CA Douai, ch. des référés, 26 mai 2025, n° 25/00041
DOUAI
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
PBSE (SAS)
Défendeur :
X
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lefeuvre
Avocats :
Me Calot-Foutry, Me Delbecq, Me Chaudon
EXPOSE DU LITIGE
Courant 2015, la société PBSE, ayant pour activité la fabrication et la vente de lingerie sous la marque Louisa Bracq Paris, a confié à Mme [W] [I], agent commercial, la représentation de ses produits pour le secteur géographique du Sud-Ouest auprès des boutiques spécialisées.
Par mail du 15 octobre 2019, la société PBSE a rompu le mandat de représentation avec Mme [W] [I] en lui reprochant son désintérêt pour la marque révélé par un chiffre d'affaires en baisse.
Par exploit de commissaire de justice en date du 11 septembre 2023, Mme [W] [I] a fait assigner la société PBSE devant le tribunal de commerce de Douai aux fins d'obtenir notamment le paiement de diverses sommes à titre d'indemnisation.
Par jugement contradictoire du'4 septembre 2024, le tribunal de commerce de'Douai a'notamment':
- condamné la société PSBE à payer à Mme [W] [I] la somme de 7'323,25 euros';
- condamné la société PSBE à payer à Mme [W] [I] la somme de 44'929,48 euros en réparation du préjudice subi pour rupture du contrat';
- débouté Mme [W] [I] de sa demande d'indemnité pour manque de loyauté';
- condamné la société PSBE à payer à Mme [W] [I] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- maintenu l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Douai le'20 septembre 2024, la société PBSE a interjeté appel de cette décision.
Par acte en date du'7 mars 2025 signifié à personne, la société PBSE a fait assigner Mme'[W] [I] devant le premier président de la cour d'appel de Douai aux fins de'voir, au visa des articles'L.134-1 à L.134-4, L.134-12 et L.134-13 du code de commerce, 514-3 et 514-6 du code de procédure civile:
- à titre principal, arrêter l'exécution provisoire dont est assorti le jugement du 4 septembre 2024 rendu par le tribunal de commerce de Douai';
- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions';
- à titre subsidiaire, ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire avec consignation de la somme saisie sur son compte ouvert au sein de la Société Générale, soit la somme de 55'961,40 euros sur un compte séquestre ouvert auprès de la Carpa entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 6] jusqu'à l'issue de la procédure d'appel';
- en tout état de cause, condamner Mme [W] [I] à lui verser la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.
D'une part, elle avance qu'elle dispose de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision puisque, en retenant que les résultats économiques décevants de Mme [I] ne constituaient pas une faute grave, le tribunal n'a pas pris en compte les éléments démontrant son désintérêt manifeste pour son mandant, puisqu'elle n'a pas maintenu la clientèle, n'atteignait pas ses résultats provisionnels et exerçait une activité concurrente,
D'autre part, elle estime que l'exécution provisoire de la décision contestée présente des conséquences manifestement excessives eu égard aux facultés de remboursement de Mme [I], lui faisant craindre un risque de non-restitution des fonds en cas d'infirmation du jugement, s'agissant de 53'822,32 euros, alors qu'elle ne publie pas ses comptes en qualité d'agent commercial et perçoit un salaire net d'environ 1'561 euros de la société Ron Production.
Elle considère que la mesure de séquestre présente un caractère équitable pour les deux parties, Mme [I] ayant fait procéder à deux saisies-attribution et a refusé la mainlevée de la seconde saisie qui n'avait pas lieu d'être, bloquant délibérément ses comptes et l'exposant à des frais bancaires.
70/25 - 3ème page
Aux termes de ses conclusions, Mme [W] [I], au visa des articles 514-3 et 521 du code de procédure civile, demande au premier président de':
- débouter la société BPSE de ses demandes d'arrêt de l'exécution';
- condamner cette dernière à lui verser la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle soutient que la société BPSE présente en appel le même argumentaire que celui de première instance et ne justifie pas de moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement, ni de conséquences manifestement excessives. Elle considère que la rupture brutale des relations commerciales par la SAS PBSE est fautive, que son remplacement est intervenu avant l'annonce de cette rupture, que le préavis n'a pas été respecté, qu'elle peut travailler pour plusieurs mandants et n'a commis aucune faute, les chiffres d'affaires réalisés étaient réguliers depuis 2016 sans contestation et justifie de la satisfaction de la clientèle, de sorte que le jugement lui accordant une indemnité de rupture et de préavis sera nécessairement confirmé.
Sur l'absence de conséquences manifestement excessives, elle soutient que les sommes ont été saisies concomitamment par le commissaire de justice sur deux comptes démontrant ainsi les capacités pour l'entreprise d'exécution de la décision et qu'elle dispose d'un bien immobilier et n'envisage pas de dépenser les sommes versées.
SUR CE
Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives.
Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d'infirmation et est apprécié au regard de la situation financière du débiteur et du créancier dans le cas où il aurait à restituer les sommes versées.
Il résulte des pièces produites que la société PBSE dispose des fonds nécessaires pour s'acquitter des sommes qu'elle a été condamnée à verser à Mme [P], puisque deux saisies-attribution ont été fructueuses et que le risque de non restitution des fonds n'est pas établi, de sorte que la condition tenant à un risque de conséquences manifestement excessif de la décision n'est pas remplie.
Dès lors, sans qu'il n'y ait lieu à examiner l'existence de moyens sérieux de réformation, les conditions exigées par l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement déféré devant la cour formée par la société PBSE sera rejetée.
Par ailleurs, si l'article 514-5 du code de procédure civile autorise, en cas de rejet de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, à subordonner l'exécution provisoire à une garantie suffisante pour répondre à toute substitution, il est constaté que le risque de non restitution par Mme [P] n'est pas établi. En conséquence, cette demande subsidiaire de consignation sera rejetée.
Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mme [P] les frais irrépétibles de la procédure.
Il lui sera en conséquence accordé la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Par ordonnance contradictoire,
Déboute la société PBSE de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement du tribunal de commerce de Douai du 4 septembre 2024,
70/25 - 4ème page
Déboute la société PBSE de sa demande de consignation,
Condamne la société PBSE à verser à Mme [W] [P] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société PBSE aux dépens de la présente instance.