CA Agen, ch. civ., 4 juin 2025, n° 23/00926
AGEN
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Atelier D'architecture (SARL), Mutuelle Des Architectes Francais (Sté)
Défendeur :
Sci Am2l (Sté), Maaf Assurances (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauclair
Conseillers :
M. Benon, M. Segonnes
Avocats :
Me Vimont, SCP Latournerie-Milon-Czamanski-Mazille, Me Hamadache, SELARL CAD Avocats
FAITS :
Par contrat du 17 juillet 2015, la SCI AM2L a confié à la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une maison d'habitation, bâtie sur un seul niveau, destinée à ses co-gérants et associés, [B] [I] et [H] [A], située '[Adresse 11] Mauroux (46).
Le montant des travaux a été estimé à 253 496,64 Euros HT.
Le 12 décembre 2016, le lot chauffage et climatisation, par pose de pompes à chaleur air/air, a été confié à la SARL Pinto pour un montant de 11 455,56 Euros TTC (les lots électricité et plomberie sanitaire, qui ne sont pas en litige, ont également été confiés à cette société).
Deux unités intérieures et deux unités extérieures ont été mises en place : une pour la zone jour et l'autre pour la zone nuit.
Ce lot a fait l'objet d'une réception le 20 avril 2018 avec les réserves suivantes :
- intérieur :
- pose des grilles de soufflage sur tous les plénums,
- en attente raccordement pour tests définitifs,
- pompe à chaleur : fournir manuel explicatif à maîtrise d'ouvrage,
- extérieur : rebouchage tranchée Nord Ouest au niveau des pompes à chaleur,
- transmettre le décompte général définitif et le descriptif des ouvrages exécutés.
Un non-fonctionnement des pompes à chaleur a été constaté.
Par lettre du 11 juin 2018, la SARL Pinto a écrit à l'architecte en indiquant avoir toujours fait valoir qu'elle estimait être déchargée de toute responsabilité compte tenu :
- qu'il fallait des plafonds démontables sur l'ensemble des unités intérieures des pompes à chaleur, disposition qui n'avait pas été respectée,
- qu'il ne fallait pas de mur en face des unités extérieures pour éviter un phénomène de rebondissement de la ventilation sur le mur.
Par lettre du 14 juin 2018, l'architecte a répondu à la SARL Pinto :
- que cette société était contractuellement chargée des études d'exécution,
- que l'emplacement des murs et leur hauteur, descendue de 4 rangs de parpaings, et la dimension des trappes, avaient été déterminés avec l'accord de cette dernière de sorte qu'elle avait accepté les supports.
Par jugement du 24 septembre 2018, le tribunal de commerce de Cahors a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Pinto.
La SARL Atelier d'Architecture [M] [G] a fait analyser le système de pompes à chaleur par le BET [Localité 9] qui, par note du 21 novembre 2018, a expliqué que les deux unités extérieures avaient été implantées dans une fosse ne permettant pas le bon brassage de l'air ; que les liaisons frigorifiques devaient être mieux fixées et contrôlées dans leur longueur et leurs charges ; et que des filtres et grilles devaient être installées au niveau des unités intérieures.
Le 24 avril 2019, la SCI AM2L a fait constater par Me [S], huissier de justice, que le système de chauffage par pompe à chaleur ne fonctionnait pas.
La SCI AM2L a demandé à la SA MAAF Assurances, assureur de la SARL Pinto, de prendre en charge le coût de réfection de l'installation.
La SA MAAF Assurances a dénié sa garantie au double motif, d'une part que les travaux avaient fait l'objet de réserves à la réception et, d'autre part, que la reprise des travaux mal effectués par son assurée faisait l'objet d'une clause d'exclusion.
Par actes des 29 novembre, 2 et 3 décembre 2019 et 20 janvier 2020, la SCI AM2L, M. [I] et Mme [A] ont fait assigner MAAF Conseil, la SARL Atelier d'Architecture [M] [G], la SA MAAF Assurances et la Mutuelle des Architectes Français (MAF), assureur de l'architecte, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cahors qui, par ordonnance du 1er avril 2020, a ordonné une expertise de l'installation confiée à [O] [X], ensuite remplacé par [J] [K].
M. [K] a établi son rapport le 14 janvier 2021.
Ses conclusions sont les suivantes :
- L'installation n'a jamais été mise en service et ne fonctionne pas.
- Elle est affectée de malfaçons :
* la mise en oeuvre des unités extérieures implantées dans une fosse ne permet pas un bon brassage de l'air,
* les liaisons frigorifiques présentent de nombreux raccords générant des risques de fuites,
* la longueur des liaisons frigorifiques est trop importante pour le système de la partie jour,
* absence de filtre sur la reprise des unités gainables extérieures,
* absence de trappe démontable permettant un accès aisé aux unités intérieures (partie électrique, raccords frigorifiques, plénum, volets motorisés, liaison régulations/constat).
- Le système doit être corrigé pour un coût de 10 150 Euros TTC.
- Le non-fonctionnement génère une surconsommation d'électricité annuelle depuis 2018 de 585,35 Euros, soit 1 760 Euros jusqu'au début de la saison 2021/2022.
- la SARL Pinto aurait dû produire des plans d'exécution, ce qu'elle n'a pas fait, sur lesquels l'architecte aurait dû apposer son visa, même s'il n'était pas chargé d'une mission d'étude d'exécution dite 'DET'.
Par actes délivrés les 17 et 22 septembre 2021, la SCI AM2L, M. [I] et Mme [A] ont fait assigner la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et son assureur la Mutuelle des Architectes Français (MAF) devant le tribunal judiciaire de Cahors afin d'être indemnisés du coût des travaux de réfection et de préjudices annexes.
Par acte délivré le 11 mars 2022, la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la MAF ont appelé en cause la SA MAAF Assurances.
Par jugement rendu le 29 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Cahors a :
- condamné solidairement la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français (MAF) à payer à la SCI AM2L :
* la somme de 10 150 Euros correspondant au coût des travaux de suppression des désordres, ce avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019,
* la somme de 312 Euros correspondant aux honoraires de l'huissier intervenu pour un constat, ce avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019,
- condamné solidairement la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français (MAF) à payer à [B] [I] et [H] [A] :
* la somme de 2 341,40 Euros en indemnisation de leur préjudice financier,
* la somme totale de 3 000 Euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance,
- débouté la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français de leur demande de condamnation de la MAAF à les garantir et relever indemnes des condamnations prononcées à leur encontre,
- rappelé que la MAF peut valablement opposer à la SCI AM2L et M. [I] et Mme [A] la clause de limitation de garantie pour les désordres objets du litige et qu'il appartiendra à la MAF de leur justifier du calcul du montant de cette franchise,
- débouté la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français du surplus de leurs demandes,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné solidairement la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et de référé,
- condamné solidairement la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français à payer à [B] [I] et [H] [A] la somme totale de 2 000 Euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné solidairement la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français à payer à la SCI AM2L la somme de 2 000 Euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la Mutuelle des Architectes Français à payer à la MAAF la somme de 1 500 Euros au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal a estimé que s'agissant de désordres réservés à la réception, c'est la responsabilité contractuelle des intervenants qui était engagée ; qu'à l'égard de M. [I] et Mme [A], l'architecte avait engagé sa responsabilité délictuelle ; qu'il était fautif pour avoir établi les plans de positionnement des différents groupes composant le système et ne pas avoir visé les plans d'exécution qui auraient dû être fournis par la SARL Pinto ; que cette faute impliquait qu'il soit tenu du coût des réparations du système tel que chiffré par l'expert judiciaire ; et que la SA MAAF Assurances ne garantissait, pour la responsabilité contractuelle, que les dommages causés au tiers et non la réfection des travaux mal faits.
Par acte du 13 novembre 2023, la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la MAF ont déclaré former appel du jugement en désignant la SCI AM2L, [B] [I], [H] [A] et la SA MAAF Assurances en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'elles citent dans leur acte d'appel.
Par arrêt rendu le 18 février 2025, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 23 octobre 2024, cette Cour a :
- déclaré recevable l'appel formé par la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] en date du 13 novembre 2023 ainsi que les conclusions signifiées le 12 février 2024, et l'appel incident notifié le 24 avril 2024,
- condamné in solidum la SCI AM2L, [B] [I] et [H] [A] à verser à la SARL Atelier d'Architecture Frank [G] une indemnité de 1 500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SCI AM2L, [B] [I] et [H] [A] aux dépens.
La clôture a été prononcée le 26 mars 2025 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 9 avril 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 18 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la Mutuelle des Architectes Français présentent l'argumentation suivante :
- L'architecte n'a pas commis de faute :
* le contrat ne lui confiait que des missions de conception architecturale.
* la mission 'études d'exécution' (EXE), c'est à dire la conception technique, était confiée aux entreprises, ce qu'a reconnu l'expert judiciaire en expliquant que la prescription, le dimensionnement et l'intégration des installations dans le projet architectural, était du ressort, pour le lot chauffage et climatisation, de la SARL Pinto.
* il n'a établi aucun plan d'exécution fixant l'emplacement des groupes.
* les désordres ne relèvent pas d'une faute de conception architecturale.
* l'absence de visas sur des plans d'exécution n'a pas de lien avec le sinistre car ce visa ne concerne que la validation par rapport au projet architectural et non la faisabilité des plans d'exécution.
* l'architecte a réclamé ces plans à la SARL Pinto le 14 juin 2018, mais ils n'ont pas été communiqués.
- Subsidiairement, la clause d'exclusion de solidarité doit recevoir application :
* le contrat d'architecte stipule 'il n'assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil que dans la mesure de ses fautes personnelles. Il ne pourra être tenu pour responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération ci-dessus visée'.
* cette clause est admise par la jurisprudence, mais le tribunal n'en a pas fait application.
* toute responsabilité de l'architecte ne pourrait être que très minime dans les désordres.
- Les demandes sont excessives :
* la surconsommation alléguée ne repose pas sur la production de factures, mais seulement sur des calculs théoriques.
* le préjudice de jouissance allégué n'est pas démontré.
Au terme de leurs conclusions, elles demandent à la Cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- rejeter les demandes présentées à leur encontre par la SCI AM2L, M. [I] et Mme [A],
- subsidiairement :
- faire application de la clause d'exclusion de solidarité et limiter leur condamnation à la seule part minoritaire de responsabilité susceptible d'être retenue à l'encontre de l'architecte,
- très subsidiairement :
- condamner la SA MAAF Assurances à les garantir et relever indemnes de toutes condamnations,
- en tout état de cause :
- rejeter les demandes formées au titre des préjudices financiers et de jouissance,
- déclarer la franchise de la MAF opposable à tous,
- réduire les demandes,
- condamner la SCI AM2L, M. [I] et Mme [A] ou toutes parties succombantes à leur payer la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens avec distraction.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 17 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SCI AM2L, [B] [I] et [H] [A] présentent l'argumentation suivante :
- La responsabilité de l'architecte est engagée :
* il a établi les plans de positionnement des différents groupes composant le système, et dans un courrier du 14 juin 2018, la SARL Pinto avait indiqué que les dimensions et positionnements avaient été vus avec lui, ce que l'expert a confirmé en procédant à des métrés à partir de ses plans.
* il n'a pas visé de plans d'exécution et a laissé la SARL Pinto poursuivre le chantier sans les avoir produits.
* le désordre essentiel provient de la trop grande distance entre les groupes intérieurs et les groupes extérieurs.
* il ne peut opposer la clause stipulant l'absence de solidarité alors que sa faute est à l'origine de tous les dommages.
* il a manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention du maître de l'ouvrage sur le fait que la mission d'exécution était dévolue aux entreprises.
- Le tribunal a justement évalué les préjudices subis : il faut y ajouter la poursuite des préjudices : 1 756,05 Euros au titre des préjudices financiers.
- La MAF ne prouve ni l'existence ni le montant de sa franchise.
Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- y ajoutant, condamner solidairement la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la MAF à leur payer :
* la somme supplémentaire de 1 756,05 Euros en indemnisation de leur préjudice financier,
* 7 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les appelantes aux dépens.
*
* *
Par conclusions d'intimée notifiées le 6 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SA MAAF Assurances présente l'argumentation suivante :
- Les désordres ayant fait l'objet de réserves à la réception, ils ne relèvent pas de la garantie décennale.
- Le contrat responsabilité civile ne garantit pas la qualité des travaux réalisés qui font l'objet d'une clause d'exclusion sous les n° 14 et 16, formelle et limitée.
- La SARL Pinto a signé les conditions particulières du contrat attestant que les conditions générales lui ont été remises.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- débouter la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et la MAF des demandes dirigées à son encontre,
- les condamner à lui payer la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à leur charge.
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MOTIFS :
1) Sur le régime de responsabilité applicable :
La garantie décennale de l'article 1792 du code civil n'est pas applicable aux vices faisant l'objet de réserves lors de la réception.
En l'espèce, le lot chauffage et climatisation a fait l'objet de réserves à la réception prononcée le 20 avril 2018, notamment pour le motif suivant 'en attente raccordement pour tests définitifs'.
Il est constant qu'à cette date, le système ne fonctionnait pas, l'expert ayant indiqué qu'il n'avait jamais pu être mise en service.
Ce lot ne pouvait pas être accepté et a été réservé avec la formule ci-dessus.
Par conséquent, la garantie décennale ne peut trouver application et c'est à juste titre que le tribunal a fait application de la responsabilité contractuelle de droit commun pour les relations entre la SCI AM2L et l'architecte, et de la responsabilité délictuelle pour les relations entre ce dernier et M. [I] et Mme [A].
Le jugement doit être confirmé sur ces points.
2) Sur la mission de l'architecte et les fautes qui lui sont imputées :
Vu l'article 1231-1 du code civil,
En premier lieu l'examen du contrat d'architecte signé le 17 juillet 2015 entre le maître de l'ouvrage et la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] permet de constater que les missions suivantes ont été confiées à l'architecte :
- Phase 1 :
* ESQ : étude d'esquisse,
* APS : avant-projet sommaire,
* APD : avant-projet définitif,
* DPC : dossier de permis de construire,
- Phase 2 : PCG : projet de conception générale,
- Phase 3 :
* AMT : assistance passation de marché,
* VISA : visa des plans,
* DET : direction et comptabilité des travaux,
* AOR : assistance opérations réception, levée de réserves.
Le contrat mentionne que la mission EXE (études d'exécution) n'a pas été confiée à l'architecte, mais aux 'entreprises'.
L'article 3 du marché de travaux passés avec la SARL Pinto stipule :
'L'entrepreneur doit établir et assurer toutes les études et plans spécifiques nécessaires à sa profession (étude de sol, béton armé, charpente métallique, serrurerie, chauffage, production d'eau chaude sanitaire, électricité, ventilation, climatisation, plomberie) et tous les détails d'exécution qui précisent le mode de raccordement aux ouvrages limitrophes (menuiserie, serrurerie, couverture, étanchéité, zinguerie, etc...).'
En deuxième lieu, l'expertise a mis en évidence que, dans le cadre des éléments de mission qui lui ont été confiés, et même s'il n'était pas chargé de la mission EXE, l'architecte a néanmoins commis les fautes suivantes :
1) - Détermination des emplacements des unités extérieures sans en demander la validation technique :
La position des unités extérieures a été décidée par l'architecte dans le cadre de la conception générale de la construction.
Il n'a pas demandé à la SARL Pinto de vérifier que l'emplacement choisi était compatible avec le bon fonctionnement du système, alors qu'il a prévu un emplacement très éloigné des groupes extérieurs par rapport aux unités de traitement intérieures (18 à 20 mètres pour la partie nuit et 35 à 40 mètres pour la partie jour).
L'expert judiciaire a estimé que les positions de ces groupes ont été 'imposées par l'architecte'.
Il était pourtant manifeste que de telles longueurs de circulation du fluide frigorigène nécessitaient une vérification technique, étant rappelé que tout constructeur, même généraliste comme l'est un architecte, sait que la longueur de circulation de ce fluide doit être la plus réduite possible.
En outre, le positionnement des unités dans une sorte de coffrage entre des murs posait à l'évidence un problème d'aération correcte des unités qui devait, également, faire l'objet d'une demande de vérification auprès de la SARL Pinto.
2) - Absence de demande de correction de défauts manifestes :
Le système de distribution de la chaleur et de la fraîcheur mis en place par la SARL Pinto alimente les différentes pièces de la maison par cheminement des gaines dans le faux plafond avec bouche de soufflage devant chaque fenêtre.
Or, le faux-plafond est indémontable, et aucune trappe d'accès n'a été mise en oeuvre pour accéder aux gaines et aux unités de traitement de l'air positionnées dans les faux plafonds de deux locaux de service.
En outre, des canalisations frigorigènes ne sont ni protégées ni calorifugées.
Indépendamment du calcul technique de l'installation, qui était du seul ressort de la SARL Pinto, de tels défauts d'accès, parfaitement visibles, devaient être immédiatement identifiés par l'architecte lors de la réalisation des travaux, et ce en exécution de sa mission DET, étant rappelé qu'elle consiste, notamment, à organiser et diriger les réunions de chantier, en rédiger les comptes rendus devant être diffusés aux entreprises, au maître de l'ouvrage et éventuellement aux tiers, avec vérification de l'avancement des travaux et de leur conformité avec les pièces du contrat de travaux.
3) - Défaut de visa des plans techniques que devait produire la SARL Pinto :
La mission VISA consiste pour l'architecte, à examiner la conformité des études d'exécution au projet de conception générale qu'il a établi et apposer son visa sur les documents, c'est à dire sur les plans et spécifications, si les dispositions du projet sont respectées.
En l'espèce, la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] a demandé à la SARL Pinto de lui fournir ces plans.
Il est constant qu'elle s'en est abstenue, alors pourtant qu'elle y était contractuellement tenue.
Mis dans l'impossibilité d'apposer son visa, l'architecte aurait dû refuser l'intervention de la SARL Pinto sur le chantier.
En s'en abstenant, il a permis à celle-ci de réaliser une prestation non conforme aux règles de l'art.
Au terme de l'examen de ces éléments, il convient de constater que les fautes de l'architecte ont participé à la survenue de la totalité des désordres :
- Le désordre le plus important est causé par le positionnement manifestement inadapté des unités extérieures.
- La SARL Pinto n'aurait pas dû pouvoir effectuer ses travaux sans avoir déposé ses études auprès de l'architecte.
Par conséquent, il ne peut opposer la clause limitative de condamnation stipulée à son contrat avec le maître de l'ouvrage.
Le jugement qui l'a condamné, avec son assureur, à indemniser le maître de l'ouvrage de la totalité du coût de réfection de l'installation doit être confirmé.
3) Sur les préjudices annexes :
L'expert a calculé que du fait de l'impossibilité de chauffer la maison avec le système, très économique, des pompes à chaleur, les occupants ont subi une surconsommation d'électricité de 1 760 Euros.
Les réparations n'ayant pas été faites, le préjudice se poursuit et cette somme doit être actualisée par une nouvelle somme de 1 756,05 Euros.
C'est ensuite à juste titre que le premier juge a alloué aux occupants une somme de 3 000 Euros en indemnisation du préjudice de jouissance, constitué tant par l'inconfort d'avoir dû être chauffés par un système secondaire, que de ne pouvoir habiter une maison rafraîchie pendant les périodes de canicule d'été.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
4) Sur l'action récursoire de la SARL Atelier d'Architecture [M] [G] et de la MAF à l'encontre de la SA MAAF Assurances :
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances,
Le contrat d'assurance de responsabilité civile souscrit par la SARL Pinto auprès de cette compagnie, exclut :
'- Les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent.
- Les dommages immatériels et les frais de dépose/repose non consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis'.
Cette exclusion doit recevoir application et le jugement qui a rejeté l'action récursoire doit être confirmé.
5) Sur la franchise opposée par la MAF :
Le montant total du sinistre est de : 10 150 Euros (réfection du système) + 312 Euros (frais) + 4 097,45 Euros (préjudice financier) + 3 000 Euros (préjudice de jouissance) = 17 559,45 Euros.
La MAF dépose aux débats les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'architecte ainsi que les conditions particulières qui stipulent une franchise de 3 % pour cette tranche de montant de sinistre.
Dès lors, elle peut opposer le montant de cette franchise.
Le jugement doit être précisé sur ce point, ainsi que sur le fait que les condamnations prononcées solidairement doivent s'entendre de condamnations in solidum.
Enfin, l'équité impose de condamner la MAF à payer à la SCI AM2L et ses associés la somme de 5 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à la SA MAAF Assurances la somme de 2 000 Euros à ce même titre.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort
- CONFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a rappelé que la MAF peut valablement opposer à la SCI AM2L et M. [I] et Mme [A] la clause de limitation de garantie pour les désordres objets du litige et qu'il appartiendra à la MAF de leur justifier du calcul du montant de cette franchise ;
- STATUANT A NOUVEAU sur le point infirmé,
- DIT que la Mutuelle des Architectes Français peut opposer une franchise de 3 % du sinistre, constitué des sommes suivantes 10 150 Euros (réfection du système) + 312 Euros (frais) + 4 097,45 Euros (préjudice financier) + 3 000 Euros (préjudice de jouissance) à la SCI AM2L, [B] [I] et [H] [A] ;
- PRECISE que les condamnations solidaires prononcées par le tribunal doivent s'entendre de condamnations prononcées in solidum ;
- Y ajoutant,
- CONDAMNE la Mutuelle des Architectes Français à payer, en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile :
1) à la SCI AM2L, [B] [I] et [H] [A] : 5 000 Euros (au total),
2) à la SA MAAF Assurances : 2 000 Euros,
- CONDAMNE la Mutuelle des Architectes Français aux dépens de l'appel.
- Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire .