CA Rennes, 1re ch., 20 mai 2025, n° 21/07942
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
SCI (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Veillard
Vice-président :
M. Bricogne
Conseiller :
Mme Brissiaud
Avocats :
Me Grenard, Me Le Goff, Me Thomas-Belliard
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La SCI [14] a été constituée le 25 novembre 1992, suivant acte notarié au rapport de maître [K] [R], notaire à Rennes, avec pour objet l'acquisition de biens immobiliers et la gestion de tous immeubles ou droits immobiliers. Le principe de la prise de décision est l'unanimité. La gestion a été confiée à M. [A] [G], architecte de formation. Le siège de la SCI a été fixé au [Adresse 5] Rennes.
2. A la suite de différentes opérations sur le capital, dont des donations partages, [A] et [P] [G], frère et s'ur, se sont retrouvés en 2006 seuls associés. Le capital social initialement fixé à 221.081 ' a été augmenté d'une somme de 53.949,60 ' pour être porté à 275.031,16 ' à compter de l'assemblée générale extraordinaire du 18 novembre 2006. La répartition des parts était effectuée dans la proportion de deux tiers/un tiers :
- [A] [G] : 12.041 parts sur un total de 18.042 parts,
- [P] : 6.001 parts sur un total de 18.042 parts.
3. Courant 2013, à la suite notamment de l'absence de distribution des dividendes affectés en report à nouveau et alors que Mme [G] se plaignait de devoir acquitter ses impôts fonciers, une mésentente est apparue entre M. [G], associé gérant majoritaire, et Mme [G], associée minoritaire, portant notamment sur le caractère excessif du montant de la rémunération perçue par le gérant et l'absence de distribution des résultats.
4. Par assignation du 6 mars 2015, Mme [G] a fait citer M. [G] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes qui, par ordonnance du 4 novembre 2015, a :
- débouté Mme [G] de ses demandes de révocation du gérant et de désignation d'un administrateur provisoire de la société,
- ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [X] [F] avec pour mission, connaissance prise des comptes sociaux des exercices 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, d'examiner les griefs formulés par la demanderesse quant à la gestion de M. [G] et de décrire le mode de calcul de la rémunération du gérant, année après année, en la comparant aux prix pratiqués par la profession et, le cas échéant, d'énumérer les actes irréguliers pour évaluer le préjudice de la SCI.
5. L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 28 juillet 2016 en concluant à une rémunération excessive du gérant à concurrence d'une somme de 52.379 ' minorant d'autant le résultat de la société.
6. Aucune démarche amiable n'ayant pu aboutir, par assignation du 14 mars 2017, Mme [G] a fait citer M. [G] devant le tribunal de grande instance de Rennes ' devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020 ', sur le fondement de fautes de gestion et de l'abus de majorité aux fins de révocation de M. [G] des fonctions de gérant de la SCI [14], de désignation d'un administrateur provisoire en remplacement et de condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 59.542 ' en réparation de son préjudice financier.
7. Par exploit d'huissier de justice du 16 novembre 2017, Mme [G] a assigné la SCI [14] aux fins d'opposabilité de la procédure. Les deux instances ont été jointes par mention au dossier du tribunal.
8. M. [G] ayant saisi le juge de la mise en état d'une demande de médiation, le juge de la mise en état l'a rejetée par ordonnance du 31 mai 2018 compte tenu du refus de Mme [G] d'y participer. Il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formée par M. [G] d'annulation du rapport d'expertise judiciaire, celle-ci relevant du fond.
9. Mme [G] ayant à son tour sollicité le juge de la mise en état cette fois d'une demande de paiement d'une première provision d'un montant de 53.800 ' au titre de sa quote-part dans les résultats des années 2015 à 2018 et d'une seconde provision d'un montant de 26.608 ' au titre du remboursement de son compte courant d'associé, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 16 janvier 2020 rectifiée le 13 février 2020, condamné la SCI [14] à lui verser les sommes de :
- 33.373 ' au titre de sa quote-part dans les résultats des années 2015 à 2018,
- 26.608 ' au titre du remboursement du compte courant d'associé déduction faite de la somme de 5.000 ' versée le 19 juillet 2019.
10. La SCI [14] et M. [G] ont respectivement interjeté appel les 3 et 4 mars 2020.
11. Par un arrêt du 20 octobre 2020, la cour d'appel a infirmé la décision et déclaré irrecevables les demandes de provisions dirigées contre la SCI [14] dès lors qu'aucune demande en paiement n'avait été formée à l'encontre de celle-ci par Mme [G] dans ses dernières conclusions au fond de l'époque datée du 3 septembre 2019, lesquelles ne visaient qu'une demande d'opposabilité du jugement à intervenir.
12. Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :
- déclaré Mme [G] recevable en ses demandes chiffrées dirigées contre la SCI [14] dans ses conclusions du 12 janvier 2021 en raison d'un lien suffisant entre son intervention forcée et l'instance initiale,
- condamné M. [G] à payer à Mme [G] la somme forfaitaire de 25.000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier de Mme [G],
- condamné M. [G] à payer à celle-ci la somme de 3.288 ' en remboursement des frais et honoraires d'expert judiciaire dont elle avait fait l'avance,
- condamné la SCI [14] à payer à Mme [G] la somme de 21.608 ' au titre du remboursement de son compte courant d'associé,
- débouté Mme [G] de ses demandes de révocation du gérant de la SCI [14], de nomination d'un administrateur judiciaire provisoire et de distribution forcée de dividendes pour les exercices 2015 à 2018,
- débouté M. [G] de ses demandes reconventionnelles en annulation du rapport d'expertise de M. [F] et de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné M. [G] à verser à Mme [G] la somme de 7.500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [G] et la SCI [14] aux entiers dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
13. M. [G] a interjeté appel le 21 décembre 2021 sauf des chefs de jugement ayant rejeté les demandes de révocation du gérant, de désignation d'un administrateur judiciaire provisoire et d'attribution des résultats et de condamnation de la SCI [14] à verser à Mme [G] une somme de 53.800 ' au titre de la quote-part de résultats non distribuée des années 2015 à 2018.
14. Mme [G] a interjeté appel incident du rejet de ses demandes portant sur :
- la révocation du gérant et la désignation d'un administrateur judiciaire provisoire,
- la condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 59.542 ' à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
- la condamnation de la SCI [14] à lui payer les sommes de :
* 21.608 ' au titre de son compte courant d'associés,
* 53.800 ' au titre de sa quote-part des résultats des années 2015 à 2018.
15. La SCI [14] a interjeté appel incident de la recevabilité des demandes de Mme [G] dirigées contre elle ainsi que des condamnations portant sur le paiement des dommages et intérêts incombant à M. [G], sur le remboursement du compte courant d'associé lui incombant, sur le rejet de sa demande de délai et sur sa condamnation à paiement au frais et honoraires.
16. Par courrier officiel du 5 janvier 2022, Mme [G] a fait connaître son souhait de se retirer de la SCI, ce qui a été refusé lors de l'assemblée générale extraordinaire tenue le 1er avril 2022 dont le procès-verbal a retranscrit que M. [G] n'était pas opposé au principe du retrait de son associée mais n'était "pas en mesure de donner son accord à ce stade" et qu'un processus de détermination de la valeur des droits sociaux était en cour avec désignation de M. [J], expert en construction, de M. [U], expert-comptable et de M. [O], expert immobilier, pour procéder aux évaluations.
17. Par ordonnance du 13 décembre 2022, la conseillère de la mise en état a constaté le désistement de Mme [P] [G] de son incident de radiation pour inexécution du jugement, motif pris de ce que le recouvrement des sommes dues avait été effectué par le biais d'une saisie-attribution des loyers notamment.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
18. M. [G] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 3 août 2022 aux termes desquelles il demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de ses demandes tendant à la révocation du gérant, à la nomination d'un administrateur provisoire, à l'attribution des résultats et à la condamnation de la SCI [14] à lui verser une somme de 53.800 ' au titre de la quote-part des résultats des années 2015 à 2018,
- réformer pour le surplus le jugement et plus précisément en ce qu'il :
* a déclaré Mme [G] recevable en ses demandes,
* l'a condamné lui verser la somme de 25.000 ' à titre de dommages et intérêts,
* l'a condamné à lui régler les dépens et la somme de 3.288 ' au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire,
* a condamné la SCI [14] à payer à Mme [G] la somme 21.608 ' au titre du compte courant d'associé,
* l'a débouté de ses demandes reconventionnelles en annulation du rapport d'expertise de M. [F] et en ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- en conséquence,
- débouter Mme [G] de la totalité de ses demandes,
- débouter Mme [G] de ses appels incidents,
- condamner Mme [G] à lui verser la somme de 7.500 ' au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [G] à lui payer et à la SCI [14] les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
19. Mme [G] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 13 juin 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- à titre principal,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
* l'a déclarée recevable en toutes ses demandes,
* a condamné M. [G] à lui payer la somme de 3.288 ' en remboursement des frais et honoraires d'expert judiciaire dont elle a fait l'avance,
* l'a déboutée de ses demandes de révocation du gérant de la SCI [14], de nomination d'un administrateur judiciaire provisoire (sic),
* a débouté M. [G] de ses demandes reconventionnelles en annulation du rapport d'expertise de M. [F] et de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* a condamné M. [G] à lui payer la somme de 7.500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* a condamné in solidum M. [G] et la SCI [14] aux entiers dépens de l'instance,
* ordonné l'exécution provisoire du jugement
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
* a condamné M. [G] à lui payer la somme de 25.000 ' à titre de dommages et intérêts,
* a condamné la SCI [14] à lui payer la somme de 21.608 ',
* l'a déboutée de sa demande de condamnation de la SCI [14] en paiement de la somme de 53.800 ' correspondant à sa quote-part de résultat non distribuée des années 2015 à 2018,
- et statuant à nouveau,
- condamner M. [G] à lui payer la somme de 59.542 ' à titre de dommages-intérêts,
- condamner la SCI [14] au paiement de la somme de 53.800 ' correspondant à sa quote-part de résultat non distribuée des années 2015 à 2018,
- condamner la SCI [14] à lui payer la somme de 26.608 ' au titre du remboursement des sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associée en date du 31 décembre 2018,
- en tout état de cause,
- débouter M. [G] et la SCI [14] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires formulées à son encontre,
- condamner M. [G] et la SCI [14] à lui verser la somme de 27.500 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [G] et la SCI [14] aux entiers dépens, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444 -32 du code de commerce).
20. La SCI [14] expose ses prétentions et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 8 septembre 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de révocation du gérant, de nomination d'un administrateur provisoire et d'octroi forcé de dividendes,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] au paiement de dommages et intérêts,
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande de remboursement de compte courant et l'a condamnée à verser à Mme [G] la somme de 21.608 ' à ce titre,
- rejeté la demande de délai de paiement et l'a condamnée au paiement de sommes au titre des frais irrépétibles et aux dépens,
- jugeant à nouveau de ces chefs,
- dire et juger irrecevables les demandes de paiement présentées par Mme [G] à son encontre, notamment au titre du compte courant,
- débouter Mme [G] de l'ensemble des demandes qu'elle dirige contre M. [G] et elle, ainsi que de son appel incident,
- subsidiairement,
- accorder à la SCI [14] un délai de 24 mois à compter du jugement (sic) à intervenir pour procéder au règlement des sommes qui pourraient être mises à sa charge s'agissant tant du remboursement du compte courant que du paiement des prétendus dividendes,
- en tout état de cause,
- condamner Mme [G] à lui verser la somme de 5.000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel,
- condamner la même aux entiers dépens en première instance comme en appel.
21. L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 7 mai 2024.
22. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIVATION DE LA COUR
23. Dans ses conclusions d'intimée du 13 juin 2022, Mme [P] [G] n'a pas demandé la réformation des chefs de jugement l'ayant déboutée de ses demandes de révocation du gérant de la SCI [14] et de nomination d'un administrateur judiciaire provisoire. Elle y précise qu'elle "renonce" à maintenir ces demandes dès lors que l'évolution du litige la conduit désormais à vouloir exercer son droit de retrait de la SCI.
24. Du fait de l'absence de demande de réformation sur ces chefs de jugement, la cour n'en est pas saisie et n'a pas à statuer à nouveau sur ces points.
1) Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la SCI [14]
25. M. [G] soutient qu'après la réformation par la cour d'appel dans son arrêt du 20 octobre 2020 de l'ordonnance du juge de la mise en état du 16 janvier 2020 rectifiée le 13 février 2020 ayant condamné la SCI [14] à payer à la demanderesse les sommes provisionnelles de 33.373,00 ' au titre de la quote-part des résultats des années 2015 à 2018 et 26.608 ' au titre du remboursement du compte courant d'associé, Mme [G] a présenté à nouveau ces demandes, cette fois au fond, devant le tribunal judiciaire qui les a déclarées recevables à tort dès lors que par application de l'article 70 du code de procédure civile, il n'y a pas de lien suffisant entre elles et les demandes initiales de révocation du gérant et de nomination d'un administrateur provisoire qui sont de nature radicalement différente.
26. La SCI [14] soutient que pour la première fois par des conclusions du 12 janvier 2021 établies dans l'instance au fond, Mme [G] a cru pouvoir solliciter la condamnation de la SCI [14] à lui verser des dividendes dont la distribution n'avait pas été décidée en assemblée générale, outre le remboursement de son compte courant d'associés, que ces demandes, notamment au titre du compte courant, sont irrecevables comme ne se rattachant pas aux prétentions initiales par un lien suffisant.
27. Mme [G] oppose que du fait de sa qualité de gérant-associé majoritaire, M. [A] [G] est seul à l'origine des décisions de non-paiement des sommes réclamées par Mme [G] à la SCI et que ses prétentions à l'encontre de ladite SCI et de M. [G] présentent un lien suffisant avec l'assignation en intervention forcée.
Réponse de la cour
28. L'article 70 du code de procédure civile dispose que "Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant."
29. Les juges du fond apprécient souverainement si la demande additionnelle ou la demande reconventionnelle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant sous réserve de motiver leur réponse en cas de contestation.
1.1) Sur la recevabilité à l'égard de M. [G]
30. C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé qu'en application de l'article 1851 al 2 du code civil tel que régulièrement interprété, la demande de révocation d'un gérant de société civile pour motif légitime exige non seulement sa citation en justice mais aussi celle de la société puisque cette action, qui vise un organe social, affecte directement la situation de la société.
31. L'intervention forcée de la SCI [14] initiée par Mme [G] suivant exploit d'huissier de justice du 16 novembre 2017, qui se rattache par un lien suffisant à l'instance initiale en révocation et remplacement du gérant, est donc recevable à l'égard de M. [G]
32. Le jugement sera confirmé sur ce point.
1.2) Sur la recevabilité à l'égard de la SCI [14]
33. C'est également par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que les reproches adressés au gérant, qui étaient énoncés pour fonder sa révocation et son remplacement par un administrateur provisoire, tenaient notamment au grief de non-paiement supposé par lui-même des sommes réclamées par Mme [G] à la SCI [14] dont il assurait la gérance.
34. Il existe en effet un lien suffisant entre d'une part la demande de révocation du gérant et son remplacement par un administrateur judiciaire provisoire et l'opposabilité de ces demandes à la société concernée et d'autre part les demandes additionnelles en paiement des dividendes et en remboursement du compte courant d'associé dirigées contre la société dès lors que les secondes sont fondées sur les mêmes manquements que ceux qui fondent les premières, à savoir un désaccord quant à la gestion de la société par le gérant et quant à la distribution des résultats.
35. Les demandes de Mme [G] dirigées contre la SCI [14] et visant à la condamnation de celle-ci à lui payer, par le truchement du gérant, les dividendes des années 2015 à 2018 et à lui rembourser son compte courant d'associée, ont un lien suffisant avec la demande initiale d'opposabilité de l'instance en révocation et remplacement dudit gérant de sorte qu'elles sont également recevables.
36. Le jugement sera confirmé sur ce point.
2) Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire
37. M. [G] estime, pour conclure à l'annulation du rapport d'expertise judiciaire, que l'expert judiciaire n'a pas respecté les termes de sa mission en concluant d'une part qu'il y avait "double emploi" dans les taux pratiqués par M. [G] et certains frais généraux pris en charge par la SCI, d'autre part, qu'il convenait d'appliquer aux comptes courants des associés la même proportion que le nombre de parts détenues, à savoir 2/3 et 1/3 alors que l'obligation d'équilibre des comptes courants d'associés en proportion des parts détenues n'est ni une obligation, ni une pratique, et que cette opinion relève de l'arbitraire de l'expert judiciaire et, enfin, en ne donnant pas suite au dire transmis le 6 avril 2016 par ses soins dans lequel il demandait que soit entendu l'expert-comptable de la société. Il conclut à un défaut de prise en compte de ses observations et réclamations et explications, une violation de l'article 276 du code de procédure civile constituant une violation du principe du contradictoire, une violation du principe du contradictoire par application de l'article 16 du code de procédure civile et, enfin, une violation du droit à un procès équitable dans les termes de l'article 6-1 de la CEDH, imposant la nullité du rapport d'expertise.
38. Mme [G] soutient qu'il ne pesait aucune obligation sur l'expert judiciaire, lui-même expert-comptable parfaitement compétent pour réaliser la mission, d'entendre l'expert-comptable de la SCI [14], qu'il a répondu au dire en estimant ne pas y donner suite, qu'aucune irrégularité ne peut être retenue ni aucune annulation prononcée.
39. La SCI [14] ne conclut pas sur ce point.
Réponse de la cour
40. Les articles 232 et suivants du code de procédure réglementant les mesures d'instruction exécutées par un technicien soumettent les opérations d'expertise au contradictoire et imposent à l'expert judiciaire de prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent de même que de faire mention, dans son avis, de la suite donnée aux observations ou réclamations présentées.
41. Selon la jurisprudence, l'inobservation des formalités prescrites par l'article 276 du code de procédure civile, ayant un caractère substantiel, n'entraine la nullité de l'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (Cass. Com. 18 février 1992, n° 89-19330).
42. En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que :
- en se prononçant sur le pourcentage appliqué par le gérant sur les loyers perçus et les travaux réalisés par la SCI [14], l'expert judiciaire n'a fait que répondre à la mission qui lui avait été confiée par le juge dans son ordonnance du 4 novembre 2015, qui était, on le rappelle ici, de notamment :
* prendre connaissance des griefs avancés par Mme [G] quant à la gestion de M. [G] et des explications et justificatifs de celui-ci,
* examiner les comptes sociaux des exercices 2010, 2011, 2012, 2013, 2014,
* recenser les opérations contestées,
* faire toutes observations utiles sur leur conformité à l'objet social,
* décrire le mode de calcul de la rémunération du gérant année après année et la comparer aux prix pratiqués dans la profession (souligné par la cour),
* le cas échéant énumérer les actes irréguliers pour évaluer 1e préjudice de la SCI,
* faire toute observations utiles,
- dès lors, en suggérant une rectification des comptes courants d'associés pour tenir compte du déséquilibre financier occasionné par la rétribution selon lui excessive de la gestion locative par rapport aux tarifs habituellement pratiqués par des professionnels de l'immobilier, l'expert n'a pas fait preuve de partialité mais a été animé d'un souci d'équité entre associés,
- l'expert a répondu au dire du conseil de M. [G] du 27 juin 2016,
- le juge n'est pas lié par les appréciations personnelles de l'expert,
- l'expert n'était pas tenu d'auditionner l'expert-comptable de la SCI et l'a fait savoir dans son rapport en indiquant que le dire du 22 juillet sur le fond de M. [G] n'apportait aucun élément nouveau par rapport à ses observations précédentes contenues dans le dire du 27 juin 2016 et précisait que l'expert-comptable de la SCI avait eu connaissance de son pré-rapport, et que, lecture attentive faite du courrier du 13 juin, il ne lui paraissait pas nécessaire d'organiser une réunion pour le rencontrer,
- l'expert judiciaire disposait d'une entière latitude d'appréciation pour décider de l'utilité de procéder à cette mesure telle qu'elle était sollicitée par M. [G] sans qu'aucune atteinte au principe du contradictoire puisse être retenue, ni aucune violation du droit à un procès équitable dans les termes de l'article 6-1 de la CEDH.
43. Il sera ajouté que dans son rapport déposé le 28 juillet 2016, M. [F], qui a examiné les comptes du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, a précisé :
- que l'expert-comptable de la société M. [Y] avait lui-même souligné qu'il n'avait pas été en mesure d'établir les comptes car un certain nombre de dépenses n'avaient pas été imputées en l'absence des souches de chéquiers qui n'étaient plus disponibles, confirmant ainsi l'inutilité de l'audition dudit expert-comptable,
- que "dans les sociétés, et plus encore peut-être dans les SCI, il n'y a pas forcément d'équité entre les associés sur le niveau des comptes courants d'associés mais en tout état de cause, les comptes courants permettent de retracer parfaitement les différents mouvements de trésorerie", retenant ainsi la possibilité d'écarter l'application aux comptes courants d'associés d'une SCI familiale d'une règle de proportionnalité aux parts détenues, contrairement à ce qui est soutenu par M. [G].
44. Sous le bénéfice de ces observations, le jugement, qui a rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise, sera confirmé sur ce point.
3) Sur les fautes de gestion imputées à M. [G], gérant
45. Pour condamner M. [G] à verser à Mme [G] la somme forfaitaire de 25.000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, le tribunal a retenu, sans entrer dans le détail des fautes alléguées par Mme [G] dans ses conclusions du 12 janvier 2021, ni reprendre l'analyse de la comptabilité de la SCI telle qu'effectuée par l'expert judiciaire pour les cinq exercices de 2010 à 2014, que M. [G] n'avait pas justifié du respect de la procédure applicable aux conventions règlementées, se rapportant notamment à la fixation de sa rémunération, qu'il n'avait pas établi les rapports spéciaux tels que requis par le code du commerce ni ne les avait a fortiori présentés aux assemblées délibératives, qu'enfin, il résultait du rapport d'expertise judiciaire que les rémunérations du gérant excédaient de 52.379 ' le montant des rémunérations qui auraient été celles d'un professionnel de l'immobilier.
46. En cause d'appel, M. [G] soutient que :
- le premier juge a exclu tous les détournements de trésorerie invoqués par Mme [G], les virements sur son compte bancaire privé qu'elle invoque notamment dans ses écritures en appel n'étant rien d'autre que la matérialisation de sa rémunération et des dépenses effectuées au titre de sa gérance,
- les montants de toutes ses rémunérations sont incontestables car ils reposent sur des critères souverains et pertinents liés à l'activité générée ainsi que sur les usages en matière de gestion immobilière ' l'obligation d'une convention règlementée ou d'un rapport spécial n'étant pas abordée par M. [G] ' et ont été approuvés par les associés, dont Mme [G], pendant plus de vingt ans sur le cahier des délibérations notamment, et en tous les cas jusqu'en 2012, celle-ci ayant pratiqué la "politique de la chaise vide" au-delà de cette date, outre que la comparaison opérée par l'expert judiciaire de sa rémunération et des divers frais engagés dans le cadre de sa gestion avec ceux d'un syndic est inappropriée et erronée,
- la demande de Mme [G] est calculée à partir d'un bloc de préjudice d'un montant extravagant de 178.625,42 ' à laquelle elle a appliqué le pourcentage de détention des parts (soit 33 %) pour aboutir à un "préjudice financier" de 59.542 ' qui n'est pas justifié,
- par le biais d'une demande de dommages et intérêts, Mme [G] tente de neutraliser le débouté de l'attribution des résultats alors que les sommes invoquées par elle au titre de son prétendu préjudice ne regarde et ne concerne strictement que la société, que quel que soit la solution définitivement apportée au litige relative aux rémunérations, il ne s'agit nullement d'un préjudice de Mme [G], aucune causalité entre les rémunérations et un prétendu manque à gagner personnel de Mme [G] n'étant établi, l'existence même de la société étant en réalité occulté, outre l'impossibilité de distribution de dividendes du fait de sa propre carence aux assemblées générales et le fait que l'expert judiciaire lui-même n'a raisonné qu'en terme de résultat pour les années 2010 à 2014 et non de préjudice personnel,
- en tout état de cause, aucune impossibilité de fonctionnement de la société, ni aucun péril imminent de nature à la nomination d'un administrateur provisoire, n'ont été constatés.
47. Par son gérant M. [G], la SCI [14] soutient qu'elle cumule pour de très nombreux biens immobiliers les obligations du bailleur propriétaire et les obligations du gestionnaire, caractérisant en cela une charge de travail considérable dévolue au gérant statutaire, que le tribunal a mis en exergue l'absence de fautes de nature à compromettre le fonctionnement normal de la société, qu'en tout état de cause, la gestion sociale de la société est parfaitement réalisée et conforme, qu'il n'y a à ce titre ni vacance ni carence, que l'ensemble des bilans versés aux débats laissent apparaître un résultat d'exploitation positif, que le fonctionnement de la société, qui n'a pas été modifié depuis 1992, a toujours prévu les rémunérations du gérant, décidées et payées sur les mêmes bases, en ce compris la prise en charge des frais de fonctionnement, comme cela a été voté et agréé par l'ensemble des associés à l'occasion de l'assemblée générale de 2012 relative aux comptes de 2011, que la rémunération du gérant a été fixée suivant des critères définis, qu'il n'appartient ni à l'associé ni à un expert judiciaire de se substituer par des allégations hypothétiques à la règle majoritaire, que les compétences propres du gérant ont permis d'assurer une gestion efficace dans l'intérêt de la SCI [14], que gérant de ces immeubles depuis 25 ans, M. [G] a engagé la rénovation complète grâce à ses connaissances en qualité d'architecte et qu'il a parfaitement géré le patrimoine et plus généralement la SCI dans le respect de l'intérêt social et en y consacrant un temps considérable.
48. Mme [G], qui rappelle les textes et les statuts relatifs à la responsabilité individuelle du gérant et aux conventions réglementées, estime que M. [G], agissant selon la politique du fait accompli, a commis plusieurs fautes qu'elle détaille ainsi qu'il suit :
- paiement non autorisé d'un loyer par la SCI à M. [G],
- abus de rémunération,
- perception d'un pourcentage excessif des recettes (10 %),
- perception d'un pourcentage excessif sur les travaux,
- perception d'une rémunération pour des prestations déjà inclues dans la gestion (comptes de clôture, contrôle et réunions de travail, gestion des litiges),
- détournements de trésorerie,
- souscription d'un prêt de 45.000 ' par la SCI dont le montant lui a été reversé, et, se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire de M. [F] et sur le fait que le caractère familial d'une SCI devrait justifier une modération particulière des rémunérations et frais de la part du gérant, seule condition pour respecter le nécessaire équilibre entre les membres de la famille, ce qui n'a pas été le cas selon elle en l'espèce, demande une indemnisation de son préjudice financier à hauteur des sommes qu'elle estime injustifiées et dont le montant total s'élève à 59.542 '.
Réponse de la cour
49. Aux termes de l'article 1848 alinéas 1 et 3 du code civil, "Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société.
[']
Le tout à défaut de dispositions particulières des statuts sur le mode d'administration."
50. L'article 1850 alinéa 1 du code civil précise que "Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion."
51. De même, l'article L. 612-5 du code de commerce prévoit une procédure de contrôle des conventions conclues entre une personne morale non commerçante et ses dirigeants, qui s'applique aux sociétés civiles ayant une activité économique. Ainsi, "Le représentant légal ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes d'une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique ou d'une association visée à l'article L. 612-4 présente à l'organe délibérant ou, en l'absence d'organe délibérant, joint aux documents communiqués aux adhérents un rapport sur les conventions passées directement ou par personne interposée entre la personne morale et l'un de ses administrateurs ou l'une des personnes assurant un rôle de mandataire social.
Il est de même des conventions passées entre cette personne morale et une autre personne morale dont un associé indéfiniment responsable, un gérant, un administrateur, le directeur général, un directeur général délégué, un membre du directoire ou du conseil de surveillance, un actionnaire disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % est simultanément administrateur ou assure un rôle de mandataire social de ladite personne morale.
L'organe délibérant statue sur ce rapport.
Un décret en Conseil d'état précise les conditions dans lesquelles le rapport est établi.
Une convention non approuvée produit néanmoins ses effets. Les conséquences préjudiciables à la personne morale résultant d'une telle convention peuvent être mises à la charge, individuellement ou solidairement selon le cas, de l'administrateur ou de la personne assurant le rôle de mandataire social.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux conventions courantes conclues à des conditions normales qui, en raison de leur objet ou de leurs implications financières, ne sont significatives pour aucune des parties."
52. Les fautes potentielles commises par le gérant doivent s'apprécier en fonction de la régularité du processus des décisions qui a conduit à leur adoption, du caractère normal ou non au moment où ces décisions ont été prises en tenant compte de l'acceptation des risques inhérente à la gestion de toute société et du contrôle incombant aux organes sociaux.
53. Le fait d'allouer une rémunération à un gérant de société en contrepartie de son activité n'a aucun caractère exceptionnel, sous réserve toutefois de ce que cette rémunération corresponde à un travail effectif et ne soit pas disproportionnée eu égard aux capacités financières de la société.
54. Elle peut être contestée par les minoritaires qui la trouvent excessive, sur le fondement de l'abus de majorité qui est défini comme le fait pour un ou plusieurs associés de prendre sciemment une décision qui, dans leur seul intérêt personnel, est contraire à l'intérêt de la société ou à celui des autres associés.
55. La rémunération du gérant peut être fixée dans les statuts mais le plus souvent, c'est à l'assemblée des associés qu'il revient le soin de fixer la rémunération du gérant. Aucune rémunération n'est donc due au gérant en l'absence de décision collective alors même que les statuts prévoient que la gérance est rémunérée sans en avoir fixé le montant.
56. Cependant, la signature par les associés d'un rapport sur les conventions réglementées ou d'un rapport mentionnant la rémunération suffit à établir le respect de cette exigence (Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17-18.864).
57. En l'absence de délibération de l'assemblée générale ou de convention règlementée ou de rapport spécial, il appartient au gérant de supporter individuellement les conséquences de la gestion critiquée sous la condition que celle-ci soit préjudiciable à la société. Sur ce point, une ratification postérieure par les associés est indifférente, aucune décision de l'assemblée des associés ne pouvant avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat et le quitus donné par l'assemblée des associés n'a pas d'effet libératoire au profit du gérant pour les fautes commises dans sa gestion.
58. Enfin, dans le cas où le gérant est majoritaire, sa participation au vote est révélatrice d'un conflit d'intérêts et il peut alors y avoir également place pour un abus de majorité.
3.1) Généralités
59. Il résulte des pièces produites que la SCI [14] est propriétaire et gère 16 appartements (dont la majorité d'entre eux est composée d'une pièce) et 1 garage, le tout répartis dans 4 immeubles situés à Rennes respectivement [Adresse 2] [Adresse 3] et [Adresse 7], dont un local professionnel, un jardin et des combles et mansardes non occupées.
60. Les chiffres d'activité de gestion locative des appartements et du garage, tels qu'ils résultent des déclarations fiscales et de la comptabilité notamment analysée par l'expert judiciaire, sont les suivants :
2010 - recettes : 84.149 '
- travaux : 14.296 '
- rémunération : 23.723 '
2011 - recettes : 88.000 '
- travaux : 4.950 '
- rémunération : 21.341 '
2012 - recettes : 87.691 '
- travaux : 13.923,86 '
- rémunération : 25.392 '
2013 - recettes : 87.434 '
- travaux : 45.839 '
- rémunération : 23.837 '
2014 - recettes : 85.000 '
- travaux : non chiffrés
- rémunération : 29.428 '
61. La société civile immobilière [14] a donc une activité économique de gestion locative qui la soumet à la procédure spécifique de contrôle des conventions réglementées.
3.2) Sur les abus de rémunération
62. De même, l'article 17 des statuts prévoit que "Le ou chacun des gérants a droit à une rémunération fixée chaque année lors de l'assemblée générale, ainsi qu'au remboursement de ses frais de déplacements et de représentation engagés dans l'intérêt de la Société, sur présentation des justificatifs."
63. En l'état de la pratique de M. [G] telle qu'elle résulte des extraits de comptabilité versés aux débats de 2010 à 2014, sa rémunération courante en qualité de gérant pour les années 2010 à 2014 inclus, qui correspondent à la période de réclamation de Mme [G], a été composée des éléments suivants :
- un tarif horaire pour la fonction de gérant : 65 ' l'heure en 2010, 69 ' en 2011, 85 ' en 2012, 69 ' en 2013 et 69 ' en 2014, couvrant :
- l'établissement des comptes de clôture des locations,
- l'établissement de la comptabilité annuelle de la SCI,
- la gestion du salarié (bulletins de salaires, maladie, réunions'),
- les autres opérations de gestion (par ex. achat/vente d'un kangoo),
- les interventions exceptionnelles (dégâts des eaux, etc'),
- la gestion des litiges,
- l'étude de projets,
- un tarif forfaitaire par document établi : 65 ' le document en 2010, 69 ' en 2011, 85 ' en 2012, 69 ' en 2013 et 69 ' en 2014,
- incluant la gestion des litiges,
- un tarif horaire pour la réalisation de travaux, libellé sous la rubrique "[A] [I]" (probablement en référence au rongeur semi-aquatique réputé pour ses qualités de bâtisseur) : 42 ' l'heure en 2010, 47 ' en 2011, 85 ' en 2012, 45 ' en 2013 et 48 ' en 2014,
- un pourcentage de 10 % sur les recettes (dont les loyers),
- des frais forfaitaires de négociation sur les baux d'habitation : 350 ' par bail en 2010, entre 430 ' et 750 ' en 2011, 430 ' en 2012, 410 ' en 2013, 410 ' en 2014,
- un pourcentage sur le montant des travaux : 8 % en 2010, 8 % en 2011, 22 % en 2012, 3,9 % en 2013, non comptabilisé en travaux en 2014 mais en interventions exceptionnelles libellées comme ayant notamment effectuées par "[A] [I]",
64. M. [G] a ainsi prélevé sur la SCI au titre de sa rémunération annuelle de gérant, toutes composantes confondues les sommes suivantes :
- 2010 : 23.723 '
- 2011 : 21.341 '
- 2012 : 25.392 '
- 2013 : 23.837 '
- 2014 : 29.428 '
65. Soit un total de 123.721 ' sur 5 ans (ou une moyenne de 2.062 ' par mois).
66. Cette rémunération représente, ainsi que le relève l'expert judiciaire, près de 30 % du montant des recettes de la SCI et est supérieure à ce qu'un professionnel de l'immobilier aurait prélevé pour les mêmes prestations.
67. Il sera ici d'emblée précisé qu'ainsi qu'analysés par l'expert judiciaire, et repris à son compte par M. [G] lui-même, les griefs faits par Mme [G] au titre des frais suivants doivent être écartés comme n'étant pas fondés :
- frais de gestion des salariés : ils ne font pas partie des prestations habituelles de la gérance,
- frais de mise en location des appartements : ils sont cohérents avec ceux pratiqués par un professionnel de l'immobilier.
68. Il sera également relevé que bien que critiquant les taux horaires pratiqués comme étant selon elle excessifs, Mme [G] n'en chiffre pas l'excès ni n'en demande le remboursement en tant que tel mais porte ses demandes sur l'excès des pourcentages prélevés sur les recettes, l'excès des pourcentages prélevés sur les travaux, ainsi que sur le double emploi des frais prélevés au titre de la comptabilité, de la gestion des salariés et des litiges et, enfin, des frais généraux pris en charge par la SCI, dès lors que les taux horaires pratiqués étaient par ailleurs censés suffire à désintéresser le gérant pour l'ensemble de ses diligences de gestion.
69. De fait, pour ces frais et en référence au rapport de l'expert judiciaire qui a analysé la comptabilité pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, il résulte que :
- le taux usuel prélevé sur les recettes était de 6 % hors taxes du montant des loyers, ou 8 % hors taxes avec une assurance sur les loyers impayés, l'expert ayant retenu un taux de 7 % hors taxes, soit 8,4 % TTC :
* la sur-rémunération du chef de ce poste s'établit à 6.916 '
- le taux usuel prélevé sur les travaux variait entre 3 à 5 % hors taxes, l'expert ayant retenu un taux de 6 % TTC :
* la sur-rémunération du chef de ce poste s'établit à 3.494 '
- les frais de tenue de comptabilité et de comptes de clôture font partie des prestations prévues dans la gestion et ne doivent pas être comptabilisés à part sous peine de double comptabilisation :
* la sur-rémunération du chef de ce poste s'établit à 4.872 '
- la gestion des litiges avec les locataires fait partie des prestations proposées dans le cadre de la gestion par un professionnel de l'immobilier :
* la sur-rémunération du chef de ce poste s'établit à 3.540 '
- les frais de gestion du présent litige n'incombent pas à la SCI :
* la sur-rémunération du chef de ce poste s'établit à 2.001 '
- les frais de loyer, fournitures et équipements pour un bureau sont habituellement inclus dans les pourcentages proposés par les différents professionnels de l'immobilier dont les taux leur permettent de faire face à l'ensemble de leurs frais généraux de sorte que les loyers et fournitures du bureau et les frais de téléphone doivent être considérés comme étant doublement comptabilisés :
* la sur-rémunération du chef de ce poste s'établit à 31.556 '
70. De ces observations, il s'infère que la rémunération de M. [G] sur les cinq années considérées au titre des prélèvements pour la gestion de la SCI a été majorée de 20.823 ' + 31.556 ' = 52.379 ' par rapport à ce qui aurait été celle d'un professionnel de l'immobilier, soit une moyenne de sur-rémunération de 872,98 ' par mois.
71. Certes, la bonne gestion de l'activité locative de la SCI par M. [G] n'a pas en tant que telle été remise en cause par Mme [G] géographiquement éloignée puisque domiciliée à [Adresse 13] (64), ni par l'expert judiciaire, celui-ci ayant relevé que les appartements étaient loués régulièrement malgré un turn-over relativement important (les causes de ce turn-over n'étant toutefois pas explicitées) et que le montant des recettes était sans cesse en progression. Ces constats ont du reste justifié le rejet de la demande initiale formée par Mme [G] de révocation de M. [G] des fonctions de gérant.
72. Pour autant, il demeure que tant pour la fixation des frais de bureau que pour celle des frais de sa rémunération en toutes ses composantes lesquels, de par leur montant cumulé étaient supérieurs de près de 30 % à ce qui était pratiqué par les professionnels de la location d'immeubles de rapport et revêtaient de ce fait un caractère significatif pour la trésorerie de la SCI dont ils représentaient près de 30 % des recettes, outre qu'ils étaient fiscalement déductibles de ses revenus fonciers, M. [G] devait établir une ou plusieurs conventions entre lui-même et la SCI [14], ce qu'il n'a pas fait, et ce peu important que le mode de calcul ait été simplifié à compter de l'année 2012.
73. M. [G] devait soumettre celles-ci à l'approbation de l'assemblée générale avant leur mise en 'uvre ou à tout le moins établir un rapport appelant celle-ci à se prononcer à leur égard, ce que ne pouvait constituer l'apposition a posteriori de sa signature par Mme [G] sur le cahier des délibérations manuscrites qui, au surplus, s'était manuscritement opposée pour l'exercice 2011 aux frais afférents à la location d'un bureau.
74. L'argument invoqué par M. [G] selon lequel il convenait de ne pas confondre une activité de gestion immobilière avec celle de la gestion d'une société civile immobilière, la seconde appelant selon lui une rémunération supérieure à la première, est dénué de toute consistance dès lors que l'activité d'une société n'est pas distincte de la gestion de son objet. En d'autres termes, les charges du gérant d'une SCI ne sont pas différentes de celles d'un prestataire de gestion immobilière et sont incluses dans un taux élevé d'honoraires, comme l'a retenu l'expert judiciaire en l'espèce. En ce sens, la ligne téléphonique, le loyer de bureau et le logiciel de comptabilité peuvent être dédiés à l'activité de la SCI sans pour autant donner lieu à des rétrocessions au gérant par ailleurs rémunéré à un taux horaire permettant de les absorber.
75. De même, "les usages" (qui se rapportent précisément à l'activité de gestion immobilière indépendamment de la nature de la société) ou les critères "pertinents" et "souverains" d'activité invoqués par M. [G] sont indifférents dès lors qu'ils ne sont pas étayés par la justification d'une activité de gestion par celui-ci qui aurait été d'une ampleur supérieure à une activité ordinaire.
76. En d'autres termes, la bonne gestion locative par le gérant associé majoritaire, sans devoir nécessairement être sous-évaluée du seul fait du caractère familial de la société comme le soutient à tort Mme [G], ne saurait à l'opposé, comme a voulu le faire croire M. [G], couvrir des excès de rémunération de sa part sans nuire à l'intérêt social et à l'intérêt des associés, notamment celui de l'associée minoritaire, ces violations constituant un abus de majorité.
77. Le fait que les résultats d'activité étaient positifs est inopérant à masquer le manque à gagner de la SCI du fait des rémunérations excessives qui ont en effet appauvri la trésorerie de la SCI.
78. Sous le bénéfice de ces observations, les fautes de gestion de M. [G] qui s'est appliqué une rémunération excessive en sa qualité de gérant associé majoritaire sont caractérisées.
79. Le jugement, qui a considéré que le montant des rémunérations et frais était excessif mais non abusif, sera infirmé sur ce point.
3.3) Sur les dépenses injustifiées au regard de l'objet social de la SCI
80. Mme [G] reproche à M. [G] d'avoir engagé des dépenses injustifiées au regard de l'objet de la SCI, à savoir :
- confection de rideaux par une costumière : 1.325,40 '
- costume et chemise : 465 '
- matériel électrique pour un local (le patio) utilisé par le théâtre de la petite scène : 252,57 '
- ameublement et mercerie : 487,13 '
- abonnements au câble en 2010 et 2011 : 690 ' et 597 '
Soit un total de : 3.817,10 '
81. Il résulte des pièces produites par M. [G] et du rapport d'expertise judiciaire que ces dépenses ont été engagées pour équiper les appartements, que les factures d'abonnement au câble ont fait l'objet d'une refacturation aux locataires et que le costume et la chemise peuvent être admis au titre des frais de représentation dont le remboursement était prévu dans les statuts de la SCI, sans que ces derniers soient toutefois détaillés.
82. Le jugement qui a rejeté les demandes de Mme [G] de ce chef sera confirmé sur ce point.
3.4) Sur les détournements de trésorerie
83. Mme [G] reproche à M. [G] d'avoir commis des détournements de trésorerie en effectuant des paiements n'ayant rien à voir avec l'objet social de la SCI, à savoir des versements mensuels au profit du théâtre de la Petite Scène à Rennes, association dont M. [A] [G] est administrateur, et ce pour un montant total s'élevant 41.612,97 ' transféré entre 2010 et 2014.
84. M. [G] réplique que l'expert judiciaire a exclu tout détournement de trésorerie, que d'un point de vue comptable, il s'agissait de remboursements de compte courant d'associés ou de prélèvements sur comptes d'associés.
85. Le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de retenir ce grief qui n'avait pas été confirmé par l'expert judiciaire qui a écrit en page 20 de son rapport qu'il "n'y a pas eu de détournement de trésorerie de la part de M. [A] [G]"
Réponse de la cour
86. Il résulte de fait de l'analyse réalisée par l'expert judiciaire, qui, on le rappelle, est par ailleurs expert-comptable, et a porté sur les comptes courants des deux associés qu'un certain nombre de dépenses jugées inopportunes par Mme [G] ont en fait été imputées au débit du compte courant de M. [G] et qu'il n'y a pas eu de détournements de trésorerie de la part de M. [G].
87. Mme [G] n'invoque aucun moyen opposant à cette analyse.
88. Le jugement qui a rejeté ses demandes de ce chef sera confirmé sur ce point.
3.5) Sur le prêt de 45.000 '
89. Mme [G] reproche à M. [G] d'avoir souscrit au nom de la SCI un emprunt non autorisé d'un montant de 45.000 ' dont la totalité a été appréhendée par lui, ce qui fait supporter une dette à la SCI au remboursement de laquelle elle est tenue sans justification.
90. M. [G] soutient que c'est initialement à la demande de Mme [G] de pouvoir bénéficier d'un remboursement partiel de son compte courant d'associé que l'emprunt a été sollicité en avril 2013, qu'elle ne s'est pas présentée aux assemblées générales de sorte que la somme débloquée a été mise provisoirement en réserve sur un compte tiers et a été affectée de la manière suivante :
- en remboursement du compte courant d'associé de [A] [G] pour 30.000 ',
- en remboursement du compte courant d'associé de [P] [G] pour : - 5.000 ' par versement d'avril 2014,
- 5.000 ' par versement de février 2015,
- 5.000 ' par versement de mai 2015.
Réponse de la cour
91. Le tribunal a retenu que le montant du prêt de 45.000 ' avait été débloqué par la banque sur le compte de la SCI et avait été aussitôt reversé sur le compte personnel de M. [G], une écriture du même montant ayant été passée au débit de son compte courant d'associé.
92. C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que M. [G] s'était ainsi servi du crédit de la société de façon discutable pour générer de la trésorerie en vue de récupérer une fraction de son compte courant d'associé créditeur.
93. Le tribunal a en outre conclu que le poids des intérêts versés à la banque était susceptible d'être supporté sur le plan indemnitaire par M. [G] et non par la SCI.
94. Il s'infère de ces constatations que cette opération est en réalité constitutive d'une faute de gestion commise par le gérant, peu important l'absence de mise en péril des finances de la société ou encore le caractère ancien et isolé de cet agissement.
95. Le jugement qui a écarté la faute de gestion sera infirmé sur ce point.
3.6) Sur le préjudice
96. M. [G] soutient que les demandes de Mme [G] ne concernent strictement que la société.
97. Mme [G] invoque un préjudice financier personnel, direct et certain du fait des résultats annuels de la SCI minorés des rémunérations excessives du gérant et des dépenses et prêt injustifiés. Elle rappelle qu'il appartient au gérant d'en supporter individuellement les conséquences.
Réponse de la cour
98. S'il appartient au gérant de supporter individuellement les conséquences des fautes de gestion commises par lui, c'est à l'égard de la société, sauf à l'associé plaignant à rapporter la preuve d'un préjudice personnel direct et distinct de celui subi en sa qualité d'associé.
99. En l'espèce, le tribunal a retenu que les tarifs pratiqués par le gérant au titre de ses prestations de services pouvaient être qualifiés d'excessifs et préjudiciables à la société en ce qu'ils avaient nécessairement eu pour effet de diminuer d'autant le résultat cumulé des années 2010 à 2014 de la SCI [14] et par conséquent de priver par ricochet Mme [G] de droits sur une fraction supérieure de résultat au titre des cinq exercices 2010 à 2014.
100. De fait, le préjudice dont fait état Mme [G] est bien celui d'un résultat minoré de la SCI, qui s'analyse dès lors en un préjudice lié à sa qualité d'associée mais non en un préjudice personnel direct.
101. En ce sens, l'expert judiciaire a estimé, ainsi qu'il l'a ci-dessus également été retenu, que le résultat avait été minoré de 52.379 ' du fait des rémunérations excessives et frais injustifiés prélevés par M. [G], y étant ajouté l'usage abusif du crédit de la SCI, et qu'il était nécessaire de remettre en l'état les soldes des comptes courants des associés devant faire l'objet, après la tenue d'une assemblée générale, d'une affectation du résultat et d'une répartition aux associés.
102. Pour autant, en sa qualité d'associée, Mme [G] n'a pas demandé la condamnation de M. [G] à payer à la SCI les sommes manquantes.
103. Elle ne fait pas non plus la démonstration d'un préjudice personnel distinct de celui subi en sa qualité d'associé.
104. Au contraire, elle prétend obtenir de manière directe de la part du gérant le paiement des dividendes manquants calculés sur la base des sommes estimées manquantes.
105. Ce qui s'analyse en réalité en une demande de distribution qui impliquerait, pour pouvoir être satisfaite, que lesdites sommes soient préalablement réintégrées au résultat de la société, à la faveur d'une condamnation de M. [G] à rembourser personnellement ladite société desdites sommes, ce que toutefois Mme [G] ne demande pas.
106. Sous le bénéfice de ces observations, en l'absence de préjudice personnel direct dûment établi, distinct de celui subi par Mme [G] en qualité d'associé, le jugement qui a accordé une indemnité forfaitaire de 25.000 ' à Mme [G] "à partir des éléments dont il [disposait]", ne peut qu'être infirmé.
4) Sur l'attribution des résultats des années 2015 à 2018
107. Le tribunal a débouté Mme [P] [G] de sa demande d'attribution des résultats pour les années 2015 à 2018 et de condamnation de la SCI [14] à lui verser la somme de 53.800 ' réclamée à ce titre en retenant, au visa de l'article 1844-1 du code civil, d'une part qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge, en dehors du cas d'annulation des décisions collectives ou d'abus de majorité, de se substituer aux décisions des associés de reporter les résultats à nouveau et, d'autre part, que les statuts ne prévoyaient pas de distribution systématique aux associés des résultats mais renvoyaient l'affectation de ceux-ci à une décision collective qui, en l'espèce, avait consisté en des décisions successives de reports à nouveau.
108. Sur ce point, M. [G] rappelle que l'affectation et la distribution des sommes comptabilisées procède de l'assemblée générale et d'elle seule, le juge ne pouvant s'y substituer.
109. La SCI [14] conclut à titre principal à la confirmation du jugement et, subsidiairement, à l'octroi d'un délai de 24 mois pour procéder au règlement des sommes qui pourraient être mises à sa charge.
110. Mme [G] soutient qu'alors qu'elle n'a perçu aucun revenu de la SCI, ce qu'elle assimile à un abus de majorité, elle a quand même fait l'objet d'imposition sur les sociétés non commerciales, ce qui justifie que la SCI lui verse 53.800 ' au titre des sommes qui lui sont dues.
Réponse de la cour
111. Aux termes de l'article 1833 du code civil dans sa rédaction applicable au 29 juin 2018, toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés.
112. Les associés doivent donc prendre leurs décisions conformément à l'intérêt social et non dans l'intérêt de la majorité aux dépens de la minorité.
113. Le pouvoir de distribuer des dividendes ou de fixer la rémunération du gérant appartient aux organes sociaux de la société. Autrement dit, les décisions relatives au principe et au montant des distributions de dividendes ne relèvent ni de la gestion ni de la direction mais de délibérations des associés auxquelles un gérant n'a pas le pouvoir de s'opposer.
114. Il ne peut donc y avoir faute de gestion dans l'exécution d'une décision d'assemblée (Cass. 3e civ., 2 oct. 2001, n° 00-12.347).
115. Enfin, il appartient à celui qui s'en prévaut de faire la preuve de ce que les décisions prises en assemblée générale ou les initiatives imputées au gérant ont été contraires à l'intérêt social et ont constitué un abus de majorité.
116. En l'espèce, en présence de délibérations ayant reporté à nouveau, il faut donc apprécier si la position majoritaire de M. [G] dans la SCI [14] a constitué ou non un abus de majorité dans ces prises de décisions qui serait de nature à permettre d'accueillir la demande de Mme [G].
117. Sur ce point, il résulte des pièces produites que pour les années 2006 à 2011, ainsi que cela ressort du cahier des délibérations, transcrites manuscritement, les résultats étaient "distribués en totalité à chacun des associés au prorata du nombre de parts détenues" et que ce n'est que depuis l'année 2012 que ceux-ci sont affectés en report à nouveau ainsi qu'il l'est précisé par l'expert judiciaire dans son rapport du 28 juillet 2016, à défaut de pouvoir le constater dans les procès-verbaux d'assemblée générale qui en sont pas versés aux débats.
118. Ainsi qu'il l'a été ci-dessus retenu, la bonne gestion de l'activité locative n'a pas été remise en cause, la demande initiale de révocation de M. [G] des fonctions de gérant ayant été rejetée.
119. Et quant aux reports à nouveau des résultats, Mme [G] ne caractérise pas l'abus de majorité autrement que par le simple fait que M. [G] est majoritaire, ce qui est insuffisant à caractériser l'abus, outre qu'il n'est pas établi de préjudice causé par ces reports à nouveau. Elle ne se prévaut pas non plus d'une quelconque réclamation ni d'aucune demande d'annulation desdites décisions qu'elle aurait formulées en leur temps.
120. Il s'en infère que les décisions de reports à nouveau, qui certes s'inscrivent dans un contexte majoritaire de la part la position majoritaire de M. [G], ne s'inscrivent toutefois pas dans un contexte d'abus de majorité. A tout le moins, celui-ci n'est-il pas démontré par Mme [G].
121. Dans ces conditions la décision de report à nouveau n'apparaît ni contraire à l'objet social de la société, ni constitutif d'un avantage excessif au profit d'un associé majoritaire qui aurait pu être considéré comme un abus de majorité.
122. Les demandes formées par Mme [G] au titre du paiement des dividendes seront rejetées.
123. Le jugement sera confirmé sur ce point.
5) Sur le remboursement du compte courant d'associé
124. Le tribunal a condamné la SCI [14] à payer à Mme [G] la somme 21.608 ' au titre de son compte courant d'associé, déduction ayant été faite de la somme de 5.000 ' déjà versée le 13 juillet 2019.
125. En cause d'appel, M. [G] soutient qu'il appartient à Mme [G] de justifier du quantum de sa demande à ce titre et qu'il doit être constaté que, sur le principe de ce remboursement, la SCI [14] a démontré qu'il était inconciliable avec l'intérêt social.
126. La SCI [14] soutient à titre principal que cette demande est irrecevable comme n'ayant pas été présentée dans l'assignation initiale délivrée à son encontre, sa mise en cause n'ayant été effectuée qu'après la décision du juge de la mise en état. Elle sollicite à titre subsidiaire, un délai de 24 mois à compter du jugement (sic) à intervenir pour procéder au règlement des sommes compte tenu des engagements pris par elle au regard de l'importance du patrimoine immobilier et des travaux rendus nécessaires.
127. Mme [G] conclut à la confirmation du remboursement de la somme de 26.608 ' au titre des sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associée à la date du 31 décembre 2018 en soutenant que par courrier officiel de son conseil du 3 janvier 2019, M. [G] avait proposé de procéder à un remboursement à hauteur de 31.608 ', d'où il suit que le tribunal a justement retenu cette somme, déduction toutefois faite du montant de 5.000 ' versé par lui le 13 juillet 2019.
Réponse de la cour
128. Ainsi qu'il l'a ci-dessus été jugé, l'article 70 du code de procédure civile autorise les demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Tel est le cas de la demande additionnelle en paiement en remboursement du compte courant d'associé dirigées contre la SCI.
129. Sur le fond, ni M. [G] ni la SCI [14] n'ont de moyen opposant, étant ajouté qu'un associé a toujours droit au remboursement de son compte courant d'associé et que rien ne justifie donc un quelconque délai accordé à la SCI qui dispose de moyens suffisants pour honorer ce remboursement.
130. Le jugement qui a condamné la SCI [14] à payer à Mme [G] la somme 21.608 ' au titre de son compte courant d'associé sera confirmé sur ce point.
6) Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
131. Il n'est pas justifié que l'une ou l'autre des parties ait agi en justice dans un but autre que celui de faire valoir ses droits. Les demandes de dommages-intérêts formées au titre du caractère abusif des procédures seront rejetées.
7) Sur les frais et honoraires de l'expert judiciaire
132. M. [G] a été condamné à payer la somme de 3.288 ' à Mme [G] en remboursement des frais et honoraires d'expert judiciaire dont elle a fait l'avance.
133. M. [G] succombant sur le principe des fautes de gestion, que seule l'expertise a permis de mettre en évidence, ce chef de condamnation sera confirmé.
8) Sur les dépens et les frais irrépétibles
134. Chaque partie, qui succombe dans partie de leurs demandes principales, conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, qu'elle a exposés en première instance et en appel.
135. Le jugement sera infirmé des chefs de condamnation au titre des dépens et frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes en cause d'appel seront rejetées.
136. Enfin, il n'y a pas lieu à prononcer par anticipation une quelconque condamnation en remboursement d'émoluments de recouvrement qui ne sont pas engagés à ce stade de la procédure. La demande en application de l'article A. 444-32 du code de commerce sera en conséquence rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Donne acte à Mme [P] [G] de ce qu'elle abandonne ses demandes de révocation du gérant M. [A] [G] et de remplacement par un administrateur judiciaire provisoire,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- déclaré Mme [P] [G] recevable en ses demandes,
- condamné M. [A] [G] à payer à Mme [P] [G] la somme de 3.288 ' en remboursement des frais et honoraires d'expert judiciaire dont elle avait fait l'avance,
- condamné la SCI [14] à payer à Mme [G] la somme de 21.608 ' au titre du remboursement de son compte courant d'associé,
- débouté M. [G] de ses demandes reconventionnelles en annulation du rapport d'expertise de M. [F] et de dommages et intérêts pour procédure abusive,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que le montant des rémunérations et frais prélevés par M. [A] [G] au titre de la gérance de la SCI [14] pour la période de 2010 à 2014 inclus est abusif et constitutif d'une faute de gestion,
Dit que la souscription d'un prêt de 45.000 ' par M. [A] [G] au nom de la SCI [14] est constitutive d'une faute de gestion,
Déboute Mme [P] [G] de sa demande de dommages et intérêts faute de justifier d'un préjudice financier direct et personnel distinct du préjudice subi en sa qualité d'associée,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, exposés en première instance et en appel,
Rejette le surplus des demandes.