CA Nîmes, 1re ch., 5 juin 2025, n° 24/02402
NÎMES
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Dussoulier (EURL)
Défendeur :
Dussoulier (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gentilini
Avocats :
Me Riviere, Me Cassan, Me Adjedj, Me Harnist
EXPOSÉ DE L'INCIDENT
Le 25 février 2020, M. [V] [M] a vendu à M. [S] [T] un véhicule de marque Toyota, entretenu par le garage Dussoulier. Le 13 juillet 2021, M. [T] a revendu son véhicule à M. [I] [X] pour un montant de 8 500 euros.
Par acte du 30 mars 2022, M. [X] a assigné M. [T] devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par acte du 24 novembre 2022, M. [T] a assigné M. [M] et le garage Dussoulier afin de les voir condamnés à le relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 6 avril 2023.
Par jugement contradictoire du 18 juin 2024, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
- débouté M. [I] [X] de ses demandes ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné M. [I] [X] à payer la somme de 1 500 euros à M. [S] [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [T] à payer à M. [M] et à l'entreprise Dussoulier la somme de 1000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [I] [X] à relever et garantir M. [S] [T] de ces condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [I] [X] aux dépens ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 12 juillet 2024, M. [X] a interjeté appel de ce jugement.
La déclaration d'appel a été signifiée à M. [T] par acte du 23 juillet 2024.
Selon conclusions d'incident notifiées le 7 octobre 2024, M. [X] a saisi le conseiller de la mise en état afin de voir ordonner une expertise judiciaire.
Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées le 18 mars 2025, il maintient sa demande, les dépens et l'article 700 du code de procédure civile étant réservés.
Il fait valoir que :
- la juridiction de première instance a été dans l'incapacité de déterminer à quelle partie incombe la responsabilité des désordres apparus le lendemain de son acquisition du véhicule auprès de M. [T], mais n'a pas pour autant ordonné d'expertise alors qu'elle était sollicitée à titre subsidiaire par l'une des parties ;
- la complexité des désordres affectant le véhicule rend indispensable la désignation d'un expert judiciaire afin de d'identifier avec précision les désordres et leurs causes et déterminer l'étendue des dommages ainsi que l'attribution des responsabilités entre les parties impliquées ;
- une demande d'expertise peut être sollicitée pour la première fois en appel et cette demande n'a pas vocation à suppléer sa carence dans l'administration de la preuve mais à apporter des éléments supplémentaires lui permettant de prouver ses allégations ;
- une telle demande d'expertise n'est pas prescrite.
Par conclusions notifiées le 3 janvier 2025, M. [M] demande au conseiller de la mise en état de :
- débouter M. [X] de sa demande d'expertise judiciaire,
- condamner M. [X] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [X] aux entiers dépens.
Il expose qu'en l'absence d'élément nouveau dont la preuve serait rapportée par le demandeur à l'incident, la demande d'expertise judiciaire, formulée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable.
Par conclusions notifiées le 9 janvier 2025, l'entreprise Dussoulier demande au conseiller de la mise en état de :
- débouter M. [X] de sa demande d'expertise judiciaire,
- le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre subsidiaire
- juger que les frais de l'expertise seront avancés par M. [X],
- le condamner aux entiers dépens.
Elle réplique que ;
- la demande d'expertise formulée par M. [X] pour la première fois en cause d'appel est tardive et ne saurait avoir pour but de suppléer sa carence probatoire,
- à titre subsidiaire, il doit être pris acte de ses protestations et réserves.
Par conclusions notifiées le 15 janvier 2025, M. [T] conclut au débouté de la demande d'expertise et sollicite la condamnation de M. [X] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il soutient qu'une mesure d'expertise ne peut être ordonnée pour suppléer la carence de M. [X] dans l'administration de la preuve, que le délai écoulé risquerait d'attribuer des responsabilités de manière injustifiée et que la demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel et prescrite.
En application de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'incident a été appelé à l'audience du 16 janvier 2025, renvoyé à l'audience du 15 mai 2025.
MOTIFS
Sur la demande d'expertise
Sur la recevabilité de la demande
Sur la nouveauté de la demande
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande comme étant nouvelle en cause d'appel est inopérant, cette demande n'étant pas soumise à la cour mais au conseiller de la mise en état, compétent pour ordonner une expertise en application de l'article 789 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 907 dans sa version en vigueur avant le 1er septembre 2024.
Sur la prescription de la demande
M. [T] se prévaut de la prescription de la demande, qui aurait dû être formulée au plus tard le 14 juillet 2023, en application des dispositions de l'article 1648 du code civil.
Les dispositions de cet article, qui enserrent l'exercice de l'action en garantie des vices cachés dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, n'ont pas vocation à s'appliquer à une demande d'expertise formulée au soutien d'une telle action d'ores et déjà introduite.
Par conséquent, la demande d'expertise formulée en cause d'appel par voie d'incident de mise en état est recevable.
Sur le bien-fondé de la demande
Selon l'article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.
L'article 146 précise qu'une telle mesure ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver et non pour suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Il y a carence lorsque les allégations ne s'appuient sur aucun élément précis ou ne reposent sur aucun fondement sérieux.
Au soutien de sa demande d'expertise, M. [X] produit un rapport d'expertise amiable établi par le cabinet Idea en date du 9 février 2022 concluant au fait que la panne intervenue le 14 juillet 2021 « est en relation avec une détérioration des organes internes lubrifiés du moteur », que cette avarie « était présente ou à minima en germe au jour de l'acquisition » et que « les caractéristiques du vice caché sont réunies ». Il précisait que la dépose de la culasse était nécessaire pour déterminer avec précision la nature des dommages et leur étendue.
Cette expertise amiable a été réalisée en présence de l'expert désigné par l'assureur protection juridique de M. [T], M. [U], qui a indiqué dans son propre rapport ne pas pouvoir se positionner sans qu'aucun démontage ne soit fait.
L'appelant à l'incident rapporte ainsi la preuve de l'existence de désordres affectant le véhicule acheté à M. [T], nécessitant des opérations d'expertise complémentaires pour déterminer s'il s'agit de vices cachés.
Cependant, la panne est survenue le 14 juillet 2021, soit il y a près de quatre ans. Malgré les préconisations des deux experts, aucune investigation complémentaire n'a été menée ni aucune demande d'expertise judiciaire formulée par l'acquéreur en référé ou avant dire droit dans le cadre de la procédure de première instance.
Aucune information n'est communiquée par lui sur les conditions de conservation du véhicule depuis la fin des opérations d'expertise amiables en janvier 2022, et compte-tenu du temps écoulé depuis, une expertise n'aurait aucune pertinence dès lors que les observations de l'expert pourraient être faussées notamment par ces conditions de conservation et le temps écoulé.
Par conséquent, la demande d'expertise sera rejetée.
Sur les autres demandes
M. [X], qui succombe à l'incident, sera condamné aux dépens de cette procédure.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, conseillère de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire rendue par mise à disposition au greffe,
Rejetons les fins de non-recevoir,
Rejetons la demande d'expertise,
Condamnons M. [I] [X] aux dépens,
Déboutons les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état électronique du mardi 16 septembre 2025 à 14h00.