CA Colmar, 1re ch. A, 28 mai 2025, n° 24/03027
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Noceda (SCI)
Défendeur :
Noceda (SCI), L'escale (SAS), Sagama (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Walgenwitz
Conseillers :
M. Roublot, Mme Rhode
Avocats :
Me Cahn, Me Engel, Me Harter, Me Chevallier-Gaschy, Me Pujol-Bainier, SCP Cahn et Associés, SELARL LX
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 17'juillet 2023, par laquelle la SCI Noceda a fait citer la SAS l'Escale et la SAS Sagama devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Colmar aux fins de constatation de la résiliation du bail liant les parties et d'expulsion de la SAS Sagama, de rejet des fins, moyens et prétentions de la SAS l'Escale et la SAS Sagama, de condamnation solidaire des défenderesses au paiement d'une provision de 6'837,26 euros arrêtée au 30'juin 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2023, subsidiairement de la somme de 35'655,21 euros arrêtée au 30 décembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2023, d'une indemnité d'occupation provisionnelle de 7'000 euros par mois, outre une indemnité de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens incluant le coût du commandement visant la clause résolutoire du bail,
Vu l'ordonnance rendue le 24'juillet 2024, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par laquelle le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Colmar'a statué comme suit':
'Disons n'y avoir lieu à référé ;
Déboutons la SCI NOCEDA, la SAS SAGAMA et la SAS L'ESCALE de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamnons la SCI NOCEDA, représentée par son représentant légal, aux entiers dépens.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SCI Noceda contre cette ordonnance et déposée le 6'août 2024,
Vu les constitutions d'intimées de la SAS l'Escale et de la SAS Sagama en date du 24'septembre 2024,
Vu les dernières conclusions en date du 3'janvier 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SCI Noceda demande à la cour de':
'Vu l'article L 145-41 du code de commerce,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
Vu l'article L 411-1 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu les pièces versées aux débats,
A TITRE PRINCIPAL
INFIRMER partiellement l'ordonnance rendue en date du 24 juillet 2024
CONSTATER l'acquisition de la clause résolutoire et, partant, la résiliation du bail pour les locaux donnés en location sis [Adresse 4].
ORDONNER l'expulsion de la société SAGAMA et de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, d'un serrurier et d'un déménageur.
CONDAMNER solidairement, à titre provisionnel, la société SAGAMA et la société L'ESCALE à payer à la SCI NOCEDA la somme de 6837.26 € arrêtée au 30 juin 2023, juin 2023 inclus, à parfaire au jour de l'audience, outre intérêts au taux légal à compter de la date du commandement de payer visant la clause résolutoire, soit le 30 mai 2023.
SUBSIDIAIREMENT,
CONDAMNER solidairement, à titre provisionnel, la société SAGAMA et la société L'ESCALE à payer à la SCI NOCEDA la somme de 35 655.21 € arrêtée au 30 décembre 2023, décembre 2023 inclus, à parfaire au jour de l'audience, outre intérêts au taux légal à compter de la date du commandement de payer visant la clause résolutoire, soit le 11 décembre 2023.
CONDAMNER solidairement, à titre provisionnel, la société SAGAMA et la société L'ESCALE à payer à la SCI NOCEDA une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer, des charges, taxes et impôts recouvrables, soit la somme de 7000 € par mois et ce jusqu'à entière libération des lieux.
En tout état de cause,
DEBOUTER la SAS SAGAMA de sa demande de consignation des loyers, de sa demande de réalisation de travaux n'incombant pas au bailleur sous astreinte de 5 000 € par jour de retard et de sa demande de provision à hauteur de 50 000 €.
DEBOUTER la SAS L'ESCALE et la SAS SAGAMA de l'intégralité de leur fins, moyens et prétentions au titre de l'appel incident.
CONDAMNER solidairement la société SAGAMA et la société L'ESCALE à payer à la SCI NOCEDA la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER solidairement la société SAGAMA et la société L'ESCALE aux entiers dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'absence de tout règlement consécutif aux deux commandements de payer visant la clause résolutoire, l'appelante soutenant que la SAS Sagama n'a pas réglé le loyer du mois de mars 2023, sans régularisation dans le mois du commandement de payer délivré le 30'mai suivant, ni plus aucun loyer depuis août 2023, ce que, sous couvert d'interprétation d'imputation d'un règlement, le premier juge aurait omis de prendre en compte, le preneur accumulant ainsi une dette locative, dont le montant résiduel en principal est de 35'655,21 euros au jour de la délivrance du second commandement du 11 décembre 2023, le reste de la dette étant constituée des indemnités d'occupations sollicitées,
- l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 12 janvier 2024, à laquelle lui a été délivrée par le preneur, une assignation en suspension des effets de la clause résolutoire,
- la contestation de l'application de l'exception d'inexécution invoquée par la SAS Sagama, qui serait seule à l'origine du préjudice au titre duquel elle invoque cette exception, alors que lui incombait, en vertu du contrat de bail, la charge de tous travaux, y compris de mise en conformité exigés par l'administration, au demeurant inutiles en l'espèce pour la poursuite de l'exploitation, sous réserve d'adaptations des locaux pour un coût modique, ne pouvant justifier l'arrêt du règlement des loyers,
- l'absence de justification de la demande de suspension des effets de la clause résolutoire, au regard de la dette locative croissante sans signalement au bailleur, avant le 25'septembre 2023, de difficultés d'exploitation et en déposant un dossier portant modification de l'exploitation existante sans en informer le bailleur et sans autorisation de ce dernier en violation des dispositions du bail commercial notarié, alors que l'exploitation s'était poursuivie sans incident jusque là et que la preneuse serait seule responsable de la non-conformité de son dossier retenue par la ville de [Localité 5], ce qui ne l'autorisait pas à cesser de payer les loyers, de surcroît dans un contexte de poursuite effective de son activité et en l'absence d'autorisation judiciaire de consigner le montant desdits loyers, dont la demande aurait été justement rejetée, le demandeur ayant déposé son dossier d'initiative sans autorisation du bailleur et sans recours à l'architecte du bailleur, ayant en outre, agi en violation des dispositions du bail commercial applicable et sans donner suite à la demande de régularisation mineure de la mairie, s'agissant d'une simple modification de croquis pour la création d'un espace d'attente sécurisé pour personne à mobilité réduite, qui doit être situé à l'intérieur de l'établissement et pas dans un lieu dangereux (chaufferie au gaz d'une partie commune), modification à laquelle la concluante a fini d'elle-même par procéder,
- une situation d'impayés restant marquée par une dette résiduelle de 69'867,34 euros au titre des loyers et 9'360 euros de charges, déduction faite d'une saisie arrêtée au 5'octobre 2024, malgré la multiplication des obstacles procéduraux par le preneur et le mois de novembre n'ayant pas été réglé, augmentant à nouveau la dette,
- la confirmation du rejet de la demande de provision de la partie adverse, à défaut de preuve du préjudice qu'elle invoque, compte tenu des violations contractuelles de sa part et de l'absence d'incidence sur l'exploitation,
- la condamnation solidaire de la société L'Escale, qui n'a pas entendu se substituer à la carence de la société Sagama, en dépit de la clause contractuelle de garantie et qui, consciente de ce fait, a fait procéder à une saisie à titre conservatoire de la somme de 28 178,28 euros au titre des loyers impayés.
Vu les dernières conclusions en date du 7'janvier 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS l'Escale demande à la cour de':
'SUR L'APPEL PRINCIPAL DE LA SCI NOCEDA :
La DEBOUTER de l'intégralité de ses fins et conclusions ;
CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de ses demandes
SUR L'APPEL PROVOQUE DE LA SAS L'ESCALE :
Le JUGER recevable et bien fondé
Y faire droit
En conséquence :
INFIRMER l'ordonnance de référé du Tribunal Judiciaire de Colmar du 24 juillet 2024 en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes de la SAS L'ESCALE et en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du CPC et au titre des dépens.
Et statuant à nouveau
CONDAMNER la SAS SAGAMA à payer à la SAS L'ESCALE une provision d'un montant de 1125,60 € au titre du remboursement des factures d'abonnement du site internet et de la centrale de sécurité du système d'alarme, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.
SUR L'APPEL PROVOQUE FORME A TITRE SUBSIDIAIRE EN CAS DE CONDAMNATION DE LA SAS SAGAMA et/ou de la SAS L'ESCALE :
Le JUGER recevable et bien fondé
Y faire droit
En conséquence :
INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes d'appel en garantie formées par la SAS NOCEDA et, statuant à nouveau,
CONDAMNER la SAS SAGAMA à relever indemne et garantir la société L'ESCALE de l'intégralité des montants qui pourraient être mis à sa charge en principal, intérêts, accessoires, frais, dépens et frais non répétibles dans le cadre de la demande formée par la SCI NOCEDA
CONDAMNER la SAS SAGAMA au paiement de la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du CPC.
SUR L'APPEL PROVOQUE DE LA SAS SAGAMA :
DEBOUTER la SAS SAGAMA de l'intégralité de ses demandes
En tout état de cause :
CONDAMNER la SAS SAGAMA à relever indemne et garantir la société L'ESCALE de l'intégralité des montants qui pourraient être mis à sa charge en principal, intérêts, accessoires, frais, dépens et frais non répétibles dans le cadre de la demande formée par la SCI NOCEDA
CONDAMNER la SCI NOCEDA aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du CPC'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'approbation de l'ordonnance concernant l'imputation des paiements de loyer et l'existence, à ce titre, d'une contestation sérieuse posant la question de l'application de la clause résolutoire et un seul défaut de paiement, de surcroît dans un contexte conflictuel autour du défaut de conformité de l'immeuble, ne justifiant pas l'acquisition de cette clause pour un mois impayé, la concluante pouvant faire jouer, à ce titre, sa garantie,
- l'approbation, également, du raisonnement du premier juge, qui a retenu des contestations sérieuses concernant la créance locative de la SCI Noceda et ses demandes en référé et la concluante étant, dans tous les cas, étrangère au contentieux qui s'est noué entre les deux autres parties,
- sur son appel provoqué, la justification des montants qu'elle sollicite à titre provisionnel envers la société Sagama, qui se serait, contrairement à ses engagements lors de la cession, abstenue de toute démarche concernant la location du site internet et la location du matériel de sécurité et d'alarme du restaurant qui sont restés à la charge de la concluante, au moins jusqu'au 30'juin 2023, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge en l'absence, pourtant, de contestation sur ce point de la société Sagama,
- sur l'appel provoqué de la SAS Sagama, l'absence de fondement de la demande de celle-ci, qui ne détaille pas les travaux nécessaires ni ne produit de devis, outre l'exonération totale de la concluante, de laquelle la société Sagama a acquis le fonds de commerce 'tel quel' et renoncé à tout recours contre le cédant, lequel avait, par ailleurs, exploité sans difficulté le restaurant entre 2018 et 2022, prouvant l'absence de non-conformité majeure, et seule la SCI Noceda pouvant être mise en cause pour d'éventuels travaux, liés à ses propres modifications du bâtiment.
Vu les dernières conclusions en date du 2'janvier 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Sagama demande à la cour de':
'Vu les dispositions des articles 834, 835 du cpc
Vu les dispositions des articles 1603 1611 1615 et 1641 du code civil
DECLARER l'appel de la SCI NOCEDA irrecevable et en tout cas mal fondé compte tenu des contestations sérieuses
DECLARER l'appel provoqué de la SAS L'ESCALE irrecevable et en tout cas mal fondé compte tenu des contestations sérieuses
En conséquence
CONFIRMER la décision de Monsieur le Président en ce qu'il a rejeté les prétentions de la SCI NOCEDA, et de la SAS I'ESCALE.
INFIRMER la décision de Monsieur le Président en ce qu'il dit n'y avoir lieu à référé quant aux demandes de la SAS SAGAMA et a rejeté les prétentions de la SAS SAGAMA
Et statuant à nouveau
AUTORISER la SAS SAGAMA à verser sur le compte séquestre ouvert auprès de la CARPA de [Localité 6] les loyers jusqu'à ce que la société NOCEDA ait satisfait à son obligation de délivrance
CONDAMNER la SAS L'ESCALE et la SCI NOCEDA conjointement et solidairement à effectuer les travaux nécessaires pour rendre le fonds de commerce conforme aux règles de sécurité sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard.
CONDAMNER la SAS L'ESCALE et la SCI NOCEDA conjointement et solidairement à verser à la SAS SAGAMA à titre de provision à valoir sur son préjudice la somme de 50 000 euros.
DEBOUTER les parties adverses de toutes conclusions plus amples ou contraires tant comme étant irrecevables que mal fondées
CONDAMNER la SAS L'ESCALE et la SCI NOCEDA conjointement et solidairement à verser à la SAS SAGAMA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'existence de contestations sérieuses au titre de la résiliation du bail, que ce soit concernant le premier commandement de payer, concernant un impayé de mars réglé dès le 18'avril, par un paiement devant bien s'imputer sur le mois de mars, ou le second, ne privant pas la concluante de la possibilité de demander la suspension des effets de la clause résolutoire, en l'absence de décision définitive en ayant constaté les effets et la clause résolutoire ayant été mise en 'uvre de mauvaise foi, alors qu'une procédure était en cours, la concluante opposant au bailleur l'exception d'inexécution et sollicitant l'autorisation de verser les loyers sur un compte séquestre, en raison d'une non-conformité du local aux normes de sécurité au moment de la cession, la bailleresse ayant changé en 2012 la destination des locaux en créant des logements en lieu et place de bureaux alors qu'elle exploitait aussi dans les lieux un restaurant, sans déposer de déclaration préalable, ce qui a dû conduire la concluante à solliciter vainement de la commune une dérogation avec mesures de sécurité compensatoires, impliquant la condamnation de plusieurs portes menant aux communs, ce qui compliquait considérablement la circulation entre le restaurant et la cuisine ou encore les toilettes, créant ainsi des problèmes d'accessibilité rédhibitoires pour les personnes à mobilité réduite, sans que la SCI Noceda, sollicitée à plusieurs reprises, n'ait donné suite, manquant ainsi à son obligation de délivrance conforme des locaux, ce qui justifierait la suspension du paiement des loyers, alors que la bailleresse n'a fini par obtenir, à l'insu de sa locataire, une dérogation qu'en 2024 en s'engageant à entreprendre des travaux de sécurisation, qu'elle n'a cependant pas réalisés, alors que cette réalisation lui incomberait, sans qu'elle ne puisse se réfugier derrière les clauses du bail,
- sur la demande de la SAS L'Escale, l'absence de justification de ses prétentions, alors que la concluante n'aurait pas été informée de l'existence d'un impayé et que le contrat de licence d'exploitation du site internet serait arrivé à expiration,
- parallèlement, l'appel en garantie de la SAS L'Escale, qui aurait failli à son obligation de délivrance conforme aux règles de sécurité en tant que cédant du fonds de commerce, ainsi que d'une obligation de garantie (des vices cachés),
- des prétentions fondées sur l'article 835 du code de procédure civile, tendant':
*à la réalisation sous astreinte, des travaux nécessaires par la SAS L'Escale et la SCI Noceda, s'agissant de travaux ne pouvant incomber à la concluante comme affectant les parties communes, cette non-réalisation, constitutive d'un trouble manifestement illicite, ayant contraint la concluante, privée de la possibilité d'obtenir la licence IV, d'engager le représentant de la SAS L'Escale pour pouvoir servir des boissons alcoolisées, tout en subissant des saisies de la part des parties adverses,
*à l'octroi d'une provision pour préjudice, liée à l'impossibilité pour elle d'exploiter 'correctement' son fonds de commerce.
Vu les débats à l'audience du 24'mars 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel de la SCI Noceda :
La SAS Sagama entend voir déclarer irrecevable l'appel de la SCI Noceda, sans cependant développer de moyen de nature à étayer sa prétention à ce titre, de sorte qu'elle sera écartée et que l'appel de la SCI Noceda sera déclaré recevable.
Sur le rappel du contexte :
Par bail commercial en date du 13 octobre 2017, la SCI Noceda a donné à bail à la SAS L'Escale, un local commercial situé [Adresse 3], destiné à l'exploitation d'un restaurant. Par acte notarié du 10 novembre 2022, la SAS L'Escale a cédé son fonds de commerce à la SAS Sagama, avec l'accord du bailleur, la SAS L'Escale demeurant garante solidaire du paiement des loyers, ainsi que de l'exécution des charges, pendant une durée de trois ans à compter de la cession.
À la suite de cette cession, la SAS Sagama expose avoir entrepris des démarches pour mettre le local aux normes de sécurité, lesquelles ont donné lieu à plusieurs refus administratifs, notamment en raison de travaux antérieurs réalisés par la SCI Noceda. Estimant que le local n'était pas conforme et ne pouvait être exploité, la SAS Sagama a cessé de régler les loyers et a entendu en consigner le montant.
C'est dans ce contexte que la bailleresse a alors délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail le 30 mai 2023, puis un second le 11 décembre 2023 et a assigné la SAS Sagama et la SAS L'Escale en référé devant le président du tribunal judiciaire de Colmar, aux fins de constater la résiliation du bail et d'obtenir l'expulsion du preneur, donnant lieu à la décision dont appel, qui a retenu l'existence de contestations sérieuses.
Sur les demandes de la SCI Noceda :
En application des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend et peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Par ailleurs, l'article L.'145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans un bail commercial, prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Par application des textes précités, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire, lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement et qu'il n'est pas opposé de contestation sérieuse susceptible d'y faire obstacle.
Sur les causes et les effets du commandement de payer en date du 30'mai 2023 :
Il convient de rappeler que par acte extrajudiciaire en date du 30'mai 2023, dénoncé ensuite à la caution le 5'juin 2023, la SCI Noceda a fait délivrer à son preneur un commandement de payer un montant de 6'837,26 euros, hors coût de l'acte, au titre d'un impayé de loyer, à hauteur de 6'117 euros TTC et d'avance sur charges, à hauteur de 720 euros TTC, pour le mois de mars 2023, ce commandement visant la clause résolutoire figurant au contrat de bail et prévoyant une prise d'effet, à défaut de paiement d'un seul terme de loyer, dans le mois d'un commandement de payer demeuré vain.
À cet égard, il est constant que, à la suite d'un versement de 6'826,37 euros au lieu de 6'837,26 pour le mois de février, le compte du locataire présentait un solde débiteur de 10,89 euros, lequel atteignait 6'848,15 euros en l'absence de règlement du loyer du mois de mars appelé, également à hauteur de 6'837,26 euros. Un règlement à hauteur de cette somme est cependant intervenu en avril, à la suite d'un nouvel appel de loyer, laissant cependant persister un solde de 13'696,30 euros au 1er mai, ramené à 6'859,04 euros en date du 9'mai.
Il est également exact que, sollicité par sms du bailleur du 28'avril 2023, demandant si le virement du mois d'avril avait été effectué, le preneur devait répondre par message du 8'mai suivant, qu'il procédait le lendemain matin au 'virement de mai', ainsi que 'le premier virement du mois qui manque le week-end prochain'.
Or, aux termes de l'article 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter.
À défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter.
À égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.
En l'occurrence, les termes du message précité ne visent pas explicitement le mois de mars, mais uniquement 'le mois qui manque', ce qui requiert, au regard du texte précité, une interprétation quant à la dette concernée et donc quant à l'appréciation de l'extinction des causes du commandement de payer, lequel ne porte pas sur l'impayé de 10,89 euros, la question de l'intérêt de s'acquitter prioritairement de ce reliquat antérieur étant, en outre, posée, de sorte qu'au total c'est à bon droit que le premier juge a retenu l'existence d'une contestation sérieuse, faisant obstacle au constat de la résiliation de plein droit du bail en exécution du commandement de payer en date du 30'mai 2023.
Sur les effets du commandement de payer du 11'décembre 2023 et l'exception d'inexécution :
L'article 1719 du code civil énonce que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.
En l'espèce, la SCI Noceda entend voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, en vertu du commandement de payer la visant, en date du 11'décembre 2023, dénoncé à la caution le 13'décembre 2023, portant sur une somme de 35'655,21 euros (35'397,51 euros hors coût de l'acte), au titre d'impayés de loyers et avances sur charges pour les mois d'août à décembre 2023.
La SAS Sagama invoque une mise en 'uvre de mauvaise foi de la clause résolutoire par la SCI Noceda, reprochant à cette dernière d'avoir agi en parfaite connaissance de l'exception d'inexécution qu'elle lui opposait depuis de nombreux mois et qu'elle oppose en l'espèce pour refuser d'exécuter son obligation, tout en sollicitant la possibilité de s'acquitter du règlement des loyers sur un compte séquestre.
À ce titre, le contrat de bail commercial prévoit bien que 'Par dérogation à l'article 1719 alinéa premier du Code civil, le preneur aura la charge exclusive des travaux prescrits par l'autorité administrative, que ces travaux concernent la conformité générale de 1'immeuble loué ou les normes de sécurité, d'accueil du public, d'accès des handicapés, d'hygiène, de salubrité spécifiques à son activité.
Ces mises aux normes ne pourront être faites que sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du bailleur dont les honoraires seront à la charge du preneur.
Le preneur devra exécuter ces travaux dès l'entrée en vigueur d'une nouvelle réglementation, sans attendre un contrôle ou injonction, de sorte que le local loué soit toujours conforme aux normes administratives.
En application des dispositions du second alinéa de l'article R 145-35 du Code de commerce, ne peuvent être imputées au locataire les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de mettre en conformité avec la réglementation le local loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations sur les gros murs, voûtes, les poutres et les couvertures entières.
Par ailleurs, les travaux de mise aux normes qui auraient été prescrits par l'autorité administrative avant la signature des présentes et qui n'ont pas été effectués par le BAILLEUR, restent à la charge du BAILLEUR.'
Or, l'application de ces stipulations, qui sont conformes à la réglementation applicable, laquelle met à la charge du bailleur les travaux prescrits par l'administration, sont à la charge du bailleur, sauf stipulation expresse contraire suffisamment claire et précise, tout en excluant les gros travaux de l'article 606 du code civil, devant rester à la charge du bailleur, ne se heurtent pas moins dans les circonstances de l'espèce à des contestations sérieuses portant à la fois':
- sur l'imputation, au bailleur ou au preneur, de la charge des travaux et plus précisément à la fois sur la question de l'antériorité de la non-conformité à la signature du bail et sur la responsabilité des travaux à réaliser, sachant que plusieurs refus d'autorisation de travaux ont été opposés à la société preneuse en 2023, en raison d'une situation de non-conformité affectant, certes, les locaux exploités mais au regard de la situation de l'immeuble dans son ensemble, en lien avec des travaux réalisés en 2012 par le bailleur impliquant la création de logements, sans autorisation préalable, dont il n'est, en tout cas pas justifié par le bailleur qui produit l'autorisation accordée en 2002, ces travaux ayant modifié la destination initiale de l'immeuble, les refus opposés au preneur visant essentiellement la problématique de sécurité incendie, en particulier la présence de plusieurs portes d'intercommunication entre le restaurant et des logements tiers, ce qui imposait des travaux affectant les issues du restaurant, y compris, le cas échéant, hors de l'emprise du local commercial, ainsi que l'ascenseur, susceptibles de générer des restrictions à ce dernier dont l'usage est pourtant prévu par le bail';
- sur le respect de l'obligation de délivrance par le bailleur et, plus particulièrement, sur l'impropriété des locaux à leur usage, sachant que la preneuse a poursuivi l'exploitation de son fonds de commerce, mais que les parties s'opposent sur les conditions de cette poursuite et sur le caractère préjudiciable à l'activité du preneur de la mise aux normes à réaliser, puisque la bailleresse fait valoir que 'personne n'a demandé à la société SAGAMA de solliciter des travaux modificatifs pour une exploitation qui était en parfait fonctionnement au regard des règles administratives', tandis que la preneuse affirme, notamment, que la non-conformité de l'immeuble avec sa destination d'origine rend 'totalement' inexploitable le restaurant, sachant que la SCI Noceda reconnaît la nécessité d'effectuer une mise aux normes, puisqu'elle a sollicité une dérogation aux dispositions relatives aux risques incendies dans les établissements recevant du public (ERP), laquelle a finalement été accordée, mais sous réserve de la réalisation de travaux renvoyant à la question de leur prise en charge, qui n'est pas donc levée par l'autorisation de travaux accordée finalement à titre conditionnel.
Dès lors, il convient de confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a retenu l'existence d'une contestation sérieuse, à tout le moins quant à la détermination de la règle d'imputation, impliquant qu'il ne soit pas fait droit à la demande de constat de la clause résolutoire, au titre du second commandement de payer.
Sur les demandes de la SAS Sagama :
Sur la demande d'autorisation de versement des loyers sur un compte séquestre :
En l'état des conclusions auxquelles est parvenue la cour qui, en retenant l'existence d'une contestation sérieuse quant à la détermination de la règle d'imputation des travaux, n'a pas fait droit au constat d'acquisition de la clause résolutoire, ce qui implique que le bail se poursuit, mais n'a pas non plus retenu de violation, au-delà de toute contestation sérieuse, de l'obligation de délivrance à la charge du bailleur, il en résulte que la demande de versement des loyers non au bénéfice du bailleur, comme l'implique l'exécution du contrat de bail qui reste en vigueur, mais sur un compte séquestre, n'apparaît pas justifiée et doit donc être rejetée.
Sur la demande tendant à voir exécuter les travaux sous astreinte :
Dans la mesure où la cour a retenu, à l'instar du premier juge, qu'il existait une contestation sérieuse quant à la détermination de l'imputabilité de la réalisation des travaux de mise aux normes, il en résulte que la demande tendant à voir exécuter lesdits travaux, ne peut, elle aussi, que se heurter à une contestation sérieuse, la décision dont appel devant être confirmée de ce chef également.
Sur la demande de provision pour préjudice lié à l'exploitation du fonds :
Eu égard aux conclusions auxquelles est parvenue la cour, sous l'angle de l'examen de la demande principale, cette demande apparaît également se heurter à une contestation sérieuse, impliquant la confirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point également.
Sur les demandes de la SAS L'Escale :
Sur la demande de provision à charge de la SAS Sagama au titre du remboursement des factures d'abonnement du site internet et de la centrale de sécurité du système d'alarme':
La SAS L'Escale sollicite, de ce chef, le règlement d'une provision de 1'125,60 euros par la SAS Sagama, en soutenant':
- que l'acte authentique de cession du fonds de commerce du 10 novembre 2022 prévoyait, notamment, la cession du site internet et du nom de domaine du restaurant et la continuation de la résiliation de tous abonnements par la société Sagama,
- que la cessionnaire n'aurait pourtant fait aucune démarche en ce qui concerne la location du site internet et la location du matériel de sécurité et d'alarme du restaurant,
- que, contrairement aux affirmations du premier juge qui estimait que la cession du fonds de commerce était intervenue postérieurement à l'expiration du contrat de licence d'exploitation conclu le 20'septembre 2018 pour une durée de 48 mois, ce contrat aurait été reconduit et elle justifierait du règlement des montants mis en compte, à hauteur, chaque mois, de la somme de 120 euros au titre de la centrale de sécurité pour l'alarme et de 142,80 euros au titre de la location du site internet du restaurant par la production d'extraits bancaires et des factures adressées à ce titre à sa cessionnaire,
ce à quoi la SAS Sagama entend objecter, que le contrat de licence d'exploitation aurait été échu avant la conclusion de la convention de cession qui ne mentionne pas les abonnements litigieux, le contrat de licence n'ayant 'manifestement' pas été poursuivi depuis lors et la concluante contestant avoir été informée d'une quelconque facture impayée au titre des contrats invoqués par la société L'Escale.
Ceci rappelé, la cour considère que, sur ce point, le premier juge a, par des motifs pertinents qu'il convient d'approuver, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, étant encore ajouté, en l'état des éléments dont dispose la cour, que si l'acte de cession a consacré la cession de tous les droits rattachés au site internet et au nom de domaine, cela n'inclut pas la cession expresse d'un abonnement internet, pas plus que cela ne résulte de la mention de l'abonnement téléphonique sans autre précision, ni la cession d'un abonnement au titre d'une centrale de sécurité.
En outre, si la société L'Escale justifie de prélèvements d'un montant de 142,80 euros, postérieurs à la cession, ces prélèvements portent la mention 'Locam', alors que Locam n'apparaît pas comme le cocontractant de la société L'Escale au titre du contrat de licence d'exploitation de site internet, dont le renouvellement au-delà de 48 mois n'est pas formellement justifié.
Par ailleurs, s'agissant du contrat de location 'Vitalease' pour un 'pack sentinelle', conclu le 30'mai 2018, bien qu'il ait été conclu pour une durée de 60 mois, donc au-delà de la cession, il n'est pas opposable à la société Sagama au-delà de toute contestation sérieuse, compte tenu de ce qui précède, nonobstant les règlements effectués par la société L'Escale postérieurement à l'acte de cession.
L'ordonnance entreprise sera donc, là aussi, confirmée de ce chef.
Sur la demande de relevé indemne et garantie par la société SAGAMA :
Eu égard à l'issue de la demande principale, cette demande apparaît sans objet, comme l'a retenu le premier juge, dont la décision encourt donc la confirmation de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SCI Noceda, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation de la décision déférée sur cette question.
L'équité commande, en outre, de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties à l'instance d'appel, tout en confirmant les dispositions de l'ordonnance entreprise de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Déclare l'appel de la SCI Noceda recevable.
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 24'juillet 2024 par le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Colmar,
Y ajoutant,
Déboute la SAS Sagama de sa demande d'autorisation de règlement des loyers sur un compte séquestre,
Condamne la SCI Noceda aux dépens de l'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SCI Noceda que de la SAS Sagama et de la SAS L'Escale.