CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 28 mai 2025, n° 23/18691
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mollat
Conseillers :
Pelier-Tetreau, Tabourot
Avocats :
Etevenard, Cuntz, Saigne, Boccon Gibod, Henriet
Exposé des faits et de la procédure
La Société [21] est une société anonyme, gérant des participations dans l'hôtellerie, l'immobilier, les casinos, et cotée l'un des marchés [23].
Monsieur [G] est actionnaire de la société [20] depuis 2009.
Il a été désigné président du conseil d'administration le 30.09.2017 et révoqué le 4.02.2020.
Monsieur [G] directement ou par l'intermédiaire de sociétés qu'il contrôle s'agissant de la société de droit luxembourgeois [24], de la société [19], et de la société [28] détenait en 2018 28,1% des parts et 29,998% des droits de vote d'[20].
En juin et septembre 2019 certaines actions détenues par Monsieur [G] ou les sociétés qu'il contrôle ont acquis des droits de vote doubles conformément aux statuts de la société [20]
Monsieur [G] qui directement ou par l'intermédiaire des sociétés qu'il contrôle détenait 28,4% des actions et a disposé de 39,24% des droits de vote.
Monsieur [G] et les sociétés qu'il contrôle ont déclaré le franchissement du seuil de 30% auprès de l'Autorité des Marchés Financiers le 14.06.2023 rétroactivement et à la hausse pour 2019 et à la baisse pour 2023.
Par acte de commissaire de justice en date du 4.04.2023 la société [20] a fait assigner Monsieur [G], la société de droit luxembourgeois [24], la société [19], et la société [28] devant le tribunal de commerce de Paris, principalement, pour qu'ils soient collectivement privés de leurs droits de vote pour la fraction excédant le seuil de 30% dans l'attente du dépôt par Monsieur [G] d'un projet d'offre publique visant l'ensemble des titres de la société [20], pour qu'il leur soit fait injonction de déposer une telle offre et pour qu'ils soient privés de la totalité des droits de vote attachés à leurs actions pour une durée de 5 ans en raison du manquement délibéré à leurs obligations déclaratives.
Par jugement en date du 20.10.2023 le tribunal de commerce de Paris:
- a jugé que les défendeurs n'ont pas, à compter de juin 2019, respecté la loi concernant le franchissement de seuils dans leur détention du capital et des droits de vote de la société [20],
- s'est déclaré incompétent pour enjoindre les défendeurs à lancer une offre publique d'achat, en lieu et place de l'Autorité des marchés financiers ;
- a condamné solidairement les défendeurs à payer à la société [20] la somme de 30 000 ' à titre de dommages et intérêts ;
- a déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- a condamné solidairement les défendeurs à verser à la société [20] la somme de 20 000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- a condamné solidairement les défendeurs aux dépens.
Le tribunal a jugé qu'il était incompétent pour faire injonction à Monsieur [G] de déposer une offre publique d'achat.
Il a par ailleurs retenu que le bureau de l'assemblée générale de la société avait de façon répétée suspendu les droits de vote de Monsieur [G] et de ses sociétés au-dessus du seuil de 30% et que cette suspension produisait ses effets jusqu'en juin 2025, mais relevant le contexte particulier de l'actionnariat de la société [20], puisque depuis 15 ans des actionnaires significatifs agissant ou non de concert sont en conflit pour la prise de contrôle de la société, a constaté que Monsieur [G] n'avait jamais réellement exercé un contrôle sur la société [20], la preuve en étant qu'il avait été révoqué en février 2020, et également qu'il n'avait en rien tenté d'utiliser ses droits de vote depuis juillet 2019 s'abstenant même de prendre part à tout vote significatif depuis février 2020, qu'en conséquence uneprivation supplémentaire de la totalité des droits de vote -au delà de la suspension en cours des droits au-delà de 30% jusqu'en 2025- serait une sanction excessive.
Le tribunal n'a donc pas fait droit aux demandes de la société [20].
La société [20] et la SAS [16] prise en la personne de Me [N] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [20] ont interjeté appel le 22.11.2023.
En effet avant l'introduction de la procédure la société [20] a été placée sous le régime de la sauvegarde de justice et un plan de sauvegarde a été arrêté d'une durée de 6 mois par jugement du 22.02.2022. Me [N] a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan par ordonnance du 21.09.2023, en remplacement de Me [X]. Par arrêt du 3.09.2024 la cour d'appel constatant que le plan était exécutée depuis le 22.08.2022 a procédé à l'annulation de l'ordonnance du 21.09.2023 et a mis fin rétroactivement à la mission de la société [16].
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 10.12.2024, la société [20] demande à la cour de:
Vu les articles L. 233-7, L. 233-10, L. 233-14, L. 721-3, R. 233-1 du code de commerce, l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, les articles 223-14, 231-3 et 234-2 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers et vu les dispositions de l'article 16 de la Convention des Droits de l'Homme, de l'article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et des articles 75 du code de procédure civile, et L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution,
1) Déclarer et juger la société S.A. [21] recevable et bien fondée en sa présente action et en son appel ;
2) Déclarer hors de cause la SAS [16] en la personne de Maître [V] [N], mandataire judiciaire et Maître [V] [N];
3) Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 octobre 2023 en ce qu'il:
- s'est déclaré incompétent pour enjoindre les défendeurs à lancer une offre publique d'achat, en lieu et place de l'Autorité des marchés financiers,
- s'est limité à condamner solidairement les défendeurs à payer à [21] la somme de 30.000 euros au titre de dommages et intérêts,
- a débouté [21] de ses demandes autres, plus amples ou contraires,
- s'est limité à condamner solidairement les défendeurs à verser à [21] la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
4) Déclarer et juger que Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] ont délibérément omis de déclarer le franchissement du seuil de 30% des droits de vote de la société [21];
En conséquence,
5) Déclarer irrecevable la demande des intimés tendant à l'incompétence du tribunal de commerce et de la cour d'appel de Paris.
6) Débouter Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] de toutes leurs demandes fins et prétentions,
7) Déclarer et juger qu'en raison du manquement délibéré des intimés à leur obligation de déposer un projet d'offre, Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] doivent être collectivement privés de leurs droits de vote pour la fraction excédant le seuil de 30% des droits de vote, dans l'attente du dépôt par ce dernier d'un projet d'offre publique visant l'ensemble des titres de la société [21] et libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré conforme par l'AMF ; et les en priver.
8) Déclarer et juger qu'en raison du manquement délibéré des intimés à leurs obligations déclaratives, Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] doivent être privés de la totalité des droits de vote attachés à leurs actions pour une durée de cinq ans ; et les en priver.
9) Prononcer la privation de la totalité des droits de vote attachés aux actions de Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] pour une durée de cinq ans ;
10) Enjoindre et condamner solidairement à Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28], nonobstant la privation de la totalité des droits de vote pour cinq ans, de déposer un projet d'offre publique visant les actions de la société [21] libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré conforme par l'AMF, en raison du franchissement en hausse du seuil de 30% des droits de vote de la Société, cette injonction étant assortie d'une astreinte journalière de 5 000 euros par jour de retard ; et les y condamner.
11) Condamner solidairement Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] à verser 100 000 euros à titre de dommages et intérêts à [21] au titre du préjudice subi du fait de leur résistance abusive ;
12) Condamner solidairement Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] à verser à [21] une somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 27.11.2024 Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] demandent à la cour de:
Vu les articles 122, 133, 138, 146, 367, 514-1 et 858 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 228-2, L. 233-7, L. 233-10, et L. 233-14 du code de commerce,
Vu l'article L. 433-3 du code monétaire et financier,
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 octobre 2023 en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour enjoindre à Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] de déposer un projet d'offre publique visant les actions de la société [21] ;
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 octobre 2023 en ce qu'il a débouté la société [21] de sa demande de privation de la totalité des droits de vote attachés aux actions de Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] pour une durée de cinq ans ;
Infirmer le jugement en ce qu'il :
« condamne solidairement les défendeurs à payer à [21] la somme de 30.000 euros au titre de dommages et intérêts » ;
« Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires » ; mais seulement en
ce qu'il déboute Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28]
« Condamne solidairement les défendeurs à payer à [21] la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile »
« Condamne solidairement les défendeurs aux dépens »
Et statuant à nouveau de ces trois chefs :
- Débouter la société [21] de sa demande de condamnation de Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [27]
[18] à des dommages et intérêts ;
- Débouter la société [21] de sa demande de condamnation de Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [27]
[18] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- Condamner la société [21] à payer à Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et aux dépens de première instance ;
Confirmer pour le surplus le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 20 octobre 2023 pour les chefs ne faisant pas griefs aux concluants et débouter la société [21] de ses demandes, fins et conclusions.
Y ajoutant
Condamner la société [21] à payer à Monsieur [F] [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] la somme de 40.000 euros en cause d'appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société [21] au paiement de l'ensemble des frais et dépens d'appel, qui seront recouvrés par Me Matthieu Boccon-Gibod, SELARL LX Paris-Versailles-Reims, Avocat constitué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par avis signifié le 13.05.2024 le ministère public conclut à la confirmation du jugement par la cour en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent pour enjoindre aux défendeurs de lancer une offre publique d'achat et en ce qu'il a jugé qu'ils avaient omis de déclarer le franchissement de seuil de 30% des droits de vote de la société [20].
Il est cependant d'avis que la cour réforme le jugement et ordonne que les défendeurs seront privés de leurs droits de vote pour la fraction excédant le seuil de 30% des droits de vote jusqu'en juin 2026.
Enfin le ministère public propose à la cour de débouter l'appelante de sa demande au titre de dommages et intérêts ou de confirmer la condamnation de première instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19.12.2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mise hors de cause de la SAS [16]
Il y a lieu de mettre hors de cause la SAS [16] en la personne de Maître [V] [N], mandataire judiciaire et Maître [V] [N] puisque l'ordonnance les ayant désignés en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [20] a été annulée en raison de l'exécution du plan de sauvegarde.
Sur le dépassement du seuil de 30% et sur l'injonction à déposer un projet d'offre publique d'achat
La société [20] expose qu'entre le 15.06.2019 et le mois de juin 2023 Monsieur [G] directement ou indirectement a dépassé de façon très importante le seuil de 30% puisqu'il a détenu jusqu'au 42,40% des droits de vote, et n'a régularisé la situation que postérieurement à l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce de Paris par la mise au porteur d'une partie de ses actions, que sa déclaration est en date du 14.06.2023.
Elle indique qu'avant même le prononcé du jugement du tribunal de commerce Monsieur [G] a de nouveau franchi ce seuil et de nouveau n'a pas procédé immédiatement à une déclaration, puisque lors de l'assemblée générale du 25.06.2024 il détenait 30,53% des droits de vote, qu'il a depuis déclaré auprès de l'AMF avoir franchi dès le 31.08.2023 le seuil de 30% et détenir 30,21%, que cependant sa déclaration a été effectuée avec près d'un an de retard le 6.08.2024, que Monsieur [G] a franchi le 5.08.2024 à la baisse le seuil après une nouvelle mise au porteur d'une partie de ses actions.
Elle souligne que le Collège de l'AMF a refusé le 13.10.2024 une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique exposant que le franchissement ne résultait pas d'une situation involontaire ou non imputable au demandeur.
Elle expose que contrairement à ses déclarations à l'AMF aux termes desquelles il exposait ne pas envisager de prendre le contrôle de la société au sens de l'article L.233-3 du code de commerce, Monsieur [G] a pris le contrôle de la société le 30.09.2017 en obtenant un vote majoritaire de l'assemblée générale favorable à la révocation de la totalité des administrateurs, puis sa désignation ainsi que de 6 autres personnes proposées ou soutenues par lui comme administrateur, puis enfin sa nomination à la tête de la société et que sous son égide le conseil d'administration a décidé d'une nouvelle augmentation de capital qui a permis de Monsieur [G] de conforter sa place de premier actionnaire.
La société [20] conclut que le tribunal et en suivant la cour sont compétents pour faire injonction aux défendeurs de déposer un projet d'offre publique visant les actions [20], sur le fondement de l'article L.433-3, I du code monétaire et financier, et en l'absence d'un monopole de l'AMF consacré par un texte de loi, alors que par ailleurs le tribunal et la cour disposent d'un pouvoir général d'injonction.
Elle soutient qu'au regard des règles de compétences prévues à l'article L.721-3 du code de commerce le tribunal de commerce est compétent pour connaitre des contestations relatives aux sociétés commerciales, qu'aux termes de l'article L.433-3, I du code monétaire et financier l'obligation de lancer une OPA résulte du franchissement en hausse du seuil de 30% des droits de vote, que cette situation est objective et n'a pas à être constatée préalablement par l'AMF, que la demande d'injonction portant sur la demande de dépôt d'un projet d'offre publique constitue une contestation, qu'enfin dans la mesure où la personne qui détient plus de 30% des droits de vote est tenue de déposer un projet d'OPA cette obligation peut faire l'objet d'une injonction ordonnée par un tribunal.
Au demeurant elle expose que l'exception d'incompétence est irrecevable faute de désigner la juridiction compétente et qu'il appartenait aux intimés de la désigner dans un déclinatoire de compétence sans que son absence puisse être suppléée par des écritures postérieures.
Monsieur [G] expose qu'aux termes de l'article 29 des statuts de la société [20] un droit de vote double est attribué à toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié, cinq jours avant l'assemblée, d'une inscription nominative depuis deux ans au moins au nom du même actionnaire ou de ses ayants- droits, qu'en juin 2019 des actions acquises en juin 2017 par les société [25] et [28] ont acquis le droit de vote double, que le 25 septembre 2019, les actions souscrites par les intimés dans le cadre de l'émission d'action du 25 septembre 2017, à hauteur de leurs participations respectives, ont acquis le droit de vote double, qu'il n'y a donc pas eu de prise de contrôle rampante que le nombre d'actions détenues par Monsieur [G] et les sociétés qu'il contrôle était de notoriété publique.
Il souligne que lui et les sociétés qu'il contrôle n'ont participé à aucune assemblée générale de la société [20] depuis qu'ils ont franchi le seuil de détention de 30%.
Sur la demande d'injonction à déposer une offre publique d'achat, Monsieur [G] et les sociétés qu'il contrôle exposent que ce n'est pas un problème de compétence mais une question de pouvoir et soutiennent que seule l'AMF a la faculté d'enjoindre à un associé d'une société cotée de déposer une OPA, qu'un tribunal de commerce ne peut connaître d'aucun recours contre les décisions de l'AMF, ni d'aucune action qui serait engagée par un justiciable pour faire réprimer un manquement allégué au règlement général de l'AMF.
Ils indiquent que l'AMF peut délivrer des injonctions et plus précisément, que l'AMF a le pouvoir, d'office ou à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier:
- de prononcer elle-même une injonction administrative puisqu'en application des dispositions de l'article R. 621-37 du code monétaire et financier, la procédure d'injonction administrative peut être mise en 'uvre sur proposition du secrétaire général de l'AMF ; ou
- de demander au président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, de prononcer une injonction judiciaire pour qu'il soit mis fin au manquement constaté (article L. 621-14 III)
Ils concluent qu'en matière de franchissement de seuil, l'AMF a le pouvoir d'enjoindre à un actionnaire de déposer un projet d'offre publique d'achat lorsque les conditions posées par l'article 234-2 du règlement général de l'AMF sont remplies et qu'en revanche, aucun texte ne confère à une autre personne que l'AMF (et, en particulier, ni à la société ni à un actionnaire) une quelconque qualité pour saisir directement un juge judiciaire afin que celui-ci prononce une injonction de déposer un projet d'offre publique, qu'en effet une telle injonction s'apparente à une décision administrative et relève de la mission de régulation des marchés déléguée à l'AMF de manière exclusive.
Ils font valoir qu'en toute hypothèse, l'injonction de déposer un projet d'offre publique adressée par l'AMF aux intimés le 14.10.2024 a rendu sans objet la demande d'[20].
Le ministère public rappelle que l'AMF détient par la loi n°2003-706 du 1.08.2003 le pouvoir d'injonction administrative étendu à toutes les pratiques contraires aux dispositions législatives et réglementaires de nature à porter atteinte aux droits des épargnants, à fausser le fonctionnement du marché, à procurer aux intéressés un avantage injustifié, à porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs, que le président de l'AMF a en outre la faculté de saisir le premier président de la cour d'appel de Paris aux fins d'injonction en cas de
pratique contraire aux lois et règlements afin que les auteurs y mettent fin ou en suppriment les effets, qu'il n'existe aucun texte attribuant conjointement avec l'AMF la faculté pour le tribunal ou la cour de prononcer une injonction en cas de pratique contraire aux lois et règlements afin que les auteurs y mettent fin ou en suppriment les effets et il n'existe pas plus de jurisprudence en ce sens, qu'il en résulte que la compétence de l'AMF doit être tenue pour exclusive et en conséquence que l'incompétence retenue doit être confirmée.
Sur ce
Il n'est pas contesté par les parties que les droits de vote détenus dans la société [20] par Monsieur [G], directement ou indirectement, sont supérieurs au seuil de 30%.
L'article L. 621-1 du code monétaire et financier décrit les missions de l'Autorité des marchés financiers qui est une autorité publique indépendante .
La mission de l'AMF est ainsi de veiller à la protection de l'épargne et à ce titre de vérifier la bonne information des investisseurs et le respect des règles régulant les marchés financiers.
Au terme de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier dans son I afin d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les règles relatives aux offres publiques portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français.
Aux termes de l'article L. 433-3 du même code dans son I, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale, actionnaire d'une société dont le siège social est établi en France, et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, venant à détenir, directement ou indirectement, plus des trois dixièmes du capital ou des droits de vote, ou détenant, directement ou indirectement, un nombre compris entre trois dixièmes et la moitié du capital ou des droits de vote et qui, en moins de douze mois consécutifs, augmente sa détention en capital ou en droits de vote d'au moins un centième du capital ou des droits de vote de la société, est tenue d'en informer immédiatement l'Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d'offre publique en vue d'acquérir une quantité déterminée des titres de la société. A défaut d'avoir procédé à ce dépôt, les titres détenus par cette personne au-delà des trois dixièmes ou au-delà de sa détention augmentée de la fraction d'un centième susmentionnée du capital ou des droits de vote sont privés du droit de vote.(souligné en gras par la cour)
Le règlement général de l'AMF règlemente ainsi dans ses articles 234-1 et suivants les modalités du dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique, l'article 234-2 rappelant expressément que lorsqu'une personne détient plus de 30% des droits de vote d'une société elle est tenue à son initiative d'informer l'AMF et de déposer une offre publique visant la totalité du capital, mais également les autorisations qui peuvent être accordées par l'AMF de franchissement temporaire ainsi que de dérogations.
Pour mettre en oeuvre les missions qui lui sont confiées l'AMF dispose de pouvoirs de réglementation et de décision, de pouvoirs d'autorisation, de pouvoirs de contrôle et d'enquête, de pouvoirs de sanctions et peut également prendre ou demander à ce que soient prises des injonctions et des mesures urgentes.
Cependant il résulte des articles L. 621-13, L. 621-13-5, et L. 621-14 du code monétaire et financier que seul le président de l'AMF, ou son secrétaire général dans un cas précis, peut saisir le juge judiciaire, en la personne du président du tribunal judiciaire, pour voir ordonner certaines injonctions.
C'est ainsi que l'article L. 621-14 dispose :
dans son II le collège de l'AMF peut, après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses explications, ordonner qu'il soit mis fin, en France et à l'étranger, aux manquements aux obligations résultant des règlements européens, des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de marché et la divulgation illicite d'informations privilégiées mentionnées aux c, d, e et f du II de l'article L. 621-15, ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs, au bon fonctionnement des marchés ou à tout autre manquement aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
et dans son III que le président de l'Autorité des marchés financiers peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui est responsable de la pratique relevée de se conformer aux règlements européens, aux dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets.
La demande est portée devant le président du tribunal judiciaire de Paris qui statue en référé. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer pour l'exécution de son ordonnance une astreinte versée au Trésor public.(...).
Il ressort ainsi des textes que les missions de l'AMF qui lui sont confiées à titre exclusif et les attributions associées à l'exercice de ces missions ne sont pas, en conséquence de cette spécialisation, partagées avec quiconque dans leur mise oeuvre mais uniquement soumises au contrôle de la justice judiciaire dans le cadre des recours contentieux organisés.
Ainsi au regard des textes applicables seule l'AMF peut ordonner à une personne de mettre fin à des manquements de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché et donc enjoindre à une société de déposer une offre publique d'achat lorsqu'elle dépasse le seuil de 30% des droits de vote d'une société cotée sur un marché réglementé.
En outre seule l'AMF peut saisir le président du tribunal judiciaire pour voir prononcer une injonction à l'encontre d'une personne à se conformer aux dispositions législatives, et en l'espèce à déposer une offre publique d'achat. Le pouvoir général d'injonction reconnu à l'autorité judiciaire ne saurait permettre de déroger aux attributions exclusives confiées à l'AMF.
En l'espèce la société [20] a saisi le tribunal de commerce pour qu'il soit fait injonction à Monsieur [G] et aux sociétés qu'il contrôle de déposer une offre publique d'achat.
Cependant, au regard des textes rappelés ci-dessus, non seulement la société est irrecevable à saisir directement l'autorité judiciaire mais en outre le tribunal de commerce ne dispose pas du pouvoir juridictionnel pour ordonner une telle injonction.
Il y a donc lieu de débouter la société [20] de sa demande qu'il soit enjoint aux intimés de déposer une offre publique d'achat.
Sur la suspension des droits de vote
La société [20] expose d'une part que Monsieur [G] n'a eu de cesse pendant plusieurs années de cacher son dépassement de seuil et d'autre part que la situation n'est toujours pas régularisée par Monsieur [G] et ce depuis 2019, sauf à deux périodes courtes, que cette violation répétée de ses obligations justifie une réponse exemplaire dont le caractère sera dissuasif pour l'avenir.
Elle expose que le bureau de l'assemblée générale a décidé le 23.07.2021 un gel partiel des droits de vote de Monsieur [G], sanction réitérée par le bureau des assemblées générales annuelles qui se sont tenues en 2021, 2022, 2023 et 2024, que cette limitation est toujours en cours car applicable pour toute assemblée générale qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la régularisation qui a eu lieu le 26.06.2023.
Elle soutient que, pour prendre fin, le plafonnement prévu à l'article L. 433-3 I du code monétaire et financier suppose le dépôt effectif par l'actionnaire défaillant d'un projet d'offre publique, que cette sanction s'impose au juge et qu'en conséquence tant que Monsieur [G] n'a pas déposé un projet d'OPA elle s'applique.
Elle demande ainsi que Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28]:
- soient collectivement privés de leurs droits de vote pour la fraction excédant le seuil de 30% des droits de vote, en raison du manquement délibéré des intimés à leur obligation de déposer un projet d'offre, dans l'attente du dépôt d'un projet d'offre publique
- soient privés de la totalité des droits de vote attachés à leurs actions pour une durée de cinq ans en raison de leur manquement délibéré à leurs obligations déclaratives
- soient privés de la totalité des droits de vote attachés à leurs actions pour une durée de cinq ans.
Les intimés exposent que la société [20] n'a pas qualité pour demander à la cour de priver les intimés de leurs droits de vote pour la fraction excédant le seuil de 30% des droits de vote, « dans l'attente du dépôt par ce dernier d'un projet d'offre publique visant l'ensemble des titres de la société [21] et libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré conforme par l'AMF » sur le fondement de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier.
Ils soutiennent que la sanction de privation des droits de vote prévue à l'article L. 433-3 I du code monétaire et financier relève de la compétence exclusive de l'AMF.
Sur le fond, ils font valoir qu'il est faux de soutenir que le dépôt d'une offre publique s'imposerait et que le défaut de dépôt d'une offre publique lèserait les actionnaires minoritaires de la société [20], qu'en effet, les intimés ne sont soumis à aucune obligation de déposer une offre publique dans la mesure où leur franchissement de seuil, purement passif, n'est pas le fruit d'une prise de contrôle rampante de la société [20].
Ils concluent également que le contrôle de la société [20] n'est pas aux mains des intimés ainsi qu'en atteste la présente instance initiée par la société à leur encontre et que M. [G] et les sociétés font en réalité figurent de minoritaires face au concert [34] qui contrôle la société sans avoir procédé à aucune déclaration.
S'agissant de l'application de l'article L. 233-14 du code de commerce les intimés exposent que la privation des droits est automatique et n'a pas à être prononcée par un juge mais que c'est au bureau de l'assemblée générale qu'il revient de veiller à la suspension de l'exercice des droits de vote en cas de défaut de déclaration d'un franchissement de seuil, que la Cour de cassation a rappelé qu'en l'absence de régularisation d'une déclaration de franchissement de seuil, la privation des droits de vote décidée par le bureau de l'assemblée se maintenait sans limitation de durée, que l'alinéa 3 de l'article L. 233-14 du code de commerce instaure en outre une sanction facultative à l'encontre de l'actionnaire qui n'aurait pas procédé aux déclarations prévues à l'article L. 233-7 du code de commerce, que cet article dispose que le tribunal de commerce peut prononcer la suspension totale ou partielle, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, des droits de vote de l'actionnaire défaillant, que la sanction facultative est prononcée par le tribunal en cas d'intention frauduleuse de l'actionnaire, qu'en l'espèce et ainsi que l'a retenu le tribunal les circonstances ne justifient pas d'imposer aux intimés une sanction facultative de l'alinéa 3 de l'article L. 233-14 du code de commerce, dès lors qu'ils ne sont animés d'aucune intention frauduleuse, que le franchissement du seuil en droits de vote est purement passif et qu'aucun droit de vote excédentaire n'a été exercé par eux depuis ledit franchissement.
Le ministère public concluant à la compétence de la cour, fait valoir la résistance de Monsieur [G] à se conformer à ses obligations depuis janvier 2019, le dépassement du seuil et le fait que celui-ci à ce jour n'a déposé aucune offre publique d'achat ni demandé aucune dérogation à l'AMF. Il propose en conséquence que la suspension partielle des droits de vote au-dessus du seuil de 30% soit prononcée pour une durée de deux ans.
Sur ce
Aux termes de l'article L. 233-7, I du code commerce
dans son paragraphe I lorsque les actions d'une société sont admises aux négociations sur un marché réglementé toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, des trois dixièmes, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède.
Dans son II la personne tenue à l'information mentionnée au I informe également l'Autorité des marchés financiers dans un délai et selon des modalités fixées par son règlement général, à compter du franchissement du seuil de participation lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé.
L'article R.233-1 du code de commerce énonce que pour l'application du I de l'article L.233-7, l'information est adressée à la société au plus tard avant la clôture des négociations du quatrième jour de bourse suivant le jour du franchissement du seuil de participation.
L'article 223-14 du règlement général de l'AMF dispose que les personnes tenues à l'information mentionnée au I de l'article L.233-7 du code de commerce dépose auprès de l'AMF, avant la clôture des négociations, au plus tard le quatrième jour de négociation suivant le franchissement du seuil de participation.
Pour l'application de l'alinéa précédant l'AMF publie sur son site le calendrier des jours de négociation des différents marchés réglementés établis ou opérant en France.
L'article L. 233-14 du code de commerce dispose dans son alinéa 3 que le tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social peut, le ministère public entendu, sur demande du président de la société, d'un actionnaire ou de l'AMF, prononcer la suspension totale ou partielle, pour une durée ne pouvant excéder 5 ans, de ses droits de vote à l'encontre de tout actionnaire qui n'aurait pas procédé aux déclarations prévues à l'article 233-7 ou qui n'aurait pas respecté le contenu de la déclaration prévue au VII de cet article pendant la période de 6 mois suivant sa publication dans les conditions fixées par le règlement général de l'AMF.
L'article L.433-3, I du code monétaire et financier dispose que le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert au sens des dispositions de l'article L. 233-10 du code de commerce et venant à détenir, directement ou indirectement, une fraction du capital ou des droits de vote d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, est tenue d'en informer immédiatement l'Autorité et de déposer un projet d'offre publique en vue d'acquérir une quantité déterminée des titres de la société ; à défaut d'avoir procédé à ce dépôt, les titres qu'elle détient au-delà de la fraction du capital ou des droits de vote sont privés du droit de vote.
S'agissant de la demande de suspension des droits de vote de Monsieur [G] et de ses sociétés pour les actions dépassant la fraction autorisée de détention, fondée sur l'absence de dépôt d'une offre publique d'achat
Comme indiqué ci-dessus concernant les pouvoirs juridictionnels dévolus à l'AMF et/ou aux tribunaux, les textes régissant les missions exercées par l'AMF lui attribuent une compétence exclusive pour contrôler et sanctionner le non-respect des obligations légales d'un associé s'agissant de la détention du capital d'une société cotée, sauf texte particulier prévoyant une compétence partagée ou une compétence judiciaire exclusive.
Ainsi la sanction de l'absence de dépôt d'une offre publique d'achat par la privation des droits de vote attachés aux actions dépassant le seuil de détention autorisé est prévue par l'article L.433-3 I qui donne compétence exclusive au règlement général de l'AMF pour régir les modalités de l'information de l'autorité de contrôle par l'actionnaire dont la détention dépasse les seuils, et organiser le dépôt du projet d'OPA.
Au regard de la rédaction du texte la mise en oeuvre de la sanction qui découle d'une absence de dépôt relève également du règlement général de l'AMF et à ce titre des attributions exclusives de cette autorité.
La demande de la société [20] de voir le tribunal de commerce prononcer une sanction à l'encontre de Monsieur [G] et des sociétés qu'il contrôle pour ne pas avoir déposé d'OPA ne relève donc pas des pouvoirs juridictionnels du tribunal de commerce et donc en suivant de la cour.
S'agissant de la demande tendant à ce que Monsieur [G] et des sociétés qu'il contrôle soient privés de la totalité des droits de vote attachés à leurs actions pour une durée de cinq ans en raison du manquement délibéré à leurs obligations déclaratives
En application de l'article L.233-14 3ème alinéa du code de commerce il appartient au tribunal de commerce de prononcer la suspension totale ou partielle pour une durée ne pouvant excèder 5 ans, des droits de vote d'un actionnaire qui n'aurait pas procédé aux déclarations prévues à l'article L.233-7 c'est à dire qui n'aurait pas informé la société et/ou l'AMF à compter du franchissement de son seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède.
Cette disposition n'a pas pour objet de sanctionner le dépassement en lui-même. Celui ci n'est pas critiqué si le dépôt d'une offre publique d'achat suit la constatation du dépassement, étant rappelé que la sanction de l'absence de dépôt d'une offre publique d'achat relève de la seule compétence de l'AMF. Le fait que Monsieur [G] et des sociétés qu'il contrôle n'aient jamais déposé d'offre publique d'achat depuis le premier dépassement en 2019 ne peut donc être retenu pour caractériser la violation de l'obligation de déclaration.
Cette disposition sanctionne l'absence de déclaration du dépassement.
En l'espèce, Monsieur [G] et ses sociétés ont effectué une déclaration du seuil de franchissement auprès de l'AMF le 14.06.2023 alors que le seuil de dépassement avait été franchi dès juin 2019.
C'est donc avec 4 ans de retard que cette déclaration a été effectuée auprès de l'AMF.
Monsieur [G] et des sociétés qu'il contrôle font valoir que ce franchissement s'est fait de façon passive, par le doublement des droits de vote des actions détenues depuis plus de deux ans, mais le fait que le franchissement du seuil des droits de vote détenus se soit effectué par l'effet d'une stipulation des statuts plutôt que par l'achat d'actions supplémentaires n'est pas de nature à dispenser l'actionnaire d'informer l'AMF dudit franchissement.
Le fait que Monsieur [G] et des sociétésqu'il contrôle n'aient pas exercé leurs droits de vote depuis le dépassement lors des assemblées générales qui se sont tenues est également indifférent dans la mesure où la déclaration auprès de l'AMF a pour but d'informer le marché réglementé sur lequel est cotée la société, du fait qu'un des actionnaires en raison d'une détention supérieure au seuil de 30% dispose d'une minorité de contrôle, pour que les investisseurs éventuels achètent en toute connaissance de cause. Il s'agit donc d'une information à destination du public boursier qui est indépendante du fonctionnement interne de l'assemblée générale des actionnaires.
Au contraire il est démontré que Monsieur [G] et les sociétés qu'il contrôle étaient informés de leurs obligations déclaratives d'une part, de l'importance du franchissement d'autre part et ont en toute connaissance de cause omis de remplir celles-ci.
En ne procédant pas pendant 4 ans à cette information de l'AMF Monsieur [G] et les sociétés qu'il contrôle ont porté une atteinte répétée aux principes de transparence qui doivent régir le marché, et se sont également volontairement soustraits aux règles imposant le dépôt d'une offre publique d'achat, dont l'AMF pouvait vérifier la mise en oeuvre dès lors qu'elle était informée du franchissement du seuil. La dissimulation pendant 4 ans de l'existence du franchissement à l'égard de l'autorité de contrôle a donc à la fois préjudicié le marché boursier mais a également servi à échapper aux contraintes de la règlementation boursière relatives aux minorités de contrôle.
Enfin l'existence de conflit récurrent entre les actionnaires relatif au contrôle de la société n'est pas un motif exonératoire de responsabilité mais au contraire démontre la nécessité de respecter le principe de transparence concernant la répartition des droits de vote au sein de la société et donc de la législation garantissant l'effectivité de cette transparence.
Au regard de la gravité des manquements, il y a lieu de sanctionner le comportement de Monsieur [G] et des sociétés qu'il contrôle en les privant de leurs droits de vote concernant l'ensemble de leurs actions pour une durée de 5 ans.
Sur la demande de dommages et intérêts
La société [20] demande 100.000 euros de dommages et intérêts au regard de la gravité des manquements, du trouble causé à la société et de la nécessité pour elle de saisir le tribunal puis la cour pour obtenir l'application de la loi face à un actionnaire récalcitrant ce qui a engendré des frais de conseils et de représentation, et un préjudice moral lié à son manque de transparence dans ses déclarations lequel a rejailli sur la réputation de la société en confortant son opacité.
Les intimés exposent que la société [20] ne subit pas de dommages et soulignent que les actionnaires d'[20] ont autorisé, lors de l'assemblée générale du 25 juin 2024, le projet de transfert de la cotation des titres d'[20] du marché réglementé d'[23] (compartiment C) vers le système multilatéral de négociation [22] et conféré tous pouvoirs au conseil d'administration d'[20] à l'effet de mettre en 'uvre ce transfert de cotation, qu'à l'issue d'une période transitoire, ce transfert vers le marché [22] emporte comme conséquence que seuls les franchissements des seuils légaux de 50% ou 90% du capital ou des droits de vote d'[20] seront à déclarer à l'AMF, qu'autrement dit, les actionnaires d'[20] ont souhaité s'affranchir des obligations déclaratives associées au seuil des 30% et que la présente action à l'encontre des intimés s'inscrit donc dans un mouvement inverse de l'évolution de la société [20] voulue par ses actionnaires et ses dirigeants, consistant à alléger les obligations déclaratives des actionnaires de la société.
Le ministère public souligne que ni dans les motifs des conclusions d'appel ni dans les pièces produites il n'est justifié du montant du préjudice allégué au soutien de la demande de la société [20] de se voir allouer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur ce
La société ne rapporte pas la preuve du préjudice matériel et moral qu'elle subit, l'atteinte portée qui est aujourd'hui sanctionnée étant uniquement une atteinte à la transparence du marché réglementé sur lequel elle est cotée et donc un préjudice subi par un éventuel acquéreur de titres. D'autant plus, que les intimés n'ont pas exercé leur droit de vote '
En conséquence il convient d'infirmer la décision de première instance et de dire n'y avoir lieu à condamnation à dommages et intérêts en l'absence de préjudice établi.
Sur la demande d'exécution provisoire, sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
La présente décision est assortie de droit de l'exécution provisoire en cause d'appel de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer comme le demande l'appelante, l'exécution provisoire.
Il est inéquitable de laisser la société [20] supporter la charge des frais irrépétibles engagés dans la procédure d'appel et les intimés sont condamnés à lui verser la somme de 30.000 euros à ce titre.
Les dépens sont mis à la charge de Monsieur [G] et les sociétés qu'il contrôle .
PAR CES MOTIFS
La cour,
Met hors de cause la SAS [16] en la personne de Maître [V] [N], mandataire judiciaire et Maître [V] [N] ;
Infirme le jugement rendu le 20.10.2023 sauf en ce qu'il a condamné les défendeurs à verser à la société [20] la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
et statuant à nouveau
Dit que la cour ne dispose pas du pouvoir juridictionnel d'enjoindre à Monsieur [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] de déposer une offre publique d'achat concernant les titres de la société [21] ;
Prononce la privation de la totalité des droits de vote attachés aux actions de Monsieur [F] [G], la société [24], la société [19] et la société [28] dans la société [21] pour une durée de cinq ans à compter de la date de la présente décision
Déboute la société [21] de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral et matériel ;
Condamne in solidum Monsieur [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] à payer à la société [21] la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Monsieur [G], la société [24], la SAS [19] et la SAS [28] aux dépens.