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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 22 mai 2025, n° 23/01582

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Courteille

Conseillers :

Galliot, Van Goetsenhoven

Avocats :

Drame, Vandamme

TJ Lille, du 14 mars 2023, n° 21/05735

14 mars 2023

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat en date du 3 avril 2018, M. et Mme [K] ont confié à la SAS Maison Eureka (la société [Adresse 7]) la construction d'une maison individuelle située [Adresse 8].

Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 29 juillet 2019.

Par exploit du 12 juin 2020, M. et Mme [K] ont attrait la société Maison Eureka devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille afin de solliciter l'organisation d'une mesure d'expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 31 juillet 2020 et M. [Y], désigné en qualité d'expert, a déposé son rapport le 22 avril 2021.

Par exploit du 9 septembre 2021, M. et Mme [K] ont attrait la société [Adresse 7] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'obtenir, notamment, la condamnation de celle-ci à réaliser à ses frais les travaux nécessaires à remédier aux désordres constatés par l'expert.

Par jugement du 14 mars 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :

- débouté M. et Mme [K] de leur demande de réouverture des débats, tendant à voir ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture,

- déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile par la société Maison Eureka,

- débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes,

- ordonné le partage par moitié des dépens entre les parties,

- laissé à la charge de chacune des parties ses frais engagés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 2 avril 2023, M. et Mme [K] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées électroniquement le 16 mai 2023, M. et Mme [K] demandent à la cour de :

- annuler le jugement déféré ;

Evoquant l'affaire au fond,

A titre principal :

- recevoir M. et Mme [K] en leur action ;

- condamner la société [Adresse 7] à réaliser, à ses frais, les travaux nécessaires à la remédiation des désordres constatés par l'expert ;

A titre subsidiaire,

- condamner la société Maison Eureka au paiement de 12 260 euros, à titre de dommages et intérêts, le tout à parfaire en cours de procédure ;

- dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière ;

- condamner la société [Adresse 7] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise d'un montant de 4 857,20 euros, sans préjudice des frais d'avocat exposés à l'occasion de la procédure de référés expertise ;

- vu l'article 700 du code de procédure civile, condamner la société Maison Eureka à la somme de 4 500 euros, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Dramé, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 2 juin 2023, la société [Adresse 7] demande à la cour de :

- déclarer l'appel incident de la société Maison Eureka recevable et bien-fondé ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 14 mars 2023 en ce qu'il a :

* déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile par la société [Adresse 7]

* débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes

* ordonné le partage par moitié des dépens entre les parties

* laissé à la charge de chacune des parties ses frais engagés au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- le confirmer pour le surplus ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- déclarer forcloses les demandes de M. et Mme [K] diligentées à l'encontre de la société Maison Eureka sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil

A titre subsidiaire,

- dire et juger M.et Mme [K] mal fondés en leurs demandes,

A titre reconventionnel,

- condamner solidairement M. et Mme [K] à payer à la société [Adresse 7] la somme de 7 603,70 euros en principal, assortie des intérêts au taux conventionnel de 1% par mois à compter 13 août 2020 ;

En toutes hypothèses,

- débouter M. et Mme [K] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

- condamner solidairement M. et Mme [K] à payer à la société Maison Eureka une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- condamner solidairement M. et Mme [K] aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2024.

Le 27 février 2025, la cour a relevé que la déclaration d'appel reçue au greffe le 2 avril 2023 mentionne, s'agissant de l'objet et de la portée de l'appel : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués », et a demandé aux parties, au visa des articles 12, 13, 550, 562 et 901 du code de procédure civile, de formuler leurs observations avant le 21 mars 2025 sur la régularité de la déclaration d'appel et son effet dévolutif, ainsi le cas échéant que sur la recevabilité de l'appel incident régularisé par conclusions signifiées électroniquement le 2 juin 2023.

Par note en délibéré reçue par RPVA le 7 mars 2025, la société [Adresse 7] soutient l'irrégularité de la déclaration d'appel du 3 avril 2023 faute de détailler les chefs de jugement critiqués en soutenant la nullité de celle-ci et l'irrecevabilité de la procédure d'appel de M. et Mme [K]. S'agissant de l'appel incident, elle déduit de l'article 550 du code civil que celui-ci ne peut être reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.

M. et Mme [K] n'ont pas transmis d'observation dans le délai autorisé.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'appel principal

L'article 901 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige dispose que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

L'article 562 du même code dans sa version applicable au litige énonce que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il résulte de ces textes que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, de sorte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2è Civ., 30 juin 2022, n°21-12.720).

En l'espèce, la déclaration d'appel reçue au greffe le 2 avril 2023 mentionne, s'agissant de l'objet et de la portée de l'appel : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ».

Faute de mention des chefs de jugement expressément critiqués, étant observé que la déclaration d'appel ne mentionne pas davantage qu'il tend à l'annulation du jugement, l'effet dévolutif n'opère pas, et il sera constaté que la cour n'est pas saisie de l'appel principal.

Sur l'appel incident

L'article 562 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige énonce que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En vertu de l'article 550 du même code dans sa version applicable au litige, sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable ou s'il est caduc.

Il résulte de ces textes que lorsque l'appel principal est recevable mais dépourvu d'effet dévolutif, l'appel incident ou l'appel provoqué formé par conclusions dans le délai imparti par les articles 905-2 et 909 du code de procédure civile est recevable et a un effet dévolutif, la cour d'appel étant alors saisie des seuls chefs de dispositif du jugement critiqués par cet appel incident ou provoqué (2è Civ., 21 novembre 2024, n°22-18.028).

En l'espèce, la société Maison Eureka a formé appel incident par conclusions signifiées électroniquement le 2 juin 2023 sur les chefs de jugement qui ont :

- déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile,

- débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes,

- ordonné le partage par moitié des dépens entre les parties,

- laissé à la charge de chacune des parties ses frais engagés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cet appel incident saisit valablement la cour pour les seuls chefs de dispositif du jugement critiqués par cet appel incident.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société [Adresse 7]

La société Maison Eureka forme un appel incident portant sur le rejet de la fin de non-recevoir soulevée en réponse aux demandes formées par M. et Mme [K].

Toutefois, il a été démontré ci-dessus que la cour n'est pas saisie de l'appel principal faute d'effet dévolutif de la déclaration d'appel, de sorte qu'il doit être constaté que la demande formée par la société [Adresse 7] tendant à déclarer forcloses les demandes de M. et Mme [K] est dépourvue d'objet.

Sur la demande reconventionnelle en paiement du solde du prix

La société Maison Eureka sollicite la condamnation solidaire de M. et Mme [K] à lui payer la somme de 7 603,70 euros au titre de la retenue de garantie correspondant à 5% du prix de la construction. Elle se prévaut au soutien de cette demande du courrier adressé le 15 juillet 2019 par le constructeur à M. et Mme [K] contenant appel du solde du prix de la construction et rappelant le prix de vente ainsi que le cumul des appels de fonds déjà réglés par M. et Mme [K].

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation dont la prouver.

En l'espèce, il appartient à la société [Adresse 7] de rapporter la preuve de l'obligation dont elle sollicite l'exécution.

A cette fin, elle ne produit qu'une unique pièce consistant en un courrier daté du 15 juillet 2019, dont l'objet est « paiement du « solde de prix » », précisant que la somme de 7 603,70 euros est réclamée.

Toutefois, aucun élément ne permet de démontrer, d'une part, que ce courrier ait bien été adressé à M. et Mme [K], étant observé qu'il ne comporte aucune signature y compris sous la mention « signature des clients » y figurant. D'autre part, aucun élément n'est produit pour justifier des versements antérieurs qui auraient été réalisés par M. et Mme [K].

Dans ces conditions, la société Maison Eureka échoue à rapporter la preuve de l'obligation en paiement dont elle sollicite l'exécution et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Sur les demandes accessoires

L'appel incident formé par la société [Adresse 7] porte également sur les demandes accessoires tranchées par le premier juge, lesquelles seront confirmées en ce que la décision entreprise a ordonné le partage par moitié des dépens et laissé à la charge de chacune des parties ses frais engagés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [K] seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel.

La société Maison Eureka sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Constate que la déclaration d'appel de M. et Mme [K] est dépourvue de tout effet dévolutif et ne saisit pas valablement la cour ;

Constate que l'appel incident formé par la SAS [Adresse 7] portant sur la recevabilité des demandes formées par M. et Mme [K] est sans objet ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 14 mars 2023 en ce qu'il a :

- débouté la SAS Maison Eureka de sa demande reconventionnelle en paiement à l'égard de M. et Mme [K] ;

- ordonné le partage par moitié des dépens entre les parties ;

- laissé à la charge de chacune des parties ses frais engagés au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [K] et Mme [W] [D] épouse [K] in solidum aux dépens de la procédure d'appel ;

Déboute la SAS [Adresse 7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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