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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 28 mai 2025, n° 24/13439

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Danremont (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rispe

Conseillers :

Mme Blanc, Mme Georget

Avocats :

Me Arrighi, Me Cam

TJ Paris, du 24 juin 2024, n° 24/53007

24 juin 2024

Suivant acte sous seing privé du 29 mars 2021, la société Danremont [Adresse 1] a consenti à M. [E] un bail commercial dit de courte durée prenant effet au 1er avril 2021 pour expirer le 28 février 2024, moyennant un loyer mensuel de 936 euros, payable d'avance par trimestre et une provision sur charges de 171 euros, portant sur un atelier numéro 14, au 1er étage de l'escalier B, de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3].

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 février 2024, la société Danremont [Adresse 1] a indiqué à M. [E] que son bail ne serait pas renouvelé.

Par acte du 12 avril 2024, la société Danremont [Adresse 1] a assigné M. [E] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

constater que M. [E] est occupant sans droit ni titre de l'atelier numéro 14, situé au 1er étage de l'escalier B, de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3],

ordonner en conséquence l'expulsion de M. [E] et de tous occupants de son chef, de cet atelier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dès la signification de l'ordonnance à intervenir, et ce avec l'assistance de la force publique le cas échéant,

ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles ou dans tel autre lieu du choix du bailleur, et ce en garantie de toutes les sommes qui pourront être dues,

condamner M. [E] à payer une indemnité d'occupation de 35,31 euros par jour à la société Danremont [Adresse 1] jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ou expulsion,

condamner M. [E] à payer une indemnité d'occupation de 35,31 euros par jour à la société Danremont [Adresse 1], à titre provisionnel la somme de 28 558,28 euros au titre des arriérés de loyer, arrêtée au 16 janvier 2024, date du dernier arrêté de compte, avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,

condamner M. [E] à payer une indemnité d'occupation de 35,31 euros par jour à la société Danremont [Adresse 1] la somme de 1 500 euros,

condamner M. [E] au entiers dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 24 juin 2024, le juge des référés a :

constaté que le bail du 29 mars 2021 est parvenu à son terme le 28 février 2024,

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de M. [E] et de tout occupant de son chef de l'atelier numéro 14, situé au 1er étage de l'escalier B, de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

rejeté la demande d'astreinte,

dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

condamné M. [E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par M. [E], à compter du 29 février 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires, qui pourra être révisée selon les mêmes modalités que le loyer, si besoin,

condamné M. [E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] la somme de 28 558,28 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arrêtés au 1er mars 2024, loyer du premier trimestre 2024 inclus, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

condamné M. [E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [E] aux dépens,

débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 17 juillet 2024, M. [E] a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs sauf le rejet de l'astreinte et des demandes plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 octobre 2024, il demande à la cour de :

déclarer M. [E] recevable et bien fondé en son appel,

en conséquence,

infirmer l'ordonnance du 24 juin 2024 rendue par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

'constaté que le bail du 29 mars 2021 est parvenu à son terme le 28 février 2024;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de M. [E] et de tout occupant de son chef de l'atelier numéro 14, situé au 1er étage de l'escalier B, de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3] avec le concours, en tant que besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

condamné M. [E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par M. [E], à compter du 29 février 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires, qui pourra être révisée selon les mêmes modalités que le loyer, si besoin ;

condamné par provision M. [E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] la somme de 28 558,28 euros, au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arrêtés au 1er mars 2024, loyer du premier trimestre 2024 inclus, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation ;

condamné M. [E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [E] aux dépens.'

statuant à nouveau,

constater que le contrat de bail dérogatoire du 29 mars 2021 est inapplicable à l'encontre de M. [E] ;

en conséquence,

requalifier le contrat de bail dérogatoire conclu le 29 mars 2021 en bail d'habitation soumis à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;

en tout état de cause, condamner la société Danremont [Adresse 1] à payer à M. [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Danremont [Adresse 1] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 novembre 2024, la société Danremont [Adresse 1] demande à la cour de :

débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance critiquée ;

condamner M.[E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] la somme de 2 000 euros,

condamner M. [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur l'expulsion

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ou, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

Par ailleurs, l'article L.145-5 du code de commerce dispose que :

'Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.'

En outre, alors que l'article 6 du code civil dispose qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public, en application de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les dispositions du titre Ier de ce texte, qui s'applique aux locations de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu'aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur, sont d'ordre public.

Pour obtenir l'infirmation de la décision, M. [E] fait valoir que, malgré la dénomination retenue, le bail litigieux s'analyse en bail d'habitation puisqu'il ne s'applique qu'aux personnes physiques et morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et/ou au répertoire des métiers ce qu'il n'est pas lui-même et que l'atelier constitue sa résidence principale.

Cependant, sa demande, présentée sur ce fondement, de requalification en bail d'habitation excède les pouvoirs du juge des référés de sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable.

En outre, s'il demande l'infirmation de la décision et à voir constater que le bail dérogatoire n'est pas applicable au litige s'agissant en réalité d'un bail d'habitation, il ne formule aucune prétention tendant à voir la cour dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de son contradicteur.

En tout état de cause, alors qu'il ne communique aucune pièce au soutien de ses allégations selon lesquelles les lieux loués constitueraient sa résidence principale, en se prévalant des dispositions applicables en matière de bail d'habitation et en sous-entendant, ce faisant, qu'il dispose toujours d'un titre en l'absence de congé régulièrement délivré, il ne soulève aucune contestation sérieuse.

Or, alors que la fin du bail dérogatoire était contractuellement fixée au 28 février 2024, lebailleur a adressé le 9 précédent, un courrier rappelant ce terme et invitant le locataire à restituer les locaux, manifestant ainsi, conformément aux dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce susmentionnées, avant l'expiration du délai d'un mois suivant la date contractuelle de fin du bail et de manière non équivoque, sa volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle avec le locataire.

Dès lors, le preneur s'étant maintenu dans les lieux après le terme du bail dont il bénéficiait, il convient de constater son occupation sans droit ni titre et d'autoriser son expulsion, l'ordonnance devant être confirmée de ce chef ainsi que de ceux subséquents.

Sur la demande de provision

En application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier.

Au cas présent, M. [E] ne demande pas à voir dire n'y avoir lieu à référé de ce chef et n'oppose aucune contestation sérieuse à la demande provisionnelle du bailleur au titre de la dette locative de sorte que la décision sera nécessairement confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance entreprise sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [E] sera condamné aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à la société Danremont [Adresse 1] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable devant le juge des référés la demande de requalification du bail en bail d'habitation ;

Confirme l'ordonnance entreprise dans ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne M. [E] aux dépens de l'appel ;

Condamne M. [E] à payer à la société Danremont [Adresse 1] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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