CA Bordeaux, 2e ch. civ., 5 juin 2025, n° 24/04245
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Proje'o (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boudy
Conseillers :
M. Figerou, Mme de Vivie
Avocats :
Me Mousseau, Me Paray
FAITS ET PROCÉDURE :
1- La Sarl Proje'o a établi le 10 novembre 2022 un devis relatif à la fourniture et à la pose d'un liner de piscine, moyennant un prix de 6 257 euros incluant l'enlèvement de l'ancien liner, au domicile de M. [C] [V]. Ce devis a été signé des parties le 12 novembre 2022.
Les travaux d'enlèvement et de pose du nouveau liner ont été réalisés par la société Bati-[K] [M].
2- Estimant subir des dommages à la suite de la réalisation des travaux, par acte du 29 novembre 2023, M.et Mme [V] ont assigné la Sarl Proje'o devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir sa condamnation à procéder à ses frais, à la dépose du liner puis à son remplacement par un ouvrage conforme, dans le mois suivant la signification du jugement sous astreinte, et à prendre à sa charge les frais annexes s'y rapportant.
Par jugement du 31 juillet 2024, le tribunal judiciaire de Bordeaux :
- a condamné la Sarl Proje'o à procéder à ses frais à la dépose du liner, puis à son remplacement par un ouvrage conforme, le tout dans le mois suivant la signification du jugement,
- a dit, qu'à défaut pour la Sarl Proje'o d'avoir procédé à ses frais à la dépose du liner puis à son remplacement par un ouvrage conforme dans le délai imparti, elle sera condamnée au paiement d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois,
- s'est réservé le droit de liquider l'astreinte,
- a condamné la Sarl Proje'o à prendre pécuniairement à sa charge les frais annexes s'y rapportant; vidange et remplissage du bassin et traitement de l'eau selon le système existant au sel,
- a débouté la Sarl Proje'o de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance,
- l'a condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
La Sarl Proje'o a relevé appel du jugement le 24 septembre 2024.
3- Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 mars 2025, la Sarl Proje'o demande à la cour d'appel:
- d'infirmer le jugement rendu le 30 juillet 2024 en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- de débouter les époux [V] de toutes leurs demandes,
- de les condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
4- Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 février 2025, M.et Mme [V] demandent à la cour d'appel :
- de déclarer la société Proje'o mal fondée en son appel et de l'en débouter,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
y ajoutant,
- de condamner la société Proje'o au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2025.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la responsabilité de la Sarl Proje'o.
5- La Sarl Proje'o expose qu'elle a seulement fourni le matériel litigieux à l'entreprise Bati [K] [M], qui l'a posé; que contrairement à ce que soutiennent M.et Mme [V] ils ont contracté directement avec cette dernière entreprise, comme l'établit le devis du 24 avril 2023.
Elle ajoute qu'elle n'a commis aucune faute, qu'elle conteste les conclusions de l'expertise amiable qui estime que les plis présents sur le liner seraient dus à une erreur de dimensionnement, qu'elle affirme en effet depuis l'origine que ces désordres sont le résultat d'un défaut de pose du liner.
En tout état de cause, elle rappelle que le juge ne peut fonder sa décision sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.
6- M.et Mme [V] répliquent qu'ils ont uniquement contracté avec la Sarl Proje'o, que l'entreprise Bati-[K] n'était pour eux qu'un simple sous-traitant de cette dernière.
Ils font valoir que le liner fourni est manifestement trop grand, et que la sarl Proje'o leur doit donc réparation dans le cadre de sa garantie de parfait achèvement.
Ils précisent qu'ils justifient de la réalité des désordres par la production d'une expertise amiable et de photographies du liner.
Sur ce,
7- Aux termes de leurs conclusions, M.et Mme [V] semblent engager leur action à l'égard de la Sarl Proje'o, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an à compter de la réception, par application des dispositions de l'article 1792-6 alinéa 2 du code civil.
8- Cependant, la cour d'appel observe qu'ils n'allèguent, ni n'indiquent la date à laquelle les travaux auraient fait l'objet d'une réception, étant précisé qu'il n'est pas contesté que la pose du liner a été effectuée par la société Bati-[K], laquelle n'est pas partie à l'isntance.
9- Dès lors, en l'absence de réception, la responsabilité de la Sarl Proje'o ne peut pas être recherchée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, et ne peut l'être que sur celui de la responsabilité contractuelle de droit commun.
10- Selon les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.
11- Il incombe à M.et Mme [V] de rapporter la preuve d'une faute commise par la Sarl Proje'o dans l'exécution de ses obligations contractuelles, d'un préjudice et du lien de causalité entre cette faute et le préjudice.
12- La Sarl Proje'o conteste non seulement les désordres allégués, mais également sa responsabilité dans la réalisation de l'ouvrage, en faisant valoir qu'elle s'est contentée de fournir le liner litigieux.
13- A l'appui de leurs prétentions, M.et Mme [V] versent aux débats:
- le devis du 10 novembre 2022, signé des parties le 12 novembre 2022, établi par la Sarl Proje'o relatif à la fourniture, à la pose et à la prise de cote du liner avec enlèvement de l'ancien liner (pièce 1 [V]).
- une facture d'acompte du 15 novembre 2022 émise par la Sarl Proje'o d'un montant de 2190, 20 euros (pièce 2 [V])
- une facture du 14 juin 2023 d'un montant de 5105, 40 euros émise par la Sarl Proje'o sur laquelle figure la mention suivante 'par rapport au devis initial, Irrijardin (Sarl Proje'o) et Bati-[K] se sont mis d'accord pour que les factures de dépose de l'ancien liner et pose du nouveau soient payées directement à Bati-[K]' (pièce 3 [V]).
14- De son côté, la Sarl Proje'o produit:
- un devis adressé à M.[V] et établi par l'entreprise Bati-[K] [M] le 24 avril 2023 d'un montant de 7416, 40 euros relatif à la rénovation d'une piscine et comportant notamment la pose d'un liner (pièce 3 Proje'o),
- une facture du 3 juillet 2023 établie par l'entreprise Bati-[K] [M] d'un montant de 1067, 46 euros relatif à la pose d'un liner (pièc e5 Proje'o),
- la copie d'un courriel qu'elle a adressé à M. [V] le 30 avril 2023 l'informant de ce que le règlement du liner serait à 'faire' à M. [M], et qu'elle lui facturerait uniquement la fourniture (pièce 4 Proje'o).
15- ll ressort de l'ensemble de ces éléments, et il n'est pas contesté, que le liner a certes été posé par l'entreprise Bati-[K], que cependant le devis établi par celle-ci à l'adresse de M.[V] n'est pas signé, à l'inverse du devis signé des parties entre la Sarl Proje'o et M. [V], de sorte qu'un accord était intervenu entre eux sur la chose et le prix, ce qui démontre la relation contractuelle entre les parties, qu'un acompte a ensuite été versé ce qui établit l'exécution du contrat entre celles-ci, l'entreprise Bati [K] ayant pu intervenir seulement en qualité de sous-traitant de la Sarl Proje'o.
16- En tout état de cause, la cour d'appel observe qu'il est admis que la Sarl Proje'o a fourni le liner litigeux et qu'elle engage en tout état de cause sa responsabilité contractuelle si le liner fourni présente un défaut de dimensionnement.
17- Pour justifier de la réalité des désordres, M.et Mme [V] versent aux débats un rapport d'expertise amiable réalisée à la demande de leur assureur protection juridique le 11 octobre 2023, aux termes desquels l'expert constate la présence de pliures dans le liner au fond de la piscine, précise que ces plis sont localisés essentiellement dans le petit bassin et sur les marches de l'escalier, notamment au niveau de la dernière marche qui reste à une hauteur différente des autres, et conclut que les plis relèvent d'une erreur de dimensionnement du liner incontestablement trop grand.
18- Outre le fait que l'expert affirme sans étayer son raisonnement, que le dommage trouve son origine dans un défaut de dimensionnement du liner, il est constant qu'une expertise qui n'a pas été ordonnée judiciairement, ne peut constituer un moyen de preuve que si elle est corroborée par d'autres éléments, peu important qu'elle ait été réalisée en présence des parties (Civ.3ème, 13 septembre 2018, n°17-20.099).
19- Dès lors, c'est à tort que le tribunal a considéré que la responsabilité contractuelle de la Sarl Proje'o était engagée, en se fondant exclusivement sur ce rapport d'expertise, sans rechercher s'il était corroboré par d'autres pièces.
20- Or, en l'espèce, M.et Mme [V] versent seulement aux débats trois photographies de l'angle d'une piscine, non datées, qui, si elles révèlent certes des plis au niveau du liner, ne permettent absolument pas à la cour d'appel d'apprécier la cause des désordres.
21- En considération de ces éléments, et faute pour M.et Mme [V] de rapporter la preuve d'une faute de la Sarl Proje'o dans l'exécution de ses obligations contractuelles, le jugement qui a a condamné cette dernière à procéder à ses frais au remplacement du liner sous astreinte et à prendre en charge les frais annexes s'y rapportant, sera infirmé, et M.et Mme [V] seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'égard de la Sarl Proje'o.
Sur les mesures accessoires.
22- Le jugement est infirmé sur les dépens et l'indemnité due par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
23- M.et Mme [V], parties perdantes, seront condamnés aux dépens de première instance et de la procédure d'appel, et à payer à la Sarl Proje'o la somme de 1000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Déboute M. [C] [V] et Mme [R] [E] épouse [V] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la sarl Proje'o.
Condamne M. [C] [V] et Mme [R] [E] épouse [V] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel,
Condamne M. [C] [V] et Mme [R] [E] épouse [V] à payer à la sarl Proje'o la somme de 1000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.