CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 28 mai 2025, n° 24/00840
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 28 MAI 2025
Rôle N° RG 24/00840 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMOPJ
SCI NISSANE
C/
[U] [K]
M. LE PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée
le : 28 mai 2025
à :
Me Sébastien BADIE
Me Valérie CARDONA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 08 Janvier 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/00018.
APPELANTE
SCI NISSANE
inscrite au RCS de [Localité 4] sous le n° 443 732 417, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur [T] [W] ;
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Vincent ROUSSIN de la SCP TANDONNET- ROUSSIN, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Maître [U] [K]
ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI NISSANE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Valérie CARDONA, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Axelle TESTINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
EN PRESENCE DE :
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,
demeurant COUR D'APPEL - 20. [Adresse 7]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Gwenael KEROMES, présidente Rapporteure,
et Madame Muriel VASSAIL, conseillère
chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe après prorogation le 28 Mai 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2025.
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI Nissane, propriétaire de plusieurs biens immobiliers dont l'un, situé à Le Cannet (06) acquis le 17 juin 2002 pour le prix de 150 000 euros et l'autre, situé à Cannes (06), acquis le 30 octobre 2002 au prix de 198 183,27 euros et frappé d'un arrêté de péril, a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Grasse du 27 juin 2022, publié au Bodacc le 8 juillet 2022, sur assignation du comptable du service des impôts des particuliers de Cannes. La date de cessation des paiements a été fixée au 19 avril 2022.
Me [U] [K], désigné en qualité de mandataire judiciaire, a déposé le 7 novembre 2022 une requête aux fins de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire au motif que la société, en l'absence de capacités de financement suffisantes, ne démontrait pas de capacités de redressement ; qu'en outre, en dépit des demandes qu'il lui a adressées, aucune comptabilité ne lui a été remise et il n'est pas justifié d'encaissement de loyers pour le bien immobilier situé [Adresse 1], qui est la seule source de revenus de la SCI, de même qu'aucune attestation indiquant l'absence de création de nouvelles dettes ne lui a été remise.
Me [K] s'étant désisté de sa requête en conversion, le tribunal a, par jugement du 9 janvier 2023, ordonné le renouvellement de la période d'observation pour 6 mois, soit jusqu'au 27 juin 2023, et renvoyé le dossier au 12 juin 2023 pour examen des propositions d'apurement du passif.
Le 28 mars 2023, une nouvelle requête en conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire a été déposée et à l'audience du 12 juin 2023, la SCI Nissane a déposé une requête aux fins de prolongation de la période d'observation, à laquelle il a été fait droit par jugement du 26 juin 2023, portant la durée de celle-ci jusqu'au 27 décembre 2023.
La SCI Nissane a soumis au tribunal les propositions d'apurement du passif arrêté qu'elle reconnaît devoir à hauteur de la somme de 175 127,53 euros, le passif déclaré s'élevant à la somme totale de 4 379 426,46 euros. A ce jour, le passif définitivement admis est de 136 400,38 euros, étant rappelé que les créances contestées représentant 4 275 856,51 euros, n'ont pas encore été appelées devant le juge commissaire.
Au sein de ce passif contesté, figurent des créances bancaires dont celle de la banque Landsbanki Luxembourg pour un montant de 4 204 298,93 euros, qui représente une dette personnelle d'un tiers, M. [T] [W], pour laquelle la SCI Nissane s'est portée caution hypothécaire, outre une créance chirographaire de la banque BNP Paribas.
Aux termes de sa proposition de plan, la SCI Nissane prévoyait de régler les créances inférieures à 500 euros dès l'arrêté du plan et au plus tard fin année 2023 et offrait de régler l'intégralité du passif définitivement admis (136 400,38 euros) sur 8 années à hauteur de 12 946,24 euros par an, à compter du 30 novembre 2024 au plus tard. Pour garantir le respect du plan, elle offrait des apports de ses associés, entre 15 000 et 20 000 euros en fonction du sort des créances contestées, versées dès le jugement arrêtant le plan et s'engageait à effectuer des apports complémentaires en fonction du sort des contestations de créances, pour couvrir les échéances. Elle proposait en outre l'inaliénabilité des biens et des droits immobiliers appartenant à la société.
En outre, suite à la contestation de la créance de la SA Landsbanki Luxembourg le juge commissaire du tribunal judiciaire de Grasse a suivant ordonnance du 11 mars 2024, prononcé l'admission de celle-ci pour un montant de 3 517 917 euros à titre hypothécaire échu. La SCI Nissane a interjeté appel de cette décision (appel enregistré sous le numéro RG 24-03678).
Le tribunal judiciaire de Grasse, au visa de l'article L.626-10 et L.626-11 du code de commerce a, par jugement rendu le 8 janvier 2024 :
- rejeté les propositions d'apurement du passif émises par la SCI Nissane,
- mis fin à la période d'observation,
- constaté l'impossibilité manifeste de redressement de la SCI Nissane,
- ouvert immédiatement à son profit une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce, et désigné Me [U] [K] en qualité de liquidateur judiciaire,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Le tribunal judiciaire, considérant que c'est bien l'ensemble du passif déclaré qui devait être pris en compte pour l'élaboration du plan de redressement et non le seul passif reconnu par le débiteur, et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la vérification des créances, a estimé que s'il relève de la compétence exclusive du juge commissaire de trancher les contestations portant sur les créances déclarées, il ressort toutefois que :
* le trésor public est à l'origine de l'ouverture du redressement judiciaire de la SCI Nissane,
* le contrat de prêt souscrit le 19 mars 2007 par M. [W], d'un montant de 1 400 000 euros, venu à échéance le 19 mars 2009, est garanti par une affectation hypothécaire prise par acte notarié du 20 mars 2009 portant sur les deux immeubles sis au [Localité 5] et à [Localité 4]. Par ailleurs, un jugement du 23 mars 2019 du tribunal d'arrondissement de Luxembourg a notamment condamné M. [T] [W], en liquidation, à payer à la banque une somme de 3 174 836,18 euros outre les intérêts conventionnels à partir du 30 septembre 2015 jusqu'au paiement du solde, jugement qui est définitif et exécutoire en France.
* le bien situé à Cannes fait l'objet d'un arrêté de péril imminent depuis le 3 juin 2014 ainsi que d'un arrêté d'interdiction d'habitation tant que les travaux préconisés par l'arrêté n'ont pas été réalisés, que depuis ces arrêtés, la SCI n'a entrepris aucun travaux,
* le bien situé au [Localité 5] a été donné en location à un membre de la famille qui verse un loyer de 1 000 euros par mois, et ce de manière plus ou moins aléatoire,
* les comptes de la SCI font apparaître au 31 décembre 2021 un chiffre d'affaires net nul et un résultat net de - 14 259 euros et au 31 décembre 2022, un chiffre d'affaire net de 4 000 euros et un résultat net de - 8 002 euros,
* la situation comptable provisoire arrêtée au 30 avril 2023 révèle des produits d'exploitation de l'ordre de 5 220 euros et un résultat négatif de - 237 euros tandis que la situation de la trésorerie au 27 avril 2023 fait ressortir un solde positif de 3 123,63 euros.
* la situation provisoire au 30 novembre 2023 établie par un conseil en entreprise fait état d'un total des produits de 14 250 euros et la situation de la trésorerie est de 6 310,65 euros. La société est à jour du paiement des charges de copropriétés qui sont versés par une société Epée Négoce JVHT
* il est produit une attestation de non création de dettes nouvelles relevant des dispositions de l'article L622-17 du code de commerce ;
* le prévisionnel de trésorerie sur trois années (1er juillet 2023 au 30 juin 2026) prévoit des recettes encaissées de l'ordre de 15 320 euros à 16 920 euros selon les années avec des excédents entre 5 700 et 5 900 euros, ce qui est insuffisant pour permettre l'apurement des échéances annuelles du plan sur la base du seul passif déclaré non contesté, sans qu'il soit justifié de la solvabilité des associés permettant d'asseoir solidement leur engagement de versement d'apports pour faire face aux échéances du plan.
La SCI Nissane a fait appel de ce jugement le 22 janvier 2014.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 8 mars 2014, la SCI Nissane demande à la cour :
- d'annuler et à tout le moins, d'infirmer le jugement déféré et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel à intervenir sur la déclaration de créance de la société Landsbanki, sérieusement contestable et contestée
Très subsidiairement,
- de rejeter la créance de la banque et ordonner la réouverture d'une période d'observation afin que la SCI Nissane soit en mesure de présenter un plan d'apurement sur la base du passif réellement admis.
Elle fait valoir que les possibilités de redressement de la SCI Nissane ont été appréciées au regard d'un passif déclaré à hauteur de 4 379 426,46 euros et contesté à hauteur de 4 275 375,49 euros et que la SCI Nissane dispose d'éléments sérieux à opposer à la société Landsbanki quant à la réalité de sa créance, plus particulièrement, qu'elle a la qualité de caution hypothécaire de M. [W] à hauteur du prêt de 1 400 000 euros et n'est pas co-emprunteuse ; que la banque ne peut se fonder sur le jugement rendu par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg du 27 mars 2019.
Elle soutient par ailleurs que la Landsbanki Luxembourg a été déclarée en état de cessation des paiements par jugement rendu par ce même tribunal le 12 décembre 2008 désignant Me [C] [Z] en qualité de liquidateur et Me [F] [G], en qualité de co-liquidateur. ; qu'à la date du renouvellement de l'inscription hypothécaire, la banque n'avait pas la capacité juridique de requérir le renouvellement de cette inscription, et qu'en l'absence d'intervention du liquidateur, le renouvellement de l'inscription n'a pu se faire valablement, de sorte que la banque a perdu définitivement le cautionnement réel, qui à l'inverse du cautionnement personnel, dépend uniquement de son support. En conséquence, le passif de la SCI Nissane n'est pas de 4 379 426,46 euros.
**
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 21 mars 2024, Me [U] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Nissane sollicite :
- le rejet des demandes de la SCI Nissane tendant au sursis à statuer,
- la confirmation du jugement rendu le 8 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Grasse en toutes ses dispositions ;
- le débouté de la demande subsidiaire de la SCI Nissane tendant au rejet de la créance de la banque Landsbanki et de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples et contraires comme injustifiées et inondées ;
- qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.
L'intimé fait valoir que le passif s'élève à ce jour à la somme de 3 648 323,46 euros (après rejet des créances contestées à hauteur de 691 182,45 euros) et se compose de :
- la créance de la banque Landsbanki Luxembourg qui a fait l'objet d'une décision d'admission par le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Grasse par ordonnance du 11 mars 2024 à hauteur de la somme de 3 517 917 euros à titre hypothécaire. Cette créance résulte d'une décision définitive exécutoire en France rendue par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg le 23 mars 2019.
- la créance du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dans lequel le bien détenu au [Localité 5] pour un montant de 48 649,98 euros ;
- la créance du cabinet MCS et Associés, cabinet d'expertise comptable en litige avec la SCI Nissane à hauteur de 81 756,03 euros à titre privilégié (hypothèque judiciaire inscrite)
Le passif contesté pour lequel le juge commissaire n'a pas encore statué, il comporte : la créance de la DGFIP pour la somme de 39 921 euros.
Les arguments soulevés par la SCI Nissane sont pour l'essentiel relatifs à la créance de la Landsbanki et sont hors débats dès lors que le juge commissaire a admis la dite créance par ordonnance du 12 mars 2024 à hauteur de 3 517 917 euros et rejeté le surplus. La demande de sursis à statuer est infondée au regard des dispositions des articles L626-10 et L.626-21 code de commerce, tels qu'interprétés par la cour de cassation (cass.com.20 mars 2019 17.27.527).
La demande d'annulation du jugement n'est pas fondée ni motivée et quant à la demande d'infirmation, elle n'est pas plus fondée ni étayée.
La SCI Nissane ne produit aucun élément comptable ni financier et ne présente aucune proposition de redressement en cause d'appel, ni dans ses écritures, ni dans ses pièces.
Elle ne produit ni attestation d'absence de dettes postérieures au sens de l'article L. 627-11 du code de commerce, ni prévisionnel d'activité, ni situation comptable actualisée, ni bilan provisoire, ni documents bancaires ni relevé de trésorerie.
A la date à laquelle la cour statue, elle n'est pas en mesure d'apprécier la faisabilité d'un projet de plan de redressement et d'apurement du passif.
**
Aux termes d'un avis déposé le 02 juillet 2024, le ministère public a conclu à la confirmation de la décision critiquée.
L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai à l'audience du 19 septembre 2024 puis renvoyée à l'audience du 12 février 2025 à la demande des parties.
A l'audience de renvoi, la cour a invité et autorisé les parties à s'expliquer par note en délibéré, sur le moyen tiré de ce que le bénéficiaire d'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'autrui, ne peut être admis à déclarer sa créance au passif du garant dans la mesure où ce dernier n'est pas son débiteur, au vu notamment de la jurisprudence récente de la chambre commerciale (cass.com 17-6-2020 n° 19-13.153 FS-PBR).
Le conseil de la SCI Nissane a adressé une note en délibéré, le 12 mars 2025 dans la procédure RG 24-00840 aux termes de laquelle il considère que la SA Landsbanki Luxembourg doit limiter son action au bien hypothéqué et ne peut participer à la procédure collective de la SCI Nissane ; que sa créance ne sera pas admise au redressement judiciaire de celle-ci et qu'en ce qui concerne l'appel formé par la SCI Nissane à l'encontre du jugement du 8 janvier 2024 qui a prononcé son redressement judiciaire, la SCI Nissane n'a pu présenter un plan de redressement dans la mesure où l'admission subséquente de la créance de Landsbanki Luxembourg à son passif obérait toute possibilité sérieuse de redressement ; qu'il en irait tout autrement si la créance de la banque n'était pas admise, ce qui rendrait possible la production d'une proposition de redressement en l'état. Il sollicite en conséquence la réouverture des débats, la clôture ayant été prononcée, rendant impossible la production d'une proposition de redressement en l'état.
La SA Landsbanki Luxembourg estime pour sa part, dans une note en délibéré déposée le 13 mars 2025, que dans le prolongement de l'arrêt du 17 juin 2020, la cour de cassation a, dans un arrêt postérieur du 25 novembre 2020 (cass.com. 25 novembre 2020 n°19-11.525) précisé que le bénéficiaire d'une sûreté réelle pour autrui n'est pas soumis à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles résultant de la procédure collective à laquelle le constituant serait soumis et qu'il peut poursuivre ou engager une procédure de saisie immobilière contre le constituant, après avoir mis en cause l'administrateur et le représentant des créanciers. Dans l'hypothèse où la cour infirmerait l'ordonnance entreprise, la banque engagera une saisie immobilière contre la SCI Nissane.
L'ordonnance de clôture, rendue le 4 juillet 2024 a été révoquée et la clôture, prononcée le 12 février 2025.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.
MOTIVATION
Compte tenu de l'arrêt rendu dans le litige opposant la SCI Nissane à la SA Landsbanki Luxembourg (RG n°24/03678), la demande de sursis à statuer est devenue sans objet.
Il se déduit des dispositions combinées des articles L.631-1 et L.631-15 du code de commerce que la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'est possible que si le redressement de l'entreprise est manifestement impossible.
L'impossibilité manifeste du débiteur à se redresser s'apprécie in concreto, au cas par cas, au regard de sa situation matérielle et financière globale de son activité.
Par ailleurs pour mener à bien cette appréciation, la cour doit examiner la situation matérielle réelle de l'appelante au jour où elle statue.
En dépit du fait que par un arrêt du 28 mai 2025 (RG 24-03678) cette cour a jugé que la SA Landsbanki Luxembourg, étant bénéficiaire d'une sûreté réelle consentie par la SCI Nissane, en garantie de la dette contractée par M. [W], ne peut être admise à déclarer sa créance au passif de la procédure collective de la SCI Nissane, qui n'est ni la débitrice de la Landsbanki Luxembourg, ni sa garante à titre personnel, il n'en reste pas moins que le passif résiduel qui n'est pas contesté, s'élève à la somme de 170'327 euros.
La SCI Nissane qui demande dans ses écritures à ce que ne soit pas prise en compte la créance de la SA Landsbanki Luxembourg contre laquelle elle a soulevé une contestation qu'elle a maintenue à hauteur d'appel (RG n°24/03678), ne fournit aucun prévisionnel d'exploitation ou de trésorerie actualisé, ni justification de l'état actuel de ses ressources de sorte que la cour, pour apprécier ses possibilités de redressement et d'apurement du passif résiduel, ne peut que se reporter aux éléments qui ont été soumis au premier juge, en l'occurrence :
* les comptes de la SCI font apparaître au 31 décembre 2021 un chiffre d'affaires net nul et un résultat net de - 14 259 euros et au 31 décembre 2022, un chiffre d'affaire net de 4 000 euros et un résultat net de - 8 002 euros,
* la situation comptable provisoire arrêtée au 30 avril 2023 révèle des produits d'exploitation de l'ordre de 5 220 euros et un résultat négatif de - 237 euros tandis que la situation de la trésorerie au 27 avril 2023 fait ressortir un solde positif de 3 123,63 euros.
* la situation provisoire au 30 novembre 2023 établie par un conseil en entreprise fait état d'un total des produits de 14 250 euros et la situation de la trésorerie est de 6 310,65 euros. La société est à jour du paiement des charges de copropriétés qui sont versés par une société Epée Négoce JVHT
* les seuls revenus dont elle fait état est le loyer de1 000 euros par mois qu'elle retire de la location du bien immobilier situé à [Localité 6], et ce de manière plus ou moins aléatoire.
En l'absence de formulation de toute proposition d'apport de fonds par ses associés comme de toute justification de leurs capacités financières, il ne sera pas fait droit à demande de réouverture des débats, dès lors qu'il incombait à la SCI Nissane de soumettre à la cour dès ses premières écritures une proposition d'apurement du passif étayée sur des éléments financiers et un prévisionnel de trésorerie actualisés. Par ailleurs, la période d'observation a été renouvelée et ne pourrait, à défaut de requête du ministère public en ce sens, être de nouveau renouvelée sans excéder la durée légale fixée à l'article L.621-3 du code de commerce.
En l'état des seuls éléments dont la cour dispose, le remboursement de la totalité du passif définitivement admis à hauteur de 170'327,01 euros, représenterait sur dix ans au plus, une annuité de 17'032 euros, ce que ne permettent pas de couvrir à ce jour les ressources déclarées de la SCI Nissane.
Dès lors, le redressement de la SCI Nissane étant manifestement impossible, il y a lieu de confirmer la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire prononcée par le tribunal judiciaire. Le jugement sera par conséquent confirmé, avec substitution de motifs concernant la créance de la banque Landsbanki Luxembourg, en ce qu'il a :
- mis fin à la période d'observation,
- constaté l'impossibilité manifeste de redressement de la SCI Nissane,
- ouvert immédiatement à son profit une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce, et désigné Me [U] [K] en qualité de liquidateur judiciaire,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Les dépens resteront à la charge de la SCI Nissane et seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Déclare sans objet la demande de sursis à statuer ;
Rejette la demande de la SCI Nissane aux fins de réouverture des débats ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en date du 8 janvier 2024 (n°22/00018), en y substituant sa motivation pour ce qui a trait à la créance de la SA Landsbanki Luxembourg, en ce qu'il a :
- mis fin à la période d'observation,
- constaté l'impossibilité manifeste de redressement de la SCI Nissane,
- ouvert immédiatement à son profit une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce, et désigné Me [U] [K] en qualité de liquidateur judiciaire,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire';
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 28 MAI 2025
Rôle N° RG 24/00840 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMOPJ
SCI NISSANE
C/
[U] [K]
M. LE PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée
le : 28 mai 2025
à :
Me Sébastien BADIE
Me Valérie CARDONA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 08 Janvier 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/00018.
APPELANTE
SCI NISSANE
inscrite au RCS de [Localité 4] sous le n° 443 732 417, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur [T] [W] ;
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Vincent ROUSSIN de la SCP TANDONNET- ROUSSIN, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Maître [U] [K]
ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI NISSANE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Valérie CARDONA, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Axelle TESTINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
EN PRESENCE DE :
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,
demeurant COUR D'APPEL - 20. [Adresse 7]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Gwenael KEROMES, présidente Rapporteure,
et Madame Muriel VASSAIL, conseillère
chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe après prorogation le 28 Mai 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2025.
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI Nissane, propriétaire de plusieurs biens immobiliers dont l'un, situé à Le Cannet (06) acquis le 17 juin 2002 pour le prix de 150 000 euros et l'autre, situé à Cannes (06), acquis le 30 octobre 2002 au prix de 198 183,27 euros et frappé d'un arrêté de péril, a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Grasse du 27 juin 2022, publié au Bodacc le 8 juillet 2022, sur assignation du comptable du service des impôts des particuliers de Cannes. La date de cessation des paiements a été fixée au 19 avril 2022.
Me [U] [K], désigné en qualité de mandataire judiciaire, a déposé le 7 novembre 2022 une requête aux fins de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire au motif que la société, en l'absence de capacités de financement suffisantes, ne démontrait pas de capacités de redressement ; qu'en outre, en dépit des demandes qu'il lui a adressées, aucune comptabilité ne lui a été remise et il n'est pas justifié d'encaissement de loyers pour le bien immobilier situé [Adresse 1], qui est la seule source de revenus de la SCI, de même qu'aucune attestation indiquant l'absence de création de nouvelles dettes ne lui a été remise.
Me [K] s'étant désisté de sa requête en conversion, le tribunal a, par jugement du 9 janvier 2023, ordonné le renouvellement de la période d'observation pour 6 mois, soit jusqu'au 27 juin 2023, et renvoyé le dossier au 12 juin 2023 pour examen des propositions d'apurement du passif.
Le 28 mars 2023, une nouvelle requête en conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire a été déposée et à l'audience du 12 juin 2023, la SCI Nissane a déposé une requête aux fins de prolongation de la période d'observation, à laquelle il a été fait droit par jugement du 26 juin 2023, portant la durée de celle-ci jusqu'au 27 décembre 2023.
La SCI Nissane a soumis au tribunal les propositions d'apurement du passif arrêté qu'elle reconnaît devoir à hauteur de la somme de 175 127,53 euros, le passif déclaré s'élevant à la somme totale de 4 379 426,46 euros. A ce jour, le passif définitivement admis est de 136 400,38 euros, étant rappelé que les créances contestées représentant 4 275 856,51 euros, n'ont pas encore été appelées devant le juge commissaire.
Au sein de ce passif contesté, figurent des créances bancaires dont celle de la banque Landsbanki Luxembourg pour un montant de 4 204 298,93 euros, qui représente une dette personnelle d'un tiers, M. [T] [W], pour laquelle la SCI Nissane s'est portée caution hypothécaire, outre une créance chirographaire de la banque BNP Paribas.
Aux termes de sa proposition de plan, la SCI Nissane prévoyait de régler les créances inférieures à 500 euros dès l'arrêté du plan et au plus tard fin année 2023 et offrait de régler l'intégralité du passif définitivement admis (136 400,38 euros) sur 8 années à hauteur de 12 946,24 euros par an, à compter du 30 novembre 2024 au plus tard. Pour garantir le respect du plan, elle offrait des apports de ses associés, entre 15 000 et 20 000 euros en fonction du sort des créances contestées, versées dès le jugement arrêtant le plan et s'engageait à effectuer des apports complémentaires en fonction du sort des contestations de créances, pour couvrir les échéances. Elle proposait en outre l'inaliénabilité des biens et des droits immobiliers appartenant à la société.
En outre, suite à la contestation de la créance de la SA Landsbanki Luxembourg le juge commissaire du tribunal judiciaire de Grasse a suivant ordonnance du 11 mars 2024, prononcé l'admission de celle-ci pour un montant de 3 517 917 euros à titre hypothécaire échu. La SCI Nissane a interjeté appel de cette décision (appel enregistré sous le numéro RG 24-03678).
Le tribunal judiciaire de Grasse, au visa de l'article L.626-10 et L.626-11 du code de commerce a, par jugement rendu le 8 janvier 2024 :
- rejeté les propositions d'apurement du passif émises par la SCI Nissane,
- mis fin à la période d'observation,
- constaté l'impossibilité manifeste de redressement de la SCI Nissane,
- ouvert immédiatement à son profit une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce, et désigné Me [U] [K] en qualité de liquidateur judiciaire,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Le tribunal judiciaire, considérant que c'est bien l'ensemble du passif déclaré qui devait être pris en compte pour l'élaboration du plan de redressement et non le seul passif reconnu par le débiteur, et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la vérification des créances, a estimé que s'il relève de la compétence exclusive du juge commissaire de trancher les contestations portant sur les créances déclarées, il ressort toutefois que :
* le trésor public est à l'origine de l'ouverture du redressement judiciaire de la SCI Nissane,
* le contrat de prêt souscrit le 19 mars 2007 par M. [W], d'un montant de 1 400 000 euros, venu à échéance le 19 mars 2009, est garanti par une affectation hypothécaire prise par acte notarié du 20 mars 2009 portant sur les deux immeubles sis au [Localité 5] et à [Localité 4]. Par ailleurs, un jugement du 23 mars 2019 du tribunal d'arrondissement de Luxembourg a notamment condamné M. [T] [W], en liquidation, à payer à la banque une somme de 3 174 836,18 euros outre les intérêts conventionnels à partir du 30 septembre 2015 jusqu'au paiement du solde, jugement qui est définitif et exécutoire en France.
* le bien situé à Cannes fait l'objet d'un arrêté de péril imminent depuis le 3 juin 2014 ainsi que d'un arrêté d'interdiction d'habitation tant que les travaux préconisés par l'arrêté n'ont pas été réalisés, que depuis ces arrêtés, la SCI n'a entrepris aucun travaux,
* le bien situé au [Localité 5] a été donné en location à un membre de la famille qui verse un loyer de 1 000 euros par mois, et ce de manière plus ou moins aléatoire,
* les comptes de la SCI font apparaître au 31 décembre 2021 un chiffre d'affaires net nul et un résultat net de - 14 259 euros et au 31 décembre 2022, un chiffre d'affaire net de 4 000 euros et un résultat net de - 8 002 euros,
* la situation comptable provisoire arrêtée au 30 avril 2023 révèle des produits d'exploitation de l'ordre de 5 220 euros et un résultat négatif de - 237 euros tandis que la situation de la trésorerie au 27 avril 2023 fait ressortir un solde positif de 3 123,63 euros.
* la situation provisoire au 30 novembre 2023 établie par un conseil en entreprise fait état d'un total des produits de 14 250 euros et la situation de la trésorerie est de 6 310,65 euros. La société est à jour du paiement des charges de copropriétés qui sont versés par une société Epée Négoce JVHT
* il est produit une attestation de non création de dettes nouvelles relevant des dispositions de l'article L622-17 du code de commerce ;
* le prévisionnel de trésorerie sur trois années (1er juillet 2023 au 30 juin 2026) prévoit des recettes encaissées de l'ordre de 15 320 euros à 16 920 euros selon les années avec des excédents entre 5 700 et 5 900 euros, ce qui est insuffisant pour permettre l'apurement des échéances annuelles du plan sur la base du seul passif déclaré non contesté, sans qu'il soit justifié de la solvabilité des associés permettant d'asseoir solidement leur engagement de versement d'apports pour faire face aux échéances du plan.
La SCI Nissane a fait appel de ce jugement le 22 janvier 2014.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 8 mars 2014, la SCI Nissane demande à la cour :
- d'annuler et à tout le moins, d'infirmer le jugement déféré et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel à intervenir sur la déclaration de créance de la société Landsbanki, sérieusement contestable et contestée
Très subsidiairement,
- de rejeter la créance de la banque et ordonner la réouverture d'une période d'observation afin que la SCI Nissane soit en mesure de présenter un plan d'apurement sur la base du passif réellement admis.
Elle fait valoir que les possibilités de redressement de la SCI Nissane ont été appréciées au regard d'un passif déclaré à hauteur de 4 379 426,46 euros et contesté à hauteur de 4 275 375,49 euros et que la SCI Nissane dispose d'éléments sérieux à opposer à la société Landsbanki quant à la réalité de sa créance, plus particulièrement, qu'elle a la qualité de caution hypothécaire de M. [W] à hauteur du prêt de 1 400 000 euros et n'est pas co-emprunteuse ; que la banque ne peut se fonder sur le jugement rendu par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg du 27 mars 2019.
Elle soutient par ailleurs que la Landsbanki Luxembourg a été déclarée en état de cessation des paiements par jugement rendu par ce même tribunal le 12 décembre 2008 désignant Me [C] [Z] en qualité de liquidateur et Me [F] [G], en qualité de co-liquidateur. ; qu'à la date du renouvellement de l'inscription hypothécaire, la banque n'avait pas la capacité juridique de requérir le renouvellement de cette inscription, et qu'en l'absence d'intervention du liquidateur, le renouvellement de l'inscription n'a pu se faire valablement, de sorte que la banque a perdu définitivement le cautionnement réel, qui à l'inverse du cautionnement personnel, dépend uniquement de son support. En conséquence, le passif de la SCI Nissane n'est pas de 4 379 426,46 euros.
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Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 21 mars 2024, Me [U] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Nissane sollicite :
- le rejet des demandes de la SCI Nissane tendant au sursis à statuer,
- la confirmation du jugement rendu le 8 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Grasse en toutes ses dispositions ;
- le débouté de la demande subsidiaire de la SCI Nissane tendant au rejet de la créance de la banque Landsbanki et de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples et contraires comme injustifiées et inondées ;
- qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.
L'intimé fait valoir que le passif s'élève à ce jour à la somme de 3 648 323,46 euros (après rejet des créances contestées à hauteur de 691 182,45 euros) et se compose de :
- la créance de la banque Landsbanki Luxembourg qui a fait l'objet d'une décision d'admission par le juge commissaire près le tribunal judiciaire de Grasse par ordonnance du 11 mars 2024 à hauteur de la somme de 3 517 917 euros à titre hypothécaire. Cette créance résulte d'une décision définitive exécutoire en France rendue par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg le 23 mars 2019.
- la créance du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dans lequel le bien détenu au [Localité 5] pour un montant de 48 649,98 euros ;
- la créance du cabinet MCS et Associés, cabinet d'expertise comptable en litige avec la SCI Nissane à hauteur de 81 756,03 euros à titre privilégié (hypothèque judiciaire inscrite)
Le passif contesté pour lequel le juge commissaire n'a pas encore statué, il comporte : la créance de la DGFIP pour la somme de 39 921 euros.
Les arguments soulevés par la SCI Nissane sont pour l'essentiel relatifs à la créance de la Landsbanki et sont hors débats dès lors que le juge commissaire a admis la dite créance par ordonnance du 12 mars 2024 à hauteur de 3 517 917 euros et rejeté le surplus. La demande de sursis à statuer est infondée au regard des dispositions des articles L626-10 et L.626-21 code de commerce, tels qu'interprétés par la cour de cassation (cass.com.20 mars 2019 17.27.527).
La demande d'annulation du jugement n'est pas fondée ni motivée et quant à la demande d'infirmation, elle n'est pas plus fondée ni étayée.
La SCI Nissane ne produit aucun élément comptable ni financier et ne présente aucune proposition de redressement en cause d'appel, ni dans ses écritures, ni dans ses pièces.
Elle ne produit ni attestation d'absence de dettes postérieures au sens de l'article L. 627-11 du code de commerce, ni prévisionnel d'activité, ni situation comptable actualisée, ni bilan provisoire, ni documents bancaires ni relevé de trésorerie.
A la date à laquelle la cour statue, elle n'est pas en mesure d'apprécier la faisabilité d'un projet de plan de redressement et d'apurement du passif.
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Aux termes d'un avis déposé le 02 juillet 2024, le ministère public a conclu à la confirmation de la décision critiquée.
L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai à l'audience du 19 septembre 2024 puis renvoyée à l'audience du 12 février 2025 à la demande des parties.
A l'audience de renvoi, la cour a invité et autorisé les parties à s'expliquer par note en délibéré, sur le moyen tiré de ce que le bénéficiaire d'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'autrui, ne peut être admis à déclarer sa créance au passif du garant dans la mesure où ce dernier n'est pas son débiteur, au vu notamment de la jurisprudence récente de la chambre commerciale (cass.com 17-6-2020 n° 19-13.153 FS-PBR).
Le conseil de la SCI Nissane a adressé une note en délibéré, le 12 mars 2025 dans la procédure RG 24-00840 aux termes de laquelle il considère que la SA Landsbanki Luxembourg doit limiter son action au bien hypothéqué et ne peut participer à la procédure collective de la SCI Nissane ; que sa créance ne sera pas admise au redressement judiciaire de celle-ci et qu'en ce qui concerne l'appel formé par la SCI Nissane à l'encontre du jugement du 8 janvier 2024 qui a prononcé son redressement judiciaire, la SCI Nissane n'a pu présenter un plan de redressement dans la mesure où l'admission subséquente de la créance de Landsbanki Luxembourg à son passif obérait toute possibilité sérieuse de redressement ; qu'il en irait tout autrement si la créance de la banque n'était pas admise, ce qui rendrait possible la production d'une proposition de redressement en l'état. Il sollicite en conséquence la réouverture des débats, la clôture ayant été prononcée, rendant impossible la production d'une proposition de redressement en l'état.
La SA Landsbanki Luxembourg estime pour sa part, dans une note en délibéré déposée le 13 mars 2025, que dans le prolongement de l'arrêt du 17 juin 2020, la cour de cassation a, dans un arrêt postérieur du 25 novembre 2020 (cass.com. 25 novembre 2020 n°19-11.525) précisé que le bénéficiaire d'une sûreté réelle pour autrui n'est pas soumis à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles résultant de la procédure collective à laquelle le constituant serait soumis et qu'il peut poursuivre ou engager une procédure de saisie immobilière contre le constituant, après avoir mis en cause l'administrateur et le représentant des créanciers. Dans l'hypothèse où la cour infirmerait l'ordonnance entreprise, la banque engagera une saisie immobilière contre la SCI Nissane.
L'ordonnance de clôture, rendue le 4 juillet 2024 a été révoquée et la clôture, prononcée le 12 février 2025.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.
MOTIVATION
Compte tenu de l'arrêt rendu dans le litige opposant la SCI Nissane à la SA Landsbanki Luxembourg (RG n°24/03678), la demande de sursis à statuer est devenue sans objet.
Il se déduit des dispositions combinées des articles L.631-1 et L.631-15 du code de commerce que la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'est possible que si le redressement de l'entreprise est manifestement impossible.
L'impossibilité manifeste du débiteur à se redresser s'apprécie in concreto, au cas par cas, au regard de sa situation matérielle et financière globale de son activité.
Par ailleurs pour mener à bien cette appréciation, la cour doit examiner la situation matérielle réelle de l'appelante au jour où elle statue.
En dépit du fait que par un arrêt du 28 mai 2025 (RG 24-03678) cette cour a jugé que la SA Landsbanki Luxembourg, étant bénéficiaire d'une sûreté réelle consentie par la SCI Nissane, en garantie de la dette contractée par M. [W], ne peut être admise à déclarer sa créance au passif de la procédure collective de la SCI Nissane, qui n'est ni la débitrice de la Landsbanki Luxembourg, ni sa garante à titre personnel, il n'en reste pas moins que le passif résiduel qui n'est pas contesté, s'élève à la somme de 170'327 euros.
La SCI Nissane qui demande dans ses écritures à ce que ne soit pas prise en compte la créance de la SA Landsbanki Luxembourg contre laquelle elle a soulevé une contestation qu'elle a maintenue à hauteur d'appel (RG n°24/03678), ne fournit aucun prévisionnel d'exploitation ou de trésorerie actualisé, ni justification de l'état actuel de ses ressources de sorte que la cour, pour apprécier ses possibilités de redressement et d'apurement du passif résiduel, ne peut que se reporter aux éléments qui ont été soumis au premier juge, en l'occurrence :
* les comptes de la SCI font apparaître au 31 décembre 2021 un chiffre d'affaires net nul et un résultat net de - 14 259 euros et au 31 décembre 2022, un chiffre d'affaire net de 4 000 euros et un résultat net de - 8 002 euros,
* la situation comptable provisoire arrêtée au 30 avril 2023 révèle des produits d'exploitation de l'ordre de 5 220 euros et un résultat négatif de - 237 euros tandis que la situation de la trésorerie au 27 avril 2023 fait ressortir un solde positif de 3 123,63 euros.
* la situation provisoire au 30 novembre 2023 établie par un conseil en entreprise fait état d'un total des produits de 14 250 euros et la situation de la trésorerie est de 6 310,65 euros. La société est à jour du paiement des charges de copropriétés qui sont versés par une société Epée Négoce JVHT
* les seuls revenus dont elle fait état est le loyer de1 000 euros par mois qu'elle retire de la location du bien immobilier situé à [Localité 6], et ce de manière plus ou moins aléatoire.
En l'absence de formulation de toute proposition d'apport de fonds par ses associés comme de toute justification de leurs capacités financières, il ne sera pas fait droit à demande de réouverture des débats, dès lors qu'il incombait à la SCI Nissane de soumettre à la cour dès ses premières écritures une proposition d'apurement du passif étayée sur des éléments financiers et un prévisionnel de trésorerie actualisés. Par ailleurs, la période d'observation a été renouvelée et ne pourrait, à défaut de requête du ministère public en ce sens, être de nouveau renouvelée sans excéder la durée légale fixée à l'article L.621-3 du code de commerce.
En l'état des seuls éléments dont la cour dispose, le remboursement de la totalité du passif définitivement admis à hauteur de 170'327,01 euros, représenterait sur dix ans au plus, une annuité de 17'032 euros, ce que ne permettent pas de couvrir à ce jour les ressources déclarées de la SCI Nissane.
Dès lors, le redressement de la SCI Nissane étant manifestement impossible, il y a lieu de confirmer la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire prononcée par le tribunal judiciaire. Le jugement sera par conséquent confirmé, avec substitution de motifs concernant la créance de la banque Landsbanki Luxembourg, en ce qu'il a :
- mis fin à la période d'observation,
- constaté l'impossibilité manifeste de redressement de la SCI Nissane,
- ouvert immédiatement à son profit une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce, et désigné Me [U] [K] en qualité de liquidateur judiciaire,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Les dépens resteront à la charge de la SCI Nissane et seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Déclare sans objet la demande de sursis à statuer ;
Rejette la demande de la SCI Nissane aux fins de réouverture des débats ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en date du 8 janvier 2024 (n°22/00018), en y substituant sa motivation pour ce qui a trait à la créance de la SA Landsbanki Luxembourg, en ce qu'il a :
- mis fin à la période d'observation,
- constaté l'impossibilité manifeste de redressement de la SCI Nissane,
- ouvert immédiatement à son profit une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 640-1 du code de commerce, et désigné Me [U] [K] en qualité de liquidateur judiciaire,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire';
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE