CA Aix-en-Provence, ch. 1-6, 5 juin 2025, n° 23/09868
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Allianz IARD (SA)
Défendeur :
Abeille IARD (Sté), Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Silvan
Conseillers :
Mme Frizzi, Mme Labeaume
Avocats :
Me Ermeneux, Me Rodet, Me Carriere, Me Mathieu, Me Jung, Me Badir, Me Rousseau
FAITS ET PROCEDURE
1. Monsieur [K] [F] [W] [U] est propriétaire d'une maison située à [Localité 13] dans le département du Var, assurée auprès de la compagnie Abeille et Santé (anciennement dénommée AVIVA Assurances). Une piscine enterrée équipée d'une alarme immergée est implantée dans le prolongement de la terrasse de la maison.
2. Par acte sous seing privé du 16 septembre 2016, M. [W] [U] a donné à bail cette maison aux époux [V] et aux époux [R] pour la période du 8 au 22 juillet 2017.
3. Le 16 juillet 2017, alors que ses parents dormaient au premier étage de la maison, [H] [V], alors âgé de 3 ans, a quitté sa chambre. Il a été retrouvé vers 17h par sa mère, Mme [D] [V], inanimé, flottant à la surface de l'eau de la piscine de la maison de vacances. Il a été pris en charge par les services de secours et transféré à l'hôpital de [Localité 14]. L'enfant a pu être réanimé mais présente de lourdes séquelles neurologiques.
4. M. [M] [V], père de [H] [V], a fait réaliser un constat d'huissier le 21 juillet 2017 relatif au fonctionnement du système d'alarme de la piscine.
5. Par ailleurs, une expertise amiable a été diligentée par la société Allianz, assureur des époux [V] au titre d'un contrat garantie accident de la vie. Ladite compagnie a également versé aux consorts [V] la somme totale de 42.800 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de l'enfant [H] [V].
6. Par actes du 30 décembre 2020 et 4 janvier 2021, les époux [V], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [H] [V], ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Draguignan, M.[W] [U] et son épouse, Mme [J] [C] [W] [U], la SA AVIVA Assurances, la compagnie d'assurance Allianz IARD, leur assureur et la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine et Marne, assureur au titre de la couverture sociale maladie de Mme [D] [V] en indemnisation de leur préjudice.
7. Par jugement du 4 mai 2023, le tribunal a :
- Mis hors de cause Mme [C] [W] [U],
- Reçu à la CPAM de Seine et Marne dans son intervention,
- Retenu un partage de responsabilités dans la survenance de l'accident au préjudice de [H] [V], à hauteur de 50% à la charge de M. [W] [U] d'une part et d'autre part de 50% à la charge de Monsieur et Madame [V],
- Débouté M. [W] [U] et la compagnie Abeille IARD et Santé de leur demande en garantie formulée à l'encontre de Monsieur et Madame [V],
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer à la société Allianz IARD la somme de 11.400 euros en remboursement de la moitié de l'indemnité provisionnelle à valoir sur le déficit fonctionnel temporaire de [H] [V] et les souffrances endurées, en exécution du contrat de garantie accident de la vie,
- Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2021,
- Ordonné une expertise médicale sur la personne de [H] [V], et commit pour y procéder le docteur [Z] [B], avec « mission habituelle en la matière »,
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer aux consorts [V] la somme de 150.000 euros d'indemnité provisionnelle à valoir sur le montant indemnitaire venant en réparation du préjudice corporel de [H] [V],
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer aux époux [V] la somme de 5.000 euros à chacun, à titre provisionnel, à valoir sur la réparation du préjudice moral découlant de l'accident survenu au préjudice de leur fils [H] [V],
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer à Mesdames [A] et [Y] [V], représentées par leurs parents, Monsieur et Madame [V], la somme de 3.000 euros à chacune, à titre provisionnel, à valoir sur la réparation du préjudice moral découlant de l'accident survenu au préjudice de leur frère [H] [V],
- Sursis à statuer sur l'applicabilité du plafond de garantie dû par la société Abeille IARD et Santé,
- Déclaré la présente décision commune à la CPAM de Seine et Marne,
- Condamné in solidum M.[W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer à la société Allianz IARD la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer aux époux [V], la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejeté toute autre demande,
- Fait masse à des dépenses,
- Condamné M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer 70% de la masse des dépens,
- Laissé à la charge des époux [V], 30% de la masse des dépens,
- Précisé que les dépens engloberont toutes les sommes visées à l'article 695 du code de procédure civile à l'exclusion de toute autre somme,
- Dit que ces frais seront recouvrables en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire,
- Renvoyé l'affaire à la mise en état.
8. Le 24 juillet 2023, la SA Allianz IARD a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a :
- Retenu un partage de responsabilité dans la survenance de l'accident au préjudice de [H] [V], à hauteur de 50 % à la charge de M. [W] [U] d'une part, et d'autre part de 50 % à la charge des époux [V],
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à lui payer la somme de 11.400 euros en remboursement de la moitié de l'indemnité provisionnelle à valoir sur le déficit fonctionnel temporaire de [H] [V] et les souffrances endurées en exécution du contrat de garantie accident de la vie,
- Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2021,
- Rejeté toute autre demande,
- Condamné M.[W] [U] et la société Abeille IARD et Santé in solidum à payer 70% de la masse des dépens,
- Laissé à la charge des époux [V], 30 % de la masse des dépens.
9. M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé ont relevé appel incident, en ce que le jugement :
- A retenu un partage de responsabilité à hauteur de 50 % à la charge de M.[W] [U] et de 50 % à la charge des époux [V],
- Les a déboutés de leur appel en garantie à l'encontre des époux [V],
- Les a condamnés à payer à la société Allianz la somme de 11.400 euros,
- A ordonné une expertise médicale sur la personne de [H] [V],
- Les a condamnés à payer :
* Une provision de 150.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice de [H] [V],
* Une provision de 5.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice moral de M. [M] [V],
* Une provision de 5.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice moral de Mme [I] [V],
* Une provision de 3.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice moral de [A] [V],
* Une provision de 3.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice moral de [Y] [V],
* Des indemnités respectivement de 1.500 euros et de 3.500 euros à la société Allianz et aux époux [V], en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* 70 % de la masse des dépens.
10. Monsieur et Madame [V] ont également formé un appel incident concernant ce même jugement, en ce que le tribunal a :
- Retenu un partage de responsabilités dans la survenance de l'accident au préjudice de l'enfant [H] [V], à hauteur de 50% à leur charge,
- Laissé à leur charge 30% de la masse des dépens.
11. Enfin, la CPAM de Seine et Marne à elle aussi relevé appel incident de ce jugement, en ce que le tribunal a retenu une responsabilité partagée de M. [W] [U] et des consorts [V].
12. Par dernières conclusions du 7 mars 2024, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Allianz IARD demande de :
- Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a reconnu une faute à l'encontre de M. [W] [U], à l'origine de l'accident dont a victime [H] [V] le 16 juillet 2017,
- Débouter Monsieur [W] [U] et la SA Allianz IARD [lire la société Abeille IARD et Santé] de leurs moyens et prétentions,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu un partage de responsabilité à hauteur de 50% chacun entre M. [W] [U] d'une part et Monsieur et Madame [V] d'autre part,
- Juger que M.[W] [U] est entièrement responsable des préjudices subis par [H] [V],
- Juger que Monsieur et Madame [V] n'ont commis aucune faute de nature a entrainer leur responsabilité dans l'accident survenu le 16 juillet 2017,
Par conséquent,
- Condamner in solidum M.[W] [U] et son assureur, la société Abeille, au remboursement de la somme de 42.800 euros, qu'elle a versé aux consorts [V], en ce qu'elle est subrogée dans les droits de ces derniers, au titre du contrat accident de la vie n°57998979,
En tout état de cause,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a laissé à Monsieur et Madame [V] la charge de 30% de la masse des dépens de première instance,
- Condamner in solidum M.[W] [U] et son assureur, la société Abeille, aux entiers dépens de première instance,
- Condamner in solidum M. [W] [U] et son assureur, la société Abeille, au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.
13. La société Allianz estime qu'il ne peut être retenue, ainsi que l'a fait le premier juge, que les conséquences de la faute du bailleur ne constituerait qu'une perte de chance de secourir [H] [V] dans un temps plus bref à hauteur de 70% et que la faute qu'il a commise serait la cause exclusive du dommage aux motifs que la durée de submersion est directement en lien avec la gravité des séquelles, que si l'alarme s'était déclenchée dans les secondes de l'immersion, [H] [V] aurait été sorti de l'eau en quelques secondes sans séquelles à long terme, que le fonctionnement de l' alarme était donc bien aléatoire et donc défectueux, que la circonstance qu'aucun incident ne se soit déroulé les jours précédents est inopérante, que M.[S], en qualité de de bailleur, est tenu d'une obligation d'entretien de la chose louée, que le remplissage du carnet d'entretien permet de s'assurer que le bien en question est bien entretenu et conforme, qu'il n'est pas démontré que M.[S] procédait à la révision de l'alarme une fois par an et que la faute commise par M.[S] est en lien direct et unique avec l'accident.
14. Elle conteste par ailleurs le défaut de surveillance retenu par le premier juge à l'égard des époux [V] aux motifs que l'accident est survenu alors que les époux [V] faisaient une sieste à l'étage de la maison, que [H], qui se trouvait dans une chambre adjacente à celle de ses parents, a travervé la chambre de ces derniers, descendu un escalier, traversé une pièce au rez-de-chaussé, franchi une porte et s'est dirigé vers la piscine, que quelle que soit la surveillance des parents, ceux-ci ne sont pas tenus d'une obligation de résultat, que la chute de [H] [N] dans la piscine ne permet pas de caractériser le défaut de surveillance de ses parents, que la piscine disposait d'une alarme anti-immersion qui induisait nécessairement une certaine réassurance pour les parents et que les circonstances de faits pouvaient légitimement leur laisser penser que [H] était en sécurité lors de leur temps de repos,
15. La compagnie Allianz, subrogée dans les droits des époux [L] en exécution de son contrat d'assurance « garantie accidents de la vie », s'estime en conséquence fondée à réclamer la condamnation de M.[S] à lui payer la totalité de la somme versée à ces derniers, soit 42.800 €.
16. Par dernières conclusions du 2 avril 2024, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [W] [U] et son assureur la société Abeille et Santé demandent de :
- Débouter la société Allianz de son appel,
- Débouter la CPAM et les époux [V] de leurs appels incidents,
- Accueillir leur appel incident,
- Juger que la cause du non-déclenchement de l'alarme de piscine lors de la chute de l'enfant [H] [V] n'est pas déterminée,
- Juger que la preuve d'une défectuosité de l'alarme à l'origine de son absence de déclenchement n'est pas rapportée,
- Juger que la preuve d'un manquement de la part de M.[W] [U] à ses obligations d'entretien, de sécurité et d'information n'est pas rapportée,
- Juger que la relation de cause à effet entre un éventuel dysfonctionnement de l'alarme de la piscine et le dommage subi par l'enfant [H] [V] n'est pas établie,
- Juger que ce dommage ne constitue pas la suite directe et immédiate d'une éventuelle inexécution contractuelle en présence d'un défaut de surveillance caractérisé des parents,
- Juger que la preuve du comportement anormal de l'alarme n'est pas rapportée,
- Juger que sa garde avait été transférée aux locataires,
- Juger que M. [W] [U] n'a commis aucune faute ayant un lien de causalité direct et certain avec l'accident,
En conséquence,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [W] [U] partiellement responsable des conséquences de l'accident du 16 juillet 2017,
- Débouter les époux [V] et la société Allianz de l'intégralité de leurs demandes et décharger M. [W] [U] ainsi que la société Abeille IARD et Santé de toutes condamnations,
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le préjudice indemnisable consistait en une perte de chance évaluée à 70%,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que les époux [V] avaient commis une faute tirée d'un défaut de surveillance de l'enfant à l'origine du dommage,
- Infirmer le jugement entrepris sur le partage de responsabilité et dire que la faute des époux [V] a contribué à la survenance du dommage dans une proportion de 80%,
En conséquence,
- Juger que les époux [V] conserveront à leur charge 80% de leur préjudice,
- Condamner les époux [V] à les relever et les garantir à hauteur de 80% des condamnations susceptibles d'être mise à leur charge, au profit de leurs enfants mineurs et de la compagnie Allianz, subrogée dans les droits de [H] [V],
- Statuer ce que de droit sur les demandes de condamnations provisionnelles afférentes aux préjudices des enfants [H], [A] et [Y] [V], et sur la condamnation sollicitée par la compagnie Allianz, subrogée dans les droits de [H] [V],
- Limiter la condamnation provisionnelle afférente aux préjudices moraux des époux [V] à la somme de 1.000 euros chacun en l'état du partage de responsabilité,
- Déclarer le plafond de garantie de 10.000.000 euros prévu au contrat garantissant la responsabilité civile de M. [W] [U], opposable aux époux [V],
- Condamner tous contestants au paiement d'une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nathalie Cenac, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
17. M.[S] et son assureur dénie la responsabilité de M.[S] dans l'accident dont [H] [V] a été la victime aux motifs que les circonstances exactes de l'accident ne sont pas déterminées, qu'il n'a pas manqué à ses obligations de bailleur, qu'en effet, la preuve du dysfonctionnement de l'alarme équipant sa piscine n'est pas rapportée, que la configuration de sa piscine n'imposait pas l'installation d'un autre type d'alarme en complément de celle-ci, que l'alarme en question était conforme aux normes requises, que la circonstance qu'il n'ait pas rempli le carnet d'entretien de la piscine, cette formalité, qui n'est pas de nature légale, n'est pas suffisante, qu'il s'assure chaque année en début de période estivale du bon fonctionnement des équipements de la piscine, que les informations pratiques sur l'utilisation des équipements ont été délivrées aux époux [R], seuls présents lors de la prise de possession des lieux, qu'un book, comprenant le guide d'utilisation de l'alarme de la piscine était laissé à la dispositions des locataires, que les époux [V] qui occupaient les lieux loués depuis onze jours à la date de l'accident étaient nécessairement familiarisés avec les équipements de la piscine et pendant cette période ont jamais sollicité d'informations complémentaires de sa part, que la preuve d'un lien de causalité entre une éventuelle inexécution contractuelle de sa part et le dommage n'est pas établie, que le dommage subi par [H] [V] ne trouve pas sa cause dans la défaillance éventuelle de l'alarme de la piscine mais du défaut de surveillance caractérisé de ce dernier et, qu'en effet, quels que soit les moyens de sécurisation des bassins, l'installation d'une d'alarme ne doit pas diminuer la vigilance de l'utilisateur.
18. Ils contestent en outre la responsabilité de M.[S] sur le fondement quasi-délictuel aux motifs que les époux [V] ne peuvent invoquer à la fois sa responsabilité contractuelle et sa responsabilité délictuelle, que la preuve du caractère anormal de l'alarme n'est pas démontrée, que sa garde avait été transférée aux locataires qui en avaient l'usage et le contrôle par l'effet du contrat de location, que les locataires étaient en possession de toutes les informations utiles sur son fonctionnement de l'alarme, lesquelles figuraient dans le book laissé à leur disposition et que la cause de l'accident est imputable à la faute de surveillance caractérisée des parents.
19. Subsidiairement, ils estiment que c'est à juste titre que, dans la mesure où il n'est pas établi qu'en raison des faits de l'espèce [H] [V] aurait pu bénéficier d'un secours dans les meilleurs délais, que la perte de chance pour celui-ci d'être secouru a été estimé à 70% par le premier juge.
20. Toujours plus subsidiairement, sur la faute des époux [V] et le partage de responsabilité, ils affirment que, si la responsabilité du bailleur devait être retenue, qu'il convient de retenir que les époux [V] ont commis un défaut de surveillance caractérisé devant conduire à mettre à leur charge une part de responsabilité qui ne saurait être inférieure à 80%.
21. Ils s'en rapportent à justice sur la demande d'expertise et l'évaluation des provisions sollicitées au titre de l'indemnisation du préjudice moral de [A] et [Y] [V], s'urs de [H], tout en réclamant la condamnation des époux [V] à les relever et garantir de ces sommes dans la proportion de 80% et de ramener à 1 000 euros chacun la provision réclamée par les époux [L] au titre de leur préjudice moral.
22. Concernant la demande de la compagnie Allianz, ils demandent la condamnation des époux [N] à les relever et garantir dans la proportion de 80%.
23. Enfin, ils demandent de déclarer opposable aux époux [V] le plafond de garantie stipulé dans le contrat d'assurance garantissant sa responsabilité civile.
24. Par dernières conclusions du 17 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur et Madame [V] demandent de :
A titre principal,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* Retenu que leur préjudice s'analysait en une perte de chance,
* Retenu une perte de chance découlant du dysfonctionnement de l'alarme caractérisé par un fonctionnement aléatoire évaluable à 70 %,
* Retenu un partage de responsabilité dans la survenance de l'accident au préjudice de [H] [V], à hauteur de 50% à la charge de M. [W] [U] d'une part et d'autre part, de 50% à leur charge,
* Condamné M. [W] [U] et la société Abeille et Santé, in solidum à payer 70% de la masse des dépens et laissé à leur charge, 30% de la masse des dépens.
Statuant à nouveau :
- Juger que leur préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance,
- Juger que M. [W] [U] est entièrement responsable du préjudice subi par [H] [V],
- Juger qu'ils n'ont commis aucune faute à l'origine du préjudice subi par [H] [V],
- Condamner M.[W] [U], in solidum avec son assureur Abeille IARD et Santé, à l'indemnisation intégrale du préjudice subi par [H] [V], eux-mêmes et ses s'urs,
- Condamner M.[W] [U], in solidum avec son assureur Abeille IARD et Santé, à payer l'intégralité des dépens de première instance,
A titre subsidiaire,
Dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement et retiendrait une faute de surveillance à leur encontre,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* Retenu un partage de responsabilité dans la survenance de l'accident au préjudice de [H] [V], à hauteur de 50% à la charge de M.[W] [U] d'une part et d'autre part, de 50% à leur charge,
* Condamné M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé in solidum, à payer 70% de la masse des dépens, et laissé à leur charge 30% de la masse des dépens,
Statuant à nouveau,
- Ordonner un partage de responsabilité à hauteur de 80% pour M.[W] [U] et 20% pour eux,
- Condamner M.[W] [U], in solidum avec son assureur Abeille IARD et Santé, à payer l'intégralité des dépens de première instance,
En tout état de cause,
- Débouter M.[W] [U] et son assureur de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions contraires,
- Confirmer jugement pour le surplus,
- Condamner M.[W] [U], in solidum avec son assureur la compagnie Abeille IARD et Santé, à leur payer, en ce qu'ils agissent en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de [H] [V], la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamner M. [W] [U], in solidum avec son assureur Abeille IARD et Santé, aux entiers dépens d'appel, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Mireille Rodet, avocat au barreau d'Aix en Provence.
25. Les époux [V] estiment que la responsabilité de M.[S], tenu en sa qualité de bailleur, de la garantie des vices cachés, est établie aux motifs qu'il se devait de leur assurer l'usage, en toute sécurité, du bien loué et plus particulièrement de la piscine, et ce, conformément aux dispositions légales prévues aux articles L128-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation relatives aux règles de sécurité en matière de piscine, que l'alarme installée sur la piscine était défaillante puisque son fonctionnement était aléatoire et que le défaut de renseignement de son carnet d'entretien ne permet pas d'établir qu'elle se trouvait en bon état de fonctionnement ni qu'elle avait fait l'objet de test annuel et que le déclenchement de l'alarme aurait permis une intervention rapide et d'éviter ainsi les conséquences de l'accident subi par [H] [L] .
26. Si le principe de la responsabilité de M.[S] en qualité de bailleur n'était pas retenu, il reproche à ce dernier d'avoir manqué à son obligation de sécurité à leur égard en raison de la défaillance du système d'alarme, de son défaut d'entretien et de test et de son inadéquation par rapport à la configuration de la piscine.
27. Ils font en outre grief à M.[S] d'avoir manqué à son obligation d'information à leur égard aux motifs qu'il ne s'est jamais assuré qu'ils avaient parfaitement compris le fonctionnement de l'appareil et notamment le fait qu'une immersion « douce » ne déclenchait pas l'alarme, qu'il est incontestable que la piscine n'était pas utilisée dans les 10 mn précédant l'accident, que le système mis en place n'était pas adapté à une piscine en pente douce, qu'ils ignoraient donc qu'une immersion douce ne déclencherait pas l'alarme et qu'ils pouvaient légitimement penser que toute immersion, chute ou activité dans la piscine la déclencherait.
28. Si la responsabilité de M.[S] est engagée au titre du vice caché ou, à tout le moins, au titre de son obligation de sécurité et son devoir d'information, ils s'estiment fondés à rechercher la responsabilité de M.[S] sur le fondement de la responsabilité délictuelle du faits des choses aux motifs que M.[S] est resté gardien de l'appareil défectueux, à l'origine du dommage sur laquelle il exerçait un pouvoir de direction, de contrôle de la chose à l'origine du dommage, qu'ils ne peuvent en être considérés comme gardien dès lors que ce n'est pas l'usage de l'alarme qui est en cause ou sa mauvaise manipulation mais son dysfonctionnement interne, qu'il appartenait à M.[S] de réparer ou faire l'alarme et sa sonde détectrice et que M.[S] ne démontre pas que les réparations qu'il a effectuées n'ont pas porté sur sa fonction technique.
29. Ils précisent qu'il est exact que le principe de non-cumul ou de non-option empêche effectivement que l'une et l'autre des responsabilités soit retenue pour des mêmes faits mais que, cependant, il n'interdit pas à la partie demanderesse de soulever l'un des fondements de la responsabilité dès lors que l'autre n'est pas retenu par la juridiction.
30. Ils soutiennent que le dommage subi par [H] trouve sa cause, quel que soit le fondement retenu, dans la faute commise par M.[S] aux motifs que le dysfonctionnement de l'alarme, son défaut d'entretien et son inadéquation à la piscine, n'a pas permis à un adulte d'intervenir dans les trois minutes suivant la chute de [H] ce qui aurait permis de le sauver de la noyade et de ses conséquences, qu'ils ont pris toutes les mesures de précaution qui s'imposaient en présence d'une piscine sur le terrain loué, que [H] n'était jamais laissé seul aux abords de la piscine, qu'il était systématiquement muni de brassards lors des baignades, que le jour des faits, il faisait une sieste avec ses parents qui avaient pris soin de fermer les portes de la chambre où il dormait ainsi que de la leur qui était communicante et de fermer les portes donnant accès au jardin, que la piscine étant équipée d'un système de sécurité, ils pouvaient légitimement penser qu'ils seraient en tout état de cause alertés si le moindre incident survenait, qu'ils n'ont donc commis aucune négligence dans sa surveillance, que la faute de M.[S] constitue l'origine exclusive de l'accident et que le tribunal ne pouvait donc retenir l'existence d'une perte de chance.
31. Ils contestent en outre le partage de responsabilité sollicité à titre subsidiaire par M.[S], en raison d'une faute de surveillance que leur reproche ce dernier, aux motifs que l'accident est survenu alors que [H] faisait la sieste dans la chambre à côté de la leur, qu'ils avait pris soin de verrouiller la porte de sa chambre qui donnait directement sur le palier et que [H] devait nécessairement passer par leur chambre pour sortir, que la porte vitrée donnant accès à la piscine était également fermée, qu'ils ne pouvaient imaginer que leur enfant pourrait sortir du lit pendant leur sommeil en ouvrant la porte de la salle de bain communicante, puis la porte de leur chambre et enfin la porte de la baie vitrée du bas pour se rendre seul près de la piscine et qu'ils pensaient être sécurisés par l'existence d'une alarme dans la piscine dont ils pensaient qu'il assurait une protection adéquate.
32. Ils estiment en conséquence que la faute commise par M.[S] constitue la cause exclusive de l'accident dont [H] a été la victime ou, à tout le moins, qu'elle a joué un rôle majeur dans sa survenance et que, si un partage de responsabilité devait être retenu, que M.[S] devrait être reconnu responsable de l'accident à proportion de 80% tandis que leur faute n'aurait concouru qu'à proportion de 20% dans la survenance de l'accident.
33. Ils font enfin valoir que M.[S] ne peut demander qu'ils soient condamnés à les relever et garantir d'une partie des condamnations susceptibles d'être mises à sa charge aux motifs que le mécanisme de l'appel en garantie n'a pas vocation à s'appliquer, que le partage de responsabilité, s'il devait intervenir, ne pourrait conduire à une condamnation à leur encontre à garantir M.[S] de sa propre responsabilité mais que, dans cette hypothèse, chacun devrait assumer sa part de responsabilité sans pouvoir la faire supporter par un autre.
34. Par dernières conclusions du 23 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la CPAM de Seine et Marne demande de :
- La recevoir en son intervention et l'y déclarer bien fondée,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une expertise médicale sur [H] [V] et dit que la provision allouée à la victime s'impute sur le préjudice non soumis à son recours,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu un partage de responsabilité dans la survenance de l'accident au préjudice de [H] [V] à hauteur de 50% à la charge de M. [W] [U] d'une part et d'autre part de 50% à la charge des époux [V],
Statuant à nouveau,
- Juger que M. [W] [U] est entièrement responsable de l'accident survenu le 16 juillet 2016 au préjudice de [H] [V],
- Condamner in solidum M.[W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Orane Mathieu.
35. La CPAM de Seine et Marne considère que c'est à tort que le tribunal a retenu un partage de responsabilité entre M.[W] [U] et les époux [V]. En effet, la caisse estime que M. [W] [U] à commis une faute, qui est à son sens la cause exclusive de l'accident dont a été victime l'enfant [H] [V] le 16 juillet 2017. L'intimée et appelante incidente indique donc que M.[W] [U] engage sa responsabilité à l'égard des consorts [V], de sorte qu'il doit être condamné solidairement avec son assureur, la société Abeille IARD et Santé, à indemniser entièrement les préjudices découlant de l'accident subis par l'enfant [H] [V].
36. La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 février 2025.
MOTIVATION
Sur les demandes des époux [V] :
37. L'article 1721 du code civil prévoit que :
Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail.
S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.
38. Il ressort des articles L.128-1 à L.128-3 du code de la construction et de l'habitation, dans leur version en vigueur à l'époque de l'accident dont [H] [V] a été la victime que les piscines enterrées non closes privatives à usage individuel ou collectif doivent être pourvues d'un dispositif de sécurité normalisé visant à prévenir le risque de noyade et que les conditions de la normalisation de ces dispositifs sont déterminées par voie réglementaire.
39. Il résulte notamment de l'article R.128-2 du code de la construction et de l'habitation que:
'II. - Ce dispositif est constitué par une barrière de protection, une couverture, un abri ou une alarme répondant aux exigences de sécurité suivantes :
- les barrières de protection doivent être réalisées, construites ou installées de manière à empêcher le passage d'enfants de moins de cinq ans sans l'aide d'un adulte, à résister aux actions d'un enfant de moins de cinq ans, notamment en ce qui concerne le système de verrouillage de l'accès, et à ne pas provoquer de blessure;
- les couvertures doivent être réalisées, construites ou installées de façon à empêcher l'immersion involontaire d'enfants de moins de cinq ans, à résister au franchissement d'une personne adulte et à ne pas provoquer de blessure;
- les abris doivent être réalisés, construits ou installés de manière à ne pas provoquer de blessure et être tels que, lorsqu'il est fermé, le bassin de la piscine est inaccessible aux enfants de moins de cinq ans;
- les alarmes doivent être réalisées, construites ou installées de manière que toutes les commandes d'activation et de désactivation ne doivent pas pouvoir être utilisées par des enfants de moins de cinq ans. Les systèmes de détection doivent pouvoir détecter tout franchissement par un enfant de moins de cinq ans et déclencher un dispositif d'alerte constitué d'une sirène. Ils ne doivent pas se déclencher de façon intempestive.
III. - Sont présumés satisfaire les exigences visées au II les dispositifs conformes aux normes françaises ou aux normes ou aux spécifications techniques ou aux procédés de fabrication en vigueur dans un Etat membre de la Communauté européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, assurant un niveau de sécurité équivalent. Les références de ces normes et réglementations sont publiées au Journal officiel de la République française.'
40. Selon l'article R.128-3 du même code, dans sa version en vigueur à l'époque de l'accident, la note technique relative à ce dispositif de sécurité indique les caractéristiques, les conditions de fonctionnement et d'entretien du dispositif de sécurité. Elle informe également le maître d'ouvrage sur les risques de noyade, sur les mesures générales de prévention à prendre et sur les recommandations attachées à l'utilisation du dispositif de sécurité.
41. La norme NF P90-307 définit les exigences techniques pour ces dispositifs de sécurité.
42. La maison au sein de laquelle l'accident est survenu est constituée d'une maison individuelle avec piscine enterrée dans le jardin. Cette piscine est équipée d'une alarme de marque Aqualarm, acquise en 2010 par M.[S], dont le fabricant a attesté la conformité à la norme NF P90-307.
43. Il n'est pas contesté qu'avant l'accident, [H] faisait la sieste dans sa chambre au premier étage, que la porte de celle-ci donnant accès au couloir était fermée à clef et que, pour se rendre à l'extérieur, celui-ci a traversé la salle de bains attenant à sa chambre puis la chambre de ses parents, dans laquelle ces derniers faisaient également la sieste, à laquelle la salle de bains donnait accès, franchi la porte d'entrée de la chambre de ses parents, descendu l'escalier, traversé une salle au rez-de-chaussée, alors que M.[R] se trouvait également au rez-de-chaussée, franchi une baie vitrée donnant vers l'extérieur et s'est rendu vers la piscine. Par ailleurs, Mme [R] et les autres enfants étaient partis à la plage. En fin d'après-midi, en se levant de sa sieste, Mme [V] a découvert le corps de [H] flottant dans la piscine. Elle y a plongé pour secourir son fils.
44. Le mode d'emploi de l'alarme de la piscine de M.[S] précise que ce type d'alarme ne convient pas aux piscines comportant un accès à l'eau autre qu'un accès de type échelle ou escalier, notamment les piscines à accès par une plage (immergée ou en pente douce) qui ne peuvent être équipées d'un système de détection de type immersion seul.
45. Il résulte en outre du mode d'emploi que l'alarme doit être désactivée pendant l'utilisation de la piscine, qu'après la baignade, l'alarme peut être réactivée manuellement ou qu'elle se réactive automatiquement passé un délai d'une dizaine de minutes lorsque le calme est revenu dans la piscine et que la plus grande vigilance de l'adulte responsable s'impose entre la fin de la baignade et la réactivation du système.
46. Par ailleurs, l'alarme, lorsqu'elle est activée, se déclenche en cas de détection de chute ou d'activité dans la piscine. A l'inverse, elle ne se déclenche pas en cas d'immersion douce dans la piscine.
47. Ce mode d'emploi préconise un test mensuel simulant la chute d'un corps de 6 kg dans l'eau et conseille, à cette fin, l'utilisation d'un «mannequin» composé de quatre bouteilles d'eau en plastique, fixées ensemble tête-bêche avec du ruban adhésif, de le placer au bord de la piscine, alarme activée, à l'endroit le plus éloigné de celle-ci, et de le pousser dans l'eau.
48. Il rappelle enfin que la surveillance des enfants doit être rapprochée et constante, que le système d'alarme ne se substitue pas au bon sens ni à la responsabilité individuelle ni à la vigilance des parents et/ou des adultes responsables qui demeure le facteur essentiel pour la protection des enfants de moins de cinq ans.
49. Il ressort du procès-verbal de constat dressé le 21 juillet 2017 par Maître [O], huissier de justice associé à [Localité 12], que ce dernier, mandaté par M.[V], a procédé à l'examen de l'alarme en question et testé son fonctionnement. Il en résulte en premier lieu que le tube de la sonde immergée dans l'eau était cassé et réparé avec du ruban adhésif et un fil de fer au niveau de sa jonction avec l'alarme. L'huissier de justice précise en outre avoir mis en fonctionnement l'alarme, avoir demandé à la fille de M.[R], pesant 37,7 kg, de rentrer dans l'eau et avoir constaté que l'alarme ne s'était pas déclenché. Il expose en outre avoir mis six bouteilles dans un sac qu'il avait immergé dans la piscine puis avoir laissé tomber ce sac dans la piscine d'une hauteur de 80 cm sans que l'alarme ne se déclenche. En revanche, l'alarme s'est déclenché lorsque le système de sécurité a été déposé et mis hors d'eau.
50. D'autre part, le cabinet d'expertise Polyexpert, mandaté par la compagnie Allianz, assureur des époux [V], s'est rendu sur place en 2018 et a constaté la réparation du tube de l'alarme avec du ruban adhésif et du fil de fer. Il a également relevé que l'alarme sonore ne s'était pas déclenchée après plusieurs essais d'immersions («remous» formés à la main par M.[S] insistant pour déclencher l'alarme).
51. Par ailleurs, le cabinet d'expertise Cunningham Lindsey, mandaté par l'assureur de M.[S], expose avoir procédé à des tests et constaté que les sirènes sont largement audibles depuis l'ensemble de la propriété. Il estime que la cause du sinistre est inconnue. Il estime que plusieurs hypothèses peuvent être retenues:
- défaut de détection par l'alarme du poids et des mouvements de [H],
- défaut de transmission des signaux correspondant à la détection d'ondes anormales aux sirènes de l'alarme et donc un défaut du produit,
- noyade entre la fin de l'utilisation de la piscine et le réarmement automatique de l'alarme qui prend une dizaine de minutes,
- désactivation manuelle de l'alarme,
- pose de l'alarme non-conforme aux prescriptions du fabricant.
52. Ce cabinet indique enfin, au titre des responsabilités, que le bon état de fonctionnement de l'alarme n'est pas avéré.
53. L'accident dont [H] [L] a été la victime a fait l'objet d'une procédure d'enquête par la gendarmerie. Dans ce cadre, Mme [C], épouse de M.[S], a exposé qu'avec son mari, ils avaient reçu le couple [R] et leur avaient expliqué le fonctionnement de l'alarme de la piscine, qu'un book était à la disposition des locataires, qu'ils avaient insisté pour indiquer que l'alarme ne se déclenchait qu'en cas de chute et non pas si un enfant descendait dans la piscine sans faire d'onde et, qu'au cours du séjour des époux [R] et [V], il y avait eu de nombreux déclenchements intempestifs de l'alarme.
54. Concernant les faits du 16 juillet 2017, Mme [C], qui résidait dans la maison voisine, exposait avoir entendu, en fin d'après-midi, des hurlements horribles et le déclenchement de l'alarme. Il en résulte en conséquence que lorsque Mme [V] a sauté dans la piscine pour secourir son fils, l'alarme était activée et a fonctionné.
55. Mme [C] explique enfin qu'un massage cardiaque a été immédiatement réalisé sur [H] d'abord par une personne dont elle n'a pas donné l'identité, puis par un voisin, médecin-anesthésiste de profession et, enfin, par les pompiers.
56. Le 26 janvier 2018, date de sa sortie d'hospitalisation, [H] [V] pesait 18 kg ce qui permet d'estimer qu'il pesait un poids similaire lors de son admission en juillet 2017.
57. L'accès à la piscine équipant la maison de M.[S] s'effectue par un escalier composé de deux marches. Dès lors, conformément aux préconisations du mode d'emploi de l'alarme, il n'apparaissait pas nécessaire de prévoir un autre dispositif de sécurité.
58. D'autre part, il n'est pas démontré, faute d'investigations techniques sur le système d'alarme, que la réparation effectuée par M.[S] sur le tube de celle-ci était de nature purement esthétique ou, au contraire, qu'elle a porté atteinte à son bon fonctionnement.
59. En revanche, il n'est pas contesté que le carnet d'entretien de ce dispositif de sécurité n'a pas été rempli par M.[S] . Ce dernier ne produit aucun élément de preuve de nature à établir qu'il a vérifié régulièrement, dans les conditions prévues par le carnet d'entretien, le bon fonctionnement de l'alarme.
60. D'autre part, il ressort de la procédure de gendarmerie que [H] a repris conscience quelques instants après avoir reçu des secours. Cette circonstance permet d'en déduire que sa noyade est survenue peu de temps avant sa découverte par sa mère en fin d'après-midi et que par conséquent, faute d'utilisation récente de la piscine par d'autres personnes, [H] n'a pu entrer dans la piscine, en début d'après-midi, alors que l'alarme était desactivée, pendant la période de latence entre la fin d'utilisation la piscine et la réactivation automatique de l'alarme, soit une durée de 10 mn.
61. L'expertise Cunnigham Lindsey, qui indique avoir procédé à des tests, ne comprend aucune indication sur les conditions de réalisation de ces tests, notamment le respect des préconisations du manuel d'utilisation de l'alarme. Ces conclusions s'avèrent en conséquence dépourvues de toute pertinence.
62. En revanche, il ressort clairement du procès-verbal de constat d'huissier du 21 juillet 2017, réalisé quelques jours après l'accident, que l'alarme, alors qu'elle était activée, n'a pas fonctionné alors que l'huissier instrumentaire avait laissé tomber une charge composée de six bouteilles d'eau dans la piscine d'une hauteur de 80 cm, soit supérieure aux préconisations du manuel d'utilisation de la piscine conseillant de faire tomber une charge de 6 kg depuis le bord de la piscine. Par ailleurs, les essais réalisés par M.[S] lors de l'expertise Polyexpert, des remous insistants avec la main, alors que l'alarme était activée, n'ont pas permis le déclenchement de celle-ci.
63. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu le fonctionnement aléatoire de cette alarme.
64. Par ailleurs, il n'est pas démontré, faute de remplissage du carnet d'entretien de l'alarme, que M.[S] s'est assuré régulièrement du bon fonctionnement de l'alarme équipant sa piscine dans les conditions préconisées par le mode d'emploi de l'alarme.
65. Dès lors, M.[S], en mettant à disposition de ses locataires, dans le cadre d'une location saisonnière estivale, une maison équipée d'une piscine dont le système de sécurité n'avait pas été vérifié régulièrement et dont le fonctionnement était aléatoire, compte tenu de l'accueil de familles avec enfants et de l'usage d'une telle piscine à cette période, a mis à la disposition de ses locataires un bien présentant un vice qui n'en permettait pas l'usage.
66. Il est de jurisprudence constante qu'a la qualité de gardien celui qui exerce sur la chose les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle durant l'espace de l'instant nécessaire à la réalisation du dommage.
67. Il est constant que les époux [V], en leur qualité de locataire de la villa de M.[S], avaient la capacité d'activer ou de désactiver l'alarme équipant la piscine. En revanche, ils n'exerçaient aucun pouvoir de contrôle sur celle-ci concernant son bon fonctionnement lorsqu'elle était activée. Dès lors, il ne peut être soutenu par M.[S] et son assureur qu'ils avaient la qualité de gardien de ce système d'alarme.
68. Il n'est pas contesté que l'alarme en question ne se déclenche qu'en cas de chute dans la piscine ou de détection d'ondes importantes au sein de celle-ci. En revanche, l'immersion douce d'une personne dans celle-ci par l'usage des marches n'entraîne pas nécessairement le déclenchement de l'alarme.
69. Les conditions dans lesquelles [H] est entré dans la piscine, chute depuis la margelle ou immersion douce par l'usage des marches, ne sont pas déterminées.
70. Cependant, le fonctionnement aléatoire de l'alarme a privé les époux [V], en cas de chute de [H] dans la piscine, compte tenu de leur proximité avec celle-ci, d'une intervention rapide de nature à exclure tout dommage irréversible sur l'enfant.
71. La perte de chance d'éviter une noyade que [H] a ainsi subie à raison du fonctionnement aléatoire de son alarme a été justement évalué à 70% par le premier juge dans sa motivation.
72. Il n'est pas contesté que M.[S] a donné toutes les explications de sécurité relatives au fonctionnement de la piscine aux seuls époux [R], co-locataires avec les époux [V], ces derniers étant arrivés plus tardivement. Aucune obligation légale n'impose au bailleur de procéder à une information de la totalité des locataires lors de la prise de possession des lieux. De surcroît, il est constant qu'un book comprenant le mode d'emploi de la piscine était à la disposition des locataires. Il incombait en conséquence aux époux [V], en présence d'une piscine pouvant présenter un danger de noyade pour leurs enfants, de prendre connaissance du mode d'emploi de l'alarme équipant celle-ci.
73. Ce mode d'emploi rappelle que la surveillance des enfants doit être rapprochée et constante, que le système d'alarme ne se substitue pas au bon sens ni à la responsabilité individuelle ni à la vigilance des parents et/ou des adultes responsables qui demeure le facteur essentiel pour la protection des enfants de moins de cinq ans.
74. Les époux [V] ne pouvaient en conséquence estimer que l'alarme en question était à elle-seule suffisante pour assurer la sécurité de leurs enfants.
75. Il ressort des circonstances de l'espèce que [H], âgé de trois ans, faisait la sieste au premier étage, que la porte d'accès de sa chambre vers le couloir était fermée, qu'il est passé par la salle de bains attenante à sa chambre, qu'il a traversé la chambre dans laquelle ses parents faisaient la sieste, qu'il franchi la porte d'accès de cette chambre, qu'il a descendu un escalier, qu'il a traversé une pièce au rez-de-chaussée et a franchi une baie vitrée desservant l'extérieur de la maison.
76. Il en résulte ainsi, alors que la maison était équipée d'une piscine présentant un risque pour leur enfant compte tenu de son jeune âge, les époux [V], dont la porte d'entrée de la chambre n'était pas fermée, permettant ainsi à [H] d'échapper à leur garde pendant leur sieste, n'ont pas mis en 'uvre les mesures suffisantes pour éviter que l'enfant ne se soustraie à leur vigilance. Ce manquement a ainsi permis à [H] de se rendre à l'extérieur de la maison et d'être exposé à un risque de noyade.
77. Cependant, il conviendra de tenir compte de la localisation de la chambre de [H], située au premier étage, et de la fermeture de la porte d'accès à sa chambre, démontrant ainsi une tentative chez ses parents d'éviter toute sortie de cet enfant à leur insu, pour retenir que ce manquement a concouru à proportion de 50% dans la perte de chance pour [H] d'éviter la noyade alors que le manquement de M.[W] [U], à à ses obligations de bailleur en raison du vice caché affectant la maison, y a concouru à proportion de 50%.
78. .La décision déférée, en ce qu'elle a retenu un partage de responsabilités dans la survenance de l'accident au préjudice de [H] [V], à hauteur de 50% à la charge de M. [W] [U], d'une part, et de 50% à la charge de Monsieur et Madame [V], d'autre part, sera confirmée.
79. Par ailleurs, compte tenu de la gravité des séquelles présentées par [H], le premier juge, tenant compte du partage de responsabilité précitée, a fait une juste appréciation des provisions allouées aux époux [V] à valoir sur leur préjudice moral.
80. Les conditions générales de la compagnie d'assurance Abeille IARD et Santé prévoient au titre de la garantie responsabilité un plafond de garantie de 10 000 000 euros. Conformément à l'article L. 112-6 du code des assurances en vertu duquel l'assureur peut opposer au porteur de sa police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire, l'assureur de M.[W] [U] est fondé à demander de déclarer ce plafond de garantie opposable aux époux [V].
Sur les demandes de la compagnie Allianz:
81. Selon l'article L.121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
82. Il ressort de la quittance subrogative de la compagnie Allianz du 16 septembre 2022 qu'elle a déjà versé aux époux [V], en exécution de son contrat d'assurances « garantie accident de la vie », des provisions à valoir sur l'indemnisation du préjudice de [H] pour un montant de 42 800 euros.
83. M.[W] [U] et son assureur seront en conséquence condamnés à lui rembourser cette somme et, compte tenu du partage de responsabilité retenue, les époux [V] devront les relever et garantir de cette somme à proportion de 50%.
Sur le surplus des demandes:
84. En outre, compte tenu du partage de responsabilité retenue, la décision déférée, qui a condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer à la société Allianz IARD et aux époux [V] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sera infirmée. Pour les mêmes motifs, chaque partie devra conserver la charge de ses frais et dépens de première instance.
85. Il n'apparait pas inéquitable de débouter la CPAM, M.[W] [U] et la société Abeille et Santé, les époux [V] et la SA Allianz IARD de leurs demandes au titre des frais sirrépétibles. Enfin, l'équité commande de dire que chaque partie conservera la charge des frais et dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a:
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer à la société Allianz IARD la somme de 11.400 euros en remboursement de la moitié de l'indemnité provisionnelle à valoir sur le déficit fonctionnel temporaire de [H] [V] et les souffrances endurées, en exécution du contrat de garantie accident de la vie,
- Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2021,
- Débouté M. [W] [U] et la compagnie Abeille IARD et Santé de leur demande en garantie formulée à l'encontre de monsieur et madame [V],
- Sursis à statuer sur l'applicabilité du plafond de garantie dû par la société Abeille IARD et Santé,
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer à la société Allianz IARD la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné in solidum M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer aux époux [V], la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer 70% de la masse des dépens,
- Laissé à la charge des époux [V], 30% de la masse des dépens,
- Condamné in solidum M.[W] [U] et la société Abeille IARD et Santé à payer 70% de la masse des dépens,
LE CONFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation et y ajoutant,
DIT que le préjudice subi par [H] [V] réside dans la perte de chance, à proportion de 70%, d'éviter une noyade avec des conséquences irréversibles,
CONDAMNE in solidum M.[K] [F] [W] [U] et la SA Abeille IARD et Santé à payer à la compagnie d'assurance Allianz IARD, subrogée dans les droits des époux [V], la somme de 42 800 euros,
CONDAMNE solidairement les époux [V] à relever et garantir M.[K] [F] [W] [U] et la SA Abeille IARD et Santé de cette condamnation à proportion de 50%,
DECLARE opposable aux époux [V], agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentant de leurs enfants mineurs [H], [A] et [Y] [V], le plafond de garantie de 10 000 000 euros prévu au contrat d'assurance consenti par la compagnie d'assurance Abeille IARD et Santé à M.[W] [U],
DIT que chaque partie conservera la charge des frais et dépens qu'elle a exposés en première instance et en cause d'appel,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.