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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 15 mai 2025, n° 24/08693

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/08693

15 mai 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 15 MAI 2025

Rôle N° RG 24/08693 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNLQ5

S.A.S. LC & P CONSEILS

C/

[B] [Y]

S.A.S. VILHET FRUIT

Copie exécutoire délivrée

le : 15 mai 2025

à :

Me Nicolas LEMOINE,

Me Julien VOLLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 22 Avril 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2021/3107.

APPELANTE

S.A.S. LC & P CONSEILS,

Société par actions simplifiée, inscrite au RCS de [Localité 4] sous le numéro 792 236 564, ayant son siège social sis [Adresse 3] ([Adresse 2][Localité 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,

représentée par Me Nicolas LEMOINE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Victor RAVENAUX, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Maître [B] [Y]

pris en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de la SAS VILHET FRUIT désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON du 09 Juillet 2021 demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Julien VOLLE de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de TARASCON,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Mars 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Muriel VASSAIL, conseillèrea fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2025,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société VILHET FRUIT, dont l'objet social est le commerce agro-alimentaire, notamment, de fruits et légumes, a absorbé la société EUROFRESCH à effet au 1er juillet 2020.

Elle a été placée en redressement judiciaire par jugement rendu le 9 avril 2021 par le tribunal de commerce de Tarascon et en liquidation judiciaire par jugement rendu le 9 juillet 2021 par la même juridiction.

Dans le dernier état M. [B] [Y] a été désigné liquidateur judiciaire.

La société CGL lui a déclaré une créance de 53 871,88 euros à titre chirographaire échu au titre d'un prêt de 120 000 euros remboursable en 60 mensalités consenti le 4 janvier 2018 à la société EUROFRESH pour l'achat d'un véhicule MERCEDES CABRIOLET.

Ce véhicule ayant été vendu le 5 avril 2021 à la société LC & P CONSEILS par la société EUROFRESH pour un montant de 46 000 euros, le liquidateur a intenté une action à l'encontre de l'acquéreur au visa principalement de l'article L.622-7 du code de commerce et subsidiairement de l'article 1341-2 du code civil.

Par jugement rendu le 22 avril 2022, le tribunal de commerce de Tarascon a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- débouté la société LC & P CONSEILS de sa demande aux fins de bâtonnement,

- prononcé la nullité de la vente intervenue entre la société LC & P CONSEILS et la société VILHET FRUIT portant sur un véhicule MERCEDES,

- condamné la société LC & P CONSEILS à restituer le véhicule à M. [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VILHET FRUIT dans le mois de la signification,

- à défaut de restitution, condamné la société LC & P CONSEILS à payer à M. [Y] ès qualités la somme de 69 097 euros en derniers ou quittance,

- condamné la société LC & P CONSEILS aux dépens et à payer à M. [Y] ès qualités 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour prendre leur décision, les premiers juges ont notamment retenu que :

- les écritures soutenues par M. [Y] ne constituent pas un manquement aux dispositions de l'article 24 du code de procédure civile,

- c'est à bon droit que M. [Y] se prévaut de l'article 1377 du code civil dont il résulte que l'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signtaire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique,

- il n'est pas contesté que la société EUROFRESH et la société VILHET FRUIT ont fusionné, la seconde absorbant la première le 8 mars 2021 à effet au 1er juillet 2020,

- dans ces conditions, la société LC & P CONSEILS, conseil de la société VILHET FRUIT, ne peut se prévaloir d'une facture et d'un certificat de cession en date du 5 avril 2021, établis, non par la société VILHET FRUIT, mais au nom de la société EUROFRESCH, laquelle n'avait plus alors d'existence juridique,

- le paiement du prix de cession a été effectué par la société LC & P CONSEILS au profit de la société VILHET FRUIT le 15 avril 2021,

- la déclaration administrative d'achat a été enregistrée le 16 avril 2021,

- dans ces conditions, les évènements relatifs à la vente litigieuse dont la date est certaine sont postérieurs à l'ouverture de la procédure collective de la société VILHET FRUIT,

- dès lors, à défaut de date certaine de la vente, il y a lieu de faire droit à la demande d'annulation présentée par M. [Y],

- compte tenu des éléments communiqués, la valorisation du véhicule sera arrêtée à la somme de 69 907 euros.

La société LC & P CONSEILS a fait appel de ce jugement le 17 mai 2022.

Par ordonnance d'incident du 5 janvier 2023, le magistrat délégué de cette chambre a déclaré caduque la déclaration d'appel régularisée par la société LC & P CONSEILS et l'a condamnée aux dépens de l'incident et du fond.

Par arrêt du 27 juin 2024 rendu sur déféré de l'appelante, la cour de ce siège s'est déclarée compétente pour statuer sur la nullité de la requête en déféré et a :

- débouté M. [Y] ès qualités de son exception de nullité et de sa fin de non-recevoir,

- confirmé la décision déférée en ce qu'elle a déclaré caduque la déclaration d'appel formée contre la société VILHET FRUIT sauf à rectifier une erreur matérielle,

- infirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a étendu l'effet de la caducité à l'appel dirigé contre le liquidateur et en ce qu'elle a condamné la société LC & P CONSEILS saux dépens de l'instance au fond,

- dit que l'appel se poursuit entre la société LC & P CONSEILS et M. [Y] ès qualités,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés sur le déféré.

Le dossier, précédemment suivi sous le numéro RG 22-07145, a été remis au rôle le 8 juillet 2024 sous le numéro de RG 24-08693.

Dans ses dernières conclusions, déposée au RPVA dans le dossier RG 22-07145 le 29 juin 2022, la société LC & P CONSEILS demande à la cour de :

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA dans le dossier RG 22-07145 le 11 juillet 2022, M. [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VILHET FRUIT demande à la cour de débouter la société LC & P CONSEILS de son appel, de toutes ses demandes, fins et conclusions et ;

A titre principal, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel,

A titre subsidiaire, de :

- lui déclarer inopposable la vente du véhicule MERCEDES immatriculé EB 399 ZS régularisée entre la société VILHET FRUIT, venant aux droits de la société EUROFRESCH (vendeur) et la société LC & P CONSEILS (acheteur),

- condamner la société LC & P CONSEILS à lui payer ès qualités la somme de 69 097 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 16 mai 2022, date de signification du jugement, jusqu'à parfait paiement,

- débouter la société LC & P CONSEIL de son appel, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En toutes hypothèses, de condamner la société LC & P CONSEILS aux entiers dépens et à lui payer ès qualités 4 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 19 juillet 2024, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l'audience du 5 mars 2025.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 février 2025 avec rappel de la date de fixation.

Le 24 février 2025, la société LC & P CONSEILS a déposé au RPVA des conclusions de procédure aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats.

Le 25 février 2025, M. [Y] ès qualités a communiqué au RPVA des conclusions de procédure s'opposant au rabat de l'ordonnance de clôture.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS

1) Pour solliciter le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats, l'appelante soutient qu'il existe une cause grave justifiant de faire droit à ses demandes en ce que son avocat postulant aurait omis de lui transmettre les conclusions de l'intimé et qu'elle ne les aurait découvertes, ainsi que ses pièces, que très peu de temps avant l'audience fixée au 5 mars 2025.

Toutefois, ainsi que le fait valoir M. [Y] ès qualités, la prétendue erreur de l'avocat postulant de la société LC & P CONSEILS ne saurait s'analyser en une cause grave au sens de l'article 803 du code de procédure civile en ce que, sans manquer de vigilance, l'appelante :

- ne pouvait ignorer les délais impartis à l'intimé pour conclure par l'article 909 du code de procédure civile,

- aurait dû s'inquiéter de l'accomplissement des actes de procédure par son adversaire et s'enquérir de ses écritures avant le 24 février 2025 alors que l'affaire était fixée au fond depuis le 19 juillet 2024, c'est-à-dire, depuis plusieurs mois.

En conséquence, la société LC & P CONSEIL sera déboutée de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de la demande de renvoi subséquente.

2) La cour relève qu'elle n'est saisie d'aucun moyen ni d'aucune demande tendant à la contestation du jugement frappé d'appel en ce qu'il a débouté la société LC & P CONSEILS de sa demande de bâtonnement.

Il n'y aura donc pas lieu de statuer sur ce point.

3) Pour solliciter l'infirmation du jugement attaqué, la société LC & P CONSEILS fait reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu à son argument tenant au fait que M. [Y] ne pouvait invoquer l'article 1377 du code civil en ce qu'il représente l'acheteur de sorte qu'il n'est pas un tiers à l'acte objet du litige.

Ce texte pose pour principe que l'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique.

Comme il le fait valoir, par l'effet des dispositions combinées des articles L622-20 et L 641-4 du code de commerce, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société VILHET FRUIT, M. [Y] agit au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers qu'il représente et qui sont tous tiers à la vente objet du litige.

Il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. [Y] ès qualités pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1377 du code civil.

4) La société LC & P CONSEILS soutient encore que les premiers juges ont fait une appréciation erronée des faits de la cause en considérant que la vente n'avait pas date certaine au 5 avril 2021.

Dans la mesure où la vente est parfaite dès qu'il y a accord sur le prix et la chose, la cour adhére à son argumentaire tenant à la remise du véhicule et à la remise des fonds.

Cependant, ainsi que M. [Y] le fait valoir, au 5 avril 2021, même non radiée du RCS, la société EUROFRESCH, signataire de l'acte de vente, n'avait pas la capacité juridique de procéder à la vente puisqu'il n'est pas remis en cause que le véhicule qu'elle a cédé entrait dans le périmètre de la fusion absorption régularisée le 8 mars 2021 de sorte qu'elle n'en était plus propriétaire et n'avait plus la capacité juridique de le céder.

Il en résulte que cette vente est nulle.

Par ces motifs qu'il convient de subsituer à ceux des premiers juges, le jugement frappé d'appel doit être confirmé en ce qu'il prononcé la nullité de la vente mais infirmé en ce qu'il a considéré que cette vente avait été réalisée par la société VILHET FRUIT. En revanche, dans la mesure où il n'est pas contesté que cette voiture a été revendue par la société LC & P CONSEILS, M. [Y] ès qualités sera débouté de sa demande de restitution et l'appelante sera condamnée à en restituer la valeur.

5) Sur ce point, la société LC & P CONSEILS critique l'évaluation du véhicule telle qu'elle a été réalisée par les premiers juges.

Elle fait valoir à juste titre que, du fait de l'annulation, les parties ne peuvent être remises que dans leur état antérieur de sorte que, quel que soit le prix réel du véhicule, elle ne peut être condamnée qu'à en restituer le prix payé.

A défaut pour M. [Y] ès qualités de démontrer ni même d'alléguer une collusion entre l'acheteur et l'acquéreur afin de baisser fauduleusement le prix d'achat du véhicule, la cour adopte l'argumentaire de l'appelante.

En conséquence, le jugement frappé d'appel sera infirmé en ce qu'il a condamné la société LC & P CONSEILS à payer à M. [Y] ès qualités la somme de 69 097 euros et cette condamnation sera ramenée à la somme de 46 000 euros.

6) La société LC & P CONSEILS succombant à titre principal, le jugement frappé d'appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

Pour la même raison, elle sera condamnée aux dépens d'appel et se trouve, ainsi, infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser supporter à M. [Y] ès qualités l'intégralité des frais qu'il a exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La société LC & P CONSEILS sera condamnée à lui payer 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, après débats publics, dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Déboute la société LC & P CONSEILS de sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture et de la demande subséquente de renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 22 avril 2022 par le tribunal de commerce de TARASCON en ce qu'il a :

- annulé la vente,

- condamné la société LC & P CONSEILS aux dépens et à payer à M. [Y] ès qualités la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté l'exécution provisoire de plein droit,

Infirme le jugement frappé d'appel en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau des chef d'infirmation et y ajoutant ;

Précise que la vente objet du litige est intervenue entre la société LC & P CONSEILS et la société EUROFRESCH ;

Déboute M. [Y] ès qualités de sa demande de restitution du véhicule MERCEDES immatriculé EB 399 ZS ;

Déboute M. [Y] de sa demande de condamnation de la société LC & P CONSEILS à lui payer 69 907 euros ;

Condamne la société LC & P CONSEILS à payer à M. [Y] ès qualités la somme de 46 000 euros, avec intérêts aux taux légal à compter du 16 mai 2022 date de signification du jugement, en restitution du prix de vente du véhicule MERCEDES immatriculé EB 399 ZS ;

Déclare la société LC & P CONSEILS infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles;

Condamne la société LC & P CONSEILS à payer à M. [Y] ès qualités 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société LC & P CONSEILS aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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