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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ., 23 mai 2025, n° 23/01536

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cotel Ingenierie (SARL), Fedt Darwin Concept (Sté), Lloyd's France (SA), Lloyd's Insurance Company (SA), Euromaf Ropeens (SA), Axa France IARD (SA), Mutuelle des Architectes Français (MAF), SMABTP (Sté), SMA (SA), SBTPC-Sogea Reunion (SAS), Bureau Veritas (SA), SCCV Le Mistral (SC), Promojet (SARL), Allianz IARD (SA), Isis (SARL)

Défendeur :

Cotel Ingenierie (SARL), Fedt Darwin Concept (Sté), Lloyd's France (SA), Lloyd's Insurance Company (SA), Euromaf Ropeens (SA), Axa France IARD (SA), Mutuelle des Architectes Français (MAF), SMABTP (Sté), SMA (SA), Sbtpc-Sogea Reunion (SAS), Bureau Veritas (SA), SCCV Le Mistral (SC), Promojet (SARL), Allianz IARD (SA), Isis (SARL)

CA Saint-Denis de la Réunion n° 23/0153…

22 mai 2025

LA COUR

La SCCV MISTRAL a fait réaliser une construction immobilière dont la société PROMOJET a assuré la livraison. La réception des travaux est intervenue le 2 mars 2010.

Suite à l'apparition de nombreux désordres, notamment en rapport avec une défection de la toiture, et à des infiltrations sous-terraines, les copropriétaires des appartements concernés, les locataires et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 37] ont effectué plusieurs déclarations de sinistres. Par ordonnance de référé du 24 mai 2016, puis par ordonnances d'extension du 19 septembre 2016, du 6 octobre 2016 et du 14 décembre 2017, une expertise a été instituée, confiée à Monsieur [I] [X], lequel a déposé son rapport le 30 octobre 2018.

Puis, par actes délivrés en février 2020, le [Adresse 47] [Adresse 35] (le SDC), Madame [G] [B], Monsieur [F] [Z] et Madame [L] [Z] ont fait citer devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion les défendeurs aux fins notamment de condamner la compagnie ALLIANZ IARD, en qualité d`assureur dommages-ouvrage, à indemniser Madame [B], Monsieur [Z] et le SDC de la totalité des préjudices découlant d'un défaut de conception, de suivi des travaux ou d'une mauvaise réalisation des ouvrages, à partir du rapport d'expertise complémentaire sollicité, et subsidiairement la SCCV LE MISTRAL, la société PROMOJET et Monsieur [T] à titre personnel.

Monsieur [J] [M] est intervenu volontairement à l'instance en présentant des demandes personnelles.

Par conclusions d'incident, les demandeurs ont saisi le juge de la mise en état aux fins d'expertise judiciaire ayant pour objet d'examiner les désordres intéressant les parties communes de la résidence [Adresse 37], l'appartement n° 21 de Madame [G] [S] [K] [B] et l''appartement n° 5 de Monsieur et Madame [Z] et d'ordonner à la SCCV MISTRAL, à la SARL PROMOJET et à Monsieur [T], ainsi qu'à à la maîtrise d''uvre de remettre un certain nombre de document techniques sous astreinte.

Par conclusions en réplique à l'incident, la SA SMA et la SAS SBTPC-SOGEA REUNION (venant aux droits de la SAS SOGEA REUNION ) ont demandé en substance de juger irrecevable l'intervention volontaire de Monsieur [M] et ses demandes de condamnations comme d'expertise irrecevable comme prescrites.

Par conclusions en réplique à l'incident, la SARL COTEL INGENIERIE, la société FEDT DARWIN CONCEPT, la société SA LLOYD'S FRANCE et la société anonyme LLOYD'S INSURANCE COMPANY(intervenante volontaire comme venant aux droits des souscripteurs du LLOYD'S DE LONDRES ) ont notamment demandé de rejeter la demande d'expertise, subsidiairement de leur donner acte de leurs protestations et réserves, et de déclarer irrecevable l'intervention de Monsieur [M].

La SMABTP a plaidé pour le rejet de la demande de complément d'expertise des demandeurs principaux et de la demande de complément de Monsieur [M], son action étant comme étant

irrecevable car non justifiée et forclose.

Dans leurs dernières conclusions d'incident, la société BUREAU VERITAS SA et la société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, intervenante volontaire, ont conclu à la nullité de l'assignation délivrée à l'encontre de BUREAU VERITAS SA et à l'irrecevabilité pour prescription des demandes dirigées à l'encontre de BUREAU VERITAS CONSTRUCTION.

Par ordonnance du 3 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :

PRONONCONS la mise hors de cause de LLOYD'S France ;

DONNONS acte à la compagnie LLOYD'S INSURANCE COMPANY de son intervention volontaire en lieu et place de LLOYD'S France ;

PRONONCONS la mise hors de cause de BUREAU VERITAS SA ;

DONNONS ACTE à BUREAU VERITAS CONSTRUCTION de son intervention volontaire;

PRONONCONS la nullité de l'assignation délivrée à l'encontre de BUREAU VERITAS SA;

DECLARONS irrecevable I' intervention volontaire de Monsieur [M] ;

ENJOIGNONS à la SCCV MISTRAL, à la SARL PROMOJET et à Monsieur [T], ainsi qu'à à la maîtrise d''uvre de remettre aux demandeurs les documents suivants et ce sous astreinte de 100 ' par jour de retard à compter de 15 jours de la signification de la présente ordonnance : (un certain nombre de documents précisément énumérés) ;

DEBOUTONS le [Adresse 47] [Adresse 37] de sa demande de contre-expertise judiciaire ;

ORDONNONS une expertise confiée à M. [E] [Y], expert près la CA de [Localité 45] de la Réunion, avec mission de (')

o Effectuer la description complète des désordres, malfaçons, anomalies, vices, défaut de contenance et de conformité relevés sur les appartements n° 5 et 21 appartenant respectivement à Madame [B] et aux époux [Z], au sein de la Résidence [Adresse 37] ; (')

ORDONNONS le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire ;

ORDONNONS le retrait du rôle de la présente affaire ;

DISONS que les parties sont invitées à faire rappeler l'affaire au rôle après dépôt du rapport;

DISONS n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'incident ;

RESERVONS les dépens.

Vu la déclaration d'appel déposée le 31 octobre 2023 par la SARL COTEL INGENIERIE, la société FEDT DARWIN CONCEPT, anciennement dénommée France ENGINEERING DIVISION TECHNIQUE (FEDT), la SA LLOYD'S France et la SA LLOYD'S INSURANCE COMPANY, VENANT AUX DROITS DES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES ;

Vu l'avis fixant l'audience à bref délai adressé aux parties le 31 octobre 2023;

Vu la signification de la déclaration d'appel et des conclusions aux intimés suivants :

. Madame [G] [S] [K] [B], le 19 décembre 2023 ;

. Monsieur [F] [U] [Z], le 19 décembre 2023 ;

. Madame [L] [C] [D] [Z], le 19 décembre 2023 ;

. Monsieur [J] [M], le 19 décembre 2023.

. Monsieur [N], à l'enseigne ZORMETAL, le 14 décembre 2023

. Monsieur [A] [T], le 14 décembre 2023 ;

. La société EUROMAF ASSURANCE DES INGENIEURS ET ARCHITECTES

EUROPEENS, ès qualité d'assureur de BET ISIS, le 15 décembre 2023;

. La compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD, ès qualité d'assureur de la société LEM, le 19 décembre 2023 ;

. La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), ès qualité d'assureur de Monsieur [H], le 15 décembre 2023 ;

. La SMABTP, ès qualité d'assureur de SMG, le 14 décembre 2023 ;

. La SMA, le 15 décembre 2023 ;

. La SNC SOGEA REUNION, le 18 décembre 2023 ;

. La SELARL FRANKLIN et [R], ès qualité de liquidateur de la société LES ETANCHEURS DES MASCAREIGNES (LEM), le 14 décembre 2023;

. La SCCV LE MISTRAL, le 14 décembre 2023 ;

. La SARL PROMOJET, le 14 décembre 2023 ;

. La SELARL [O], pris en sa qualité de Liquidateur judiciaire de la société PROMOJET, le 14 décembre 2023 ;

. La société ALLIANZ IARD, ès qualité d'assureur dommage ouvrage, le 19 décembre 2023,

. La SARL BET ISIS, le 15 décembre 2023 ;

. La SELARL [O], pris en sa qualité de Liquidateur judiciaire de la SARL GEORGES MAILLOT, renommée SARL SMG&ZINC OI, le 14 décembre 2023 ;

. Le [Adresse 47] [Adresse 37] (le SDC), le 14 décembre 2023.

La société BUREAU VERITAS a constitué avocat dès le 23 novembre 2023.

Vu les premières conclusions des appelants remises par RPVA le 12 décembre 2023, signifiées aux intimés non constitués avec la déclaration d'appel ;

Vu les conclusions d'intimé du [Adresse 46] [Adresse 34] MISTRAL, déposées par RPVA le 14 mars 2024, après avoir constitué avocat le 7 mars 2024 ;

Par ordonnance d'incident en date du 12 avril 2024, le président de la chambre saisie a déclaré IRRECEVABLES les conclusions et les pièces déposées par le [Adresse 47] [Adresse 37] (le SDC).

La société ALLIANZ IARD a constitué avocat mais n'a pas conclu.

Madame [G] [B], Monsieur [F] [Z], Madame [L] [C] [D] [Z], Monsieur [J] [M], Monsieur [V] [N], Monsieur [A] [T], la SCCV LE MISTRAL ; la SELARL [O], ès qualité de " Mandataire liquidateur " de la société PROMOJET et ès qualité de " Mandataire liquidateur " de la SARL SMG&ZINC OI (anciennement GEORGES MAILLOT), n'ont pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée le 17 décembre 2024.

***

Aux termes de leurs uniques conclusions d'appelantes, la SARL COTEL INGENIERIE, la société FEDT DARWIN CONCEPT, anciennement dénommée France ENGINEERING DIVISION TECHNIQUE (FEDT), la SA LLOYD'S France et la SA LLOYD'S INSURANCE COMPANY, VENANT AUX DROITS DES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, demandent à la cour de :

" REFORMER l'Ordonnance en ce qu'elle a prononcé la nullité de l'assignation délivrée à l'encontre de BUREAU VERITAS SA et DECLARER recevable les demandes à l'encontre

de la société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION qui sera en conséquence maintenue en cause.

REFORMER encore l'Ordonnance entreprise en ce que l'elle a enjoint sous astreinte de 100 ' par jour de retard, aux côtés du Maître de l'ouvrage, " la Maîtrise d''uvre " sans autre précision à remettre l'ensemble des pièces du chantier que nos concluants, membres de la Maîtrise d''uvre, ne détiennent pas.

DIRE ET JUGER que cette condamnation pourra éventuellement n'être dirigée qu'à l'encontre du promoteur la SCCV MISTRAL, la SARL PROMOJET et Monsieur [T] seuls susceptibles de détenir l'ensemble des pièces réclamées par le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires.

CONDAMNER le [Adresse 47] [Adresse 37], Madame [G] [B], Monsieur [F] [U] [Z], Madame [L] [Z] in solidum au paiement d'une somme de 2.000' au titre de l'Article 700 ainsi qu'aux entiers dépens. "

***

Aux termes de leurs conclusions remises le 5 janvier 2024, la SA SMA et la SAS SBTPC -SOGEA REUNION, venant aux droits de la SAS SOGEA REUNION, demandent à la cour de :

" JUGER l'appel des sociétés COTEL INGENIERIE, FEDT DARWIN CONCEPT, LLYOD'S France, et LLYOD'S INSURANCE COMPAGNY irrecevable ;

INFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a déclaré nulle l'assignation à l'endroit de BUREAU VERITAS ;

INFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a déclaré prescrite les demandes à l'endroit de BUREAU VERITAS ;

CONDAMNER les sociétés COTEL INGENIERIE, FEDT DARWIN CONCEPT, LLYOD'S France, et LLYOD'S INSURANCE COMPAGNY et BUREAU VERITAS à payer à la SAS SBTPC SOGEA REUNION la somme de 2 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. "

***

Selon le dispositif de leurs dernières conclusions n° 2, remises le 17 janvier 2024, la société BUREAU VERITAS SA et la société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, intervenante volontaire, demandant à la cour de :

" CONFIRMER l'ordonnance du 3 octobre 2023 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de SAINT DENIS en ce qu'elle a prononcé la mise hors de cause de BUREAU VERITAS SA,

CONFIRMER l'ordonnance du 3 octobre 2023 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de SAINT DENIS en ce qu'elle a donné acte à BUREAU VERITAS CONSTRUCTION de son intervention volontaire,

CONFIRMER l'ordonnance du 3 octobre 2023 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de SAINT DENIS en ce qu'elle a prononcé la nullité de l'assignation délivrée à l'encontre de BUREAU VERITAS SA,

CONFIRMER l'ordonnance du 3 octobre 2023 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de SAINT DENIS en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite toute demande formulée à l'encontre de BUREAU VERITAS CONSTRUCTION,

CONDAMNER respectivement la société SA LLOYD'S FRANCE, la société COTEL INGENIERIE, la société FEDT DARWIN CONCEPT, la société SA LLOYD'S INSURANCE COMPANY, ès qualité d'assureur de la société COTEL et de la société FEDT, la SA SMA et la SAS SBTPC -SOGEA REUNION, venant aux droits de la SAS SOGEA REUNION ou à tout le moins les parties succombantes à verser à BUREAU VERITAS

CONSTRUCTION la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER les mêmes aux dépens dont distraction au profit de Maître Estelle GANGATE, avocat aux offres de droit. "

***

Aux termes de leurs conclusions d'appelantes incidentes déposées le 21 mars 2024, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), assureur de Monsieur [P] [H], la SA EUROMAF ASSURANCE DES INGENIEURS ET ARCHITECTES EUROPEENS, son assurée la SARL ISIS INGENIERIE, demandent à la cour de :

" INFIRMER l'ordonnance du 03 octobre 2023 en ce qu'elle a prononcé la nullité de l'assignation délivrée à l'encontre du contrôleur technique de l'opération MISTRAL, la Société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, venant aux droits de la SA BUREAU VERITAS, et l'a mise hors de cause ;

INFIRMER l'ordonnance du 3 octobre 2023 en ce qu'elle a enjoint à la maîtrise d''uvre de remettre aux intimes les documents suivants et ce sous astreinte de 100 ' par jour de retard à compter de 15 jours de la signification de l'ordonnance :

I L'ensemble des marchés de travaux, des contrats de maitrise d''uvre, OPC, architecte des intervenants.

. Les attestations d'assurances responsabilité civile décennale de l'ensemble des intervenants.

II le dossier de dommages ouvrage.

II l'entier dossier de permis de construire.

II les procès-verbaux de réception des lots.

II la déclaration d'ouverture de chantier.

* les rapports initiaux et finaux de contrôle technique.

* le certificat de conformité.

* les plans d'exécution.

Et statuant à nouveau,

MAINTENIR en la cause la Société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, venant aux droits de la SA BUREAU VERITAS,

DIRE n'y avoir lieu à condamner sous astreinte la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), la S.A EUROMAF et la SARL BET ISIS à remettre des documents qui ne sont pas en leur possession ;

A TITRE SUBSIDIAIRE ,

DIRE que la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF) et la S.A EUROMAF ne peuvent en tout état de cause être condamnées sous astreinte compte tenu de l'application des clauses d'exclusions qui figurent dans leurs conditions générales ;

CONDAMNER le [Adresse 47] [Adresse 37], Madame [G] [B], Monsieur [U] [Z] et Madame [L] [Z] à verser à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), à la S.A EUROMAF et à la SARL BET ISIS une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. "

***

Par un avis RPVA du 8 avril 2025, la cour a invité les appelantes ou les sociétés BUREAU VERITAS à transmettre sans délai l'acte introductif d'instance délivré à la société BUREAU VERITAS afin d'examiner son contenu au regard des moyens soulevés au soutien de l'irrecevabilité des demandes dirigées contre elle.

Par message du 18 avril 2025, l'acte sollicité a été produit par l'avocat des sociétés BUREAU VERITAS.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire et juger " lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur le périmètre de l'appel :

Les appelantes principales contestent la décision ayant prononcé la nullité de l'assignation délivrée à la société BUREAU VERITAS et l'injonction de communiquer diverses pièces relatives à l'opération de construction " LE MISTRAL ".

La MAF et la société EUROMAF ainsi que la SARL ISIS INGENIERIE forment les mêmes griefs à l'encontre de l'ordonnance attaquée.

La SAS SMA et la SAS SOGEA concluent à la fois à l'irrecevabilité de l'appel principal tout en formant un appel incident qui conduirait aux mêmes fins alors en omettant l'effet de l'irrecevabilité de l'appel incident consécutivement à l'irrecevabilité d'un appel principal.

La société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION est la seule intimée concluant à la confirmation totale de l'ordonnance querellée.

La cour observe qu'aucune contestation n'est portée en appel à propos des dispositions de l'ordonnance sur les expertises sollicitées, rejetées ou accueillies.

Enfin, le SDC dont les conclusions et les pièces ont été déclarées irrecevables, comme les parties intimées qui n'ont pas constitué avocat en appel sont réputés s'approprier les motifs de l'ordonnance entreprise.

Sur la recevabilité de l'appel de l'ordonnance :

La SAS SMA et la SAS SOGEA font valoir que la décision du juge de la mise en état qui n'a pas pour seul objet d'organiser une expertise mais qui ordonne également une mesure d'instruction relative à la production et communication de pièces, n'est pas susceptible d'appel immédiat indépendamment du jugement sur le fond (CA [Localité 40], pôle 1, 5e ch., 30 sept. 2015, n° 15/08097, n° 2015-022648). L'appel apparaît irrecevable.

Les appelantes n'ont pas répondu à cette fin de non-recevoir pas plus que les autres parties.

Ceci étant exposé,

Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées;

5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

L'article 794 du même code prescrit que les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l'article 789.

L'article 795 est ainsi rédigé : Les ordonnances du juge de la mise en état et les décisions rendues par la formation de jugement en application du neuvième alinéa de l'article 789 ne sont pas susceptibles d'opposition.

Elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond.

Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer.

Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :

1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ;

2° Elles statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir a nécessité que soit tranchée au préalable une question de fond, l'appel peut porter sur cette question de fond ;

3° Elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;

4° Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

En l'espèce, la décision contestée porte sur une exception de procédure, s'agissant de la nullité alléguée de l'acte introductif d'instance à l'encontre de la société BUREAU VERITAS REUNION.

Ainsi, l'appel est partiellement recevable de ce chef.

Mais l'appel portant sur l'injonction de communiquer un certain nombre de pièces, ordonnée par le juge e la mise en état, n'est pas susceptible d'appel sauf avec le jugement au fond.

L'appel doit être déclaré partiellement irrecevable de ce chef.

Sur la nullité de l'assignation délivrée à la société BUREAU VERITAS :

Pour mettre hors de cause la société BUREAU VERITAS, le juge de la mise en état a retenu que l'exception de nullité soulevée devait être accueillie dès lors que l'assignation litigieuse vise comme moyen de droit l'article 1792 du code civil qui ne s'applique qu'aux constructeurs et pas au bureau de contrôle technique, qu'elle ne contient aucune demande de condamnation à

l'encontre de ces deux défendeurs et qu'elle ne contient pas non plus dans le corps de l'assignation de mise en cause précise de ce bureau de contrôle technique.

Selon les appelantes principales, le moyen examiné par le premier juge est purement et simplement erroné. En effet, l'article L. 111-24 ancien du code de la construction et de l'habitation- nouvel Article L. 125-2 en vigueur depuis le 1 er juillet 2021 prévoit que " Le Contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le Maître d'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil. Le Contrôleur technique est donc bien un constructeur pratiquement comme les autres, en tous cas soumis à l'article 1792 du code civil, la seule particularité étant que vis-à-vis des autres constructeurs (et non du Maître de l'ouvrage) il n'est tenu à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge.

La MAF, la société EUROMAF et la SARL ISIS INGENIERIE exposent les mêmes moyens en affirmant que c'est à tort que le juge de la mise en état a prononcé la mise hors de cause de la Société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION.

Sur ce,

L'article L. 125-2 du code de la construction et de l'habitation en vigueur depuis le 1er juillet 2021, issu de l'Ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020, prévoit que le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître d'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 1792-4-1 du même code.

Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage.

Mais ce texte est la reprise de l'ancien article L. 111-24 du même code, applicable à la construction en cause, prévoyant alors que le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792,1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 1792-4-1 du même code reproduit à l'article L. 111-18.

Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage.

Ainsi, le fondement juridique visé dans l'assignation délivrée à la société BUREAU VERITAS, relatif aux dispositions de l'article 1792 et suivants du code civil était justifié.

L'ordonnance querellée doit être infirmée au moins sur ce fondement.

Sur l'absence de demandes à l'égard de la société BUREAU VERITAS :

Le premier juge a estimé en second lieu que l'assignation litigieuse ne contient aucune demande de condamnation à l'encontre des sociétés VERITAS, ne contient pas non plus dans le corps de

l'assignation de mise en cause précise de ce bureau de contrôle technique.

Selon les appelantes principales, le syndicat des copropriétaires, Madame [B] et les époux [Z], fondant leur action sur l'article 1792 et le Contrôleur technique étant bien soumis à la présomption de responsabilité édictée par cet article, alors qu'il est indispensable que le Contrôleur technique soit bien en cause et partie aux opérations d'expertise alors même qu'il est sollicité la communication de son rapport initial et de son rapport final, la cour, réformant l'Ordonnance sur ce point, déclarera l'assignation recevable à son encontre et maintiendra la société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION en la cause.

La SAS SMA et la société SOGEA affirment que la motivation de l'ordonnance querellée est contradictoire dès lors qu'il est constaté que l'assignation principale qui attrait BUREAU VERITAS est intervenue dans le délai décennal et qu'il a été fait droit à la demande d'expertise de Mme [B] et des époux [Z] au motif que les désordres concernant leurs lots se seraient manifestés tardivement, si bien que la demande d'expertise à l'égard de BUREAU VERITAS ne peut être prescrite.

Les sociétés BUREAU VERITAS et BUREAU VERITAS CONSTRUCTION font aussi valoir qu'il résulte de l'assignation délivrée à BUREAU VERITAS SA, que les demandeurs ne motivent nullement la mise en cause du contrôleur technique, et ne précisent pas les éléments en fait et en droit de nature à permettre de rechercher sa condamnation.

Par ailleurs, les demandeurs ne sont pas fondés à se prévaloir de l'article 145 du code de procédure civile, qui est réservé au référé, afin de solliciter une expertise judiciaire :

Selon elles, l'absence d'une argumentation juridique précise, met BUREAU VERITAS SA

dans l'impossibilité de présenter ses moyens de défense. En effet, ni dans le corps de leur assignation, ni dans le dispositif, les demandeurs n'indiquent sur quels arguments juridiques ils entendent justifier la mise en cause de BUREAU VERITAS SA. Il appartenait donc au Syndicat des Copropriétaires et les époux [Z] et Madame [B], pour donner le minimum de crédibilité à leur demande, d'établir un probable lien entre l'hypothétique intervention de BUREAU VERITAS SA et l'un quelconque des griefs dont ils se plaignent.

D'autre part, selon les sociétés BUREAU VERITAS et BUREAU VERITAS REUNION, l'absence de motivation constitue la raison à l'origine de la nullité de l'assignation. Or, cette cause de nullité n'a pas été rectifiée par les demandeurs dans le cadre de leurs conclusions qui ont suivi leur assignation. La SA SMA et la SAS SBTPC -SOGEA REUNION, venant aux droits de la SAS SOGEA REUNION, ne sont pas légitimes aujourd'hui à tenter de pallier les lacunes des demandeurs.

Sur ce,

Vu les articles 2, 4, 56-2° et 114 du code de procédure civile ;

Tant en première instance qu'en appel, l'objet de la demande peut être formulé dans les motifs des conclusions sans être repris dans le dispositif ;

Il appartient au juge régulièrement saisi d'un moyen de nullité à cet objet, de vérifier que l'assignation contient un exposé des moyens en fait nécessaires, au sens de l'article 56 du code de procédure civile, à la défense des destinataires de l'acte, mais non d'apprécier la force probante des allégations qui y figurent (CIV2. 20 octobre 2020 - n° 19 15 316).

Mais il résulte du troisième de ces textes l'exigence que soient précisés dans l'assignation trois éléments : l'objet de la demande, l'exposé des moyens en fait et l'exposé des moyens en droit.

L'exposé des moyens est distinct de l'objet de la demande, l'exposé des moyens faisant partie du corps de l'assignation, tandis que l'objet de la demande trouve son siège dans le dispositif.

L'exposé du moyen en fait, comme d'ailleurs celui du moyen en droit et celui l'objet de la demande, doit permettre au destinataire de l'assignation de savoir ce qu'on lui demande, d'apprécier si le tribunal saisi est compétent, s'il est opportun de se défendre, et par quels moyens. L'énoncé d'un moyen en fait n'est pas le rappel d'un contexte factuel. Il s'agit, bien que ce soit un fait qui est exposé, d'une démarche de qualification, destinée à donner au juge l'outil adéquat pour juger.

Or, en l'espèce, il est constant que l'assignation délivrée contre la société BUREAU VERITAS ne contient aucune demande à son encontre, ne développe aucun moyen de fait même si il est loisible de considérer que le rappel de l'article 1792 du code civil suffise à préciser le moyen de fait envisagé par les demandeurs.

Cette absence de précisions cause un grief à la société défenderesse qui n'est pas en mesure d'apprécier l'intérêt du litige à son égard, les moyens de défense à envisager ou les fins de non-recevoir, telle que la prescription de l'action.

En conséquence, les sociétés BUREAU VERITAS et BUREAU VERITAS CONSTRUCTION sont bien fondées à invoquer l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance à leur égard.

L'ordonnance querellée sera confirmée de ce chef par substitution de motifs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les parties supporteront leurs propres dépens ainsi que leurs frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE IRRECEVABLE partiellement l'appel en ce qu'il porte sur l'injonction de communiquer un certain nombre de pièces ;

DECLARE l'appel recevable pour le surplus ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise dans la mesure de la recevabilité de l'appel ;

LAISSE les parties supporter leurs propres dépens de l'appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

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