CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 28 mai 2025, n° 24/20019
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mienta France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mollat
Conseillers :
Pelier-Tetreau, Tabourot
Avocats :
de la Taille, Korkmaz, Petreschi, Rouyer
Exposé des faits et de la procédure
La société Mienta France est une société par actions simplifiée qui avait pour Objet le négoce de composants industriels ainsi que la fabrication de produits électroménagers sous la marque Mienta et plus précisément le négoce de produits finis et de composants industriels principalement de l'Europe vers l'Egypte.
Par un jugement du 13 février 2015 le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Mienta France au paiement de la somme de 3 000 000 ' pour des actes de concurrence déloyale et de parasitisme. De plus, il a été fait interdiction à la société Mienta France ainsi qu'aux sociétés Blendex Egypt,Misr Intercommerce, Nile Intercommerce, Bouri Center, Bouri General Trading, International Plytrade de fabriquer et de commercialiser les produits de la marque Mienta.
Par un arrêt du 16 mai 2018, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement.
Par un arrêt du 16 mai 2024 la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris en
raison de la non application des dispositions impératives de l'article 6 du réglement Rome II.
Par un arrêt du 7 juin 2023, la cour d'appel de Paris a confirmé 1e jugement du 13 février 2015 sauf en ce qu'il a condamné uniquement la société Mienta France à verser aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb la somme de 3 000 000'. La Cour a ainsi prononcé une condamnation solidaire de la société Mienta France en application du droit égyptien à payer cette somme avec les sociétés Blendex Egypt, Misr Intercommerce, Nile Intercommerce, Bouri Center, Bouri General Trading, International Plytrade sociétés.
Par un arrêt du 18 décembre 2024, la Cour de cassation a cassé cet arrêt de la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il a fait interdiction aux sociétés Blendex Egypt, Misr Intercommerce, Nile Intercommerce, Bouri Center, Bouri General Trading, International Plytrade sociétés ainsi qu'à la société Mienta France de fabriquer et de commercialiser quelques produits de la marque Mienta.
Par un jugement du 3 octobre 2023, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire a l'égard de la société Mienta France, avec une période d'observation de 6 mois. La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 7 juin 2023.
Par un jugement du 5 novembre 2024, le tribunal de commerce de Paris a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire de la société Mienta France.
La société Mienta France a interjeté appel de ce jugement.
*****
Par conclusions d'appelant du 13 février 2025 resignifiées le 13 mars 2025, la société Mienta France demande à la cour de :
- Déclarer la société Mienta France recevable et bien fondée en son appel,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a :
Prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Mienta France,
Fixé à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de cette procédure devra être examinée,
Nommé la SELARL ASTEREN en la personne de Me [T] [H], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur
Implicitement débouté l'appelante de sa demande d'autorisation de la poursuite de son activité,
Et statuant à nouveau,
A titre principal :
Dire n'y avoir lieu à conversion en liquidation judiciaire,
Vu l'article L.641-10 du code de commerce
Maintenir la société Mienta France en redressement judiciaire,
Ordonner le renouvellement de la période d'observation pour une nouvelle durée de 6 mois.
A défaut et à titre subsidiaire :
Autoriser la société Mienta France en liquidation judiciaire à poursuivre son activité et exploiter les produits litigieux qui lui étaient interdits avant de fabriquer et commercialiser,
En tout cas de cause,
Débouter tout contestant de toutes ses demandes,
Condamner tout succombant à payer la somme de 3.000 ' à la société Mienta France et aux entiers dépens d'appel.
*****
Par conclusions du 8 avril 2025, le ministère public conclut à la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 novembre 2024 en ce qu'il a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Mienta France en procédure de liquidation judiciaire.
*****
Par conclusions du 14 avril 2025, la SELARL ASTEREN ès-qualités de liquidateur judiciaire demande à la cour de :
- Donner acte à la SELARL ASTEREN prise en la personne de Maître [T] [H] qu'elle entend s'en rapporter à la sagesse de la Cour sur le mérite d'une infirmation ou d'une confirmation du jugement de conversion rendu le 5 novembre 2024.
- Réserver les dépens.
*****
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 30 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Mienta France expose que depuis le prononcé du jugement de liquidation judiciaire, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 18 décembre 2024 l'autorisant à fabriquer et commercialiser à nouveau ses produits. Elle soutient dès lors que c'est dans l'intérêt des créanciers de poursuivre son activité qui lui permettrait de réduire son passif en générant un chiffre d'affaires en reprenant l'exploitation des produits litigieux qui lui étaient auparavant interdits depuis le premier jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 13 février 2015. Elle indique que le développement de ce chiffre d'affaires devrait permettre également, le cas échéant, la mise en place d'un plan de redressement notamment par voie de cession. C'est pourquoi, elle demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a converti le redressement en liquidation judiciaire, de maintenir le redressement judiciaire de la société Mienta France, d'ordonner le renouvellement de la période d'observation. A défaut, et à titre subsidiaire, elle considère que la société en liquidation judiciaire pourrait poursuivre son activité et exploiter les produits litigieux, comme l'intérêt des créanciers l'exige.
Le ministère public souligne que la période d'observation de la société a expiré le 3 octobre 2024 sans avoir été renouvelée. Aucune information n'est apportée concernant l'état de l'actif et du passif de la société Mienta France. De ce fait, la société n'apporte pas d'éléments permettant de laisser espérer une possibilité d'un redressement. Si la société Mienta France évoque seulement la possibilité retrouvée de fabriquer et de commercialiser les produits litigieux de la marque Mienta depuis l'arrét du 18 décembre 2024 de la Cour de cassation, il n'est pas établi que la reprise cette activité serait suffisante pour permettre un redressement de la société Mienta France.
La société ASTEREN ès-qualités s'en rapporte.
Sur ce,
Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Mienta France est en état de cessation des paiements. Le passif déclaré est de 4 106 236,37 euros composé par une créance du Groupe Seb Moulinex et Seb SA à hauteur de 4101 557,55 euros issue d'un arrêt du 7 juin 2023 et d'une créance de M. [F] à hauteur de 4 678,82 euros. Il n'est pas fait état d'un quelconque actif disponible.
S'agissant des perspectives de redressement de la société Mienta France, la cour relève qu'aucun élément comptable et notamment les comptes ou prévisionnels permettant de vérifier les perspectives de redressement de la société n'a été produit par l'appelante.
Depuis le 1er octobre 2024, la société Mienta France n'a plus d'activité et n'a plus de salarié et il n'est pas établi que la reprise de la fabrication et de la commercialisation des produits de la marque Mienta serait suffisante pour permettre un redressement de la société.
Par ailleurs, le passif est très important puisqu'il est constitué à hauteur de 4 101 557 ' d'une créance du Groupe Seb, aujourd'hui définitive depuis la signification de l'arrêt de la cour d'appel de Paris précité du 7 juin 2023. S'il est soulevé par l'appelante que cette créance de condamnation est une condamnation solidaire avec les autres sociétés du groupe (les sociétés Blendex Egypt, Misr Intercommerce, Nile Intercommerce, Bouri Center, Bouri General Trading, International Plytrade), il n'est pas établi que les sociétés condamnées solidairement ont la capacité de payer la créance qui est déjà ancienne.
Par conséquent, l'état de cessation des paiements est caractérisé et aucune perspective de redressement n'est démontrée.
Le jugement sera confirmé.
Sur les frais de procédure
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.
Les dépens d'appel seront également passés en frais privilégiés de procédure collective.
L'équité commande à ce qu'aucune condamnation ne soit prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, par arrêt contradictoire
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 novembre 2024 ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l'emploi de dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.