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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 28 mai 2025, n° 24/16611

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SCI Bondy Nord Investissement (SCI)

Défendeur :

Ben Auto (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

Mme Chopin, M. Najem

Avocats :

Me Attlan, Me Lasmoles

TJ Bobigny, du 7 août 2024, n° 24/00681

7 août 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 7 avril 2021, la société SCI Bondy Nord investissement a consenti à la société Ben auto un bail commercial sur des locaux sis [Adresse 4] à [Localité 6].

Le 11 mai 2023, la société Bondy Nord investissement a fait délivrer à la société Ben auto un commandement de respecter la destination du bail et de payer la somme de 10.866,19 euros en principal, correspondant à des factures quote-part de taxe foncière, de consommation d'électricité et de charges, puis, les causes du commandement n'ayant pas été régularisées, l'a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny.

Par ordonnance du 15 décembre 2023, le juge des référés a débouté la société SCI Bondy Nord investissement de ses demandes au motif que celles-ci se heurtaient à des contestations sérieuses.

Par acte du 9 février 2024, la société SCI Bondy Nord investissement a fait délivrer à sa locataire un nouveau commandement de payer la somme en principal de 9.866,54 euros au titre des loyers et charges impayés, visant la clause résolutoire.

Par acte du 10 avril 2024, la société SCI Bondy Nord investissement a fait assigner la société Ben auto devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de :

Constater l'acquisition de la clause résolutoire le 10 mars 2024 ;

Ordonner l'expulsion de la société Ben auto des locaux loués au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, à défaut de libération volontaire dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

Dire qu'en cas d'expulsion le transport et la séquestration des meubles garnissant les locaux suivra le sort prévu par le code des procédures civiles d'exécution ;

Condamner la société Ben auto à lui payer à titre provisionnel :

Une somme de 8.787,45 euros au titre des loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2024,

Une indemnité d'occupation journalière H.T égale 1% du dernier loyer annuel révisé, jusqu'à la libération effective des lieux,

Condamner la société Ben auto à lui payer la somme de 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.

La société Ben auto n'a pas comparu.

Par ordonnance réputée contradictoire du 7 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a dit n'y avoir lieu à référé et a condamné la société SCI Bondy Nord investissement aux dépens.

Le premier juge a retenu que le bailleur, ne produisant aucun décompte postérieur au commandement de payer, ne rapportait pas la preuve que le commandement était resté infructueux passé le délai d'un mois suivant sa délivrance.

Par déclaration du 25 septembre 2024, la société SCI Bondy Nord investissement a interjeté appel de l'ensemble des chefs du dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 11 octobre 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 561, 562 du code de procédure civile, L145-41 du code de commerce et 1103 du code civil, de :

Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 7 août 2024, rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny ;

Statuant à nouveau,

Constater l'acquisition de la clause résolutoire le 10 mars 2024 ;

Ordonner à défaut de libération volontaire des lieux, l'expulsion de la société Ben auto et de tout occupant de son chef, dans les quinze jours à compter de la signification de la décision, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, du local à usage commercial situé [Adresse 4] à [Localité 6] ;

Condamner la société Ben auto, conformément aux dispositions de l'article 14 du bail, à payer une indemnité d'occupation à la société SCI Bondy Nord investissement fixée à chaque jour de retard à un montant HT égal à 1% du dernier loyer révisé, et ce, à compter de l'acquisition de la clause résolutoire et jusqu'à la totale libération du local par l'intimée ;

Condamner la société Ben auto, à payer à la société SCI Bondy Nord investissement la somme HT de 8.787,45 euros au titre des derniers loyers impayés et ce avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2024 ;

Condamner la société Ben auto à payer à la société SCI Bondy Nord investissement la somme de 2.400 euros au titre tant de l'article 14 du bail que de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Elle relève que l'assignation devant le premier juge a été délivrée plus de deux mois après le commandement et elle s'étonne que l'ordonnance ait fait dépendre la solution du litige d'un élément de preuve qu'elle aurait elle-même établie. Elle précise qu'elle produit un décompte actualisé à hauteur d'appel.

Elle allègue que l'intimée n'a procédé à aucun paiement à ce jour. Elle se prévaut d'une indemnité d'occupation journalière égale à 1% du loyer annuel.

La société Ben auto n'a pas constitué avocat.

La société SCI Bondy Nord investissement a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société Ben auto le 22 octobre 2024 pour signification par procès-verbal de recherches infructueuses en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2025.

SUR CE, MOTIFS

L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le bailleur, au titre d'un bail commercial, demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail, doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d'une clause contenue à l'acte à cet effet, à condition que :

le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,

le bailleur soit, de toute évidence, en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,

la clause résolutoire soit dénuée d'ambiguïté et ne requiert aucune interprétation.

Le commandement de payer du 9 février 2024 délivré à l'adresse des lieux loués, adresse de l'unique établissement de la société Ben auto tel que mentionné sur le registre du commerce et des sociétés, est régulier. Un commissaire de justice a constaté l'impossibilité de le signifier à personne, malgré la présence d'une enseigne, du nom sur la boite aux lettres et de la confirmation d'une personne sur place.

Il n'existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement en ce qu'il reprend le détail des montants réclamés par le bailleur. En annexe du commandement, figure en effet le détail complet des loyers et charges dus et le décompte des versements effectués. Le commandement précise qu'à défaut de paiement dans le délai d'un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail ; la reproduction de la clause résolutoire et de l'article L.145-17 alinéa 1er du code de commerce y figurent. Le commandement contenait ainsi toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.

En faisant délivrer ce commandement, la SCI Bondy Nord investissement n'a fait qu'exercer ses droits légitimes de bailleur face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.

Ce commandement détaille le montant de la créance, à savoir une somme de 8.579,26 euros, outre 1.287,28 euros au titre des charges, mensualité de janvier 2024 inclus.

Les causes de ce commandement n'ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.

Dès lors, la clause résolutoire est acquise au 9 mars 2024 et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit.

Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre du fait de la résiliation du bail, constitue un trouble manifestement illicite.

L'expulsion de la société Ben auto et de tout occupant de son chef doit donc être ordonnée en cas de non restitution volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification de la présente décision.

Le sort des meubles trouvés dans les lieux sera régi en cas d'expulsion conformément aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution et selon les modalités précisées au dispositif de l'ordonnance.

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.

Il est rappelé qu'à compter de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, le preneur n'est plus débiteur de loyers mais d'une indemnité d'occupation.

Les pouvoirs du juge des référés qui accorde une provision sont limités par le caractère non sérieusement contestable de l'obligation. La clause du bail qui stipule que l'indemnité d'occupation journalière sera fixée à 1% du loyer annuel s'analyse en une clause pénale pouvant être modérée par le juge du fond en raison de son caractère manifestement excessif de sorte que le caractère non sérieusement contestable de l'obligation n'est pas établi et qu'il n'y a pas lieu à référé sur l'application de cette clause.

L'indemnité d'occupation due jusqu'à la libération des locaux sera dès lors fixée à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires.

S'agissant du paiement, par provision, de l'arriéré locatif, il convient de rappeler qu'une demande en paiement de provision au titre d'une créance non sérieusement contestable relève du pouvoir du juge des référés sans condition de l'existence d'une urgence, aux termes de l'article 835 du code de procédure civile. Le montant de la provision allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée

Aux termes de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, au vu du décompte produit par la SCI Bondy Nord investissement, l'obligation de la société Ben auto au titre des loyers, charges, taxes, accessoires n'est pas sérieusement contestable à hauteur de 8.787,45 euros (au 9 mars 2024), somme au paiement de laquelle il convient de condamner la société Ben auto, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2024 (date de délivrance du commandement) sur la somme de 8.579,26 euros et à compter du 10 avril 2024 (date de l'assignation devant le premier juge) pour le surplus.

Le sens de la présente décision conduit à infirmer les dispositions de l'ordonnance s'agissant des dépens.

La société Ben auto sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 mars 2024 ;

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Ben auto et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 4] à [Localité 6] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

Rappelle que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Fixe à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Ben auto, à compter de la résiliation du bail du 9 mars 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés ou l'expulsion, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

Condamne par provision la société Ben auto à payer à la SCI Bondy Nord investissement la somme de 8.787,45 euros au titre des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 9 mars 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2024 sur la somme de 8.579,26 euros et à compter du 10 avril 2024 pour le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la clause pénale ;

Condamne la société Ben auto à la SCI Bondy Nord investissement la somme de 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Ben auto aux dépens de première instance et d'appel.

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