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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 15 mai 2025, n° 21/07699

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Pharmacie des 4 Chemins (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Vice-président :

Mme Vignon

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Darmon, Me Cherfils, Me Toscano

Aix-en-Provence, 1re ch. 8, du 5 mars 20…

5 mars 2020

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 novembre 1993, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ont donné à bail commercial à M. [N] [M] des locaux à usage de pharmacie sis [Adresse 2], à effet du 1er novembre 1993 et moyennant un loyer annuel de 30.000 francs.

Le 17 juin 2002, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ont fait délivrer à M. [N] [M] un congé avec offre de renouvellement et réévaluation du loyer. Ce dernier a accepté l'offre de renouvellement mais pas l'augmentation de loyer.

Par arrêt du 13 janvier 2011, cette cour a rejeté la demande de déplafonnement du loyer formée par les époux [J] et a précisé que le nouveau loyer serait celui résultant de l'application de l'indice du coût de la construction.

Le 11 mai 2011, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ont fait délivrer à M. [N] [M] un congé pour travaux.

Le 27 juillet 2011, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ont fait délivrer à M. [N] [M] un commandement de payer visant la clause résolutoire aux fins de règlement d'un reliquat de loyers impayés.

Par ordonnance en date du 7 septembre 2012, le juge des référés a retenu l'existence de contestations sérieuses quant à la demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et de paiement de la dette locative des époux [J].

Deux autres commandements de payer visant la clause résolutoire ont été signifiés par les bailleurs au locataire, le 28 février 2013 pour une somme de 11.197,86 ' en principal et le 25 avril 2016 pour un montant de 146.561,67 '.

Le 3 mai 2017, les époux [J] ont notifié à M. [M] un congé pour le 1er décembre 2017 avec refus de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction, invoquant le défaut de paiement de l'intégralité des loyers et indemnités d'occupation.

Par acte d'huissier en date du 20 juin 2017, M. [N] [M] a fait assigner M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] devant le tribunal de grande instance de Marseille.

La SNC Pharmacie des 4 chemins est intervenue volontairement à l'instance en l'état de l'apport de fonds de commerce réalisé par M. [N] [M] selon acte notarié du 7 janvier 2019.

Par jugement en date du 4 mars 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a:

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M],

- rejeté la demande d'indemnité d'éviction formée par la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M],

- rejeté la demande formée par la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'expulsion de M. [N] [M] et de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 2], passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique,

- condamné la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M] à verser à M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ensemble une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 516,12 ' HT, charges en sus, à compter du 1er janvier 2018 et jusqu'à son départ effectif,

- rejeté la demande formée par M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire,

- fait masse des dépens, les partage à raison de:

* 2/ 3 à la charge de la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M],

* 1/3 à la charge de M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] in solidum,

- dit qu'ils seront recouvrés dans cette proportion conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu, pour l'essentiel, que:

- le congé pour travaux délivré par les bailleurs ne peut être considéré comme valablement notifié au preneur, en ce qu'il contient une date erronée et ne comporte aucune précision relativement à la matérialité des travaux invoqués,

- le commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 27 juillet 2011 a été valablement délivré mais les bailleurs y ont renoncé en raison du maintien dans les lieux du preneur sans recours judiciaire pendant plus de 4 ans et de la délivrance d'un congé le 3 mai 2017 mentionnant un bail tacitement reconduit depuis le 1er novembre 2011,

- la demande de renouvellement présentée le 25 janvier 2013 par le preneur est tardive et le terme du bail ne peut donc être fixé au 31 mars 2012,

- le bail est donc en tacite reconduction depuis le 1er novembre 2011 et en l'état du congé notifié le 3 mai 2017, il a pris fin le 31 décembre 2017,

- la demande d'indemnité d'éviction est fondée dans son principe, en ce que les époux [J] ont fait délivrer le 25 avril 2016 au preneur un commandement de payer une somme de 146.651,67 ', somme qui est totalement injustifiée au regard de l'arrêt de cette cour du 13 janvier 2011 qui a fixé le loyer au loyer initial augmenté de l'indice du coût de la construction, de sorte que le locataire était redevable de ce loyer indexé et non d'un loyer établi sur la base d'une valeur non contractuelle et unilatéralement fixée par les bailleurs,

- toutefois, M. [M] réclame une somme de 1.710.000 ' à ce titre mais ne produit que des bilans, qui sont insuffisants pour justifier du bien fondé des sommes réclamées, de sorte qu'il sera débouté de ce chef de demande.

Par déclaration en date du 18 mars 2019, la SNC Pharmacie des 4 chemins et M. [N] [M] ont relevé appel de ce jugement.

Par arrêt rendu par défaut le 5 mars 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a:

- confirmé le jugement déféré dans les chefs expressément visés par la déclaration d'appel en ce qu'il a:

* rejeté la demande d'indemnité d'éviction formée par la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M],

* rejeté la demande formée par la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* fait masse des dépens, les partage à raison de 2/ 3 à la charge de la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M], et de 1/3 à la charge de M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] in solidum,

* dit qu'ils seront recouvrés dans cette proportion conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- infirmé le jugement déféré dans les chefs expressément visés par la déclaration d'appel en ce qu'il a:

* ordonné l'expulsion de M. [N] [M] et de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 2], passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique,

* condamné la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M] à verser à M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ensemble une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 516,12 ' HT, charges en sus, à compter du 1er janvier 2018 et jusqu'à son départ effectif,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit que le bail commercial conclu le 15 novembre 1993 entre M. [N] [M] d'une part et, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] d'autre part, a été renouvelé pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2022,

- débouté la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] à payer à la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M] la somme de 2.000 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] aux dépens qui seront distraits au profit de Me Romain Cherfils en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour a considéré que:

- le bail s'est prolongé tacitement à compter du 1er novembre 2011,

- le 25 janvier 2013, le preneur a fait signifier par acte d'huissier aux bailleurs une demande de renouvellement du bail commercial à compter du 1er avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022, reproduisant les dispositions de l'article L 145-10 du code de commerce.,

- en période de tacite reconduction, le locataire peut faire une demande de renouvellement et le nouveau bail prend effet à compter du premier jour du trimestre qui suit cette demande,

- à défaut pour les bailleurs d'avoir fait connaître leurs intentions dans le délai de trois mois à compter de la signification de la demande de renouvellement, ils sont réputés avoir accepté le principe du renouvellement du contrat,

- le bail a donc pris effet le 1er avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022, de sorte que les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation ne peuvent qu'être rejetées,

- il en est de même s'agissant de la demande en paiement d'une indemnité d'éviction formée par le preneur, le bail étant toujours en cours.

Cet arrêté a été signifié le 16 mars 2020 aux époux [J], demeurant tous deux en Martinique, par acte d'huissier remis en l'étude de l'huissier instrumentaire.

Par conclusions signifiées par RPVA le 14 mai 2020, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ont formé opposition à cet arrêt rendu par défaut.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 février 2021, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] demandent à la cour de:

- recevoir M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] en leur opposition,

- rouvrir les débats en l'état de la déclaration d'appel formée par M. [N] [M] et la SNC Pharmacie des 4 chemins,

- confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a constaté nécessairement et implicitement l'acquisition de la clause résolutoire par l'effet du commandement de payer du 25 avril 2016 et par voie de conséquence la perte du droit au bail de M. [N] [M] et la SNC Pharmacie des 4 chemins,

- confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a ordonné l'expulsion de M. [N] [M] et de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 2], passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique,

- confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a jugé que le bail avait fait l'objet d'une tacite prorogation dans les conditions de l'article L 145-9 alinéa 2 du code de commerce depuis le 1er novembre 2011, de sorte que le congé donné par le bailleur le 3 mai 2017 a valablement produit ses effets à l'issue du préavis de 6 mois le dernier jour du trimestre civil, soit le 31 décembre 2017,

- reconnaître et dire valable le congé donné par les époux [J] pour le 31 décembre 2017,

- confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a ordonné l'expulsion des appelants des lieux loués,

- constater, dire et juger que les appelants sont dépourvus de droit et de titre locatif depuis que le commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail commercial a produit ses effets, soit 2 mois après la signification du 25 avril 2016, soit le 25 juin 2016,

- confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a condamné la SNC Pharmacie des 4 chemins venant aux droits et obligations de M. [N] [M] à verser à M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] ensemble une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 516,12 ' HT, charges en sus, à compter du 1er janvier 2018 et jusqu'à son départ effectif,

- écarter les demandes des appelants visant à faire reconnaître le renouvellement du bail du 15 novembre 1993 à la date du 1er avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022,

- dire la demande de renouvellement du bail de M. [N] [M] tardive, comme postérieure à deux commandements de payer ayant produits leurs effets et par conséquent dépourvue d'effets,

- infirmer le jugement entrepris, constater, dire et juger que les parties étaient en contentieux permanent, les procédures étant pendantes devant la Cour de cassation, il n'est pas possible de considérer que les époux [J] aient consenti implicitement à un bail commercial verbal, ni qu'ils aient consenti implicitement au bail commercial sollicité tardivement par M. [N] [M]

Faisant appel incident du jugement attaqué, sur les conclusions des appelants:

- constater que le bail a été résilié pour justes motifs le 31 décembre 2017 et notamment: acquisition de la clause résolutoire et paiement tardif du solde des loyers,

- constater que le reliquat de loyers n'a pas été payé avant le 1er juillet 2018,

- dire et juger l'existence d'un juste motif pour délivrer un congé sans offre de renouvellement, justifiant la perte du droit au bail et l'expulsion de M. [N] [M] et la SNC Pharmacie des 4 chemins,

- constater que M. [N] [M] a cédé son activité à la SNC Pharmacie des 4 chemins, et qu'il a cessé son activité au profit de celle de la SNC,

- rejeter les demandes de M. [N] [M] et de la SNC Pharmacie des 4 chemins portant fixation d'une indemnité d'éviction,

- condamner M. [N] [M] et la SNC Pharmacie des 4 chemins in solidum à payer aux époux [J] la somme de 4.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner M. [N] [M] et la SNC Pharmacie des 4 chemins aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me David-André Darmon en application de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [N] [M] et la SNC Pharmacie des 4 chemins, suivant leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 20 novembre 2024, demandent à la cour de:

Vu les articles L 145-1 et suivants, notamment L 145-19 et L 145-28 du code de commerce,

Vu l'article 809 du code de procédure civile,

- débouter les époux [J] des fins de leur opposition à l'encontre de l'arrêt rendu le 5 mars 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

Reconventionnellement,

- dire et juger que le bail commercial liant les parties a été renouvelé pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2022,

- condamner les intimés à verser aux concluants la somme de 1.710.000 ' au titre de l'indemnité d'éviction,

- les condamner à verser à la SNC Pharmacie des 4 chemins la somme de 50.000 ' à titre de dommages et intérêts,

Subsidiairement,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec la mission précitée aux motifs,

- en ce cas, condamner les époux [J] à verser aux concluants la somme de 1.000.000 ' à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'éviction,

- les condamner à leur verser la somme de 10.000 ' à valoir sur les frais du procès,

En tout état de cause,

- les condamner à leur verser la somme de 10.000 ' en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les intimés aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci distraits au profit de Me Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocat associé, aux offres de droit.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 25 février 2025.

MOTIFS

En vertu des articles 571 et 572 du code de procédure civile, l'opposition tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut et elle n'est ouverte qu'au défaillant. Elle remet en question devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

En l'espèce, la recevabilité de l'opposition formée par les époux [J] à l'arrêt de cette cour du 5 mars 2020 rendu par défaut n'est pas contestée, ces derniers ayant bien la qualité de défaillants, en ce que l'arrêt susvisé, a été rendu en dernier ressort et en l'absence de comparution de M. et Mme [J], auxquels la déclaration d'appel et les conclusions leur avaient été signifiées à étude.

Il y a lieu en conséquence de mettre à néant l'arrêt de la cour de céans en date du 5 mars 2020 et de statuer à nouveau.

Les parties sont en l'état d'un bail commercial en date du 15 novembre 1993 portant sur des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 7] consenti par M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] au profit de M. [N] [M], destinés exclusivement à l'exploitation d'une pharmacie.

Ledit bail a été conclu pour une durée de neuf années à compter du 1er novembre 1993 jusqu'au 31 octobre 2002 et moyennant le paiement d'un loyer annuel de 30.000 francs TTC ( 25.000 francs HT).

Il convient de rappeler que M. [N] [M] a initié la présente procédure devant le tribunal de grande instance de Marseille par assignation du 20 juin 2017 en contestation du congé qui lui a délivré par les bailleurs le 3 mai 2017 pour 31 décembre 2017, avec refus de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction, invoquant le défaut de paiement de l'intégralité des loyers à leur échéance.

Le congé litigieux énonce que le bail litigieux ' a été conclu pour une durée de neuf années entières et consécutives qui ont commencé à courir le 1er novembre 2002 pour se terminer le 31 octobre 2002. Le bail a été reconduit pour neuf années entières et consécutives qui ont commencé à courir le 1er novembre 2002 pour se terminer le 31 octobre 2011. Ledit bail est depuis le 1er novembre 2011 en tacite prolongation.'

M. [N] [M] soutient en premier lieu, que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le bail liant les parties n'est pas en tacite prolongation depuis le 1er novembre 2011 mais a été renouvelé pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2022, suite à sa demande de renouvellement effectuée par acte d'huissier du 25 janvier 2013.

Il en tire pour conséquence que le congé qui lui a été signifié le 3 mai 2017 n'est pas valable en ce qu'il lui a été délivré pour une date erronée, le bail étant toujours en cours.

Les époux [J] contestent cette analyse, faisant valoir en premier lieu que le premier juge a 'constaté nécessairement et implicitement l'acquisition de la clause résolutoire par l'effet du commandement de payer du 25 avril 2016 et par voie de conséquence la perte du droit au bail de M. [M] et de la SNC Pharmacie des 4 chemins' et indiquant que c'est sur ce fondement 'explicite et non contesté' que le tribunal a constaté la rupture du bail commercial aux torts du preneur et a ordonné son expulsion.

Or, à la lecture des motifs du jugement entrepris, le premier juge a:

- retenu que le bail était en tacite reconduction depuis le 1er novembre 2011 et qu'en l'état du congé notifié le 3 mai 2017, il est venu à expiration le 31 décembre 2017, de sorte que la demande d'expulsion était de ce fait justifiée,

- indiqué le commandement de payer du 25 avril 2016 a été délivré pour une somme totalement injustifiée au regard de l'arrêt de la cour du 3 janvier 2011, le preneur étant redevable du loyer indexé et non d'un loyer établi sur la base d'une valeur locative non contractuelle et unilatéralement fixée par les bailleurs et que M. [M] avait réglé les sommes dont il était redevable au titre des loyers.

Par voie de conséquence, les époux [J] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande tendant à 'confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a constaté nécessairement implicitement l'acquisition de la clause résolutoire par l'effet du commandement de payer du 25 avril 2016 et par voie de conséquence la perte du droit au bail de M. [N] [M] et la SNC Pharmacie des 4 chemins', dès lors que cela ne correspond absolument pas à ce qu'a jugé le tribunal.

Pour le surplus, ils sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le bail a fait l'objet d'une tacite prorogation dans les conditions de l'article L 145-9 alinéa 2 du code de commerce et que le congé délivré le 3 mai 2017 a valablement produit ses effets le 31 décembre 2017.

En application de l'article L 145-9 du code de commerce, par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.

L'article L 145-10 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose qu'à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.

La demande en renouvellement doit être signifiée au bailleur par acte extrajudiciaire. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous.

Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l'alinéa ci-dessous.

Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.

Enfin, l'article L 145-12 alinéa 3 précise que le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.

En l'espèce, le bail litigieux a été conclu le 15 novembre 1993, pour une durée de neuf années à effet du 1er novembre 1993, soit jusqu'au 31 octobre 2002. Au terme, il s'est renouvelé le 1er novembre 2002 pour se terminer le 31 octobre 2011 et s'est prolongé tacitement à compter du 1er novembre 2011.

Conformément aux dispositions susvisées, en période de tacite prolongation, le locataire peut faire la demande de renouvellement à tout moment et le nouveau bail prend effet à compter du premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.

M. [M] justifie avoir, par acte extra-judiciaire en date du 25 janvier 2013, notifié aux bailleurs une demande de renouvellement du bail commercial liant les parties. Cet acte a été remis à personne à Mme [K] [J] et signifié à domicile à M. [O] [J]. Il reproduit également les dispositions des articles L 145-8 et L 145-10 du code de commerce.

A défaut pour les époux [J] d'avoir fait connaître leurs intentions dans le délai de trois mois à compter de la signification de la demande de renouvellement du contrat, le bail a pris effet le 1er avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022, de sorte que le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le bail a pris fin le 31 décembre 2017, suite à la délivrance du congé du 3 mai 2017avec refus de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction, doit être infirmé. En effet, ledit congé a été délivré pour une date qui n'était pas valable pour être fixée au 31 décembre 2017, alors que le bail se poursuivait jusqu'au 31 mars 2022.

M. et Mme [J] font toutefois valoir que la demande de renouvellement de M. [N] [M] est tardive, comme postérieure à deux commandements de payer visant la clause résolutoire ayant produits leurs effets et délivrés respectivement, les 27 juillet 2011 et 23 janvier 2013.

Selon l'article L 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

En l'occurrence, le bail liant les parties comporte un article 3 intitulé ' clause résolutoire' stipulant que ' A défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer ou à défaut de paiement dans les délais impartis de rappels de loyers pouvant notamment être dus après révision judiciaire du prix du bail renouvelé, ou encore, à défaut d'exécution, d'une seule des conditions du présent bail qui sont toutes de rigueur, et après un simple commandement de payer ou une mise en demeure adressée par acte extra-judiciaire resté sans effet pendant un délai d'un mois, et exprimant la volonté du bailleur de se prévaloir de la présente clause en d'inexécution dans le délai précité, le bail sera résilié immédiatement et de plein droit (...)'.

Le 27 juillet 2011, les époux [J] ont fait délivrer à M. [M] un commandement visant la clause résolutoire réclamant une somme en principal de 7.003, 64 '.

Par ordonnance du 7 septembre 2012, le juge des référés a retenu l'existence de contestations sérieuses quant à la demande de constatation de la clause résolutoire formée par les bailleurs, suite à la délivrance de ce commandement.

Ces derniers indiquent avoir également notifié le 28 février 2013 un autre commandement, visant également la clause résolutoire. Ils communiquent cependant en pièce 6, un acte incomplet, la moitié des pages étant manquante et notamment le décompte, ne permettant pas de vérifier le montant réclamé, ni si l'intégralité des mentions prescrites par les textes a bien été reproduite.

Devant le premier juge, aucune des parties ne présentait de demandes par rapport à ces deux commandements.

En outre, suite à la délivrance de ces deux commandements, le preneur est resté dans les lieux sans recours judiciaire après l'ordonnance de référé du 7 septembre 2012, jusqu'à l'introduction de la présente instance le 20 juin 2017 et à l'initiative de M. [M], soit pendant près de cinq ans pour le premier commandement et quatre ans et demi pour le second commandement.

Au demeurant, si les époux [J] entendaient se prévaloir de la clause résolutoire suite à la délivrance de ces deux commandements, ils n'auraient pas eu à faire signifier un troisième commandement, toujours visant la clause résolutoire, le 25 avril 2016, pour un montant de 146.561,57 ', au titre des loyers qui seraient dus pour la période de novembre 2005 à novembre 2015, englobant donc les périodes couvertes par les deux précédents commandements.

Ils ont également notifié le 3 mai 2017, un congé pour le 31 décembre 2017, mentionnant que le bail liant les parties est depuis le 1er novembre 2011 en tacite reconduction, soit en toute hypothèse, à une date postérieure au premier commandement de payer du 27 juillet 2011.

En considération de ces éléments, la renonciation à un droit pouvant être tacite, les époux [J] ont renoncé à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire suite à la délivrance des deux commandements le 27 juillet 2011 et le 28 février 2013.

Par conséquent, ils ne peuvent utilement soutenir que la demande de renouvellement formée par le preneur par acte du 23 janvier 2013 est tardive.

M. et Mme [J], dans leurs conclusions en cause d'appel, entendent également se prévaloir du commandement de payer visant la clause résolutoire qu'ils ont fait signifier au preneur le 25 avril 2016 pour un montant en principal de 146.561,67 ' comprenant en annexe un décompte ainsi libellé 'Décompte [M] à partir de la treizième année soit 1er novembre 2005:

Valeur locative établie par la perception et une agence immobilière soit 15 ' le m² d'où une valeur locative de 115 m²x 15= 1.725 ' mensuel.

Versement mensuel de 532,71 ' au lieu de 1.725 ', différence 1.192,29 '

de novembre 2005 à novembre 2015: 120 mois + décembre + janvier 2016+ février 2016

Total: 1.192,29 ' x 123 mois, total global de la somme: 146.651,67 '.'

Une telle somme est totalement injustifiée en ce que cette cour, par arrêt du 13 janvier 2011, a rejeté la demande de déplafonnement du loyer renouvelé réclamée par les bailleurs et a fixé le loyer au loyer initial, augmenté suivant l'indice du coût de la construction. Les époux [J] ne sont pas fondés à se prévaloir d'une créance de loyers impayés calculée sur la base d'une valeur locative unilatéralement fixée par eux et en parfaite violation des dispositions régissant le statut des baux commerciaux et de l'arrêt de la cour de céans du 13 janvier 2011.

A défaut pour les bailleurs de justifier que le preneur était redevable d'une quelconque somme au titre d'un arriéré de loyers à la date de la délivrance du commandement de payer, ils ne sont pas fondés à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail.

En l'état d'un bail ayant régulièrement pris effet le 1er avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022, les dispositions du jugement entrepris ayant retenu que le contrat avait pris fin le 31 décembre 2017 et relatives à l'expulsion du preneur et à la fixation d'une indemnité d'occupation seront infirmées.

Il ressort des pièces produites, que par acte d'huissier en date du 25 juin 2021, la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [M] par suite d'un apport de fonds de commerce réalisé selon acte notarié du 7 janvier 2019, a donné congé aux bailleurs pour le 31 mars 2022 et a quitté les lieux.

A la lecture de ce congé, il est précisé que ' selon demande de renouvellement de bail commercial donné par acte d'huissier en date du 25 janvier 2013 pour prendre effet le 1er avril 2013 pour une durée de neuf ans et se terminer le 31 mars 2022, acte de demande de renouvellement auquel les bailleurs n'ont pas répondu, ce qui vaut acceptation (...) Les articles L 145-3 et L 145-9 du code de commerce disposent que le preneur aura la faculté de donner congé pour le terme du bail. La partie qui voudra mettre fin au bail devra donner congé à l'autre par acte extra-judiciaire au mois six mois avant. En conséquence, le preneur entend par le présent acte se prévaloir dudit article et ainsi mettre fin au bail pour le terme de ce dernier (...)'.

La SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [M], en sa qualité de preneur, a pris l'initiative de donner congé pour la fin du bail, soit le 31 mars 2022, conformément à l'article L 145-9 du code de commerce.

Or, en application de l'article L 145-14 du même code, l'indemnité d'éviction est due lorsque le propriétaire décide de ne pas renouveler le bail mais non lorsque le locataire décide lui-même de mettre fin aux relations contractuelles entre les parties en délivrant un congé régulier.

Il ressort des développements qui précèdent que les bailleurs ont effectivement notifié un congé au preneur le 3 mai 2017 mais pour une date qui n'était pas valable comme étant fixée au 31 décembre 2017, alors que compte tenu de la demande de renouvellement formée par M. [M] le 25 janvier 2013, le bail a pris effet le 1er avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022.

Le bail a pris fin à son terme par l'effet d'un congé donné par la locataire, la privant ainsi de la possibilité de réclamer une indemnité d'éviction.

La SNC Pharmacie des 4 chemins et M. [R] seront donc déboutés de leurs demandes en paiement d'une telle indemnité ainsi que de l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire aux fins de l'évaluer.

La SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [M], sollicite en outre l'allocation d'une somme de 50.000 ' à titre de dommages et intérêts, au visa de l'article 1104 du code civil, soutenant que les bailleurs ont manqué à leur obligation d'exécution légale et de bonne foi du contrat de location.

Il est certain que celle-ci a dû faire face au comportement des bailleurs, qui à l'évidence, souhaitaient faire partir leur locataire par tous moyens, multipliant la délivrance des commandements de payer avec des calculs d'arriérés loyer plus que contestables ainsi que de congé pour travaux ou avec refus de renouvellement pour une date erronée, traduisant une gestion plus qu'incohérente de la relation contractuelle, peu propice à une exploitation sereine de l'activité de pharmacie pour un locataire confronté pendant de nombreuses années aux multiples tracas découlant des actions menées par les époux [J], qui manifestement se considèrent, en leur seule qualité de propriétaires, comme investis de tous les pouvoirs.

Cette mauvaise foi dont les bailleurs ont fait preuve dans l'exécution du contrat justifie leur condamnation à verser à la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [M], la somme de 8.000 ' à titre de dommages et intérêts.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Reçoit M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] en leur opposition à l'arrêt de cette cour rendu par défaut le 5 mars 2020 et la déclare recevable,

Met à néant l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 mars 2020,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité d'éviction formée par la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [N] [M],

Statuant à nouveau,

Dit que le bail commercial conclu le 15 novembre 1993 entre M. [N] [M] d'une part et, M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] d'autre part, a été renouvelé pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2022,

Déboute en conséquence M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] de leur demande d'expulsion et de condamnation de la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [N] [M] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er janvier 2018,

Déboute M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] du surplus de leurs demandes formées à l'encontre de la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [N] [M],

Constate que le bail a pris fin le 31 mars 2022 à la suite de la notification par la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [N] [M], d'un congé par acte du 25 juin 2021 pour le terme du bail,

Condamne M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] à payer à la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [N] [M], la somme de 8.000 ' à titre de dommages et intérêts,

Condamne M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] à payer à la SNC Pharmacie des 4 chemins, venant aux droits de M. [N] [M] la somme de 5.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne M. [O] [J] et Mme [K] [D] épouse [J] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

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