
Cependant, il s'impose de constater que le bon de commande ne comporte aucune précision sur la marque du ballon thermodynamique vendu, et qu'il ne précise pas les modalités d'accès à un médiateur de la consommation, en communiquant à l'acquéreur les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève conformément aux dispositions de l'article L 616-1 du code de la consommation.
Il s'ensuit que le contrat de vente était affecté de causes de nullité que la banque, en sa qualité de professionnelle, ne pouvait ignorer. Elle a pourtant libéré les fonds au profit du vendeur en dépit de ces anomalies manifestes.
Sa faute est donc établie.
Son argumentaire sur la confirmation tacite du contrat est inopérant, l'action engagée ne visant pas à l'annulation du contrat de vente, et subséquent, à celle du contrat de crédit affecté, mais à l'obtention de dommages et intérêts à titre de réparation de la faute commise.
A toutes fins utiles, il sera observé que contrairement à ce que plaide le prêteur, s'agissant d'une nullité relative, la confirmation du contrat est possible dans les conditions prévues par l'article 1182 du code civil, aux termes duquel la confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. Or en l'espèce, la confirmation de l'acte entaché de nullité n'est pas caractérisée par la seule exécution du contrat vicié, susceptible de s'expliquer par la méconnaissance par l'acheteur de ses droits et sa recherche d'un retour sur investissement. Aucune des mentions du bon de commande versé aux débats n'était susceptible de révéler à l'acquéreur les vices l'affectant. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune autre pièce que M. [P] a eu conscience de ceux-ci au moment de la souscription du contrat ou de son exécution.
1.2. Sur le lien de causalité et le préjudice
1.2.1. Sur le capital emprunté et les intérêts
M. [P] soutient que la banque a directement concouru à l'irrégularité du contrat de vente litigieux, en n'alertant pas son client. S'il avait été informé des irrégularités affectant le bon de commande, il n'aurait en effet jamais consenti à conclure la vente et, par conséquent, le contrat de prêt. L'établissement prêteur doit donc selon lui être purement et simplement privé de sa créance de restitution du capital. A tout le moins, la banque lui a fait perdre une chance de ne pas contracter l'opération.
Il indique qu'il subit un préjudice qui ressort du défaut de rentabilité des matériels, lequel continue de s'aggraver. Il s'est engagé financièrement pendant quinze années auprès de l'établissement bancaire pour l'acquisition d'une installation qui commencera à peine à être rentable au bout de vingt-deux ans, si tant est que les matériels fonctionnent toujours d'ici-là. Ce préjudice est aggravé par la liquidation judiciaire dont la société DBT a fait l'objet puisqu'il ne pourra pas recouvrer le prix de vente.
Il demande la condamnation de la société BNP à lui payer la somme de 16 200 euros correspondant au montant du capital emprunté, ainsi que la somme de 10 704,34 euros au titre des frais bancaires engagés (intérêts, assurance, frais).
La société BNP rappelle que la résolution du contrat de crédit affecté consécutive à la résolution du contrat constatant la vente qu'il finançait emporte de plein droit l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté.
Elle plaide que le préjudice subi par l'emprunteur du fait du manquement par le banquier à son devoir d'information ou de mise en garde est « la perte de chance de ne pas contracter », qui ne peut jamais donner lieu à la réparation intégrale du préjudice.
Elle nie la réalité du préjudice allégué, soulignant que les panneaux photovoltaïques et les autres matériels, objets du bon de commande régularisé le 28 septembre 2017 auprès de la société DBT, ont bien été livrés et installés, que M. [P] ne rapporte absolument pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement, et qu'il en conservera la propriété.
Sur ce,
En l'espèce, M. [P] se contente d'affirmer péremptoirement que si la banque avait attiré son attention sur les irrégularités du bon de commande, il n'aurait pas conclu le contrat de vente litigieux et le contrat de crédit affecté destiné à le financer.
Or il doit être constaté qu'il a parfaitement pu constater par lui-même le défaut de mention de la marque du ballon thermodynamique et qu'il n'a jamais cherché à s'en enquérir, pas plus qu'il n'a formulé le moindre grief de ce chef lors de sa réception. Il n'a manifestement pas davantage envisagé de saisir un médiateur dans un cadre conventionnel lorsqu'il a, cinq années après la signature des contrats, élevé le litige.
En outre, M. [P] caractérise son préjudice par l'insuffisance de rendement qu'il reproche à l'installation de la société DBT, par rapport au coût de l'installation.
Cependant, d'une part, il ne produit aucun document contractuel démontrant que la société DBT se serait engagée à son égard sur une rentabilité spécifique. Au contraire, le contrat indique bien, à son article 11, intitulé « production d'énergie ' rendement » : « le client reconnaît être informé que la production d'énergie et le rendement de l'installation dépendent de nombreux paramètres et, en conséquence que les informations, sur les économies d'énergie potentiellement réalisables, sont fournies par la société DBT PRO et ses représentants à titre purement indicatif et non contractuelles. La société DBT PRO ne souscrit aucun engagement au titre des économies énergie car elle ne saurait garantir en aucun cas un volume ou un revenu ».
D'autre part, les bases à partir desquelles son consultant privé a établi les performances attendues et réalisés (pourcentage d'économie attendu, facture énergétique annuelle de M. [P]) ne sont étayées par aucun document objectif, le rapport produit n'étant même pas signé par son auteur.
M. [P] ne peut enfin déplorer être dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente de l'installation, alors qu'il ne sollicite pas l'annulation du contrat de vente.
Il dispose incontestablement d'une installation qui fonctionne.
Ni le préjudice allégué, ni son lien avec la faute commise par la banque ne sont donc établis.
Le jugement querellé ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre du capital emprunté et des intérêts.
1.2.2. Sur le préjudice moral
M. [P] soutient subir un préjudice moral, du fait de la prise de conscience d'avoir été dupé par le vendeur et de s'être engagé dans un système qui le contraint sur de nombreuses années, compte-tenu de la non-réalisation des performances et du rendement annoncés par le vendeur. Il plaide que la faute de la banque a évidemment concouru à la réalisation du dommage puisqu'il s'est engagé dans une vente et un crédit qu'il n'aurait jamais contractés si ces irrégularités, et le défaut de rentabilité de l'installation, avaient été portés à sa connaissance.
Sur ce,
Il a déjà été jugé que M. [P] ne démontrait pas que si la banque avait attiré son attention sur les irrégularités affectant le bon de commande, il n'aurait pas conclu le contrat de vente litigieux et le contrat de crédit affecté destiné à le financer.
Il est en outre défaillant dans la preuve qui lui incombe d'avoir été dupé par la société DBT.
Le manque de rentabilité de l'installation, à le supposer démontré, serait en tout état de cause sans lien avec la faute de la banque.
Le jugement querellé ne peut qu'être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral allégué.
2. Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner M. [P] aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamné aux dépens de première instance.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [P] sera par ailleurs condamné à payer à la société BNP la somme indiquée au dispositif du présent arrêt et débouté de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Amiens ;
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [P] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [T] [P] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
N°
[P]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
AF/VB/DPC
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU TREIZE MAI
DEUX MILLE VINGT CINQ
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 24/00673 - N° Portalis DBV4-V-B7I-I7YL
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU DIX HUIT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [T] [P]
né le 02 Novembre 1979 à [Localité 5] (80)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Aude GILBERT-CARLIER, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
Ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
APPELANT
ET
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Francis DEFFRENNES de la SCP THEMES, avocat au barreau de LILLE
INTIMEE
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 18 mars 2025 devant la cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, Mme Anne BEAUVAIS et Mme Emilie DES ROBERT, Conseillères, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de Mme Agnès FALLENOT et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 mai 2025, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 13 mai 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
*
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DECISION :
Selon offre préalable acceptée le 28 septembre 2017, la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNP) a consenti à M. [T] [P] un crédit affecté d'un montant de 16 200 euros, avec intérêts contractuels de 5,65 % l'an, remboursable en 180 mensualités, destiné à financer un «GS102 avec autoconsommation » suivant bon de commande n° 35402 signé le même jour entre M. [P] et la société DBT pro (la société DBT).
Les travaux ont été réalisés et les fonds ont été débloqués par la banque entre les mains de la société DBT le 15 décembre 2017.
Par jugement rendu le 9 janvier 2020, le tribunal de commerce de Marseille a placé la société DBT en liquidation judiciaire. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 8 octobre 2020.
Par actes du 27 septembre 2022, M. [P] a assigné la société BNP devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Amiens afin d'engager sa responsabilité et d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement rendu le 18 décembre 2023, le tribunal judiciaire d'Amiens a :
- déclaré l'action recevable,
- débouté M. [P] de ses demandes indemnitaires,
- condamné M. [P] à payer à la société BNP la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [P] aux entiers dépens.
Par déclaration du 9 février 2024, M. [P] a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision, à l'exception de celui ayant déclaré son action recevable.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 6 mai 2024, M. [P] demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- le déboute de ses demandes indemnitaires ;
- le condamne à payer à la société BNP la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamne aux entiers dépens ;
- déboute les parties de toutes autres demandes ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- déclare recevable son action ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamner la société BNP à lui verser les sommes suivantes au titre des fautes commises :
- 16 200 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
- 10 704,34 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit ;
En tout état de cause,
Condamner la société BNP à lui payer les sommes suivantes :
- 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouter la société BNP de l'intégralité de ses prétentions plus amples ou contraires ;
Condamner la société BNP à supporter les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris ceux de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 5 août 2024, la société BNP demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Débouter M. [P] de l'intégralité de ses prétentions,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait considérer qu'elle a commis une faute dans le déblocage de fonds,
- dire et juger qu'elle ne saurait être privée de sa créance de restitution compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour M. [P],
- En conséquence, confirmer le jugement et débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes,
- A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi et condamner à tout le moins M. [P] à lui restituer une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,
En tout état de cause,
- Débouter M. [P] de sa demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires,
- Condamner M. [P] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024.
MOTIFS
Il sera observé à titre préliminaire que le chef de la décision querellée ayant déclaré recevable l'action de M. [P] n'a pas été dévolu à la cour et est devenu définitif. Dès lors, en application de l'article 562 du code de procédure civile, il ne sera pas répondu à la prétention présentée par M. [P] visant à faire confirmer le jugement entrepris de ce chef.
1. Sur le bien-fondé de l'action en responsabilité engagée par M. [P] à l'encontre de la société BNP
1.1. Sur la faute
M. [P] plaide que le bon de commande établi par la société DBT, par l'intermédiaire de laquelle la banque faisait corrélativement présenter ses offres de crédit, comporte des irrégularités. En effet, il omet de mentionner :
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, en ce que font défaut :
- la marque, le poids, la taille et la surface totale occupée et la technologie (mono ou polycristallins) des panneaux photovoltaïques ;
- la marque et la puissance des micro-onduleurs ;
- le mode de pose des panneaux (en intégration au bâti ou en surimposition) et les caractéristiques du matériel utilisé ;
- la marque, le poids, la taille et la puissance de chauffe du ballon thermodynamique ;
- le prix unitaire des biens commandés ;
- la ventilation entre le coût des biens et le coût de la main-d''uvre.
- la date ou le délai précis de livraison des biens, en ce qu'il se borne à indiquer, s'agissant des conditions d'exécution du contrat, que le délai de livraison est « Décembre 2017 », sans plus de précision ;
- les modalités de financement, en ce qu'il ne précise ni le coût total de l'assurance emprunteur, ni le coût total du crédit assurance incluse ;
- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, et les coordonnées du médiateur compétent, en ce qu'il fait mention de la possibilité d'avoir recours à une médiation conventionnelle au sens de l'ancien article L.534-7 du code de la consommation, qui n'était plus en vigueur au moment de la conclusion du contrat.
Ces causes de nullité affectant le bon de commande litigieux caractérisent la faute commise par l'établissement de crédit, qui a ainsi financé une opération manifestement irrégulière, et a débloqué les fonds entre les mains du vendeur sans procéder à la vérification du contrat de vente sur la base duquel le contrat de crédit était conclu et sans alerter son client sur ses irrégularités.
M. [P] ajoute que la banque a manifestement libéré les fonds sans son autorisation expresse et non équivoque.
Il réfute avoir réitéré son consentement. Il plaide que les faits postérieurs à la signature des contrats ne sauraient être analysés en une volonté manifeste et non équivoque de sa part de couvrir les irrégularités du bon de commande et de renoncer à toute action en responsabilité contre la banque. Il soutient que les irrégularités dénoncées relèvent d'un manquement à l'ordre public et que la nullité qui en résulte s'analyse en une nullité absolue, insusceptible de confirmation. Il souligne qu'il n'est nullement démontré qu'il a eu connaissance des vices affectant le contrat et l'intention de le réparer.
La société BNP répond que le bon de commande précise les biens offerts et les services proposés par la société DBT, les délais de livraison et d'exécution au travers de la mention suivante : « Délai de livraison : Décembre 2017 », ainsi que les conditions de paiement. Elle soutient que les dispositions du code de la consommation n'imposent pas d'y faire figurer le prix de chaque produit vendu, ni le coût de l'installation, ou la puissance des biens objets du bon de commande, étant souligné qu'en l'espèce, la puissance et la capacité des panneaux solaires et du ballon thermodynamique sont précisés sur le bon de commande querellé. Par ailleurs, l'article L.121-23 6° du code de la consommation impose seulement de faire mention du « prix global à payer et modalités de paiement ».
La banque ajoute que la Cour de cassation est venue préciser qu'en cas de non-respect des dispositions de l'article L 121-23 du code de la consommation (devenu l'article L.121-18-1 puis l'article L.221-5 dudit code), la sanction est la nullité relative du contrat de vente. Elle se prévaut de ce que M. [P] n'a pas fait usage de son droit de rétractation et qu'il s'acquitte régulièrement des échéances de remboursement du prêt souscrit depuis le mois de juin 2018. De plus, il a accepté la livraison et la pose des panneaux photovoltaïques et des autres biens par la société DBT sans la moindre réserve. Il a donc amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des vices l'affectant sur le fondement de l'article L.221-5 du code de la consommation et ce en toute connaissance des dispositions applicables.
Elle plaide en outre que M. [P] ne peut en aucun cas faire peser sur l'établissement financier un devoir d'observation des mentions figurant sur le contrat de vente souscrit ou encore de vérification de l'effectivité de la prestation réalisée.
Sur ce,
Au regard de la date de conclusion du contrat, les textes applicables sont ceux issus de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
Dans le cadre d'un contrat conclu hors établissement, et en application des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et celles relatives aux conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation, ainsi qu'un exemplaire daté du contrat, sur papier signé par les parties comprenant toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 accompagné du formulaire type de rétractation codifié à l'annexe de l'article R. 221-1 du même code.
L'article L. 111-1 précise notamment que le professionnel communique au consommateur les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service ; le prix du bien ou du service ; en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat en application de l'article L. 242-1 du même code.
Sur la base de ces dispositions, il a notamment été jugé que :
- le bon de commande n'a pas à détailler, dans le prix global qu'il indique, la part respective du coût des matériels, des travaux de pose, des démarches administratives et du raccordement au réseau ERDF à la charge du vendeur (Civ. 1re, 11 janvier 2023, n° 21-14.032) ;
- constitue une caractéristique essentielle la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat (Civ. 1ère, 24 janvier 2024, n° 21-20.691) ;
- le délai de livraison est aisément déterminable, dès lors qu'il permet à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations (Civ. 1re, 20 décembre 2023, n° 22-13.014) ;
- la mention du recours à une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges et les modalités d'accès à celle-ci sur le bon de commande est requise à peine de nullité (Civ. 1re, 18 septembre 2024, n° 22-19.583).
En l'espèce, le bien financé, désigné sous l'appellation « GS102 avec autoconsommation », est détaillé comme suit au bon de commande :
« 1 kit 2Kwc GS10 en autoconsommation
avec
8 panneaux
8 micro onduleurs
1 passerelle de communication
1 ballon thermodynamique 190 L
1 comwatt
installation en autoconsommation
installation garantie 20 ans constructeurs ».
Il indique donc bien que la puissance nominale de l'installation est de 2 Kwc.
Il précise par ailleurs, en page 2, dans l'encart portant sur les garanties, que l'onduleur central est de marque SolarEdge et les micro-onduleurs de marque Enphase.
Il est patent que M. [P] ajoute aux textes précédemment rappelés en ce qui concerne les caractéristiques essentielles des biens commandés, le bon de commande n'ayant pas à préciser, contrairement à ce qu'il plaide, le poids, la taille, la surface totale occupée et la technologie des panneaux photovoltaïques, le mode de pose des panneaux, le poids, la taille et la puissance de chauffe du ballon thermodynamique, le prix unitaire des biens commandés, la ventilation entre le coût des biens et le coût de la main-d''uvre.
Par ailleurs, le délai de livraison indiqué, à savoir « décembre 2017 », lui a permis de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations, tandis que les modalités de financement indiquées lui ont permis de connaître la durée du contrat, le nombre, le coût et la périodicité des échéances hors et avec assurance, le taux nominal et le taux effectif global du crédit, ainsi que le coût total de l'achat à crédit.
Enfin, la société BNP n'a libéré les fonds que sur une attestation de conformité de l'installation visée par le consuel le 14 décembre 2017.
Cependant, il s'impose de constater que le bon de commande ne comporte aucune précision sur la marque du ballon thermodynamique vendu, et qu'il ne précise pas les modalités d'accès à un médiateur de la consommation, en communiquant à l'acquéreur les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève conformément aux dispositions de l'article L 616-1 du code de la consommation.
Il s'ensuit que le contrat de vente était affecté de causes de nullité que la banque, en sa qualité de professionnelle, ne pouvait ignorer. Elle a pourtant libéré les fonds au profit du vendeur en dépit de ces anomalies manifestes.
Sa faute est donc établie.
Son argumentaire sur la confirmation tacite du contrat est inopérant, l'action engagée ne visant pas à l'annulation du contrat de vente, et subséquent, à celle du contrat de crédit affecté, mais à l'obtention de dommages et intérêts à titre de réparation de la faute commise.
A toutes fins utiles, il sera observé que contrairement à ce que plaide le prêteur, s'agissant d'une nullité relative, la confirmation du contrat est possible dans les conditions prévues par l'article 1182 du code civil, aux termes duquel la confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. Or en l'espèce, la confirmation de l'acte entaché de nullité n'est pas caractérisée par la seule exécution du contrat vicié, susceptible de s'expliquer par la méconnaissance par l'acheteur de ses droits et sa recherche d'un retour sur investissement. Aucune des mentions du bon de commande versé aux débats n'était susceptible de révéler à l'acquéreur les vices l'affectant. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune autre pièce que M. [P] a eu conscience de ceux-ci au moment de la souscription du contrat ou de son exécution.
1.2. Sur le lien de causalité et le préjudice
1.2.1. Sur le capital emprunté et les intérêts
M. [P] soutient que la banque a directement concouru à l'irrégularité du contrat de vente litigieux, en n'alertant pas son client. S'il avait été informé des irrégularités affectant le bon de commande, il n'aurait en effet jamais consenti à conclure la vente et, par conséquent, le contrat de prêt. L'établissement prêteur doit donc selon lui être purement et simplement privé de sa créance de restitution du capital. A tout le moins, la banque lui a fait perdre une chance de ne pas contracter l'opération.
Il indique qu'il subit un préjudice qui ressort du défaut de rentabilité des matériels, lequel continue de s'aggraver. Il s'est engagé financièrement pendant quinze années auprès de l'établissement bancaire pour l'acquisition d'une installation qui commencera à peine à être rentable au bout de vingt-deux ans, si tant est que les matériels fonctionnent toujours d'ici-là. Ce préjudice est aggravé par la liquidation judiciaire dont la société DBT a fait l'objet puisqu'il ne pourra pas recouvrer le prix de vente.
Il demande la condamnation de la société BNP à lui payer la somme de 16 200 euros correspondant au montant du capital emprunté, ainsi que la somme de 10 704,34 euros au titre des frais bancaires engagés (intérêts, assurance, frais).
La société BNP rappelle que la résolution du contrat de crédit affecté consécutive à la résolution du contrat constatant la vente qu'il finançait emporte de plein droit l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté.
Elle plaide que le préjudice subi par l'emprunteur du fait du manquement par le banquier à son devoir d'information ou de mise en garde est « la perte de chance de ne pas contracter », qui ne peut jamais donner lieu à la réparation intégrale du préjudice.
Elle nie la réalité du préjudice allégué, soulignant que les panneaux photovoltaïques et les autres matériels, objets du bon de commande régularisé le 28 septembre 2017 auprès de la société DBT, ont bien été livrés et installés, que M. [P] ne rapporte absolument pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement, et qu'il en conservera la propriété.
Sur ce,
En l'espèce, M. [P] se contente d'affirmer péremptoirement que si la banque avait attiré son attention sur les irrégularités du bon de commande, il n'aurait pas conclu le contrat de vente litigieux et le contrat de crédit affecté destiné à le financer.
Or il doit être constaté qu'il a parfaitement pu constater par lui-même le défaut de mention de la marque du ballon thermodynamique et qu'il n'a jamais cherché à s'en enquérir, pas plus qu'il n'a formulé le moindre grief de ce chef lors de sa réception. Il n'a manifestement pas davantage envisagé de saisir un médiateur dans un cadre conventionnel lorsqu'il a, cinq années après la signature des contrats, élevé le litige.
En outre, M. [P] caractérise son préjudice par l'insuffisance de rendement qu'il reproche à l'installation de la société DBT, par rapport au coût de l'installation.
Cependant, d'une part, il ne produit aucun document contractuel démontrant que la société DBT se serait engagée à son égard sur une rentabilité spécifique. Au contraire, le contrat indique bien, à son article 11, intitulé « production d'énergie ' rendement » : « le client reconnaît être informé que la production d'énergie et le rendement de l'installation dépendent de nombreux paramètres et, en conséquence que les informations, sur les économies d'énergie potentiellement réalisables, sont fournies par la société DBT PRO et ses représentants à titre purement indicatif et non contractuelles. La société DBT PRO ne souscrit aucun engagement au titre des économies énergie car elle ne saurait garantir en aucun cas un volume ou un revenu ».
D'autre part, les bases à partir desquelles son consultant privé a établi les performances attendues et réalisés (pourcentage d'économie attendu, facture énergétique annuelle de M. [P]) ne sont étayées par aucun document objectif, le rapport produit n'étant même pas signé par son auteur.
M. [P] ne peut enfin déplorer être dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente de l'installation, alors qu'il ne sollicite pas l'annulation du contrat de vente.
Il dispose incontestablement d'une installation qui fonctionne.
Ni le préjudice allégué, ni son lien avec la faute commise par la banque ne sont donc établis.
Le jugement querellé ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre du capital emprunté et des intérêts.
1.2.2. Sur le préjudice moral
M. [P] soutient subir un préjudice moral, du fait de la prise de conscience d'avoir été dupé par le vendeur et de s'être engagé dans un système qui le contraint sur de nombreuses années, compte-tenu de la non-réalisation des performances et du rendement annoncés par le vendeur. Il plaide que la faute de la banque a évidemment concouru à la réalisation du dommage puisqu'il s'est engagé dans une vente et un crédit qu'il n'aurait jamais contractés si ces irrégularités, et le défaut de rentabilité de l'installation, avaient été portés à sa connaissance.
Sur ce,
Il a déjà été jugé que M. [P] ne démontrait pas que si la banque avait attiré son attention sur les irrégularités affectant le bon de commande, il n'aurait pas conclu le contrat de vente litigieux et le contrat de crédit affecté destiné à le financer.
Il est en outre défaillant dans la preuve qui lui incombe d'avoir été dupé par la société DBT.
Le manque de rentabilité de l'installation, à le supposer démontré, serait en tout état de cause sans lien avec la faute de la banque.
Le jugement querellé ne peut qu'être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral allégué.
2. Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner M. [P] aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamné aux dépens de première instance.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [P] sera par ailleurs condamné à payer à la société BNP la somme indiquée au dispositif du présent arrêt et débouté de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Amiens ;
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [P] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [T] [P] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE