CA Colmar, 2e ch. A, 5 juin 2025, n° 24/01240
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (Sté), Hilzinger fenêtres (SAS)
Défendeur :
Thelem Assurances (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Diepenbroek
Conseillers :
Mme Hery, Mme Gindensperger
Avocats :
Me Harter, Me Brunner, Me Prieur, Me Litou-Wolff
FAITS ET PROCÉDURE
Le 25 juin 2010, les époux [H] [F] - [E] [W] ont conclu une « convention d'assistance à la maîtrise d'ouvrage » dans le cadre de la construction de leur maison d'habitation avec la SA Velkos, assurée au titre de sa responsabilité civile et responsabilité civile décennale par compagnie d'assurance la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (CAMBTP).
Sont également intervenus à l'opération de de construction :
la société Velkos pour le lot ossature bois, charpente, zinguerie et couverture,
M. [X] [Y] exerçant sous l'enseigne Bel-Façade pour le lot crépis assuré par la SA Thelem Assurances,
la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] pour le lot menuiseries extérieures, assurée par la CAMBTP,
la SARL Lang&Fils pour le lot menuiseries intérieures.
Se plaignant de l'apparition en 2011 de désordres affectant la façade ouest de l'immeuble et de ce que les travaux de reprise avaient été infructueux, l'assureur des époux [Z] a fait diligenter, en 2018 et 2020, deux expertises privées confiées au cabinet Cerec.
Le 29 juin 2020, les époux [Z] ont saisi, à fin d'expertise, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse lequel, par ordonnance du 26 février 2021, a fait droit à cette demande et a désigné Mme [N] [I] comme expert, les opérations d'expertise ayant été rendues communes et opposables à la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] qui a fourni et posé les tablettes de fenêtre et son assureur, la CAMBTP.
Le 8 décembre 2021, les époux [Z] ont introduit une instance à l'encontre de M. [Y] exerçant sous l'enseigne Bel-Façade et son assureur, la SA Thelem Assurances, la SAS Hilzinger [Localité 9] et fenêtres et la CAMBTP en qualité d'assureur de la société Velkos et de la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de les voir condamner à les indemniser de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité civile décennale des constructeurs.
Sur saisine de la CAMBTP du 7 juillet 2022, le juge de la mise en état, par ordonnance du 22 février 2024 a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en responsabilité civile décennale soulevée par la CAMBTP en sa qualité d'assureur de la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9],
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en responsabilité civile décennale soulevée par la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9],
interprété la demande de mise hors de cause formée par la SA Thelem Assurances, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [X] [Y] exerçant sous l'enseigne Bel-Façade, comme étant une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir en défense ;
rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir soulevée par la SA Thelem Assurances en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [X] [Y] exerçant sous l'enseigne Bel-Façade ;
condamné in solidum la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9], la CAMBTP en sa qualité d'assureur de la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9], et la SA Thelem Assurances à verser à M. [H] [F] et Mme [E] [W] épouse [F] la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté les demandes formées par la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9], la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9], et la SA Thelem Assurances sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné in solidum la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9], la CAMBTP en sa qualité d'assureur de la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] et la SA Thelem Assurances aux dépens de l'incident ;
renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique en date du 21 mars 2024 ;
dit que Me Caroline Bach, conseil de la SA Thelem Assurances, devra conclure avant la date de ladite audience.
Le juge de la mise en état a constaté que les fins de non-recevoir soulevées par la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9], par la CAMBTP et par la société Thelem Assurances tirées de la forclusion et du défaut de qualité à agir nécessitaient que soit, au préalable, examinée la question de fond relative à l'existence et la date de la réception tacite, relevant que les parties ne sollicitaient pas que cette date soit judiciairement fixée.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 1792-6 du code civil, le juge a indiqué que :
les époux [Z] s'étaient acquittés des factures établies par la société « Hilzinger » le 24 février 2011 et le 22 mars 2011 s'agissant de la pose des menuiseries extérieures ainsi que de celles établies par la société Lang et Fils le 8 décembre 2011 s'agissant de la pose du bloc escalier intérieur,
l'absence de pose de l'escalier intérieur par la société Lang et Fils lors du paiement des travaux effectués par la société « Hilzinger » n'était pas un obstacle à la prise de possession de l'ouvrage par les époux [Z] et à la réception tacite des travaux effectués par cette dernière, la réception par lots étant possible dès lors que les travaux ne forment pas un ensemble cohérent,
les époux [Z] justifiaient, par la production de la facture établie par la société Lang et Fils en date du 8 décembre 2011, que les travaux de fourniture et de pose de l'escalier intérieur n'avaient été achevés qu'au cours du mois de novembre 2011, de sorte qu'il n'était pas possible pour eux d'avoir pris possession de l'ouvrage, et en particulier du lot menuiseries extérieures, alors que la société « Hilzinger » ne contestait pas qu'une partie des travaux de menuiserie qui lui avaient été confiés avaient été exécutés à l'étage de l'ouvrage,
la CAMBTP ne démontrait pas que les maîtres de l'ouvrage avaient disposé d'un escalier provisoire permettant de desservir l'étage et donc la prise de possession du lot.
Il en a déduit que la réception tacite des travaux, et en particulier du lot menuiseries extérieures, n'avait pas pu intervenir avant le 8 décembre 2011, date de paiement de l'intégralité des travaux, de sorte que le délai de forclusion de l'article 1792-4-1 du code civil n'avait pas pu courir avant cette date.
Après avoir rappelé les dispositions des articles 122 et 789 du code de procédure civile ainsi que celles des articles 1792-4-1 et 2241 du code civil, le juge a rejeté les fins de non-recevoir tirées de la forclusion de l'action en responsabilité civile décennale soulevées par la société « Hilzinger » et par la CAMBTP faisant état de ce que :
le délai visé à l'article 1792-4-1 du code civil était un délai de forclusion susceptible d'être interrompu par une assignation en référé expertise, sous réserve qu'elle détermine la nature et la localisation des désordres dénoncés,
il n'était pas contesté par les parties que les époux [Z] avaient délivré une assignation :
le 29 juin 2020 à la société Velkos et son assureur responsabilité civile décennale, la CAMBTP, M. [Y] et son assureur responsabilité civile décennale, la société Thelem Asurances aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire sur les désordres consistant en des fissures et des défauts d'étanchéité des parois en bois entraînant des infiltrations d'eau,
le 5 octobre 2021 à la société « Hilzinger » et à son assureur, la CAMBTP, aux fins de leur rendre communes et opposables les opérations d'expertise confiées à Mme [I], cette assignation ayant interrompu le délai de forclusion de 10 ans de l'action en responsabilité civile décennale intentée à leur encontre, qui n'avait pas pu commencer à courir avant le 8 décembre 2011, date de la réception tacite.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, le juge a considéré que la société Thelem Assurances, qui sollicitait sa mise hors de cause au motif que les conditions de sa garantie n'étaient pas réunies en l'absence de réception de l'ouvrage, faisait en réalité valoir que les demandes formées à son encontre par les époux [Z] étaient irrecevables pour défaut de qualité à agir en défense.
Faisant alors application de l'article L.124-3 du code des assurances et considérant que le délai de forclusion de l'article 1792-4-1 du code civil était applicable à l'action directe exercée par le tiers lésé à l'égard de l'assureur de l'entrepreneur, le juge a rejeté cette fin de non-recevoir aux motifs que la réception tacite de l'ouvrage en son entier étant intervenue à une date qui ne pouvait pas être antérieure au 8 décembre 2011, les époux [Z] étaient recevables à exercer une action directe à l'encontre de la société Thelem Assurances, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [Y] exerçant sous l'enseigne Bel-Façade en charge du lot crépis.
La CAMBTP a formé appel à l'encontre de cette ordonnance par voie électronique le 19 mars 2024. (n° RG 24/01240)
La société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] a formé appel par voie électronique le 26 mars 2024. (n° RG 24/01293)
Selon ordonnances du 15 avril 2024, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office les affaires à l'audience de plaidoirie du 6 février 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 10 juillet 2024 dans la procédure n° RG 24/01293 et le 17 juillet 2024 dans la procédure n° RG 24/01240, la CAMBTP demande à la cour de :
déclarer ses appels principal et incident recevables et bien fondés ;
déclarer les appels principal et incident de la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] recevables et bien fondés ;
en conséquence
réformer l'ordonnance du 22 février 2024 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse en ce qu'elle :
rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en responsabilité décennale,
la condamne in solidum avec la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] et la société Thelem Assurances aux dépens, ainsi qu'à un montant de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
déclarer la demande de Mme et M. [F] fondée sur la garantie décennale forclose à son égard ès qualités d'assureur de responsabilité civile décennale de la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] ;
rejeter les demandes de Mme et M. [F] formées à son encontre, ès qualités d'assureur de la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] ;
statuer ce que de droit sur l'appel incident et provoqué formé par la société Thelem Assurances ;
condamner in solidum Mme et M. [F] en tous les dépens, ainsi qu'à un montant de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La CAMBTP expose que :
il est de principe que pour démontrer la réception tacite de l'ouvrage, une double condition cumulative est nécessaire à savoir le paiement intégral des travaux et la prise de possession de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage, la réception portant sur le lot concerné et non sur tout l'ouvrage,
sur la facture définitive des travaux réalisés par la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] datée du 24 février 2011, il est indiqué manuscritement la mention suivante : « chèque n°3014829 du 4/03/11»,
les travaux de la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] ont fait l'objet d'un paiement et d'une prise de possession depuis plus de dix ans au moment de l'assignation du 5 octobre 2021,
il existe donc une forclusion manifeste de la demande, en application de l'article 1792-4-1 du code civil,
l'inachèvement de l'ouvrage n'est pas une condition permettant de refuser la réception,
si l'escalier intérieur n'était pas achevé au moment où la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] est intervenue en février 2011, il existait un escalier d'accès provisoire permettant aux entrepreneurs d'intervenir et de réaliser la pose des menuiseries extérieures,
la société LG2M est intervenue sur le chantier de Mme et M. [F] pour procéder à la reprise d'une tablette posée en contre-sens, ainsi qu'au réglage de châssis des fenêtres de l'ensemble de cette maison, cette intervention ne pouvant être réalisée que si la pose des fenêtres était achevée,
les travaux de la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] étaient achevés au moment de la facture du 24 février 2011, payées intégralement par Mme et M. [F] le 4 mars 2011.
Aux termes de ses conclusions transmises dans les deux procédures par voie électronique le 9 juillet 2024, la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] demande à la cour de :
sur les appel principal et incident de la CAMBTP et l'appel incident de la société Thelem Assurances
statuer ce que de droit ;
sur ses appel principal et incident
les déclarer recevables et bien fondés ;
la déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses fins et prétentions ;
en conséquence,
infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse le 22 février 2024 sous numéro RG 21/00714 en ce qu'elle :
a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en responsabilité civile décennale qu'elle a soulevée,
l'a condamnée in solidum avec son assureur, la CAMBTP et la SA Thelem Assurances à verser à M. [H] [F] et Mme [E] [W] épouse [F] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
a rejeté la demande qu'elle a formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
l'a condamnée in solidum avec son assureur, la CAMBTP et la SA Thelem Assurances aux dépens de l'incident ;
et statuant à nouveau sur ces points :
déclarer forcloses les demandes formées par M. et Mme [F] à son égard ;
en conséquence,
déclarer les demandes formées par M. et Mme [F] à son égard irrecevables ;
les rejeter ;
débouter les consorts [F] de l'ensemble de leurs fins et prétentions ;
condamner in solidum Mme et M. [F] à lui paye r une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
condamner in solidum Mme et M. [F] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance ;
en tout état de cause
condamner in solidum Mme et M. [F] à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
condamner in solidum Mme et M. [F] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.
Se prévalant des dispositions des articles 122 et 124 du code de procédure civile et des articles 1792 à 1792-4-1 du code civil, la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] soutient qu'il est admis par la jurisprudence que, dès lors que l'action est introduite postérieurement au délai de dix ans suivant la réception de l'ouvrage, le demandeur est forclos à pouvoir invoquer la responsabilité et garantie pesant sur le locateur d'ouvrage, ce qui s'applique tant en cas de réception expresse que tacite et qu'à défaut de réception expresse, il appartient au maître d'ouvrage qui a pris possession de l'ouvrage et réglé le solde des travaux, de formuler expressément des réserves écrites au titre des non-conformités et des désordres, la réception tacite d'un ouvrage ne nécessitant pas nécessairement l'achèvement de la construction dans son intégralité.
Elle considère que les demandes de M. et Mme [F] sont forcloses puisque :
ils ont payé ses factures du 24 février 2011 et du 22 mars 2011 ; les consorts [F] n'auraient pas procédé au règlement de l'intégralité de ses factures si les travaux n'avaient pas été achevés, ni même validés par le maître d''uvre de l'opération, la société Velkos,
elle justifie de ce qu'indépendamment de la pose de l'escalier définitif, l'étage était accessible et qu'une prise de possession a pu dès lors intervenir, étant souligné que dans le cadre du service après-vente, la société LG2M est intervenue sur le chantier des époux [F] pour procéder à la reprise d'une tablette posée en contre-sens, ainsi qu'au réglage de châssis, ce qui témoigne de ce que l'ouvrage était achevé.
Elle en déduit que :
la réception tacite des travaux de menuiserie est intervenue au printemps 2011, lors du règlement intégral des travaux à son bénéfice, soit dans un délai de plus de dix ans au jour de l'assignation du 5 octobre 2021,
l'assignation qui lui a été signifiée le 5 octobre 2021 et à son assureur, la CAMBTP, n'a pu venir interrompre valablement le délai de forclusion de dix ans de l'action en responsabilité civile décennale intentée à leur encontre, ce dernier ayant commencé à courir au plus tard le 22 mars 2011, lors du règlement intégral des factures émises.
Aux termes de leurs conclusions transmises dans les deux procédures par voie électronique le 18 juillet 2024, les époux [Z] demandent à la cour de :
déclarer mal-fondés :
l'appel principal,
l'appel incident formé par Thelem Assurances,
l'appel incident formé par la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9],
la CAMBTP ;
en conséquence :
les rejeter ;
confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions ;
en tout état de cause :
débouter l'appelante de l'intégralité de ses conclusions, fins et prétentions ;
débouter Thelem Assurances et la CAMBTP de l'intégralité de leurs conclusions, fins et prétentions ;
débouter les autres intimés de l'intégralité de leurs conclusions, fins et prétentions ainsi que de tout éventuel appel incident ;
condamner solidairement la société CAMBTP et la société Thelem Assurances à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner solidairement la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] et la société Thelem Assurances à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société CAMBTP, la société Thelem Assurances et la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de l'arrêt à intervenir par voie d'huissier, et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement visés par le décret n°2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice.
Les époux [Z] font valoir qu'il n'y a pas de forclusion de l'action en responsabilité civile décennale.
A cet égard, ils font valoir que :
- s'il n'y a pas eu de réception expresse, il y a eu réception tacite de l'ouvrage laquelle suppose :
et le paiement intégral du prix et la prise de possession de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage,
manifestation non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir la construction,
l'achèvement des travaux et le paiement de la totalité du prix,
l'existence des équipements indispensables à l'utilisation de l'immeuble conformément à sa destination,
- la notion de réception par lots est inapplicable à l'espèce ; la prise de possession de l'ouvrage n'a pas pu intervenir avant la pose de l'escalier intérieur (la maison comptant un étage supérieur) et la finalisation des travaux d'électricité intérieurs ; le paiement intégral du prix des travaux est intervenu en décembre 2011et les travaux n'ont pas pu s'achever avant novembre 2011, date de réalisation de la pose de l'escalier intérieur, de sorte que l'immeuble ne pouvait aucunement être utilisé conformément à sa destination ; la mairie de la commune de [Localité 7] atteste qu'ils sont domiciliés [Adresse 2] depuis le 1er novembre 2011, de sorte que la réception tacite de l'ouvrage est nécessairement intervenue (au plus tôt) après cette date ; la réception tacite a nécessairement eu lieu au moment du règlement intégral du prix qui correspond au paiement le 10 décembre 2011 de la facture Lang&Fils du 8 décembre 2011,
- l'assignation en référé signifiée à la CAMBTP et la société Hilzinger le 5 octobre 2021 a interrompu le délai de forclusion.
Sur l'appel incident relevé par la société Thelem Assurances, les époux [Z] demandent à ce que Thelem Assurances soit déboutée de toutes ses fins et prétentions puisqu'ils démontrent que la réception tacite de l'ouvrage est nécessairement intervenue postérieurement au règlement complet du prix et à tout le moins après le 1er novembre 2011, date de prise effective de possession de l'ouvrage.
Aux termes de ses conclusions transmises dans les deux procédures par voie électronique le 10 juin 2024, la société Thelem Assurances demande à la cour de :
sur les appels de la CAMBTP et de la société Hilzinger [Localité 9] et Fenêtres
- statuer ce que de droit ;
sur l'appel incident de la société Thelem Assurances, assureur en responsabilité civile décennale de M. [Y]
- le dire bien fondé ;
y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté sa fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en responsabilité civile décennale et sa demande d'être mise hors de cause pour absence de qualité à agir des époux [F] à son encontre ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :
a rejeté ses demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,
l'a condamnée aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
et statuant à nouveau,
- constater, dire et juger que la preuve de la réception des travaux en général et en particulier de l'ouvrage de M. [Y] exerçant sous l`enseigne Bel Façade n'est pas apportée ;
- débouter, en conséquence M. et Mme [F] de l`intégralité de leurs fins, moyens, demandes et prétentions à son encontre, assureur en responsabilité civile décennale de M. [Y] ;
- la mettre hors de cause ;
- condamner les consorts [F] à lui payer la somme de 2000 euos sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
La société Thelem Assurances fait valoir qu'en sa qualité d'assureur en responsabilité civile décennale, sa mise en cause est sans fondement puisque :
- la société Hilzinger a fait valoir que sa mise en cause était intervenue après l'expiration du délai de garantie décennale,
- les consorts [F] ont soutenu qu'il n'y avait eu ni réception expresse ni réception tacite, de sorte que le délai de dix ans n'a pas commencé à courir,
- les consorts [F] n'ont pas indiqué à quelle date l'ouvrage de son assuré M. [Y] exerçant sous l'enseigne Bel Façade aurait pu être réceptionné, même tacitement,
- le juge de la mise en état n'a pas indiqué à quelle date cette réception tacite serait intervenue, la mention selon laquelle l'ouvrage aurait été réceptionné « à une date qui ne peut être antérieure au 08.12.2011 » étant critiquable car le juge a l'obligation de rechercher si les conditions de la réception tacite sont réunies et, si tel est le cas, il doit en préciser la date.
La déclaration d'appel et les conclusions d'appel de la CAMBTP ont été signifiées à M. [Y] par dépôt en étude de commissaire de justice respectivement le 16 avril 2024 et le 21 mai 2024. Celles de la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] lui ont été respectivement signifiées par dépôt en étude de commissaire de justice le 19 avril 2024 et le 22 mai 2024.
M. [Y] n'a pas constitué avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat aux conclusions transmises aux dates susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au préalable, il y a lieu d'indiquer qu'aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à «dire et juger» ou «constater», en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour ne doit y répondre qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de l'arrêt mais dans ses motifs.
Sur la jonction des procédures
Considérant le lien existant entre elles, il y a lieu d'ordonner la jonction de l'instance enregistrée sous le n° RG 24/01293 avec celle portant le n° RG 24/01240, l'intérêt d'une bonne justice étant de la faire juger ensemble tel que le prévoit l'article 367 du code de procédure civile.
Sur les fins de non-recevoir
Les fins de non-recevoir soulevées nécessitent, au préalable, de déterminer, la date de réception laquelle correspond à l'acte par lequel le maître de l'ouvrage a déclaré accepter l'ouvrage avec ou sans réserves.
A défaut de réception expresse, il appartient aux époux [Z] qui s'en prévalent de démontrer l'existence d'une réception tacite laquelle se caractérise par leur volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage.
S'il est admis que la réception puisse être partielle, notamment pas lots, toutefois, la réception de travaux qui ne constituent pas des tranches de travaux indépendantes ou qui ne forment pas un ensemble cohérent ne vaut pas réception tacite, ce qui est le cas en l'espèce, l'ouvrage dont il s'agit étant une maison laquelle caractérise un ensemble cohérent, ce qui n'est pas le cas des lots techniques nécessaires à sa construction pris individuellement.
Dès lors, considérant que les époux [Z] ont pris possession de la maison et réglé l'ensemble des factures liées à sa construction et que la dernière facture qui l'a été est celle de la société Lang&Fils, il y a lieu de fixer la date de réception tacite au 8 décembre 2011, date de ladite facture.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] et la CAMBTP
Aux termes des dispositions de l'article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux.
Au regard des assignations susvisées délivrées le 8 décembre 2021, il apparaît que le délai de forclusion de dix ans ayant commencé à courir le 8 décembre 2011 n'était pas échu, d'autant que les assignations en référé expertise susvisées délivrées le 29 juin 2020 et le 5 octobre 2021 l'ont interrompu.
Il y a donc lieu de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] et la CAMBTP.
L'ordonnance entreprise est donc confirmée de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Thelem Assurances
L'ordonnance entreprise est confirmée de ce chef, le juge de la mise en état ayant, avec pertinence, retenu que, par application des dispositions de l'article L.124-3 du code des assurances, les époux [Z] étaient recevables à exercer une action directe à l'encontre de cette société en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [Y] exerçant sous l'enseigne Bel-Façade en charge du lot crépis, une réception tacite ayant eu lieu.
Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens
L'ordonnance entreprise est confirmée de ces chefs.
A hauteur d'appel, la CAMBTP et la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] sont condamnées in solidum aux dépens. La CAMBTP et la société Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] sont condamnées in solidum à payer aux M. [F] et Mme [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens. Sont rejetées les autres demandes d'indemnité formulées sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement par arrêt par défaut mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :
ORDONNE la jonction de l'instance enregistrée sous le n° RG 24/01293 avec celle portant le n° RG 24/01240 ;
CONFIRME dans les limites de l'appel, l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse du 22 février 2024 ;
y ajoutant :
CONDAMNE in solidum la compagnie d'assurance CAMBTP et la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] aux dépens ;
CONDAMNE in solidum la compagnie d'assurance CAMBTP et la SAS Hilzinger Fenêtres et [Localité 9] à payer à M. [H] [F] et Mme [E] [W] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les demandes d'indemnité formulées par les autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.